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Full text of "L'Internationale et le jacobinisme au ban de l'Europe"

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L'INTERNATIONALE 

ET 

LE   JACOBINISME 

AU    BAN    DE    L'EUROPE 


\ 


OUVRAGES  DU  MEME  AUTEUR 
K  N  VENTE  A  LA  L  1  It  R  A  I  K  i  i:  L  A  Cil  A  H  H 


L'INTERNATIONALE.  —  Son  origine  —  Son  but  —  Son  caractère  — 
Ses  statuts  —  Ses  congrès,   etc.,  etc.  7»  édition,  1  vol.  in-18 3  1r. 

LE  LIVRE  BLEU  DE  L'INTERNATIONALE.  —  Collection  complète 
des  rapports  officiels  lus  aux  congres  de  Genève,  Lausanne,  Bruxelles 
et  Bâle  par  le  Conseil  général  de  Londres  et  les  délégués  des  différen- 
tes sections  de  l'Internationale,  1  vol.   in-18 3     » 

LE  DRAME  DE  LYON  (20  décembre  1870^.  Relation  de  l'assassinat  du 
commandant  Arnaud.  —  Compte  rendu  des  débats.—  Réquisitoire  du 
tiiinistère   public.  1   vol.  in-8« 1     » 

LE  ROLE  DE  L'INTERNATIONALE  depuis  le  *  septembre ,  une  bro- 
chure in-S»  (Epuisée) .-  .10 


SOUS  PRESSE 

L'INTERNATIONALE    ET    LE    JACOBINISME    AU   BAN   DE  L'EUROPE 

TOME     II 

APERÇU  DES  MATIÈRES  CONTENUES  DANS  CE  VOLUME 

Les  exploits  de  l'Internationale  à  Lyon  les  28  septembre,  i  novembre,  19  et 
:20  décembre  1870,  23  mars  et  30  avril  1871. —  Les  lignes  du  Midi  et  de  l'Est.— 
Le  général  Cluseret  à  Marseille ,  Aix  et  Genève.  —  Ses  attaques  contre  le 
gouvernement  de  la  défense  nationale.—  Il  annonce  que  l'heure  de  la  justice 
•l  des  revendications  populaires  armera  bientôt.  —  Les  émeutes  du  Crenzot, 
Saint-Étienne,  Marseille,  Aix,  Grenoble,  Tliiers  (Puy-de-Dôme),  Limoges, 
Toulouse,  Bordeaux,  Cosne,  La  Charité,  Dorlives,  Montargis,  Perpignan, 
Périgueux ,  Narbonne,  Olonzac  (Hérault).  —  Participation  de  l'Internationale 
à  la  plupart  de  ces  mouvements  insurrectionnels.  —  Ses  agissements  à  Brest  et 
à  Rouen.  —  L'Internationale  maîtresse  de  Paris.  —  Son  rôle  aux  4  septembre, 
31  octobre,  22  janvier  et  18  mars. 

Ses  émissaires  parcourent  les  départements  —  Placards  et  manifestes  incen- 
diaires.—  La  Commune  et  le  Comité  central. —  Détails  inédits.  —  Biographie 
des  chefs  de  l'Internationale.—  Situation  actuelle  de  l'Internationale  en  Europe. 


Clichy.  —  Impr.  l'aul  Dupont  et  C'",  rue  du  Bac-d'.\snières,  tl. 


£m9r 


•raTERMTMALE 


ET 


LE  JACOBINISME 


AU    BAN    DE    L'EUROPE 


OSCAR     TESTUT 


^^m^ 

PARIS 

E. 

I.AGHAUD.     ÉDITEUR 

4,    PLACE  nu  THlfATRB-FHAΫÇAlS 

1872 

Teu»  droits  réservés. 

4-o^Too^ 

T^T'^^^T^ 

< 


prefacp:. 


«  BOURGEOIS  ET  CAPITALISTES,  VOS  .I(U1\S  SONT  COMl'- 
TÉS;  A  VOUS  DE  VEILLER  ET  SURTOUT  u'aVISEK  ;  IL  x'eN 
EST  QUE  TEMPS.     ■• 

Tel  est  le  cri  que  nous  poussâmes,  il  y  a  six  mois  ; 
mais  à  quoi  donc  ont  servi  et  rot  avertissement  qui 
ne  nous  était  inspiré  que  par  notre  profond  désir  de 
secouer  la  torpeur  de  la  bourgeoisie  et  de  la  convier 
à  se  prémunir  contre  les  conséquences  désastreuses 
du  cataclysme  social  dont  elle  était  menacée,  et  ces 
pressantes  exhortations  (]ue  lui  ont  maintes  fois 
adressées,  dans  le  même  but,  des  voix  plus  autorisées 
que  la  nôtre? 

Qu'avez-vous  fait,  BOURGEOIS,  depuis  cette 
époque,  pour  conjurer  l'orage  amoncelé  sur  vos  tètes? 
Oii  sont  les  mesures  i[\ie  vous  avez  prises?  Quels 
sont  les  moyens  dont  vous  disposez  pour  combattre 
le  iléau  de  Vln/ernationale?  \ous  ôtes-vous  concertés 
pour  opposer  une  digue  i)  ce  torrent?  —  Avez-vous 
entrepris  une  croisade  conti'e    son   développement? 


II  PREFACE. 

—  Non,  VOUS  n'avez  rien  fait,  absolument  rien  :  vous 
avez  mieux  aimé,  fidèles  à  vos  traditions,  rester  dans 
l'inaction  la  plus  complète.  —  La  leçon  du  18  mars 
et  l'expérience  du  passé  ne  vous  ont  nullement  profité, 

—  vous  avez  lout  oublié  ;  vous  ne  songez  plus  dé- 
sormais qu'à  reprendre  le  cours  de  votre  joyeuse 
existence,  vous  en  remettant  sans  doute  à  d'auti'cs 
du  soin  d'assurer  voire  avenir. 

Gomment  qualifier  une  pareille  conduite?  Oue 
penser  d'une  caste  qui  se  désintéresse  d'une  question 
aussi  vitale? 

Ah!  MESSIEURS  LES  BOURGEOIS,  pendant  que  vous 
vous  endormez  dans  une  indifférence  qui  n'a  cl'égale 
que  votre  égoïsme,  Vlnteimationale,  elle,  se  prépare 
activement  à  une  nouvelle  levée  de  boucliers.  Elle  ne 
vous  dissimule  plus  ses  projets  :  elle  a  aujourd'hui 
complètement  levé  le  masque.  Ce  n'est  plus  seule- 
ment à  vos  fortunes  qu'elle  en  veut  ;  c'est  encore  et 
surtout  à  vos  jours.  N'allez  pas,  dans  votre  naïveté, 
comme  au  temps  où  Gluseret  parlait  de  brûler  Paris 
le  jour  où  il  en  serait  devenu  maître,  prendre  ces 
menaces  pour  de  la  fanfaronnade.  11  s'agit  ici  d'un  pro- 
jet mûrement  arrêté  :  si  vous  persistez  dans  votre 
attitude,  l'Internationale  accomplira  bientôt,  soyez-en 
sûrs,  toutes  les  horreurs  dont  chaque  jour  ses  organes 
se  plaisent  à  vous  faire  Tépouvanlable  énuméralion. 


iMiKFAci';.  m 

A  riioiirc  où  nous  traroiis  ces  lignes,  elle  s'agite; 
fiévreusement  dans  loute  l'Europe  :  partout  les  grèves 
se  multiplient  ;  partout  la  lutte  entre  le  capital  et  le 
travail  prend  les  proportions  les  plus  alarmantes  :  on 
se  croirait  à  la  veille  de  cette  grève  générale  tant  pré- 
conisée au  congrès  de  Bruxelles. 

En  France,  à  la  faveur  de  nos  divisions,  de  l'in- 
quiétude croissante  des  esprits,  de  l'incertitude  dans 
laquelle  nous  vivons,  de  la  rivalité  des  partis  multi- 
colores qui  se  disputent  le  pouvoir,  et  de  l'existence 
de  tous  ces  comités  soi-disant  électoraux,  elle  a  pu  re- 
gagner du  terrain  et  se  réorganiser  puissamment. 
—  Forte  de  l'appui  qu'elle  trouve  dans  les  déborde- 
ments du  RADICALISME  et  dans  les  excitations  in- 
cessantes d'une  CERTAINE  PRESSE;  enhardie 
par  l'impunité  dont  jouissent,  auprès  des  nations  voi- 
sines, ses  membres  les  plus  compromis  dans  l'insur- 
rection parisienne^  et  persuadée  que  l'amnistie  lui 
rendra  bientôt  ses  plus  héroïques  défenseurs,  elle  se 
fait  un  jeu  de  vous  jeter  chaque  jour  les  défis  les  plus 
insolents. 

Écoutez  en  effet  le  langage  que  tiennent  ses  adeptes  : 
nous  tenons  à  ce  que  vous  soyez  une  fois  de  plus 
édifiés  sur  le  sort  qui  vous  attend  : 

«  VOUS  AVEZ  PROVOQUÉ  L'INTERXATIO- 
NALE,  s'écriait,  il  y  a  quelques  heures  à  peine,  de- 


,v  PHKFAi;i-:. 

viuil  lin  conseil  de  guerre,  rmi  de  ses  délégués  à  Lyon, 
le  ('doyen  VIberl.  LeManc,  kii  hikx!  vous  serez  écrasés 

l'Mt  EU. F-  !     » 

.'  Lk  .loi'ii  EST  i'U(if;iii:,  mnis  annonci' à  sou  tour 
lex-çoii\maudau^de  la  légion  fédérale  belge,  le  com- 
nuuidanl  MeloLte,  OU  L'INTERNATIONALE  PRO- 
MÈNEliA  SA  TOUCHE  ET  SA  HACHE  DE  ML- 
LAOE  EN  VILLAOE,  SA  HACHE  POUR  VOS 
TÈTES  ET  SA  roiiniIE  POT'R  VOS  CHA- 
TEAUN.    . 

Est-ce  assez  clair  cl  assez  significatif?  Et  pourtant 
ces  pasquinades  sinistres  ne  sont  rien  auprès  des 
hurlements  lugubres  et  des  imprécations  des  Ver- 
mesch,  des  Horgella  et  autres.  Qu'on  en  juge  par  les 
appels  siiivanls  à  l'assassinat  et  à  l'incendie  : 

«     O    lîÉVOLI  TION  !    NOUS  NE    NOUS    SOMMES    PAS     ASSEZ 

.  SOUVENUS  QUE  TU  VEUX  QU'ON  T'EM- 
.  BRASSE  AVEC  DES  BRAS  ROUGES  DE 
«•  SANU...  NOUS  AVONS  ÉTÉ  DOUX  POUR 
.  CES  GUEUX  EFFAROUCHÉS.  PARDONNE, 
.  NOUS  NE  LE  FERONS  PLUS!  DÉSORMAIS, 
-  EN  IRE  CES  DROLES  ET  NOUS,  LA  GUERRE 
.  EST  ÉTERNELLE;  PLUS  DE  FER  ROUGE, 
.  PLUS  DE  BACJNE,  PLUS  DE  MÉPRIS 


.    LA   MOHT!...   0  ^rillOMPHATELUS  D'AllAl- 
.   TOï[{,  INFAMES!... 

Un  jour  viendra  bienlùl,  où  les  cnfanls,  les  {eiiiines, 

Les  mains  frêles,  les  })etits  bras, 
S'armeront  de  nouveau  sans  peur  des  fusilhule^^, 

Lt  sans  respect  pour  vos  canons  : 
Les  faibles  sans  pâlir  iront  aux  ];arricades  : 

[.es  petits  seront  nos  clairoii>. 
Sur  un  fronUie  bataille  épouvantable  et  large 

L'émeute  se  relèvera; 
Fa  sortant  des  pa^és  pour  nous  sonner  la  charge. 

Le  spectre  de  Mai  pariera... 
11  ne  s'agira  plus  alors,  gueux  hypocrites, 

]Je  fusiller  obscurément 
Quelques  mouchards  abjects,  quelques  obscurs  jésuiles 

Canonisés  subitement  ; 
11  ne  s'agira  plus  de  brûler  Irois  bicoques 

Pour  défendre  tout  un  quartier  ; 
PI  us  d'hésitations  louches  !  plus  d'équivoques  ! 

Bourgeois,  tu  mourras  loui  entier  î 
La  conciliation,  lâche,  lu  Tas  tuée  î 

Tes  cris  ne  te  sauveront  pas  î 
Tu  vomiras  ton  âme  au  crime  liabituée 

En  invoquant  Thiers  et  Judas  ! 
Nous  t'apportions  la  paix  et  tu  voulus  la  guerre  : 


VI  PREFACE. 

Eh  î  nous  l'aimons  mieux  ainsi  : 
Cette  insurrection  sera  la  dernière  ; 
Nous  fonderons  notre  ordre  aussi  ! 
iNon,  rien  ne  restera  de  ces  coquins  célèbres, 

Leur  monde  s'évanouira  ; 
Et  toi  dont  l'œil  nous  suit  à  travers  nos  ténèbres, 

Nous  t'évoquerons,  ô  Marat  ! 
Toi  seul  avais  raison  :  pour  que  le  pleuple  touche 

A  ce  port  qui  s'enfuit  toujours, 
11  nous  faut  au  grand  jour  la  justice  farouche, 

Sans  haines  comme  sans  amours, 
Dont  l'effrayante  voix  plus  haut  que  la  tempête 

Parle  dans  sa  sincérité. 
Et  dont  la  main  tranquille  au  ciel  lève  la  tête 

De  Prudhomme  décapité  '  ! 

La  prose  de  Borgella  "  et  de  son  digne  maître,  La 
Gécilia^  vaut  encore  mieux.  En  voici  des  échantillons  : 

«  Vous  verrez   se  dresser  un   matin,  et 
pour  vous  tous,  les  potences  de  Montfaucon. 
«  Mais  ce  sera  place  de  la  Concorde. 


'  Le  Qui-Vive  (numéro  du  i5  novembre  1871), 

-i  Borgella,  ex-lieutenant  colonel  d'artillerie,    ex-aide  de  camp  du   général 
i.a  Cécilia. 


PREFACE.  VII 

«  A  ces  gibets  énormes,  où  s'accrochaient 
jadis  les  misérables  indignes  de  la  hache  et  du 
billot,  on  vous  accrochera. 

«  Et  vous  serez  là,  pendus,  la  face  convul- 
sée^ la  langue  grosse,  toute  bleuie  et  les  yeux 
■jaillissants. 

((  Et  vous  y  resterez  nuit  et  jour,  au  soleil, 
à  la  pluie,  jusqu'à  pourriture  complète  de 
votre  sale  cadavre,  qui,  lambeaux  par  lam- 
beaux, s'en  ira  dans  la  poussière  ou  la  boue 
de  la  place  publique. 

«  Nous  saurons  aussi  trouver  vos  enfants 
et  vos  femmes. 

«Et  nous  les  mènerons  sous  les  potences. 
Et  sous  vos  cada^  res,  nous  les  ferons  danser. 
Et  ils  danseront  en  mesure  ;  car  c'est  nous  qui 
la  battrons,  la  mesure,  avec  nos  cravaches, 
sur  leurs  épaules. 

((  L'orchestre,  ce  seront  deux  millions  de 
voix  criant  à  l'unisson  : 

«  Voilà  la  Justice  de  Paris  vengé  ! 

«     •     °     *     *     •     • 

ce  Pour  moi,  à  la  vue  de  Rossel,  de  celui 

qui  fut  mon  ami,  la  poitrine  défoncée  par  les 

balles  de  ces  tueurs  d'enfants  ;  à  la  vue  de 

Ferré  râlant,  ce  ne  sont  pas  des  pleurs  qui 


VIII  pp.  EFAGF.. 

viennent  à  mes  yeux,  c'est  une  fureur  froide, 
concentrée,  qui  me  monte  au  cerveau. 

«  Bourgeois,  vous  avez  été  plus  lâches 
que  la  lâcheté,  plus  féroces  que  la  férocité. 
Mais,  so}  ez  tranquilles,  l'heure  de  régler  vos 
comptes  viendra, 

«  Ce  sera  le  jour  de  la  justice  implacable, 
sans  pitié.  Et  dans  ce  Jour,  j'en  fais  le  ser- 
ment, bourgeois  : 

«  Je  vouerai  aux  njànes  de  nos  deux  mar- 
tyrs une  hécatombe  de  Yersaillais.    » 

Et'  cette  élégie  insérée  dans  V Égalité,  de  Genève 
(numéro  du  7  décembre  1871),  sous  ce  titre  :  La 
Grâce  des  Chouans,  ne  contient-eJle  pas,  dans  des 
termes  en  apparence  moins  violents,  l'annonce  des 
plus  sanglantes  représailles  et  une  déclaration  de 
guerre  à  tout  ce  qui  n'est  pas  l'Internationale? 

-    FERRÉ  N'EST  PLUS!... 

.  ROSSEL ,  BOURGEOIS ,  GASTON  GRÉ- 
.  MIEUX  SONT  ASSASSINÉS!  LA  HORDE 
.  DES  BANDITS  PRÉTORIENS  A  SATISFAIT 
.  SA  JUSTICE,  LA  BANDE  DES  BOURREAUX 
'  A  FÊTÉ  SES  SATURNALLES  SANGLAN- 
'   TES.  EH  QUOI!  JÉSUITES  JOURNALISTES! 


i'i;Kr.\(:i;.  ix 

.  CRIEZ  MAINTENANT  UlJ'IL  FAUT  S'INCIJ- 
.  NER  DEVANT  LES  ARRETS  ïNFr.EXIBLES 
.  DE  VOS  r.AVKAU  ET  DE  VOS  HOMMES  DE 
.    GRACE. 

.  HOMMES  D'ÉTAT!  PRÊCHEZ  [lYPOORl- 
«  TEMENT  LA  RÉCONCILIATION  A\  KC:  LA 
.   CLIQUE  CRIMINELLE  DES  (lOUVERNANTS. 

.0  DÉFENSEURS  DE  l/ORDDE,  DE  LA 
RELIGION,  DE  LA  PROPRIÉTÉ!  ^  PRENEZ 
.  GARDE  A  LA  RÉPONSE  DU  PEUPLE,  LE 
«  JOUR  PROCHAIN  DU  NOUVEAU  COMBAT... 
.  LA  SOCIÉTÉ  BOTIRGEOISE  POURRA  n  VOIR 
«  ALORS  SI  VOUS  L'AVEZ  BIEN  DÉFENDUE 
«  EN  DÉCRÉTANT  i /ASSASSINAT  DE  NOS 
«   MARTYRS. 

«    iiK       Qll       l'OUI'vl!i:Z-\"Oi;S      KXHIEU     Ql'ON      HKSI'ICCTK 

.  VOTRE  RELIGION  SANGUIN/JilE,  (JUANIJ 
«  VOUS  i-OULEZ  AUX  PIEDS  ET  NO^EZ 
«  DANS   LE     SANG   LE    PLUS   PUR    LA  RE- 

-  LIGION  DU  PEUPLE  QUf  LUI  COMMANDE 
"  DE   S'INSURGER     CONTRE     LES     MISÉRA- 

-  BLES  TRAITRES  ET  AFFAMEURS  DU  PEU- 

-  PLE^/ 

ET   VOUS  APPELEZ  CELA  •  L'ORDRE  El 
•    LA     LIBERTÉ  .     ■    comme    lk    i'hocu.amenï     lks 


X  PRÉFACE. 

«      ASSASSINS  DE   VERSAILLES!  '    EH    BIEN!    LE    PEU- 

«  PLE  NE  VEUT  NI  DE  CET  ORDRE  NI  DE 
«  CETTE  LIBERTÉ,  ET  UN  JOUR  IL  AURA 
..    RAISON    ET    DE  VOTRE   ordre   et  de  vous. 

«    CROYEZ-VOUS     AVOIR    VAINCU    LE      PEUPLE     PAR    CET 
ASSASSINAT?      SES     ASPIRATIONS,     LES      AVEZ-VOUS 

DÉTRUITES  EN  TUANT  QUELQUES-UNS 
DE  NOUS?  LA  VOLONTÉ,  L'AVEZ-VOITS 
ÉBRANLÉE  ?  NON. 

«  FÉROCES  CRÉTINS,  IGNOREZ-VOUS  QUE 
.  LE    MONDE  OUVRIER    PROFESSERA    tou- 

(C    jours  LA    VÉNÉRATION  POUR  LA  MEMOIRE  DE    SES    MAR- 

.<  TYRS?  CROYEZ-VOUS  QUE  CETTE  MÉMOIRE 
«   INSPIRE   AU    PEUPLE    PLUTOT   L'OBÉIS- 

«    SANCE  QUE  LA  VENGEANCE  ? 

«  NON!  VOUS    N'AVEZ  PAS  D'ARMES  AS- 
SEZ PERFECTIONNÉES   POUR  ÉTOUFFER 


1  Ce  ne  sonl  plus  seulement  les  intei'nalionaux  qui  qualifient  iVassassinat 
l'exécution  de  Rossel,  Ferré  et  autres.  Il  s'est  trouvé  au  sein  même  de  l'As- 
semblée nationale  un  homme  qui  a  poussé  l'ouhli  des  convenances  parle- 
mentaires jusqu'à  traiter  d'assassins  les  membres  de  la  commission  des  i,'ràces 
[Journal  officiel,  séance  du  samedi  9  décembre).  Cet  homme,  c'est  le  citoyen 
Ordinaire,  l'un  des  candidats  du  cercle  de  la  rue  Grolée  de  Lyon. 

Quant  à  la  presse  rouge  de  la  province,  elle  a  tenu  à  ne  pas  laisser 
échapper  une  si  belle  occasion  de  recommencer  ses  invectives  à  l'adresse  des 
élus  du  suffrage  universel.  Qu'on  en  juge  par  cal  entrefilet  emprunlé  à 
VÉmancipation  de  Toulouse:  c.  Hossel,  dites-vous,  a  pardonné  à  ses  jugesl 
la  conscience  publique jiardonnera-t-elle  à  ses  bourreaux? 


PUÉFACK.  XI 

.  DANS  NOS  CŒURS  LE  RESSENTIMENT 
«  QUI  PORTE  LES  HOjSIMES  JUSQU'A  LTIÉ- 
«   ROISME   ET    L'ABNÉGATION. 

«  LES  ARMES  DE  CES  PELOTONS  MEUR- 
.  TRIERS  DIRIGÉES  CONTRE  LES  POITRINES 
«  DE  NOS  FRÈRES,  CES  ARMES  SE  TOUR- 
.<  NERONT  CONTRE  VOUS.  PAR  LE  FORFAIT 
«  QUE  VOUS  VENEZ  DE  COMMETTRE,  VOUS 
«  AVEZ  PRONONCÉ  VOTRE  PROPRE  ARRÊT  ! 
«  VOUS  VOULEZ  NOUS  DONNER  UN  EXEM- 
.<   PLE  INSTRUCTIF,  A  VOTRE  TOUR,   NOUS 

*  VOUS  FORCERONS    d'accepter    la  leçon   non 

«    MOINS    INSTRUCTIVE    QUE   NOUS    EN    TIRONS. 

«  NOUS  VOUS  L'AVONS  DIT,  IL  Y  A  SIX 
.<  MOIS  :  LE  VRAI  ASSASSIN  DE  L'ARCHEVÈ- 

*  QUE  EST  VOTRE  GOUVERNEMENT  RURAL. 
.  SI  LA  MORT  DE  L'ARCHEVÊQUE  DEVAIT 
«  ÊTRE  EXPIÉE  PAR  UN  CHATIMENT,  POUR- 
«  QUOI  AVOIR  TUÉ  FERRÉ,  QUAND  LES  RU- 
.<  RAUX  ET  LEURS  SPADASSINS  EXISTENT? 

«  VOUS  ASSASSINEZ  ROSSEL  ET  BOUR- 
«  GEOIS...  C'EST  BIEN,  mais  vous  qui  avez 
«  VENDU  LA  FRANCE  A  BISMARK,  VOUS, 
«  LES  BAZAINE,  LES  TROCHU,  LES  FAVRE, 
»  LES  DUCROT,  LES  CISSEY,  LES  VINOY, 
«  LES  MAC-MAHON  ET    TOUTE  LA   TOURBE 


XII  IMvKFACK. 

SAUVAGE  DES  RUP»AUX,  VOUS  OUI  AVEZ 
TRAHI,  VOUS  VERSEZ  LE  SANG  DE  NOS 
FRËl{ES,  ET  ON  NE  VOUS  FUSILLERAIT 
PAS!...  NON.  POUR  CETTE  HORDE  ODIEUSE 
DES  TERRORISTES  VERSAILLAIS,  L'EN- 
NEMI, C'EST  LE  PEUPLE  DE  PARIS. 

'  VINSI  DONC,  PEUPLE  DE  PAPJS,  PEU- 
PLE QUI  AS  APPORTÉ  EN  HOLOCAUSTE 
AUX  MASSACREURS  VERSAILLAIS  PLUS 
DE  50,000  SOLDATS  DU  CONTINGENT  RÉ- 
VOLUTIONNAIRE ,  TE  VOILA  RÉDUIT  A 
VOIR  QUE  TANT  DE  SANCr  OUVRIER  N^A 
PU  ASSOUVIR  LA  SOIF  DE  TES  GOUVER- 
NANTS; PRENDS  PATIENCE.  TES  SOUF- 
FRANCES SONT  CELLES  DU  PROLÉTA- 
RIAT INTERNATIONAL;  CE  PROLÉTARIAT 
SE  SENT  OUTRAGÉ  PAR  LTNFAME  AS- 
SASSINAT CO^^IMIS  SUR  TES  DÉFENSEURS! 
CELA  NE  FERA  QU'AVANCER  LE  JOUR 
DELA  REVENDICATION  GÉNÉRALE,  ET  CE 
JOUR-LA  TU  AURAS  LE  DROIT,  DRO rr 
DE  RÉCIPROCITÉ,  DE  TE  RAPPELER  QUE 
CES  BANDITS  VERSAILLAIS  T'ONT  TRAITÉ 
EN  ENNEMI. 

ALLONS,  FRÈRES,  DU  COURAGE,  ET 
PUISQU'IL  FAUT  LUTTER,  LUTTONS  POUR 


KKF.vCK.  Xlll 


.  Kl\\lUiXK(l  Ai:  MONDE  LA  TRISTK  HKPKTi- 
.  TiON  ])K  CK^^  COMÉDIES  IXEEPvNALES 
.   D'HOMMES  SAXS  EXTRAILKES. 

l'iio  dcriiirri*  cilaiio!'.  Elle  osl,    on   iic   ;>(.'iil  ol  k 
<'dili;ini.c  : 

c  AppiCiiez  (juc  nous  n'avons  plus  aa 
cœur  que  ridée  cVune  vengeance^  et  nous  \n 
voulons  terrible,  exemplaire. 

'(  Un  joui'  vieiidra,  vous  ie  sa\ez^  oil  nous 
serons  de  nouveau  maîtres  de  la  place. . . 

'■  Il  ny  aura  plus  de  grâce^  plus  de 
merci  >>,  [)om'  ies  tueurs  de  juin  1848  eî  de 
mai  1871. 

(  lYoïis  faucherons  vos  léteSj  seraient' 
elles  couvertes  de  cheveux  blancs,  et  cela 
avec  le  plus  grand  calme.  Vos  femmes,  vos 
filleSj,  nous  n  aurons  plus  j)our  elles  m 
respecL  ni  pitié;  nous  n'aurons  que  la 
mort!  La  mort^  jusqu'à  ce  que  votre  race 
maudite  ait  disparu  à  tout  jamais, 

<(  A  bientôt,  messieurs  les  bourgeois  !  » 

Vous  voilà  suffisamment  avertis  :  vous  êtes  donc 
condamnés  à  périr,  et  vous  ne  devrez,  ce  jour-là,  vous 


x\\  prefacf;. 

en  i)rendre  qu'à  vous-mêmes  de  votre  anéantisse- 
ment   Ponl-êli'c  vous  j-éveillerez-vous  enfin  de  vo- 
ire apathie Hélas  !  il  est  téméraire  de  l'espérer  !.... 

Étudier  le  rôle  politique  joué  i)ar  l'Internationale 
depuis  sa  fondation  jusqu'à  l'heure  présente  ;  signaler 
son  intrusion  constante  dans  le  domaine  i)olitique  ; 
réfuter  i)ar  des  preuves  irrécusables  les  objections 
de  ceux  qui  prétendent  qu'elle  a  dévié  de  son  but; 
dévoiler  ses  agissements  à  la  veille  des  élections  ;  re- 
produire tous  les  documents  de  nature  à  jeter  un  jour 
nouveau  sur  ses  menaces  exclusivement  politiques  ; 
rendre  compte  de  son  attitude  en  France  dans  les  pre- 
miers mois  de  l'année  1870  et  à  l'époque  du  plébiscite  ; 
indiquer  sa  participation  dans  le  fameux  complot  des 
bombes  ;  énumérer  les  poursuites  dont  elle  a  été 
l'objet  en  France  et  en  Autriche  ;  rechercher  la  part 
qu'elle  a  prise  dans  les  grèves  des  ouvriers  en  bâti- 
ment de  Genève  ;  constater  le  désarroi  profond  et  les 
désorganisations  à  peu  près  complètes  qui  ont  été  les 
conséquences  des  condamnations  prononcées  contre 
la  plupart  de  ses  memltres  ;  faire  connaître  le  résultat 
de  ces  poursuites  et  les  noms  des  individus  frappés 
]xir  la  justice  ;  divulguer  les  DicTioxNAmES  et  alpha- 
liETS  SECRETS  dout  sc  sorvcut  SCS  «  intimes  »  ;  rappeler 
les  tentatives  de  soulèvement  que,  de  concert  avec 
«  la  fine  fleur  »  du  jacobinisme,  elle  sut  provoquer  au 


PKKI'ACE.  W 

loiidemain  dv  nos  premiers  désastres;  proseiilor 
riiistorique  de  toutes  les  émeutes  qu'elle  a  suscitées  à 
Lyon,  Marseille,  Saint-Etienne,  Brest,  le  Greuzot, 
Bordeaux,  Grenoble,  etc.,  etc.  ;  parler  de  l'organisation 
de  cette  comédie  militaire  que  l'on  a  décorée  du  nom 
de  ligue  du  Midi  ;  retracer  tous  les  faits  de  l'Interna- 
tionale et  du  jacobinisme  depuis  le  4  septembre  1870 
jusqu'au  mois  de  juin  1871  ;  montrer  de  quelle  ma- 
nière et  dans  quelles  circonstances  ces  deux  fléaux 
se  sont  coalisés  pour  travailler  à  l'avènement  de  la 
révolution  sociale  par  la  violence  et  les  moyens  les 
plus  extrêmes;  faire  l'histoire  de  la  commune  de 
Paris,  etc.,  etc.,  tel  est,  en  résumé,  le  but  de  cette  nou- 
velle publication.  Puisse  cette  étude  dessiller  enfin  les 
yeux  des  conservateurs,  et  leur  montrer  l'influence 
désastreuse  qu'ont  exercée  pendant  plusieurs  mois, 
sur  les  destinées  de  notre  malheureux  pays,  tous  ces 
prétendus  comités  de  salut  public,  ces  hgues  du 
salut  de  la  France,  ces  fédérations  révolutionnaires 
dont  nous  avait  dotés  l'Internationale  et  son  digue 
allié  le  jacobinisme  ! 

OscAii   TESTUT. 

Paris,  le  10  décembre  1S71. 


4.  ■ 


\ 


L'INTËKNATIONALE 

LE   JACOBINISME 
AU    BAN     DE     L'EUROPE 

GHAriTHE   PREMIER. 

l'imeunationale   s'occupe-t-elle  de  politique  ? 

Il  est  de  mode  aujourd'hui  de  prétendre  que  l'Internationale 
a  dévié  de  son  but,  qu'elle  s'est  écartée  «  de  celle  pensée 
ulile,  généreuse  et  progressive  »  dont  parlait  l'organe  du  mi- 
nistère public,  lors  de  la  poursuite  dirigée  en  1868  contre  la 
[)remière  commission  du  bureau  de  Paris. 

Nous  ne  pouvons  partager  cette  illusion  :  l'émancipation  du 
prolétariat  n'a  jamais  été  que  le  prétexte  nppaient  do  l'Inter- 
nationale; le  renversement  de  tout  ordre  social  et  politique,  tel 
a  toujours  été  et  tel  sera  toujours  son  vérilablc  Lui.  Que 
quelques  adeptes  aient  agi  de  bonne  foi  et  aient  voulu  se  borner 
à  l'étude  des  problèmes  économiques ,  c'est  possible  ;  mais  il 
n'en  est  pas  moins  incontestable  que  l'Internationale  s'est  im- 
miscée dans  toutes  les  (jucstions  jioiiti(iuos,  et  qu'elle  s'esL 
mêlée  à  tous  les  agissements  révolutionnaires. 

1 


2  L'INTERNATIONALE 

Dès  roriyiui',  une  seule  pensée  préoccupe  ses  fondateurs  : 
recruter  le  plus  grand  nombre  possible  d'adhérents  et  gagner 
prudemment  du  terrain'.  Dans  ce  but,  ils  ont  soin  d'éliminer 
des  statuts  tout  programme  politique.  Ils  avaient  compris 
qu'arborer  le  drapeau  d'un  système  politique  ou  anti  religieux 
quelconque,  c'etit  été  diviser  les  ouvriers  au  lieu  de  les  unir. 
Il  fallait  surtout  triompher  des  hésitations  d'un  grand  nombre 
d'entre  eu.\,  que  la  lecture  d'un  prograuune  eût  pu  rendre  dé- 
fiants et  sans  nul  doute  eût  éloignés  de  l'Association.  IJ Inter- 
nationale, l'un  des  organes  officiels  les  plus  anciens  et  les 
plus  autorisés  de  l'Association,  applaudit  en  ces  termes  à  l'ha- 
bileté dont  ses  fondateurs  ont  fait  preuve  : 

s  Nous  pensons,  dit  ce  journal,  que  les  fondateurs  de  l'Asso- 
ciation ont  agi  avec  une  très-grande  sagesse  en  éliminant 
d'abord  du  programme  de  cette  association  toutes  les  ques- 
tions pohtiques  et  rehgieuses.  Sans  doute  ils  n'ont  point 
manqué  eux-mêmes  ni  d'opinions  politiques  ni  d'opinions  anti- 
religieuses bien  marquées  ;  mais  ils  se  sont  abstenus  de  les  émet- 
tre dans  ce  programme,  parce  que  leur  Lut  principal,  c'était 
d'unir  avant  tout  les  masses  ouvrières  du  monde  civilisé  dans 
une  action  commune.  Ils  ont  dû  nécessairement  chercher  une 
série  de  simples  principes  sur  lesquels  tous  les  ouvriers,  quelles 
que  soient  d'ailleurs  leurs  aberrations  politiques  et  religieuses, 
pour  peu  qu'ils  soient  ouvriers  sérieux,  c'est-à-dire  des  hommes 
durement  exploités  et  souffrants,  sont  et  doivent  être  d'ac- 
cord   » 

(Numéro  du  3  septembre  1869.) 

D'ailleurs  si  l'Internationale  avait  manifesté  son  existence  par 
un  programme  pohtique,  l'attention  des  gouvernements  eût  été 
mise  en  éveil  :  des  mesures  auraient  été  prises  pour  en  empê- 
cher le  développement.  11  importait  donc  de  multiplier  les  précau- 

*  Nous  atlachuns,  écrivait  Eugène  Dupont  à  Murât,  de  Paris,  le  18  mars 
1S70,  beaucoup  plus  d'impor lance  aux  chiffres  des  adhésions  qu'aux colisa- 
lioiis Ui  snis  pourquoi! 

Quelques  jours  auparavant  le  conseil  général  expliquait  à  ses  correspon- 
dants qu'il  avait  préféré  à  Vcclat  des  Iréleaux  une  action  sérieuse  et  sou- 
Irrraine.  (Voir  notre  ouvrairc  sur  l'Internalionale.  Annexes.  —  Pièce  K.) 

11  vaut  mieux  organiser  d'abord,  même  petitement,  que  faire  des  actes  à 
scnsaliun.  (Varlin  à  Aui)ry,  ."i  avril  1870. 


KT     LE    JACOBINISME.  3 

lions,  aliii  de  nu  pas  compromettre  le  suceùs  de  l'ccuvre  nais- 
sante, etdissimnlcr,  aussi  long'lemiis  (jue  les  eirconslances  le  ré- 
clameraient, l'action  essentiellement  politique  de  l'InLernationalo. 
Nous  devohs  rappeler  que  les  débuts  de  l'Association  lurent 
assez  laborieux  :  les  adhésions  se  produisaient  difficilement.  Les 
premiers  sociétaires  furent  recrutés  dans  les  rangs  de  la  Ma- 
rianne, devenue  plus  tard  le  Père  de  famille  et  des  autres  asso- 
ciations républicaines  dissoutes  par  l'Empire.  Plus  tard.,  l'In- 
ternationale pénétra  dans  la  franc-maçonnerie. 

Pendant  toute  cette  période,  l'Internationale  garde  un  silence 
des  plus  prudents  :  toute  son  activité  paraît  absorbée  par  la  pro- 
pagande et  le  travail  d'organisation  des  sections. 

Elle  ne  se  sent  pas  encore  assez  forte  pour  s'aftirmer  ;  mais 
elle  laisse  déjà  percer  ses  tendances  politiques,  et  si  elle  en  a 
lait  momentanément  le  sacrifice,  c'est  uniquement  parce  que 
l'intérêt  général  de  l'Association  l'exigeait  ^ 

Elle  n'est  encore  connue  que  par  un  seul  acte  :  le  pacte  fon- 
damental répandu  en  France  à  plus  de  vingt  mille  exemplaires 
et  reproduit  dans  la  plupart  des  journaux.  Nous  savons  dans 
(juel  esprit  il  a  été  rédigé. 

Les  fondateurs  de  l'Internationale  étaient  intéressés  à  donner 
à  cette  pièce  toute  la  publicité  possible  ;  ils  devaient  y  puiser 
plus  tard  un  argument  puissant  en  faveur  de  la  pureté  de  leurs 
intentions  et  de  la  publicité  apparente  de  l'œuvre  dont  ils  pour- 
suivaient le  triomphe.  Pleinement  convaincus,  par  la  lecture  de 
son  programme,  que  cette  société  n'avait  pour  but  que  l'amélio- 
ration de  leur  sort,  les  ouvriers  ne  devaient  pas  manquer  de  s'y 
affilier.  A  ce  double  titre  le  succès  de  l'entreprise  était  assuré. 
Mais  à  côté  de  ce  document  destiné  au  public  et  aux  compar- 
ses, il  en  existe  un  autre  d'une  importance  capitale,  qui  prouve; 
jusqu'à  l'évidence  que  les  fondateurs  de  l'Internationale  n'ont  ja- 
mais eu  la  pensée  de  se  renfermer  dans  le  cercle  étroit  de  leurs 
statuts  et  d'éloigner  la  politique  de  leurs  délibérations.  Nous 
voulons  parler  d'un  manifeste  du  conseil  général,  rédigé  par  le 


•  '<  L'inlcnialionale,  disait  Conibaull  à  l'assemblée  générale  des  seclion.-. 
parisiennes  (^18  avril  1870),  a  subi  les  dures  lois  de  la  nécessité  :  elle  s'est, 
lue  jusqu'au  jour  où  elle  a  pu  dire  :  Nous  ne  voulons  pas  de  l'euipiro.  » 


1  L'INTERNAilONALK 

socialisle  allemand,  Karl  Maix,  el  jnihlié  eu  anglais  le  1*'  no~ 
vembi'e  186i,  à  la  suite  du  meetini,'  de  Sniut-Marlins'  Hall  •. 

Ce  manifeste  qui  dépeint  la  situation  de  la  classe  ouvrière 
dans  tous  les  ))ays industriels  en  opnosition avec  celle  delà  bour- 
i^eoisie,  qui  signale  les  efforts  tentés  i)ar  les  prolétaires  ijour 
hâter  l'heure  de  leur  affrancliissenienl,  explique  le  but  essen- 
liellement  politique  poursuivi  par  les  fondateurs  de  l'Interna- 
tionale  et  se  termine  par  ht  provocation  la  plus  ardente,  pur 
l' appel  le  plus  violent  aux  passions  politiques  : 

«  Pour  affranchir  les  masses  travailleuses,  nous  dit  le  conseil 
général  dans  ce  manifeste,  la  coopération  doit  atteindre  un  dé- 
veloppement national,  mais  les  seigneurs  de  la  terre  et  les  sei- 
gneurs du  capital  se  serviront  toujours  de  leurs  privilèges  poli- 
li'/ues  pour  défendre  et  perpétuer  leurs  privilèges  économiques. 

.'.  Aussi  la  conquête  du  pouvoir  politique  est-elle  devenue  le 
premier  devoir  de  la  classe  ouvrière.  Elle  semble  l'avoir  com- 
pris :  car,  en  Angleterre,  en  Allemagne,  en  Italie,  en  France, 
des  efforts  ont  été  faits  pour  réorganiser  poli! iquenient  le  parti 
des  travailleurs.  ' 

«  Il  est  un  élément  de  succès  que  ce  parti  possède  :  il  a  le 
nombre,  mais  le  nombre  ne  pèse  dans  la  balance  que  s'il  est  uni 
par  l'association  et  g'uidé  par  le  savoir.  L'expérience  du  passé 
nous  a  appris  comment  l'oubli  de  ces  liens  fraternels  qui  doi- 
vent exister  entre  les  travailleurs  des  différents  pays  et  les  ex- 
citer à  se  soutenir  les  uns  les  autres  dans  toutes  leurs  luttes 
pour  l'affranchissement,  sera  puni  par  la  défaite  commune  de 
leurs  entreprises  divisées.  C'est  poussés  par  cette  pensée  que 
les  travailleurs  de  différents  pays  réunis  en  un  meeting  public 
à  Saint-Martins'  Hall,  le  28  septeml)re  186i,  ont  résolu  de  fon- 
der l'Association  internationale. 

"■  Mais  une  autre  conviction  encore  a  inspiré  ce  meeting. 

.  Si  l'affrancliissement  des  travailleurs  demande,  pour  être 
assuré,  leur  concours  fraternel,   comment  peuvent-ils  remplir 


»  Ce  manifeste  a  ùlé  réinipriiné  en  fram.-ais  à  Bruxelles,    en    1866,  sous  ce 
litre  :  Manifestr  de  l'Association  internationale  des  Troinillcurs  {BruxeUes, 
Alliance  typojrraphique.  .M.  J.  Poot  et  Ci<",  rue  aux  CJioux,  ;i3).  Un  excmpliirL^ 
ei  a  été  a'iressc  \  tous  les  forrespondants  de  rinternationalc    en   France  et 
l'étronïer. 


ET     I.K     .lACOlU  NISMK.  ."i 

cette  grande  mission  si  unt-  polilii/iK-  i-lrniu/ùro,  mnn  pi\r  des 
desseins  criiiiinels,  et  mettant  en  jeu  les  pi-rjugés  nationaux, 
répand  dans  des  gueiros  de  pirates  le  sang  et  l'argent  du  peu- 
ple ?  Ce  n'est  pas  la  prudence  des  classes  gouvernantes  de 
l'Angleterre,  mais  bien  l'opposition  de  la  classe  ouvrière  à  leur 
criminelle  folie  qui  a  épargné  à  l'Europe  occidentale  l'infamie 
d'une  croisade  pour  le  maintien  et  le  développement  de  l'escla- 
vage de  l'autre  côté  de  l'Océan.  L'approbation  sans  pudeur,  la 
sympathie  dérisoire  ou  l'indifférence  idiote  avec  lesquelles  les 
classes  supérieures  d'Europe  ont  vu  la  Russie  saisir  comme 
une  proie  les  montagnes  forteresses  du  Caucase  et  assassiner 
l'héroïque  Pologne,  les  empiétements  immenses  et  sans  obsta- 
cles de  cette  puissance  barbare,  dont  la  tête  est  à  Saint-Péters- 
bourg, et  dont  on  retrouve  la  main  dans  tous  les  cabinets  d'Eu- 
rope, ont  appris  aux  travailleurs  qu'il  leur  fallait  se  mettre  au 
courant  des  inystcres  do  la  politique  inlevnationalc,  surveiller 
la  conduite  diplomatique  de  leurs  (jouvernements  respectifs,  la 
combattre  au  besoin  par  tous  les  moyens  en  leurpouvoir,  et  enfin, 
lorsqu'ils  seraient  impuissants  à  rien  empêcher,  s'entendre  pour 
une  protestation  commune  et  revendiquer  les  lois  de  la  morale 
et  de  la  justice  qui  doivent  gouverner  les  relations  des  individus 
comme  la  règle  suprême  des  rapports  entre  les  nations. 

«  Combattre  pour  une  politique  étrangère  de  cette  nature,  c'est 
prendre  pari  à  la  lutte  générale  pom*  l'affranchissement  des  tra- 
vailleurs. La  conquête  du  pouvoir  politique  est  donc  devenue  le 
premier  devoir  de  la  classe  ouvrière. 

«■  Prolétaires  de  tous  pays,  uuissez-vous.  » 

Ce  manifeste  qui  n'a  jamais  été  connu  de  la  masse  des  adhé- 
rents donne  la  mesure  exacte  de  la  pensée  qui  a  présidé  à  la  fon- 
dation de  l'Internationale  *. 

D'ailleurs,  dès  que  les  affiliations  augmentent,  le  rôle  politique 
de  l'Internationale  s'accentue  ;  une  partie  de  sa  tâche  est  ac- 

*  L'Egalité  de  Genève  i numéro  ilu  14  janvier  1871),  faisant  allusion  à  ce 
manifeste,  proclame  «  que  les  initiateurs  de  l'internationale  onl  entendu  dès 
LE  Pi.EMiER  MOMENT  appeler  les  travailleurs  à  Vaciion  politique.  Elle  ajoute  : 
que  leur  esprit  clairsoyant  et  droit  avait  prévu  à  l'avance  toutes  les  cala- 
mités qui  arriveraient  autrement  à  la  classe  ouvrière  :  l'action  politique,  in- 
séparable de  l'œuvre  sociale,  fdiaait  la  base  essentielle  de  l'.issuciation 
inlernationnle.  » 


U  1, 'INTERNATIONALE 

compile  ;  les  ouvriers  ont  compris  la  nécessité  de  solidariser 
leurs  intérêts.  Les  idées  d'émancii)ation  ont  gagné  du  terrain 
et  bientôt  l'Internationale  |)f)urra  sans  crainte  se  lancer  dans 
le  domaine  des  questions  politiques. 

11  est  certain  que  si  l'Association  s'était  Lornée  à  l'étude  des 
l)roblémes  économiques  ou  professionels,  elle  n'eût  jamais  re- 
cruté des  millions  d'adoi)les,  et  elle  ne  se  poserait  pas  aujour- 
d'hui en  lace  de  l'Europe  épouvantée  comme  une  puissance  avec 
laquelle  il  faut  compter  et  qui  menace  de  nous  engloutir  un  jour. 

Ce  qui  a  fait  toute  la  force  de  l'Internationale,  c'est  l'élénienL 
politique,  c'est  l'appui  que  lui  ont  prêté,  dès  le  principe,  toutes 
les  sociétés  secrètes  qui  se  sont  hâtées  de  faire  cause  commune 
avec  elle  ;  c'est  sa  fusion  avec  la  Marianne,  devenue  après  1852,  le 
Père  (If  famille,  et  avec  tout  ce  qui  restait  des  sociétés  secrètes, 
carbonarisme  et  autres;  c'est  dans  leur  sein  qu'elle  a  recruté 
ses  adeptes  les  plus  énergicpies  et  les  plus  dangereux  :  plus 
tard  elle  a  trouvé  encore  des  hommes  d'action  dans  les  exilés, 
les  réfugiés  politiques  de  Londres,  Bruxelles,  Genève,  etc.  Nos 
fougueux  démagogues  lui  ont  à  leur  tour  prodigué  toutes  leurs 
sympathies  ;  quelques-uns  même  n'ont  pas  reculé  devant  l'adhé- 
sion formelle  à  ses  statuts. 

Fai  tacticiens  habiles,  les  internationaux  ont  utilisé  le  con- 
cours de  tous  les  partis  :  tout  a  été  mis  en  œuvre  pour  préparer 
le  terrain  de  la  révolution.  Mais  aussitôt  qu'ils  ont  pu  compter 
sur  le  tviomphe  prochain  de  leurs  doctrines,  nous  les  avons  vus 
rejeter  de  leur  sein  les  politiques,  les  discréditer  auprès  des 
masses.  Ils  n'étaient  guidés  dans  ces  manœuvres  que  par  la 
crainte  seule  de  voir  la  révohilion  leur  profiter  de  nouveau  ex- 
clusivement. 


La  pensée  politique  de  l'Internationale  ne  se  révèle-t-elle  pas 
dans  le  programme  du  C'ongrès  de  Genève?  Parmi  les  questions 
mises  à  l'ordre  du  jour  nous  voyons  figurer  les  armées  per- 
manentes, les  impôts  directs  et  indirects,  ïiniluence  des  idées 
relifficuses  sur  le  développement  social,  politique,  intellectuel. 
J.a  reconstitution  de  la  Pologne  sur  des  hases  démocratiques  et 
sociales,  et  la  nécessité  d'anéantir  l'influenre  russe  en  Kurope 


HT     I,r-:     «lACOIUNISME.  7 

])iir  J'!yi/)lir[i/inn   ilu    ilroil    des  poiijjlcs:    de    iJif^posor    (Toux- 

Diseuler  sui'  do  pnroillos  ([uestions,  n'est-ce  pas  faire  do  la 
politique? 

Passons  maintenant  on  revue,  en  suivant  l'ordre  chronolo- 
f^ique,  les  principaux  actes  accomplis  par  les  sections  de  l'Inter- 
nationale. Examinons  les  écrits  de  ses  membres  ;  recherchons 
ceux  dont  la  sig-nification  politique  ne  peut  être  mise  en  doute. 
Il  nous  s(>ra  facile  d'établir  que  pas  un  événement,  ayant  le 
moindre  caractère  politique,  no  s'est  produit  sans  que  l'Interna- 
tionale y  ait  été  mêlée. 

Au  mois  de  janvier  1807,  la   section  de  Paris  proteste  pu- 

Ijliquement  contre  lo  projet   d'une  nouvelle  organisation  mili- 

i 
tau'e. 

Deux  mois  plus  tard  (20  avril),  en  réponse  à  une  adresse  des 
mécaniciens  de  Berlin  relative  à  dos  bruits  de  guerre  qui  flot- 
taient dans  l'air,  les  correspondants  parisiens  publient  une  pro- 
testation en  faveur  du  maintien  de  la  paix.  Quelques  jours  après 
ils  organisent  la  Ligue  internationale  du  désarmement  ^. 

A  la  même  époque  paraissait  dans  un  journal  de  Lyon  une 
adresse  des  sections  de  Lyon,  Vienne  (Isère),  Fleurieu  et  Neu- 
ville-sur-Saône (Rhône)  ;  elles  jetaient  un  cri  suprême  de  ré- 
probation contre  la  guerre  3.  La  section  d'Amiens  imitait  bientôt 
ce  double  exemple. 

Les  événements  nous  ont  appris  que  l'Internationale  ne  son- 
geait nullement  à  fonder  la  paix,  mais  seulement  à  déplacer  la 
guerre. 

Il  suffit  d'ailleurs  de  lire  les  lettres  d'Eugène  Dupont,  et  les 
instructions  du  conseil  général  pour  être  édifié  sur  la  pensée 
politique  qui  a  toujours  animé  l'Association. 

Ainsi,  le  li  janvier  1867,  Dupont  écrivant  à  Aubry  de  Rouen, 
lui  fait  part  en  ces  termes  de  ses  espérances  et  de  ses  craintes  : 

a  Je  vous  engage  à  propager  le.  Courrier  français.  C'est  le 


1  Sur  la  question  des  trades-tinions,  il  fut  décidé  qu'elles  devaient  aider 
tout  mouvement  polifiqup  et  social  et  tendre  à  l'émancipation  radicale  do  la 
classe  ouvrière. 

*  Voir  Documents  justificatifs.  Pièces  A. 

3  Nous  reproduisons  cette  adresse.  Documents  justitîcatifs.  Pièces  A. 


H  l.'INTKRNATIONAI.K 

seul  journal  [.olitiquo  (jui  soit  socialiste.  11  iii>;r'ro  toutes  le» 
coinniiinications  relatives  à  notre  association.  Depuis  le  la  sep- 
Icmlji-c,  il  a  publié  de  très-bons  articles  sur  ce  sujet.  TAclioz  (ht 
vous  lo  ijrorurer.  Ils  intéresseront  vos  membres  rouennais,  et 
c'est  un  bon  moyen  de  propag-ande.  (Bureaux,  H),  rue  Haute- 
feuille,  l'aris.) 

'  \'ous  dites,  mon  cher  Aubry,  (|ue  vous  êtes  peu  nombreux, 
mais  qu'importe  !  Ce  qu'il  faut,  c'est  avoir  de  la  conviction  et  ne 
pas  se  décourager. 

«  Fussiez -vous  seul  à  Rouen,  vos  principes  vous  font  un 
devoir  do  rester  sur  la  brèche.  Rien  ne  doit  vous  faire  déses- 
pérer, ni  l'ignorance  de  nos  frères  ni  la  persécution  des  gou- 
vernements. Car  la  rrvolution  est  fatale,  elle  arrivera  quand 
munie  et  il  faut  être  prêts  pour  ce  jour  alin  cVenipêcln'r  (pie  lu 
puissanc'e  ne  quitte  la  main  du  peuple  pour  passeï'  dans  celles 
de  ceux  qui  rêvent  fassociation  du  travail  et  du  capital.  Car  si 
vous  grattez  un  peu  cela,  vous  voyez  apparaître  la  bourgeoisie 

libéràtre 

«  Surtout  pas  de  dé'aiUance. 

■c  Salut  fraternel 

«  Eugène  DUPOXT. 

Les  deux  lettres  suivantes  d'Eugène  Dupont  sont  encore 
plus  significatives  :  elles  ont  été  adressées  au  citoyen  Cbémalé, 
l'un  des  membres  de  la  première  commission  du  bureau  de 
Paris. 

I.ondifi-,  17  avril   1867. 

Mon  cher  Cliémalé, 

..  Votre  lettre  a  produit  une  bonne  impression  sur  le  conseil 
général.  Puisse-t-elle  fouetter  un  peu  le  sang  des  Anglais  !  Le 
mieux  que  nous  puissions  faire,  c'est  de  les  pousser  en  avant 
dans  la  voie  de  la  révolution.  Déjà  deux  branches  du  ■  Reforrn 
League  ><  discutent  actuellement  la  question  suivante  ;  La  répu- 
blique .'sl-rJli-  meilleure  que  la  monarchie  pour  le  peuple  an- 
glais '/ 

11  faut  que  la  conviction  et  le  dévouement 

suppléent  au  nombre  :  nous  devons  agir  vigoureusement. 


KT     I.K     J.Vr.OniNIéiMK. 

Loiidoii,  12  mai  18ti7. 


Mon  clier  Chémalé, 


Vous  mo  parlez  do  plusieurs  ariicles  dans 

les  journaux  ((ui  atliKjuent  nolro  association  ;  mais  lo  Congrès 
n'a-t-il  pas  décidé  que  les  correspondants  doivent  faire  parvenir 
au  conseil  général  toutes  les  publications  qui  intéressent  l'œuvre? 
-(  Vous  me  demandez  si  les  Anglais  vont  en  finir,  cela  dé- 
pendra des  circonstances.  Si  le  gouvernement  n'avait  pas  eu 
peur  au  dernier  meeting  et  ({u'il  eût  employé  la  force,  aujour- 
d'hui ce  serait  fait.  Plus  de  200,000  hommes  des  provinces  n'at- 
tendaient qu'un  signal  pour  descendre  armés  sur  Londres  au 
recours  des  ivfurnK-s.  Endu  espérons  (pie'(i'est  reculer  pour 
mieux  sauter. 

«  Tout  à  vous, 

«  Eugène  DUPONT.    - 

Et  cette  lettre  écrite,  le  2?>  novembre  1867,  à  Murât  peut-elle 
laisser  1(3  moindre  doute  sur  l'immixtion  constante  de  l'Interna- 
tionale dans  toutes  les  (luestions  ou  événements  politiques  ?  Il 
s'agit  de  la  condamnation  à  mort  de  trois  feniaus  et  des  efforts 
tentés  par  le  conseil  général.  Il  sufth-ait  de  lire  cette  lettre  pom' 
être  convaincu  que  rinternalionale  a  toujours  asjiiré  à  jouer  un 
rôle  politiiiue  et  à  se  mêler  de  choses  étrangères  k  son  pro- 
gramme. 

Londres,  23  iiovemlire  1SG". 
ii,  Litchtielcl,  Street  Soho  square, 

'  Mon  cher  Murât, 

"  Il  y  a  environ  un  mois  que  je  t'ai  écrit  une  lettre  en  même 
temps  qu'à  notre  ami  Chémalé  :  mais  pas  de  réponse  de  toi  ni 
de  lui.  Pourquoi  ce  silence  ? 

"  J'ai  reçu  la  semaine  dernière  l'épreuve  des  séances  de 
Lausanne,  les  rapports  ne  sont  ])as  encore  prêts.  Je  vais  cepen- 
dant tâcher  que  nous  publiions  le  premier  bulletin  international 
dans  le  sens  que  nous  avons  causé  ensemble.  Les  feniaus  ont 


10  L'INTERNATIONALE 

absorbé  beaucoup  notre  temps,  tous  les  efforts  faits  en  leur  fa-. 
veur  ont  échoué,  ot  les  trois  condamnés  de  Manchester,  OUer, 
Lnrkiu  ot  Cîould  ont  payé  de  leur  vie  leur  dévouement  à  la'li- 
berté.  —  Ne  soyez  pas  surpris  à  Paris  que  de  terribles  repré- 
sailles aient  lieu.  Des  menaces  par  lettres  sont  publiées  tous  les 
jours  par  les  journaux,  et  en  Amérique  le  Congrès  fénian  de 
Boston,  a  juré  cpie  si  l'exécution  avait  lieu,  ils  mettraient  le  feu 
à  tous  les  navires  anglais  dans  les  ports  américains. 

«  Tous  les  procès  en  Angleterre  sont  des  actes  de  vengeance 
et  non  de  justice,  et  l'assassin  ni  d' aujourd'hui,  un  infâme  assas- 
sinat politique  ;  ils  avaient  (les  juges)  condamné  dans  les  cinq  un 
nommé  Maguire  qui  n'avait  jamais  été  vu  au  lieu  de  l'attaque 
contre  la  police  pour  sauver  Kelly  et  Darcey. 

«  Je  croyais  toujours  voir  dans  le  r/o^/r^'i'w  la  nomination  delà 
commission  ;  est-elle  ou  n'est-elle  pas  nommée?  Dis-moi  dans 
ta  prochaine  oiî  en  est  l'association  à  Paris.  Je  sais  bien  que  les 
derniers  événements  politiques  ont  absorbé  toute  votre  atten- 
tion, mais  il  est  temps  de  se  recueillir.  » 

«  Peux-lu  me  donner  l'adresse  de  notre  ami  Longuet  ? 
.  Signé  :  EvamK  DUPONT.  . 

Voilà  ce  (|ue  l'on  appelle,  dans  la  langue  de  l'iniernationale, 
procurer  un  point  central  de  communication  et  de  coopération 
entre  les  travailleurs  des  différents  pays  aspirant  au  même  but 
(article  1"  des  statuts  généraux). 

De  son  côté,  la  branche  française  de  Londres  ne  reste  pas 
inactive  ;  à  l'instigation  de  Félix  Pyat  et  autres  révolutionnaires 
du  même  acabit  réfugiés  à  Londres,  elle  agite  la  question  d'un 
soulèvement  général. 

Les  mêmes  tendances  se  produisent  en  Suisse  :  nous  en 
trouvons  une  preuve  irrécusable  dans  un  manifeste  publié,  le 
14  juillet  1867,  par  le  comité  directeur  de  la  section  genevoise 
à  l'occasion  de  l'assassinat  de  l'empereur  Maximilien  et  adressé 
à  toutes  les  sections  de  l'Internationale.  Voici  comment  s'expri- 
ment les  auteurs  de  ce  manifeste  intitulé  :  Un  empereur  con- 
damné à  mort. 

«  Ori  vient  de  fusiller  ou  de  pendre  un  homme.  Cela  ne  se 


ET     LE    JACOBINISME.  11 

voit-il  pas  tous  les  jours  flans  ces  Irouponux  de  moutons  qu'on 
appelle  armées  permanentes? 

■  Les  lois  des  royaumes  condamnent  à  mort  l'individu  qui 
attente  à  la  vie  des  souverains  :  csl-rc  (pie  A>.s'  répuLliquns  n'ont 
pas  le  droit  do  faim  subir  la  niOnio  puino  aux  princes  qui  tuent 
dos  hommes  pour  s'emparer  do  leur  patrie?  Pourquoi  alors  (pia- 
lifie-L-on  d'assassins  les  Mexicains?  Ah  !  c'est  qu'il  y  a  le  droil, 
des  rois  que  nous  admettons  honteusement,  et  le  droit  des  peu- 
ples que  nous  avons  la  lâcheté  de  ne  pas  proclamer. 

«  Et  puis,  c'est  que  l'homme  fusillé  n'est  point  un  simple  pa- 
triote... c'est  Maximilicn,  mais  c'est  un  homme  qui  provient  de 
source  impériale. 

'<  Qu'avait-il  donc  fait  pour  mériter  la  mort  ([uo  d'autres  (jui 
sont  bien  vivants  n'aient  fait  avant  lui?  Qui  songe  à  reprocher 
à  tel  nionarcpie  d'avoir  tU('i  un  gendarme  d'un  coup  de  pistolet  à 
bout  portant?  d'avoir  fait  écraser,  broyer  sous  les  sabots  de  sa 
cavalerie,  des  femmes,  des  mères,  de  petits  enfants?  d'avoir 
fait  égorger,  éventrer  des  passants  inoffensifs  par  ses  préto- 
riens gorgés  de  vin?  d'avoir  exilé,  confondu  avec  des  assassins 
ordinaires  l'élite  du  pays,  les  hommes  d'intelligence  et  de  cœur, 
ni  encore  d'avoir  dix  fois  manqué  à  ses  serments  *  . 

«  Mais  en  vérité,  personne.  Nous  autres  Européens  nous 
avons  pour  principe  de  morale  qu'il  vaut  mieux  se  laisser  tuer 
par  milliers,  si  telle  est  la  volonté  que  de  commettre  un  assas- 
sinat sur  sa  personne. 

«  Maximilien,  par  sa  naissance,  appartenait  à  ces  terribles  fau- 
cheurs d'existences  qu'on  appelle  des  princes,  qui,  par  l'édu- 
cation qu'ils  reçoivent  croient  sérieusement  avoir,  soit  par  droit 
divin,  soit  par  droit  de  conquête,  soit  par  la  grâce  de  Dieu  et 
la  volonté  nationale ,  la  mission  spéciale  de  faire  battre  les 
peuples. 

«  Que  dire  de  ces  lamentations,  de  ces  cris  de  douleur  et  de 
rage  que  les  journaux  font  retentir  aux  quatre  coins  de  l'Eu- 
rope, et  que  penser  du  parti  républicain  qui  proteste  si  timide- 


*  Nous  connaissons  les   exploits   des    sljires  de    l'hilernationnle,    el   nous 
savons  à  quoi  noas  en  tenir  sur  cette  élite  du  pays. 


12  i.'inti:r\'atio\'ai,k 

inenl  ou  iiirnio  ne  proteste  pjis  du  tout  contre  ces  insultes 

adressées  aux  Mexicains  ? 

••  Pour  la  section  delienovc  ilc  l'Association  Internationale 
des  travailleurs 

Le  cQiniUi  :  BHOSSET,  président  ;  MONGHAL,  secrétaire  ; 
DUPLEIX,  HARD;  PERRON,  secrétaire  correspondant 
pour  la  Suisse  ;  MEPiGIER,  correspùndant  pour  l'étranger.  « 

En  présence  de  pareils  documents,  qui  oserait  encore  préten- 
dre que  l'Internationale  i)0ursuit  rcninncipation  matérielle  et 
morale  éles  IravuiHours  pav ïrliKh'  des  questions  économiques:' 

Nous  devons  encore  mentionner  une  adresse  aux  membres  du 
congrès  de  Lausanne,  votée  par  une  assemblée  populaire  tenue  à 
Genève  le  24  aoilt  1867,  en  vue  d'établir  un  lien  fédératif  entre 
toutes  les  sociétés  ouvrières. 

Nous  lisons  dans  cette  adresse,  que  a  les  réformes  sociales 
pour  s'implanter  d'une  manière  sérieuse  et  durable  doivent  être 
précédées  de  grandes  réformes  politiques  dans  tous  les  l'Jfats 
despotiques  de  l'Europe  ;  que  l'émancipation  sociale  est  insépa- 
rable de  l'émancipation  politique.  Conquérir  Tune  sans  reven- 
diquer f  autre  serait  une  œuvre  avortée.  Il  faut  donc  cbercber 
et  formuler  les  moyens  praticables  pour  introniser  en  Europe 
CETTE  LIBERTÉ  ABSOLUE,  sans  laquelle  il  n'est  pour  les  travail- 
leurs ni  prospérité  ni  délivrance.   > 

Au  congrès  de  Lausanne,  la  revendication  des  droits  et  des 
libertés  politiques  est  à  l'ordre  du  jour. 

L'un  des  organes  de  l'Internationale,  en  France,  le  Courrier 
français.,  auquel  collabore  Tolain,  est  le  premier  à  proclamer 
que  «  le  Congrès  semble  avoir  le  tempérament  tant  soit  peu 
révolutionnaire  »  *. 

G'est  qu'en  effet  les  questions  politiques  et  sociales  les  plus 
irritantes  y  ont  été  traitées  dans  les  termes  les  plus  violents. 

»  Si  nous  en  croyons  une  personne  en  mesure  d'être  bien  renseignée,  la 
décision  suivante  \  aurait  été  adoptée  en  comité  secret  :  Tous  les  ouvriers 
qui  entreront  désormais  dans  l'Association  devront  prêter  serment  de  sou- 
tenir les  insurrections  sur  quelque  point  du  globe  qu'elles  se  déclarent.  Le 
conseil  irénérai  lui-même  avouait  dans  son  rapport  qu'une  société  anglaise 
avait  refusé  .son  affiliation  sous  le  prétexte  que  l'Internationale  s'occujjait 
dex  qiipslions  poliliques.  iVoir.  Livre  lilen  de  V Internationale,  p.  11. i 


F/r     LK     .lACOIilNISME.  18 

On  y  proclame  la  iiccossité  de  faire  tal)le  raso  de  l'ordre  de 
choses  établi  et  de  reconsliluer  la  société  sur  des  jjases  nou- 
velles. 

«  TToif^noiis-iioiis  an  Congrès  de  la  paix  (pii  vont  l'aljolition 
des  armées  pci-manoutes,  s'éci-iait  le  dootein-  (lonllcry  de  l,i 
Chaux-de-Koiids, 

(Séance  an  i  si'i)tt'inhn'.) 

a  Ce  sont  les  armées  pei'uianentes  qui  perpétuent  les  haines 
nationales  :  ce  sont  ces  estropiés  de  conscience  et  de  hras  et  de 
Jambes,  portant  des  croix  d'honneur  sur  la  poitrine  qui  ex- 
citent la  Jiaine  des  peuples  les  mis  contre  les  autres.  Il  faut  dé- 
sarmer les  armées  et  armer  le  peuple  souverain  en  organisant 
les  milices.  » 

A  la  suite  de  plusieurs  discours  des  plus  ardents  sur  les  mi- 
sères sociales,  le  paupérisme,  le  despotisme  césarien,  l'exploi- 
tation des  travailleurs,  les  vices  de  l'organisation  politi(iue 
actuelle  et  autres  thèses  du  même  genre,  le  congrès  proclame 
la  nécessité  absolue  de  l'établissement  des  libertés  politiques  ', 
l'instruction  obligatoire  et  gratuite,  débarrassée  de  tout  enseigne- 
ment religieux,  et  l'abolition  des  ;n*niées  perniauPiites.  On  parle 
de  la  formation  d'une  confédération  d'Etats  libres  dans  toute 
l'Europe  et  de  la  création  d'un  nouvel  ordre  de  choses  (jui  ne 
permette  plus  la  coexistence  de  deux  classes  dont  l'une  est 
exploitée  par  l'autre.  Pour  la  première  fois,  on  agite  la  question 
de  l'entrée  du  sol  à  la  propriété  collective.  Enfm  le  congrès 
donne  son  adhésion  pleine  et  entière  à  la  Ligue  de  la  paix. 

A  partir  de  cette  époque,  l'Internationale  lève  le  masque  et 
se  place  résolument  sur  le  terrain  politique.  Le  moment  est 
venu  pour  le  prolétariat  de  revendiquer /jy/^/ir/ywiie;;/ ses  droits  : 
l'ennemi  commun,  l'Empire,  paraît  fortement  ébranlé  :  une  pre- 


J  11  iinporle  de  rappeler  que  le  rapporl  ilo  la  ooiuiiiissioii  sur  ceUe  qticslion 
signalait  la  revendication  par  tous  les  ouvriers,  dans  la  mesure  des  forces 
individuelles,  du  droit  illiniilc  de  la  presse  cl  de  réunion  connue  un  inoseii  de 
hâter  l^Mablissement  des  liberlés  politi(iues.  La  commission  reconnaissait 
'"epenJant  que,  selon  les  é\énements  qui  pourraient  sur^dr  en  Europe,  il  y 
aurait  des  mesures  plus  pratiques  à  .ijqdiquer  alin  d'accélérer  la  réalisation 
des  vœux  des  lra\ailleurs. 


14  L'INTERNATIONALE 

inière  levée  de  boucliers  semble  donc  présenter  (juel(iues 
chances  de  succès. 

Le  conseil  général  l'a  compris  :  des  inslructions  parlent  de 
Londres.  Il  faut  profiter  de  l'intervention  du  gouvernement 
français  en  Italie  pour  faire  de  l'agitation  :  une  manifestation  a 
lieu,  le  lundi  -4  novembre,  sur  le  boulevard  Bonne-Nouvelle 
pour  protester  contre  cette  intervention.  Tous  les  membres  de 
l'Internationale  y  prennent  part  :  quelques-uns  d'entre  eux  et 
notamment  Malon,  se  rendent  au  domicile  de  Jules  Favré  et  de 
Garnier-Pagès  pour  connaître  quelle  sera  leur  attitude  à  la 
Chambre  en  présence  de  la  résolution  prise  par  le  gouverne- 
ment. Des  démarches  sont  faites  auprès  des  étudiants,  mais 
sans  succès.  Trois  jours  auparavant  l'Internationale  s'était  éga- 
lement trouvée  mêlée  à  la  manifestation  du  cimetière  Mont- 
martre ^ . 

A  la  veille  de  ces  événements,  dont  il  avait  deviné  toute  la 
portée,  Eugène  Dupont,  qui  s'attendait  «  à  voir  une  insurrec- 
tion éclater  à  Paris  »  faisait  part  de  ses  espérances  à  Chémalé. 
Voici  la  lettre  qu'il  lui  écrivait,  le  1"  novembre  1867  : 

«  Londres,  1"  novembre  18b7. 
»  Mon  cher  Chémalé, 

"  Que  faites-vous  de  bon  à  Paris?...  Au  milieu  du  gâchis 
franco-italien,  l'Internationale  a-t-elle  chance  d'être  écoutée? 

'  Que  pensez-vous  de  l'intervention?  Bonne  chose  si  les  Fran- 
çais ont  encore  des ça  doit  leur  fouetter  le  sang  :  pour  ma 

part,  depuis  plusieurs  jours  je  suis  dans  un  état  de  surrexcita- 
tion  extrême,  je  crois  entendre  à  chaque  instant  la  nouvelle 


'  Parmi  les  internationaux  présents  à  la  manifeslation  du  -{  novembre,  on 
peut  citer  Bellamy,  Uastien,  Gérardin,  Guiard,  Delorme,  Malon,  Gauthier, 
Tolain,  Camélinat,  Murât,  Dauthier,  Perraehon,  Héligon,  Fournaise,  Chémalé, 
Félix  et  Chardet  (ce  dernier  se  trouvait  à  la  tête  du  groupe  qui  se  rendit 
à  l'Ecole  de  médecine  pour  y  chercher  les  étudiants.) 

A  pro[)os  de  cette  manifestation,  il  n'est  pas  sans  importance  de  faire  res- 
sortir que  tous  les  internationaux  compris  dans  la  première  poursuite  décla- 
rèrent à  l'audience  qu'ils  s'étaient  trouvés  accidentellement  sur  le  boulevard 
et  sans  accord  préalable. 

Dans  une  publication  récente,  J'un  des  fondateurs  de  l'Internationale  ex- 
plique au  contraire  dans  quelles  circonstances  et  par  suite  de  quel  compromi> 
l'Internationale  fut  amenée  à  prendre  part  à  cette  manifestation. 


ET     LE    JACOBINISME.  lo 

d'une   insuiTCctioii  ù   Paris Donnez-nous   des  détails  sur 

Paris.  Quelle  est  la  vraie  situation  ? 

«  Passons  à  autre  chose.  Nous  avons  formé  un  comité  poul- 
ies souscriptions  rcvolutionnaires  pour  J'Jlalie.  Les  journaux 
anglais  nous  donnent  à  chaque  instant  des  nouvelles  contradic- 
toires. Je  fais  des  vœux  pour  que  le  droit  flanque  une  roulée  à 
qui  lu  sais  '. 

«  Tout  à  toi, 

.  Eugène  DUPONT.  • 

Que  nous  sommes  loin  du  programme  ostensible  de  l'Inter- 
nationale. Pauvres  ouvriers,  voilà  de  quelle  manière  on  entend 
améliorer  votre  sort  !  Apprenez  donc  une  fois  pour  toutes  que 
le  hnUivoué  de  l'Internationale,  c'est  de  rechercher  et  de  mettre 
en  pratique  les  moyens  d'améliorer  la  position  tant  individuelle 
que  collective  des  travailleurs  de  tous  les  pays,  mais  que  son 
but  vrai  n'a  jamais  été  en  réalité  que  de  créer  un  centre  d'ac- 
tion et  des  relations  suivies  avec  les  travailleurs,  afln,  à  un 
moment  donné,  d'agir  sur  l'ensemble  des  affaires  pubhques  et 
d'en  prendre  au  Ijesoin  la  direction.  Songez,  prolétaires,  que  si 
l'Internationale  vous  recherche,  si  elle  prend  la  peine  de  vous 
organiser  en  sociétés,  chambres  syndicales,  fédérations,  etc., 
ce  n'est  pas  que  votre  situation  lui  inspire  le  moindre  in- 
térêt, c'est  uniquement  que  votre  concours  lui  est  nécessaire 
pour  l'exécution  de  ses  criminels  desseins.  Elle  a  besoin  d'ins- 
truments aveugles,  et  elle  les  recrute  partout  oii  elle  les  trouve. 
De  là  ces  croisades  entreprises  par  ses  agents,  ces  visites  dans 
les  ateliers,  ces  distributions  de  journaux,  ces  prêts  effectués 
par  les  sociétaires,  ces  souscriptions  en  faveur  des  grévistes, 
ces  attafiues  violentes  et  haineuses  contre  les  patrons.  N'at- 
tendez rien  des  réformes  tant  prônées  par  l'Inlernationale  :  elle 
aspire  à  tout  envahir  et  à  tout  bouleverser,  mais  elle  est  inca- 
pable de  rien  produire,  sinon  des  désastres.  Que  rex[)érieuce 
de  ces  derniers  mois  vous  profite! 


'  Eii  186",  le   consuil  général  preiuiit  egaleiueiit   des    résolutions   ait  sujet 
de  l'attitude  de  l'Internationale  relativement  à  la  visite  du  rzar  à  Paris. 


16  L'INTERNATIONAL!-: 

Mais  revtnioiis  à  notre  sujet. 

I)c6  (lissiùences  se  sont  iiroduites  an  siùn  de  la  section  lyon- 
naise :  la  [ilni)art  des  ouvriers  désertent  le  drapeau  de  Tlnter- 
nationale.  Ils  trouvent  que  celte  association  s'occupe  livp  de 
polilitfie  (sic)  et  que  toutes  les  réunions  sont  cousaci-ées  à  dis- 
cuter les  événements  du  jour,  à  supputer  les  chances  plus  ou 
moins  probables  de  l'avénemenl  prochain  de  la  Hépuhli- 
(lue,  etc.,  elc  '. 

En  IM()8,  les  manifestations  politiques  de  rinternalionale  abon- 
dent :  nous  citerons  parmi  les  plus  caractérisques  :  1"  les  réso- 
lutions volées  par  le  groupe  de  Wolveriiampton  ;  52°  l'adresse 
de  Vésinier;  les  différents  mcetinirs  organisés  i)ar  la  branche 
française  de  Londres  ;  S"  l'appel  adressé  par  les  seclions  gene- 
voises à  la  suite  des  condannialions  prononcées  contre  les 
membi-es  du  bui-eau  de  Paris;  i"  les  déclarations  laites  au 
Congrès  de  Bruxelles  par  Dupont,  Steens,  Pellering;  enlin 
les  décisions  (jui  y  sont  adoptées  sur  les  questions  soumises 
à  la  discussion  et  ([ui  se  résument  dans  ces  deux  mots  : 
triomphe  de  l'élôniont  aidicHl,  —  renversejuciil  de  ïédihce 
social. 

La  {jlupart  de  ces  documents  ont  une  telle  inq)ortance  <|ue 
nous  croyons  indispensable  pour  l'édification  du  lecteur  de  les 
reproduire  in  extenso. 

Occupons-nous  d'abord  des  résolutions  votées  ])ar  le  groupe 
de  \\'olverhampton,  sur  la  proposition  de  Le  Lubez,  ex-secré- 
taire correspondant  pour  la  France,  connu  par  ses  démêlés  avec 
le  bureau  de  Paris  au  sujet  de  la  nomination  d'Henri  Lefort  au 
poste  de  correspondant  général  de  l'Association  près  la  presse 
française  : 

1°  «  L'InlernRtional  Workin(j  Men's  association  déclare  la 
nécessité  pour  tous  les  ouvriers  de  s'unir  contre  l'eimemi  com- 


i  L'un  lies  déiéfrues  lyonnais  ;ui  rnn,i;iù.s  de  l>àle,  AlLurl  Uicliaid,  racon- 
tait :  «  que  Vlntcruatiunale  eut  d'abord  beaucoup  de  succès  à  Li/an,  iiiair. 
comme  les  elévients  qui  la  composaient  étaient  plus  politiques  que  socialistes. 
il  y  eut  bientôt  désagré(jation.  Depuis,  ajoutail  il,  les  travailleurs  se  sont 
aperçus  que  les  réfurvies  politiques  étaient  insuffisautcs  et  que  c'était  à  la 
base  même  du  système  social  qu'il  fallait  s'ollaniier.  Ils  sont  devenus  ré- 
volutionnaires dans  le  sens  social. 


HT     lA:     JACOBIN  IriML;.  17 

iiiiiri.  rcrsoiuii!  110  doit  obéissauco  aux  lois  ([iio  le  itou[)lo  n'a 
pas  été  appelé  à  faire  ; 

«  2"  Tout  soldat  qui  ne  regarde  pas  la  cause  pour  laquelle  il 
combat  comme  sienne,  est  relevé  do  toute  obligation  de  combat- 
tre {lour  cette  cause; 

«  S"  Si  ce  droit  lui  est  nié,  c'est  pour  lui  un  devoir  de  défendre 
ce  ((ui  est  la  souveraineté  du  peuple  ; 

oc  [i°  h'Inlernntional  Working  Men's  Association  considère 
les  complications  actuelles  du  continent  comme  des  complica- 
tions entre  les  tyrans  :  elle  conseille  aux  ouvriers  de  rester  neu- 
tres, de  chercher  à  acquérir  de  la  force  par  l'unité  et  de  se  ser- 
vir de  cette  force  pour  porter  un  dernier  coup  aux  tyrans  de 
l'Europe  et  enfin  proclamer  la  liberté.  » 

Les  agissements  de  la  branche  françniso  th  Londres  se  tra- 
duisent par  des  meetings  oij  assistent  tous  les  meneurs  du 
parti  révolutionnaire  *,  et  oiî  sont  prononcés  les  discours  les  plus 
incendiaires.  L'assassinat  politique  est  le  thème  favori  développé 
avec  emportement  par  presque  tous  les  orateurs.  Un  compte 
rendu  sommaire  de  ces  différents  meetings  permettra  de  mieux 
apprécier  les  dispositions  politiques  des  membres  composant  la 
branche  française. 

Le  5  janvier  1868,  un  grand  meeting  est  organisé  dans  New- 
mann-Street,  sous  la  présidence  deBesson;  on  y  donne  lecture 
de  diverses  adresses  plus  violentes  les  unes  que  les  autres. 

Le  24  février,  nouveau  meeting  dans  la  salle  de  Chevelard- 
Street  pour  célébrer  l'anniversaire  de  la  Révolution.  Eugène  Du- 
pont figure  parmi  les  signataires  de  l'affiche  de  convocation  2. 
Le  conseil  général  s'y  fait  représenter  officiellement.  Les  ci- 
toyens de  tous  les  pays,  amis  de  la  révolution,  sont  invités  à  y 
assister.  Besson,  Le  Lubez,  Lesner,  Félix  Pyat  et  autres  pren- 
nent la  parole. 

On  y  fait  le  procès  du  peuple  français  qui  supporte  si  patiem- 
ment 7e  plus  grand  lyran  qui  ait  jamais  existé.  La  bourgeoisie 


1  Quel(j[ues-uns  de  ces  meneurs  qui  s'associaient  alors  à  l'œuvre  de  l'Inter- 
nationale ont  élé  acclamés  préfets  au  4  septembre  par  le  irouvernement  de  la 
défense  nationale  ;  l'un  d'eux  est  encore  en  fonctions.  Nous  pourrions  citer 
la  ville. 

2  Voir  l'affiche  de  convocation.  Documents  justificatifs.  Pièce  B. 

2 


18  L'INTERNATIONALE 

est  traînée  aux  gémonies  :  elle  est  condamnée  à  disparaître.  On 
accuse  de  trahison  les  quelques  bourgeois  républicains  (]ui  se 
sont  excusés  par  lettres  de  ne  pouvoir  assister  à  la  réunion  '. 
On  proclame  que  l'avenir  appartient  aux  prolétaires  ;  que,  seul 
de  tous  les  hommes  de  1848,  Félix  Pyat  est  resté  fidèle  à  la 
cause  du  peuple,  et  que  c'est  lui  qui  sera  un  des  chefs  de  la  ré- 
volution prochaine,  regardée  comme  inévitable.  On  parle  de  l'es- 
poir de  célébrer  le  prochain  anniversaire  en  France. 

Des  acclamations  frénétiques  saluent  l'entrée  de  Félix  Pyat 
dans  la  salle  du  meeting  :  le  futur  membre  du  comité  de  salut 
public  de  l'insurrection  parisienne  monte  à  la  tribune  pour  y  don- 
ner lecture  d'une  adresse  de  la  Commune  révohitionnnive  et  y 
provoquer  à  l'nssassinat. 

A  son  tour  Le  Lubez  prend  la  parole  :  le  drapeau  rouyc,  s'é- 
crie-t-il  en  terminant,  est  le  symbole  de  la  révolution  prochaine. 
A  ces  mots  l'on  voit  s'avancer  une  députation  de  la  société  ou- 
vrière allemande,  portant  un  drapeau  rouge  qu'elle  place  près 
de  la  tribune,  au  milieu  des  cris  de  :  Vive  la  République  démo- 
cratique et  sociale  -  ! 

Les  24  juin,  22  septemln-e  (76''  anniversaire  de  la  proclamation 
de  la  Répubhque)  et  20  octobre,  nouveaux  meetings  de  la 
branche  française.  Toujours  même  violence  de  langage,  mêmes 
provocations  à  l'assassinat  et  même  haine  profonde  contre  les 
spoliateurs  des  deniers  du  peuple.  Dans  le  meeting  du  20  octo- 
bre notamment,  Vésiniery  donnait  lecture  d'une  protestation  où 
il  déclarait  :  i°  que  l'Association  internationale  devait  être  con 
sidérée  comme  étant  une  société  essentiellement  politique; 
2°  que  l'Association  internationale  était  une  société  républi- 
caine démocratique,  sociale  et  universelle,  partageant  les  prin- 
cipes, le  but  et  les  moyens  proclamés  par  la  Commune  révolu- 
tionnaire de  Paris  dans  ses  manifestes  ^. 

1  De  ce  nombre  étaient  Ledru-Rollin,  Victor  Hugo. 

2  11  imi)orte  de  rappeler  qu'en  1866,  lors  du  congrès  de  Genève,  en  tète  de 
la  colonne  des  délégués  se  rendant  à  la  salle  du  congrès,  était  également 
porté  un  drapeau  rouge  où  était  inscrite  la  devise  de  l'Association  interna- 
tionale :  Pas  de  droits  sans  devoirs. 

5  Pour  le  texte  complet  de  cette  protestation,  voir  notre  ouvrage  sur 
\'Internatio7iale,  annexes,  pièce  A.  Nous  reproduisons  aux  documents  justi- 
ficatifs un  manifeste  de  la  Commtme  révolutionnaire  de  Paris. 


ET     LE    JACOBINISME.  19 

Enfin,  le  3  décembre,  un  nouveau  meeting  avait  lieu  sous  la 
l)résidonce  de  Le  Lubez  pour  célébrer  l'anniversaire  de  la  mort 
du  représentant  Baudin.  Sur  la  proposition  de  Félix  Pyat,  des 
remercîments  étaient  votés  à  la  presse  et  au  barreau  de  Paris 
à  raison  de  leur  attitude  dans  l'affaire  de  la  souscription  de  ce 
martyr  du  droit.  Voici  dans  quels  termes  était  conçu  ce  vote  de 
remercîment  : 

Association  internationale  des  travailleurs. 

(Branche  française  de  Londres. 

a  Le  3  décembre  dernier,  le  meeting  composé  des  démocrates 
de  toutes  les  nations  et  convoqué  par  la  branche  française 
de  l'Association  internationale  des  travailleurs  à  Londres  pour 
l'anniversaire  de  la  mort  du  représentant  Baudin,  après  les  dis- 
cours prononcés  en  l'honneur  de  ce  martyr  du  droit,  a  voté,  sous 
la  présidence  de  A.-V.  Le  Lubez,  la  proposition  suivante  de  Fé- 
lix Pyat  : 

a  Considérant  que  les  quatre  journaux,  le  Réveil,  l'Avenir 
national,  la  Tribune  et  la  Revue  politique,  en  prenant  l'ini- 
tiative de  la  souscription  Baudin,  ont  fait  leur  devoir  ; 

«  Considérant  que  les  avocats  qui  les  ont  tous  si  heureuse- 
ment défendus  devant  l'opinion  ont  fait  leur  devoir  ; 

<c  Considérant  que  l'hommage  public  rendu  au  martyr  du  droit 
sertie  droit:  que  l'esprit  de  sacrifice  et  l'exemple  du  devoir 
sont  plus  nécessaires  que  jamais  dans  les  circonstances  actuelles 
de  la  France  et  de  l'Europe  ; 

«  L'assemblée  vote  un  remercîment  à  la  presse  et  au  barreau 
de  Paris,  et  elle  déclare  avec  reconnaissance  qu'ils  ont  bien  mé- 
rité de  la  démocratie  française  et  européenne. 

Pour  la  branche  française  de  l'Association 
internationale  des  travailleurs. 
Le  président  :  A.-V.  LE  LUBEZ. 
Le  secrétaire:    A.  HULET. 
Londres,  le  7   décembre  ISUfi. 

Le  conseil  général  s'était  ému  de  l'altitude  prise  par  la  ])ran- 
che  française  :  il  trouvait  son  tempérament  un  peu  trop  révo- 


20  L'INTERNATIONALE 

lulionnaire  dans  la  situation  présente.  De  pareilles  déclarations 
lui  jiaraissaient  intempestives;  c'était  effrayer  sans  profit  la 
masse  ouvrière  et  mettre  un  temps  d'arrêt  dans  le  travail  d'or- 
ganisation. Il  admettait  bien  le  caractère  politique  de  l'Interna- 
tionale (il  l'avait  déclaré  kii-mèmc  dans  son  manifeste),  mais  il 
jugeait  prudent  de  dissimuler  jusiju'au  jour  où  l'on  pourrait 
compter  sur  des  éléments  assez  sérieux  et  surtout  assez  nom- 
breux pour  tenter  la  lutte,  si  l'occasion  en  était  donnée,  et  avouer 
hautement  ses  projets.  En  un  mot,  les  agissements  de  la  bran- 
che française  étaient  compromettants  :  il  fallait  en  pallier  i'effe 
en  lui  infligeant  un  blâme.  Le  tour  était  ainsi  joué. 

L'esprit  révolutionnaire  de  l'Internationale  s'affirmait  en  même 
temps  à  Genève,  et  au  congrès  de  Bruxelles. 

A  Genève,  à  la  date  du  15  juillet  18G8,  le  comité  central  des 
sections  de  la  Suisse  romande  publie  une  protestation  sur  pla- 
cards rouges  contre  l'arrêt  delà  cour  de  Paris  qui  condamne  les 
membres  de  l'Internationale  à  trois  mois  de  prison  et  100  francs 
d'amende  :  cet  arrêt  est  qualifié  de  déclaration  de  guerre  aux 
idées  sociales  et  aux  principes  de  la  révolution  de  89  *.  Au 
mois  d'octobre  suivant,  ce  même  comité  publie  un  manifeste 
intitulé  :  République  démocratique  et  sociale,  et  réclame  des 
réformes  sociales  radicales. 

Au  congrès  de  Bruxelles,  où  assistent  Tridon,  Blanqui,  Miot, 
Rochefort,  Victor  Hugo,  Elie  Reclus,  les  tendances  politiques 
et  radicales  de  l'Internationale  s'accentuent  encore  davantage. 
Perron,  de  Genève,  déclare  que  dans  le  programme  des  réformes 
politiques  il  ne  faut  pas  se  borner  à  inscrire  l'abolition  de  la 
guerre  ;  il  cite  parmi  les  réformes  sociales  et  politiques  indispen- 
sables à  l'émancipation  du  prolétariat  :  la  séparation  de  l'Iiglise 
et  de  l'Etat,  l'instruction  obligatoire  à  tous  les  degrés,  l'impôt 
unique  sur  la  richesse.  —  «  Pour  empêcher  la  guerre,  s'écrie  à 
son  tour  Catalan,  il  faut  en  supprimer  les  auteurs  :  que  l'Inter- 
nationale fasse  la  guerre  à  la  guerre,  en  employant  toutes  ses 
forces  contre  les  hommes  qui  ont  le  droit  de  faire  la  guerre.  » 

t  Nous  reproduisons  cette  protestation  à  la  fui  du  volume,  documents  jus - 
liliculil's,  pièce  C. 


ET     LK  JACOHINISME.  -M 

«  Personne  ne  veut  la  guerre,  ajoutait  Henri,  de  Paris,  mais 
pratiquement  comment  l'empêcher?  Je  crois  qu'il  faut  nommer 
des  hommes  aux  prochaines  élections  qui  amèneront  un  chan- 
gement d'institutions  ou  môme 

Bref,  au  point  de  vue  politique,  nous  de- 
vons par  les  élections  et  les  manifestations  populaires,  par  la 
propagande  politique  et  socialiste,  arriver  à  la  suppression  des 
gouvernements  personnels.  » 

«  Protestons  par  le  refus  du  service  militaire  ou  de  tout  tra- 
vail  Provoquons  contre  la  guerre  la  conjuration  du  peuple 

travailleur  tout  entier  »,  répétaient  à  satiété,  Ilins,  César  de 
Paepe,  Pellering,  Spehl,  etc. 

-i  Nous  en  appelons  à  la  guerre  sociale,  s'écriait  Slecns  de 
Bruxelles,  elle  seule  nous  permettra  de  renverser  les  institu- 
tions  tyranniques  des  gouvernements.  y> 

«  La  révolution,  disait  un  autre  orateur,  ne  peut  évidemment 
surgir  que  de  la  bourgeoisie  ;  elle  la  fomente  et  la  désire  :  tout 
fait  prévoir  que  les  anciens  partis  coalisés  contre  l'Empire  se 
lèveront  bientôt.  Eh  bien,  faudra-l-il  intervenir  ou  faudra-t-il 
rester  les  bras  croisés?  N'est-ce  pas  dans  la  révolution  qu'est 
le  salut  du  prolétariat  ? 

"  Le  renversement  du  despotisme,  l'al^olition  des  armées 
permanentes,  les  relations  économiques  modifiées,  la  séparation 
de  l'Eglise  et  de  l'État,  ce  sont  autant  de  progrès  qui  no  peuvent 
produire  l'ordre  social  qu'autant  que  la  réaction  n'aura  plus  pour 
levier  l'ignorance  du  peuple Le  soldat,  le  dévot,  le  prolé- 
taire sont  la  manifestation  de  l'ignorance  du  peuple. 

<  Plus  de  gouvernements,  s'écrie  à  son  tour  Eugène  Dupont 
dans  le  discours  de  clôture,  car  les  gouvernements  nous  écra- 
sent d'impôts!  Plus  d^ armées,  car  les  armées  nous  massacrent  ! 
Plus  de  religion,  car  les  religions  étouffent  l'intelligence  ! 

SinguUer  moyen  do  travailler  par  les  voies  pacifiques  à  l'amé- 
lioration du  sort  des  ouvriers  ^  / 

1  Quelques  personnes  ont  prétendu  que,  pour  appartenir  à  l'Internationale, 
il  fallait  evercer  un  métier  manuel  :  c'est  là  une  erreur  frrossic' re  que  nous 
avons  vu  l'accusé  Lullier  reproduire  naguère  devant  le  3^  conseil  de  guerre 
séant  ;'i  Versailles.  Les  faits  sont  là  pour  démentir  une  pareille  allégation. 
Quel  est  donc    le  métier  manuel  des  Richard,  Bastelica,    Tridon,  Bakounine 


22  L'INTERNATIONALE 

Noms  devons  placer  ici  sous  les  yeux  du  lecteur  un  document 
de  la  plus  haute  importance  :  c'est  une  adresse  du  comité  do  la 
section  centrale  de  Genève  au  congrès  de  Bruxelles.  Les  signa- 
taires signalent  la  nécessité  d'arrêter,  en  vue  d'éventualités  qui 
pourraient  surgir  en  Europe,  nn  programme  do  réformes  poli- 
tiques et  sociales  commun  à  l'Association  internationale  des 
travailleurs  et  à  la  Ligue  de  la  paix  et  de  la  liberté,  ces  deux 
grandes  institutions  modernes  qui  poursuivent  le  môme  but;  en 
un  mot,  d'abandonner  l'étude  de  la  théorie  pour  s'entendre  sur 
les  moyens  pratiques  d'assurer  le  succès  de  la  révolution  euro- 
péenne, afin  que  les  prolétaires  ne  soient  pas,  comme  par  le 
passé  et  faute  d'avoir  pris  à  temps  les  mesures  nécessaires,  le 
jouet  des  castes  privilégiées. 

Au  congrès  de  Bruxelles. 

«  La  révolution  sociale  prévue  dès  longtemps,  la  révolution  so- 
ciale, conséquence  forcée  de  l'organisation  acluellc  de  la  société, 
s'approche  rapidement,  et  le  prolétariat  n'a  pas  encore  examiné 
quels  sont  les  moyens  pratiques  de  faire  passer  de  la  théorie  dans 
les  faits  les  principes  d'égalité  et  de  justice. 

«  N'est-il  pas  à  craindre  cependant  que  le  moment  fatal  surgis- 
sant tout  à  coup,  les  prolétaires  ne  soient,  comme  par  le  passé, 
et  faute  d'avoir  pris  à  temps  les  mesures  nécessaires,  le  jouet 
des  castes  privilégiées  ? 

«  N'est-il  pas  à  craindre  qu'au  moment  décisif  les  forces  ou- 
vrières, abandonnées  à  tous  les  vents  de  la  tempête,  ne  man- 
quent d'unité  d'action  ? 

«  Et  cela  faute  d'avoir  regardé  résolument  en  face  cette  éven- 
tualité :  la  révolution  ! 

«  Le  mouvement  ouvrier  est  surtout  un  mouvement  d'étude 
s'avançant  sûrement,  sans  colère,  sans  précipitation,  et  agis- 
sant profondément,  irrésistiblement.  Ce  grand  caractère  qui  fait 
la  puissance  et  assure  l'influence  des  classes  travailleuses  doit 
être  conservé;  mais  serait-ce  le  méconnaître  que  d'abandonner 

Cluseret,  etc.,  etc.  A  Genève,  il  existe  même  une  section  spéciale,  dilo  section 
centrale,  dans  laquelle  sont  compris  tous  les  individus  ne  faisant  partie  d'aucune 
association  ouvrière,  c'est-à-dire  les  meneurs,  les  réfugiés  politiques  et  autres. 


ET     LE    .(ACOniNISME.  28 

un  instant  l'ôlndo  dos  tlirorios  ponr  mettre  en  œuvre  les  moyens 
prnUqiicfi  qui  sont  .wus  votre  main  ? 

«  Nous  no  lo  pensons  pas. 

«  Jamais  la  possibilité  d'une  émancipation  radicale  des  classes 
déshéritées  ne  s'est  présentée  sous  un  aspect  aussi  favorable  et 
aussi  encourageant. 

«  Les  ouvriers  ont  ou  sont  prêts  cV  avoir  l'appui  des  démocrates 
européens,  membres  de  la  FJrjuede  lapaix  et  de  la  liberté,  qui, 
eux  aussi,  scmble-t-il,  veulent  l'émancipation  complète  do  la 
pensée  et  de  l'individu. 

«  Ils  ont  des  sympathies  sérieuses  en  dehors  de  la  classe  ou- 
vrière proprement  dite,  parmi  cette  foule  de  sociétés  progressistes 
qui,  à  des  degrés  divers,  vivifient  le  mouvement  de  rénovation. 

«  Ils  ont,  ce  qui  vaut  mieux,  groupé  leurs  forces  avec  une  rapi- 
dité incroyable  sous  la  devise  de  cette  grande  fédération,  créée 
iiier,  impérissable  aujourd'hui  :  P Association  internationale  des 
travailleurs. 

«  Ils  ont  pour  eux  la  justice. 

«  Ils  ont  le  nombre. 

«  Ils  ont  l'unité  de  vues  :  il  dépend  de  vous,  citoyens  délégués, 
de  donner  au  prolétariat  sa  complète  unité  d'action. 

«  Avec  de  tels  éléments  de  succès,  avec  l'expérience  du  passé, 
négliger  de  prendre  ses  mesures  serait  une  faute  et  un  malheur 
que  vous  saurez  éviter,  nous  en  avons  la  ferme  confiance. 

«  Le  régime  qui  ronge  l'Europe  aujourd'hui  ne  peut  toujours 
durer,  et,  tôt  ou  tard,  il  prendra  fin  dans  le  sang  un  Jour  de 
révolution.  —  Ce  n'est  pas  nous  qui  désirons  que  cela  soit 
ainsi,  c'est  l'histoire  qui  nous  démontre  que,  par  le  fait  de  l'obsti- 
nation aveugle  des  privilégiés,  les  choses  ne  se  sont  jamais 
passées  autrement.  Il  faut  donc  savoir  accepter  ce  qui  est  iné- 
vitable; la  responsabilité  en  retombe  sur  ceux  qui  veulent  arrêter 
l'humanité  dans  son  évolution. 

«  Au  jour  de  l'écroulement  du  système  des  monopoles  qui 
nous  régit,  la  Ligue  de  la  paix  et  de  la  liberté,  ainsi  que  V As- 
sociation internationale  des  travailleurs,  par  l'influence  qu'elles 
exercent  déj;\  en  Euroiie,  semblent  naturellement  appelées  à 
décider  de  l'avenir,  à  prendre  une  part  plus  ou  moins  grande  à 
l'édification  du  nouvel  ordre  social. 


n  Î/INTKRNATION'ALF. 

..  La  Lirpw  l'a  comjji'is,  aussi  se  pi'coccui)e-t-elle  des  moyens 
pratiques,  et  dans  sou  prochain  congrès  elle  adoptera,  selon 
toute  probabilité,  la  constitution  des  i'uLui's  Etats-Unis  d'Europe, 
ainsi  qu'un  pr^graninie  de  réforme  politique  et  sociale. 

«  La  Ligue  prépare  donc  les  J)ases  sur  lesquelles  reposera 
l'avenir  de  la  société. 

«  Rien  de  mieux.  Nul  doute  (juc  ses  membres  ne  veuillent 
aborder  radicalement  toutes  les  questions,  y  compris  la  question 
économique  qui  nous  tient  si  fort  à  cœur  à  nous  tous  ;  mais 
sont-ils  bien  placés  pour  cela?  La  plupart  des  membres  de  la 
Ligue,  étrangers  aux  souffrances  du  prolétariat,  en  couqiren- 
dront-ils  bien  les  causes  ?  Les  ont-ils  suffisamment  étudiées  ? 
Ne  se  pourrait-il  pas  qu'ils  ne  songeassent  point  à  inscrire  sur 
leur  progrannne  certaines  réformes  jugées  par  vous  et  par  les 
congrès  ouvriers  qui  vous  ont  précédés,  indispensables  à  l'avé- 
nement  de  la  liberté  et  de  l'égalité  réelles. 

«  Quoi  qu'il  en  soit,  les  membres  de  la  Ligue,  plus  instruits, 
plus  rompus  à  la  politique  que  nous  autres  ouvriers,  auront, 
comme  individus  et  comme  corps,  une  très-grande  influence  au 
moment  de  la  révobition.  Il  faut  donc  que  la  classe  ouvrière 
sache  si  les  membres  de  la  Ligue  sont  d'accord  en  tous  points 
avec  vous,  avec  nous  tous,  pour  revendiquer  les  réformes  né- 
cessaires à  l'émancipation  définitive  du  prolétariat.  Il  faut  de 
toute  nécessité  que  le  travailleur  sache  au  plus  tôt  jusqu'à 
quel  point,  jusqu'à  quelle  ligne  de  démarcation  il  peut  compter 
sur  l'appui  et  le  concours  de  ces  démocrates. 

«>  Pour  cela,  chers  amis,  il  est  indispensable  d'arrêter  un  pro- 
gramme de  réformes  politiques  et  sociales,  et  de  le  faille  repré- 
senter au  congrès  do  la  Ligue,  qui  succède  au  congrès  de 
Bruxelles,  par  une  délégation  munie  de  pleins  pouvoirs.  Celle-ci 
entendra  les  observations  (|ui  pourraient  être  faites  au  pro- 
gramme présenté,  et  y  fera  droit  si  elle  le  juge  à  propos;  elle 
prendra  connaissance  des  rapports  faits  sur  les  questions  qui 
doivent  se  résoudre  dans  cette  assemblée,  et  y  donnera,  s'il 
convient,  son  adhésion  au  nom  de  l'Association  internationale 
tout  entière. 

«  En  un  mot,  la  délégation  ouvrièjro,  en  vue  des  éventualités 
qui  pourraient  surgir  en  Europe,  arrêterait  si  possible,  et  so- 


i-;t  i.f.   jacoiîini^^mi:.  25 

lennelloniput,  nvec  le  conffrrs  ilc  In  Lit/ un  da  la  pnix  cl  de  In 
liberté,  un  programme  aussi  radicalement  rénovateur  que  les 
connaissances  acquises  jusqu'à  ce  Jour  le  permettent,  —  lequel 
deviendrait  par  le  fait  le  programme  de  la  révolution  européenne, 
et  serait  toujours  modifiable  d'année  en  année,  jusciu'à  l'avénc- 
ment  de  la  république  démocratique  et  sociale. 

«  Cette  union  conclue,  nous  pourrions  tous,  sans  inquiétude 
pour  l'avenir,  poursuivre  l'étude  des  sciences  sociales  ;  la  crise 
inévitable  pourrait  éclater  sans  que  pour  cela  le  prolétariat  soit 
exposé  à  être  oublié,  joué  comme  par  le  passé.  Le  grand  jour 
de  l'effondrement  social  pourrait  venir  sans  qu'il  soit  à  craindre 
une  division  parmi  les  hommes  do  progrès,  assurés  qu'ils 
seraient  de  se  rencontrer  sur  un  môme  terrain,  la  main 
dans  la  main,  mus  par  la  même  pensée  :  l'égalité  réelle  et  la 
paix. 

«  Nous  appelons  de  toutes  nos  forces,  chers  camarades,  votre 
attention  sur  cette  idée  d'un  programme  commun  aux  deux 
grandes  institutions  modernes,  VAssociation  internationale  des 
travailleurs  et  la  Ligue  de  la  paix  et  de  la  liberté,  qui,  ayant 
chacune  une  tache  spéciale  à  remplir,  poursuivent  néanmoins  le 
même  but  :  l'ordre  social. 

Agréez,  etc. 

Le  Comité  de  la  section  centrale  de  Genève. 


Nous  ne  parlerons  que  pour  mémoire  des  discours  incen- 
diaires prononcés  au  congrès  de  Berne  par  le  triumvirat  Ba- 
kounine,  Richard  et  Jaclart,  et  qui  se  terminent  par  une  déclara- 
tion de  guerre  à  tout  ce  qui  existe  et  notamment  à  la  bourgeoisie, 
sur  les  ruines  fumantes  de  laquelle  Jaclart  so  propose  d'asseoir 
la  république  délinilive  et  de  planter  le  drapeau  de  la  révo- 
lution sociale. 

Quelques  jours  plus  tard,  l'alliance  delà  démocratie  socialiste 
était  fondée  à  Genève  :  le  groupe  initiateur  comprenait  quatre- 
vingts  adhérents.  Nous  avons  fait  connaître,  dans  notre  ouvrage 
sur  Y  Internationale ,  les  statuts  adoptés  par  cette  branche  de 


26  L'INTERNATIONALE 

l'Internationale  *,  nous  n'y  reviendrons  pas.  Ils  se  résument 
d'ailleurs  dans  ces  trois  termes  :  athéisme  ;  égalisation  politi- 
que, économique  et  sociale  des  individus  des  deux  sexes  ;  sup- 
pression de  tous  les  Klats  politiques. 

Cette  section,  dig'ne  émule  de  la  section  française  de  Londres, 
qui,  dans  son  programme,  s'était  donné  pour  mission  spéciale 
d'étudier  les  questions  politiques,  peut  être  considérée  comme 
la  personnification  la  plus  complète  des  tendances  véritables  de 
l'Internationale,  tendances  dissimulées  jusqu'alors  dans  l'intérêt 
de  l'association  et  par  mesure  de  prudence.  Elle  fut  organisée 
par  des  Internationaux  impatients  de  hâter  l'heure  de  la  révo- 
lution et  dont  le  tempérament  révolutionnaire  ne  pouvait  s'ac- 
commoder des  lenteurs,  des  hésitations,  de  la  modération  relative 
et  habilement  calculée  de  quelques-uns  de  leurs  coreligion- 
naires. Le  conseil  général  s'émut  de  cet  état  de  choses  :  il  com- 
prit que  le  programme  de  l'Alliance  pouvait  jeter  du  discrédit 
sur  l'Internationale  et  fournir  l'occasion  à  ses  détracteurs  de 
signaler  le  danger  de  pareilles  doctrines  :  il  refusa  de  recon- 
naître à  cette  section  le  caractère  d'internationale;  et  prit  à 
cet  égard,  le  28  décembre  1868,  une  décision  portant  annulation 
des  statuts  de  ce  groupe  qui  était  traité  de  dissident  :  cette  dé- 
cision fut  communiquée  à  tous  les  correspondants  de  l'Interna- 
tionale en  France  et  à  l'étranger. 

Une  pareille  exclusion  n'était  que  le  résultat  d'une  insigne 
fourberie  :  elle  avait  été  nécessitée  par  les  circonstances,  mais 
aussitôt  que  l'orage  fut  calmé,  le  conseil  général  se  hâta  de  re- 
venir sur  cette  décision.  Le  14  mai  1869,  à  la  suite  d'une  nou- 
velle délibération,  l'Alliance  de  la  démocratie  socialiste  recevait 
du  conseil  général  un  brevet  qui  la  déclarait  Internationale  : 
ce  titre  lui  était  de  nouveau  confirmé  en  juillet  1869.  Puisque 
nous  nous  occupons  de  cette  section,  nous  tenons  à  répondre 
à  ime  objection  que  ne  manquent  pas  de  faire  quelques  interna- 
tionaux, lorsqu'on  parle  de  l'Alliance;  ils  prétendent  qu'elle  n'a 
jamais  été  reconnue  comme  section  de  l'Internationale.  C'est  là 
une  erreur,  une  erreur  grossière.  Comme  en  pareille  matière 
les  preuves  sont  indispensables,  nous  renvoyons  ces  naïfs  in- 

*  Voir  page  28. 


F.T     LE  JA  OBI  NI  S  ME.  97 

tcrnationaux  au  journal  VMgalilô  (numéro  du  23  avril  1870)  *. 
Ajoutons  que  l'Alliance  ne  tarda  pas  à  jouer  un  rôle  prépondé- 
rant ;  l'avenir  lui  appartient  ;  nous  verrons  plus  loin  comment 
elle  finit  par  envahir  le  monde  ouvrier  et  par  devenir  maîtresse 
de  la  situation.  C'est  elle  qui  a  fait  le  31  octobre  et  le  18  mars. 
Composée  aujourd'hui  de  communistes  et  de  blanquistes,  elle 
commande  à  toutes  les  sections  françaises,  et  domine  le  mou- 
vement, grâce  à  l'énergie,  à  l'activité  et  à  l'influence  de  ses 
membres. 

Autre  erreur  qu'il  importe  de  relever.  Dans  sa  récente  cir- 
culaire, le  ministre  des  affaires  étrangères  rappelant  un  pas- 
sage du  Propres  du  Loclo  (29  janvier  1870)  emprunté  à  notre 
premier  ouvrage,  signalait  ce  journal  comme  l'un  des  organes 
de  l'Internationale.  Cette  affirmation  a  soulevé  les  colères  du 
grand  conseil  de  Londres  ;  l'un  de  ses  membres,  dans  une  let- 
tre adressée  au  Times  et  reproduite  dans  YEgalité,  proteste 
contre  cette  allégation  qu'il  qualifie  de  mensongrre,  et  affirme 
que  le  Progrès  du  Loclo  n'a  jamais  été  un  journal  de  T Inter- 
nationale. Pauvre  M.  John  Haies,  vous  ne  lisez  sans  doute  pas  7a 
Solidarité.  Nous  le  regrettons  :  vous  auriez  évité  de  conmiettre 


1  Nous  lisons  en  effet  à  la  2e  pa^,  2e  colonne,  ligne  79,  et  suiv.  à  propos  du 
compte  rendu  du  congrès  de  la  Cliaux-de-Fonds  (avril  1870)  :  Le  conseil  géné- 
ral a,  il  est  vrai,  admis  l'Alliance,  mais  le  conseil  général,  en  admettant  l'Al- 
iance,  ignorait  coinplélement  les  procédés  occultes  dont  certaines  personna- 
lilés  dirigeant  l'Internationale  se  permettaient  d'user. 

Nous  trouvons  encore  dans  le  numéro  du  30  avril,  l^e  page,  3e  col.,  ligne  2^, 
cette  déclaration  faite  au  congrès  par  le  citoyen  Guillaume,  de  Neufchàtel. 

«  Le  conseil  général  a  admis  la  section  de  V Alliance,  et  vous  ne  voulez  pas 
l'admettre  à  siéger  au  congrès  !  vous  ne  le  pouvez  pas  !... 

Et  plus  loin  (page  -4,  2^  col.,  lignes  4  et  suivantes). 

«  Le  conseil  général  aurait-il  admis  l'Alliance,  si  elle  était  menée  par  une 
intrigue... 

Discours  du  citoyen  Rossier  (ligne  56)  : 

ce  Puisque  le  conseil  général  de  Londres  a  admis  la  section  de  l'Alliance 
dans  l'Internationale,  c'est  preuve  qu'elle  peut  et  doit  être  admise  par  nous. 
Je  demande  que  le  comité  fédéral  nous  présente  la  correspondance  qui  a  été 
échangée  entre  lui  et  le  conseil  général  sur  l'admission  de  l'Alliance. 

Et  encore  (ligne  73)  :  —  L'Alliance  s'est  adressée  deux  fois  au  conseil  géné- 
ral, et  ce  n'est  qu'à  la  seconde  fois  qu'elle  a  été  reçue. 

Est-on  maintenant  convaincu  que  l'Alliance  est  une  section  de  l'Internatio- 
nale et  que  ce  titre  lui  a  été  conféré  par  décision  du  conseil  suprême?  —  Le 
conseil  général,  dans  la  conférence  tenue  à  Londres  le  21  septembre  1871,  s'est 
occupé  de  nouveau  de  la  situation  de  cette  section  (Voir  Résolution  XVI  — 
Radical  —  13  novembre  1871). 


28  !/•  I  N ï  E  Tx  N  A  T 1 0  N  A  L  !■: 

uno  ciTonr  aussi  pirossiùro,  surtout  pour  un  membre  du  conseil 
général,  (jui  u'e&t  pas  un  nouveau  venu  dans  l'Internationale.  Il 
valait  beaucouj)  mieux  ne  pas  relever  ce  passage  du  Progrès 
du  Loclc,  que  do  i)rotcster  nicnsonç/crcinc]}/ ;  il  est  compromet- 
tant, c'est  vrai,  mais  à  qui  la  faute?  Ouvrez  donc  la  Solidarifé, 
citoyen  John  Haies  :  vous  y  lirez  (numéro  du  16  avril  1870, 
4*  page,  1"  colonne,  ligne  61),  sous  cette  rubrique  :  Nouvelles 
de  la  Ft'dcvntion  romande,  cet  entrefdet  dont  nous  vous  enga- 
geons à  faire  votre  profit  : 

«  Les  sections  ("internationales)  du  Locle  rpii  font  généreuse- 
ment le  sacriJice  de  leur  organe  spécial,  le  Progrès^  promettent 
leur  concours  on  masse  à  la  Solidarité.  » 

Êtes-vous  maintenant  persuadé  que  le  Progrès  était  l'organe 
des  sections  du  Locle  ?  D'ailleurs  vous  ne  l'avez  jamais  ignoré  ; 
il  vous  sied  bien,  conseil  général,  de  taxer  les  autres  de  men- 
teurs, vous  dont  les  manifestes  ne  sont  qu'un  tissu  de  menson- 
ges plus  ou  moins  habilement  assaisonnés. 

Nous  arrivons  à  1869.  Les  événements  vont  se  précipiter  :  les 
réunions  publiques,  les  élections,  les  nombreuses  grèves,  le 
malaise  général,  les  excitations  de  la  démagogie,  les  théories 
subversives  répandues  dans  les  masses  par  une  certaine  presse, 
l'attitude  des  partis  extrêmes,  l'agitation  des  esprits,  voilà  autant 
de  causes  destinées  à  faciliter  le  jeu  de  l'Internationale  et  à  lui 
permettre  d'accentuer  encore  davantage  son  rôle  politique.  En 
France,  à  la  faveur  de  la  nouvelle  loi  sur  les  réunions  publiques, 
la  propagande  socialiste  et  révolutionnaire  va  pouvoir  se  don- 
ner libre  carrière.  Fidèle  à  ses  traditions,  la  branche  française 
de  Londres,  à  l'instigation  de  Félix  Pyat,  organise  un  grand 
meeting  pour  le  14  janvier  1869,  en  Vhonneur  de  l'attentat 
d'Orsini. 

Un  nouveau  meeting  a  lieu,  le  24  février,  pour  célébrer 
l'anniversaire  de  la  Révolution.  Comme  toujours,  la  plu- 
part des  réfugiés  politiques  et  les  meneurs  du  parti  révolu- 
tionnaire sont  présents.  Félix  Pyat  est  accueilli  avec  enthou- 
siasme. Il  prédit  la  chute  inévitable  de  l'Empire  et  éspèro 
que  l'on  pourra  célébrer  à  Paris  le  prochain  anniversaire  du 
24  février. 


i:t    lk   ,1  ACOiJiM^.Mi;.  jd 

11  donne  lecture  à  l'assemblée  d'une  adresse  de  la  bruiicln;  l'niii- 
çaiso  au  président  Granl. 

Nous  nous  faisons  un  devoir  de  reproduire  celle  curieuse  élu- 
cubralion  dont  nous  garantissons  l'authenticité,  et  qui  est  de  na- 
ture à  édifier  pleinement  nos  lecteurs  sur  les  tendances  révolu- 
tionnaires de  l'Internationale.  Ce  manifeste  n'est  qu'une  série 
de  récriminations  contre  l'Empire  et  la  Papauté  : 


30  L  '  1  N  T  E  R  N  A  T I  0  N  A  L  E 

LIBERTÉ,    ÉGALITÉ,    FRATERNITÉ. 

RÉPUBLIQUE     FRANÇAISE. 
AU    PRÉSIDENT    GRANT 

Adresse  de  L'Association  internationale  des  travailleurs  (branche 
française),  lue  par  Félix  Pyat,  votée  a  l'unanimité,  au  meeting 
DU  24  février,  a  Londres,  par  les  démocrates  de  toutes  na- 
tions, ET  remise  par  les  DÉLÉGUÉS  BeSSON,  A.-V.  ChATELAIN,  De- 

BORD,  Hulek,  Jourdain,  le  6  mars,  au  ministre  américain,  qui  a 
promis  de  l'envoyer  au  président. 

Timbre  de  la  branche  française.  Section  fédérale. 

«  Citoyen, 

«  L'Europe  jette  de  temps  en  temps  un  cri  de  détresse  à 
l'Amérique  qui  ne  l'entend  pas.  Elle  s'affaisse  de  plus  en  plus 
sous  son  double  joug.  Malgré  réforme  et  révolution,  après  trois 
grands  siècles  d'efforts,  elle  n'a  pu  se  délivrer  de  ses  envelop- 
pes caduques,  le  prêtre  et  le  soldat. 

«  Rome  et  Paris  sont  les  capitales  de  la  bête  apocalyptique  à 
deux  fronts,  de  la  double  tyrannie  couronnée  et  mitrée,  du  Ja- 
nus  catholico-monarchique,  le  pape  et  l'empereur. 

«  La  fraude  et  la  force  sont  le  trait  d'union  de  ces  deux  Sia- 
mois du  droit  divin,  monstres  hybrides  qui  allient  tous  les  con- 
traires, hosties  et  chassepots,  immaculation  et  guillotine. 

«  L'autel  et  le  trône  se  tiennent  soudés  à  l'échafaud  par  les 
miracles  et  les  merveilles. 

«  Avant  de  refaire  l'Empire,  l'homme  de  Décembre,  comme 
celui  de  Brumaire,  a  refait  la  papauté.  Et  il  garde  la  papauté  pour 
garder  l'Empire. 

«  L'empereur  sait  à  fond  cette  vérité  politique,  que  le  pape  est 
le  premier  précepteur  de  servitude  humaine  ;  que  le  maître  spi- 
rituel assure  le  maître  temporel  ;  que  tout  peuple  qui  subit  le 
prêtre,  subit  le  prince  ;  que  tout  peuple,  n'importent  sol,  race  et 


ET     LE     .lACODlNISME.  31 

loi,  qui  lie  pont  secouer  le  catholicisme,  s'arrôtc  ou  décline, 
reste  ou  retombe  en  enfance,  s'il  n'en  meurt  i)as  avant  le  temps; 
que,  partout  et  toujours,  la  liberté  est  en  raison  inverse  de  la 
catholicité. 

«  L'empereur  sait  que  les  peuples  les  plus  dominés,  les  plus 
annulés  sont  les  plus  catholiques  ;  que  l'Irlande  se  meurt  et  que 
la  Pologne  est  morte;  que  l'Italie  même, l'institutrice  du  monde 
moderne,  la  seconde  patrie  de  tout  civilisé,  n'a  pu  s'élever  à  la 
vie  nationale  sous  son  pape,  maîtrisée  par  tous  ceux  ({u'elle  maî- 
trisait sous  sa  république. 

«  Il  sait  que  l'Espagne,  qui  la  suit  dans  le  giron,  a  pu  être  na- 
tionale, mais  libre  jamais  ;  et  qu'après  avoir  chassé  une  royauté, 
elle  va  en  reprendre  une  autre  pour  finir  en  état  de  grâce. 

«  Il  sait  que  la  France,  la  moins  catholique  des  trois,  l'est  en- 
core assez,  hélas!  pour  avoir  perdu  deux  répubhques,  et  que 
les  principes  hérétiques  de  sa  philosophie  doivent  tuer  le  des- 
potisme ou  être  tués  par  lui;  qu'en  Amérique  môme,  les  répu- 
bliques du  Sud  sont  toutes  stationnaires  ou  rétrogrades,  selon 
leur  degré  d'orthodoxie;  bref,  que  le  cathohcisme,  en  niant  la 
liberté  de  conscience,  les  nie  toutes,  façonne  le  sujet  à  la  disci- 
pline par  l'obéissance,  le  lait  passer  d'emblée  du  confesseur  au 
commissaire,  d'une  autorité  -à  l'autre,  automate  habitué  à  servir, 
effrayé  d'être  libre,  déléguant  sa  souveraineté  et  nommant  vite 
des  empereurs  au  heu  de  présidents,  des  Napoléons  au  lieu  de 
Washingtons  ! 

«  L'empereur  sait  tout  cela  et  il  agit  en  conséquence.  Le  pré- 
sident le  sait  aussi.  Qu'il  agisse  de  même!  L'un  s'honore  de 
violer  la  loi,  l'autre  de  la  défendre  ;  ils  diffèrent  trop  pour  ne  pas 
se  combattre.  Mais  vous  êtes  homme  d'action  et  non  de  dis- 
cours... Au  fait! 

«  L'empereur  occupe  Rome.  Que  le  président  le  fasse  sortir! 
Il  sortira.  Pas  si  rétif,  vous  l'avez  vu  !  Il  entend  raison  quand  il 
faut.  Un  mot  lui  a  fait  évacuer  le  Mexique.  Un  demi  lui  fera  éva- 
cuer Rome.  C'est  l'empereur  de  l'évacuation  comme  de  l'in- 
vasion. 

«  La  république  a  déjà  fait  reculer  l'empire.  Poursuivez  !  Ten- 
dez la  main  à  Garibaldi  comme  à  Juarez  !  Grant  et  Garibaldi... 
Rome  sera  Ubre  comme  Mexico  !  Nous  nous  chargeons  de  Paris! 


VJ2  L'INTERNATIONALE.' 

«  L'Amérique,  fille  de  l'Europe,  en  est  l'espoir.  La  lille  lais- 
sei'a-l-cUe  périr  la  mère?  Les  enfants  doivent  aider  les  parents. 
Chacun  son  tour!  Même  devoir  pour  les  nations  que  pour  les 
individus  !  A  quoi  bon  vapeur,  électricité,  si  l'indifférence,  si 
l'ingratitude,  nous  sépare  i)lus  (jue  l'Océan?  Famille  oblige  et 
puissance  surtout!  Héros  du  nouveau  monde,  vous  pouvez  l'être 
de  l'ancien.  Élu  de  la  république  américaine,  vous  pouvez  l'être 
de  la  républiciue  universelle.  Libérateur  de  la  race  africaine,  vous 
pouvez  l'être  du  genre  humain.  Vous  pouvez  acquérir  aisément 
une  gloire  qui  traversera  toutes  les  mers  et  dépassera  tous  les 
monts.  Vous  pouvez,  en  vidant  le  Pandémoniuni,  mériter  l'ad- 
miration, la  reconnaissance  de  l'iiumanité.  Vashington  a  pro- 
clamé la  liberté  pour  les  États-Unis.  Monroe  l'a  proclamée  pour 
l'Amérique.  Président  Grant,  proclamez-la  pour  le  monde  entier. 

«  Vous  le  pouvez,  vous  le  devez  ! 

«  Ne  nous  répondez  pas  en  pharisien,  en  louant  Dieu  de  n'être 
pas  né  Européen  !  A  cet  appel  fraternel  pour  Rome,  ne  nous 
répondez  pas  par  ce  mot  immonde  :  Chacun  pour  soi  !  Nous  at- 
tendons mieux  de  vous  que  ce  refus  d'acier  poli,  déjà  fait  jiar 
^"otre  presse  à  notre  appel  pour  l'Espagne  : 

«  La  mission  de  l'Amérique,  dit  le  ^Veu'-  York  Times,  est  de 
montrer  aux  peuples  les  charmes  de  la  démocratie,  les  beautés 
d'une  nation  libre,  de  la  souveraineté  individuelle,  d'un  meilleur 
gouvernement,  d'une  plus  pure  société,  d'un  plus  haut  type  du 
caractère  humain  qu'on  n'en  peut  voir  sous  un  régime  despo- 
tique, sous  rois  et  prêtres,  grandes  armées  et  grandes  églises, 
mensonges  de  Machiavel  et  violences  de  César.  Quand  nous  au- 
rons suffisamment  montré  cet  exemple  au  monde,  toute  tyrannie 
en  Europe  sera  finie  et  le  règne  des  peuples  commencera.  Mais 
si  nous  alhons  en  fous  furieux  combattre  pour  l'Italie  et  l'Es- 
pagne, l'Irlande  et  la  Pologne,  notre  puissance  serait  bientôt 
perdue  et  la  grande  république  consignée  à  l'histoire. 

«  L'égoïsme  ne  saurait  être  plus  gracieux  ;  mais  enfin  c'est 
l'égoïsme...  Et  l'homme  du  peuple,  l'homme  du  droit  et  surtout 
l'homme  de  cœur  doit  penser  autrement.  Le  président  de  la 
grande  république  pensera  avec  moins  d'orgueil  et  plus  de  jus- 
tice, que  les  peuples  ont  d'autres  devoirs  que  de  se  montrer 
leurs  charmes  ;  que  la  liberté  est  soUdaire  connue  la  tyrannie  ; 


El"     l.\-:     .lACOlJlN  ISMi:.  33 

(\nv  lo  droit  ne  peut  pas  plus  se  passer  de  l'orce  que  le  crime; 
([ne  les  élus  mêmes  de  la  providence,  empereur  et  pape,  ne  s'en 
tiennent  pas  à  la  magie  de  leurs  vertus;  ijue  l'exemple  delà 
force  ne  suffît  pas  aux  faibles  ;  l'exenijtle  de  la  liberté  aux  es- 
claves; l'exemple  de  la  santé  aux  mouraiils. 

«  Nous  donc,  ouvriers  français,  républicains  de  i8,  aujour- 
d'hui 24  février  69,  vous  parlant  pour  les  Romains,  républicains 
comme  vous  et  nous,  nous  avons  foi  en  vous,  vainqueur  des  né- 
griers. Nous  ne  craignons  pas  de  vous  dire,  dans  la  langue  de 
Lafayette,  que  si  la  France  avait  envoyé  aux  Grecs,  au  lieu  d'une 
ilottc  à  Xavarin,  un  exenq)laire  de  Plularquc,  loulo  la  Grèce 
serait  encore  tunpie  à  présent... 

«  (Jue  si  la  France  avait  envoyé  aux  Italiens,  au  lieu  d'une 
armée  à  Magenta,  le  De  \iris  IlJuslriLus,  l'Italie  serait  encore 
autrichienne  à  présent... 

«  Uu'enlin  si  la  France,  au  lieu  d'envoyer  aux  Américains 
mêmes,  son  armée  et  sa  flotte  à  Boston,  leur  avait  envoyé 
l'inuige  de  Jeanne  d'Arc  chassant  l'Anglais,  la  grande  répu- 
bli(|ue  n'aurait  ni  puissance  à  perdre  dans  le  i)résent,  ni  même 
un  nom  à  laisser  dans  l'histoire.  » 

Voilà  les  qiieslions  économiques  et  professionnelles  aux({uelles 
devaient  se  borner,  d'après  les  statuts,  l'action  et  les  études  de 
l'Internationale. 

Ajoutons  que  la  branche  française  tient  w.i  nouveau  meeting 
pour  célébrer  l'anniversaire  du  2i  juin. 

De  leur  côté,  les  sections  belges  étaient  loin  de  rester  inac- 
tives :  leur  attitude  prenait  même  une  forme  de  plus  en  plus 
révolutionnaire. 

Nous  en  trouvons  la  preuve  manifeste  dans  cet  appel  adressé 
aux  ouvriers  belges,  lors  de  la  grève  des  bouilleurs,  puddleurs. 
lamineurs. 

«  Amis,  compagnons,  frères  ! 

«  11  y  a  assez  longtemps  que  vous  souffrez  dans  un  dur  escla- 
vage. Vengez-vous,  tuez,  massacrez,  si  on  ne  vous  donne  pas 


34  L'INTERNATIONALE 

la  liberté  entière  pour  tous!  A  bas  les  capitalistes!  Mort  à  la 
noblesse,  au  clergé  ! 

«  Vive  la  République  ! 

«  Allons,  courage!  si  vos  couteaux,  vos  flèches  ne  suffisent 
pas,  nous  vous  donnerons  des  armes. 

►  Le  comité  révolutionnaire  de  Bruxelles, 
•i  Vengez-vous!  " 

Ce  comité  révolutionnaire  était  une  création  de  l'Internatio- 
nale due  à  l'initiative  des  citoyens  Delassalle,  Robin,  Sephl,  qui, 
dès  le  mois  d'avril,  avaient  proposé  d'organiser  un  groupe  ayant 
pour  mission  uni(|ue  de  propager  l'idée  et  les  principes  de  l'ac- 
tion révolutionnaire  et  destiné  à  agir  sur  la  France.  A  la  même 
époque  nous  constatons  la  présence  à  Bruxelles  de  Tridon, 
Blanqui  et  Miot. 

En  France,  lors  des  élections  générales  du  mois  de  mai,  nous 
voyons  les  internationaux  s'agiter  et  prendre  part  à  la  lutte.  La 
question  électorale  devient  leur  unique  préoccupation  et  le  but 
constant  de  tous  leurs  efforts. 

Dans  les  réunions  électorales  la  tribune  est  envahie  par  des 
ouvriers,  la  plupart  membres  de  l'Internationale.  L'abolition  des 
armées  permanentes,  le  retrait  des  troupes  de  Rome,  l'abolition 
du  budget  des  cultes,  la  magistrature  élective,  l'instruction  gra- 
tuite et  obligatoire,  l'abolition  des  impôts  directs,  l'abolition  des 
gros  traitements,  la  liquidation  de  la  dette  publique,  la  respon- 
sabilité effective  des  fonctionnaires,  tels  sont  les  thèmes  favoris 
développés  par  les  orateurs  du  prolétariat  *.  Ils  proclament 
l'avenir  du  socialisme.  Voici  en  quels  termes  Combault,  l'un  des 
vétérans  de  l'Internationale,  appréciait  le  caractère  de  ces  réu- 
nions électorales  (A'^a777e',  numéro  du  29  mai  1869)  : 

œ  La  question  sociale  a  été  mise  au-dessus  de  la  question  des 
personnes  et  dans  plus  de  deux  cents  réunions  tenues  à  Paris 
dans  les  quinze  jours  de  période  électorale,  les  principes  du  so- 

1  Nous  avons  reproduit,  dans  notre  premier  travail  sur  l'Internationale,  le 
programme  publié  à  cette  époque  par  un  certain^;-  roupe  d'internationaux 
i7«  édit.l. 


r:T    LE   j Ai;oBiNi>^Mr..  8.s 

(.'lulisnie  oui  élé  iiellement  allinués  :  le  pouvoir  poi'sunnei  a  été 

démasqué,  hué,  critiqué  sur  toute  la  ligne Le  peuple  de 

Piu'is,  prêt  pour  le  scriiUn  el  non  encore  pour  la  (juerre  des 
rues,  a  organisé  avec  calme  sa  victoire.  Il  ne  faut  pas  se  mé- 
prendre sur  les  conséquences  de  ces  troubles  :  ils  ont  consommé 

la  scission  entre  la  force  armée  el  la  population L'ivresse  de  la 

victoire  électorale  ne  mettra  pas  fin  aux  justes  ressentiments  po- 
pulaires...La  nation  révolutionnaire  secoue  sa  torpeur  et  le  lion 
populaire  ne  dort  plus,  il  se  refait  les  griffes.  »  —  Murât  avait  donc 
raison  lorsriu'il  écrivait  à  Dupont,  le  28  novembre  1868,  que  c'était 
rinternationalc  qui  dirigeait  les  meetings  *.  Nous  devons  ajou- 
ter qu'à  la  suite  des  troubles  dont  parle  Combault,  des  ar- 
restations furent  opérées  à  Paris  et  qu'aussitôt  des  souscrip- 
tions furent  recueillies  par  les  soins  de  l'Internationale  pour 
venir  en  aide  aux  fiimilles  des  détenus  politiques,  au  nombre 
desquels  figuraient  Meligon  et  Murât.  Toutes  les  sections  durent 
envoyer  leurs  cotisations. 

Le  16  juin  1869,  un  certain  groupe  d'internationaux  parisiens 
publiait  la  protestation  suivante  : 

«  Aux  démocrates  socialistes! 

«  Pendant  cinq  jours  des  scènes  de  désordre,  dont  les  démo- 
crates socialistes  repoussent  énergiquement  la  solidarité,  ont 
affligé  Paris. 

a  Ces  actes  ont  servi  de  point  de  départ,  de  prétexte  à  l'ar- 
restation d'un  grand  nombre  de  citoyens. 

«  Témoins  de  ces  faits,  connaissant  pour  la  plupart  les  hom- 
mes arrêtés  par  suite  demandais  d'amener,  nous  savons  que  l'ins- 
truction judiciaire  d'une  part,  de  l'autre  l'enquête  qu'il  est  du 
devoir  de  chacun  de  poursuivre  sans  relâche,  démontreront  pé- 
remptoirement l'arbitraire  de  pareilles  arrestations. 

«  Sur  quels  renseignements,  i)our  quelle  cause,  dans  quel 
but,  ces  hommes  honorables  ont-ils  éié  arrachés  à  leui's  ti-a- 
vaux  et  à  leurs  familles? 

«  Comment  se  fait-il  que  chaque  jour  de  paisibles  citoyens  se 

'  Pour  connaître  le  caraclère  des  réunions  publiques  et  la  manière  dont  le 
résultat  des  élections  était  apprécié  par  l'Internationale,  on  peut  consulter  uti- 
lement les  correspondances  parliculirres  de  VErjalifé  reproduites  aux  docu- 
ments justificatifs,  pii-ce  D. 


86  L'INTERNATIONALK 

sont  trouvés  vittiinos  de  brutalités,  retenus  prisonniers,  alors 
({ue  les  fauteurs  de  désordres  continuaient  leurs  actes  coupaldos  ? 

»  Il  faut  que  la  vérité  soit  connue  tout  entière  :  car  il  s'agit 
d'une  question  de  moralité  et  de  dignité  publique  qui  intéresse 
chaque  citoyen. 

«  Moralité  publique,  liberté  individuelle,  dignité  humaine,  tous 
ces  sentiments,  ces  droits,  qui  sont  l'essence  des  sociétés  dé- 
mocratiques ont  été  atteints  par  des  faits  scandaleux. 

«  En  attendant  que  la  lumière  soit  faite,  nous,  qui  nous  por- 
tons garants  de  l'innocence  et  de  la  moralité  de  nos  camarades 
aujourd'hui  détenus,  nous  qui  affirmons  le  principe  de  solidarité, 
n'oublions  pas  qu'il  y  a  des  familles  sans  chefs,  c'est-à-dire  des 
femmes  et  des  enfants  dont  l'existence  est  en  péril. 

«  Nous  faisons  appel  à  tous  les  démocrates  socialistes  pour 
venir  en  aide  à  ces  malheureux  et  leur  épargner  au  moins  les 
privations  matérielles,  si  nous  sommes  impuissants  à  faire  dis- 
paraître leurs  souffrances  morales. 
«  Paris  16  juin  1869. 

«Ont  signé:  PINUY,  menuisier;  H.  TOLAIN,  ciseleur; 
A.  THEISZ,  ciseleur;  GUIARD,  monteur  en  bronze; 
VARLIN,  relieur;  V.  CARRIÈRE,  menuisier;  G.  DU- 
RAND, bijoutier;  BELMON,  mécanicien;  J.  AMOLRIE, 
employé  de  commerce  ;  J.  LABURTHE,  chapeUer  ;  LE- 
CRENIER,  chapeUer;  E.  GUILMARD,  chapelier;  MAS- 
SADOU,  chapelier  ;   Eugène  BAY,    chapelier.  » 

Le  conseil  général  avait  vu  avec  plaisir  les  ouvriers  français 
se  mêler  avec  ardeur  à  la  lutte  électorale.  Dès  le  14  mai  1869, 
Eugène  Dupont  écrivait  à  son  cher  ami  Murât  : 

•1  Donne-moi  quelques  explications  au  sujet  de  la  division  des 
socialistes  de  Paris,  je  veux  dire  la  provocation  aux  députés  de 
l'opposition  et  la  protestation  des  149 1. 

•  A  propos  de  ceUe  provocation  donl  parle  Dupont,  nous  devons  repro- 
duire ce  passage  du  journal  VEgalilè  (numéro  du  17  avril  1869i,où  se  trouvent 
expliqués  les  faits  auxquels  fait  allusion  le  correspondant  du  conseil  général  : 

Paris.  12  avril  1869. 
»  La  grande  nou\ elle   de  ces  jours  derniers,  ce    sont  les   deux   coinnumica- 


I:T     le     ,1  vr.dilINIS.Ml';.  ^17 

«  Que  penses-tu  des  élections?  Serons-nous  l);tltns?  » 
Quelques  jours  plus  tard  le  conseil  général  chargeait  trois  de 


lions  des  socialistes  aux  journaux.  La  première  a  recueilli  quelques  sympa- 
thies dans  les  journaux  libéraux,  la  seconde  ne  peut  manquer  de  soulever 
tontes  leurs  haines.  Voici  ces  deux  pièces  : 

AUX    nÉPUTKS  PE    l/OPPOSlTIOX    UnKRALE. 

"  Citoyens  députés, 

«  ÎN'ous  ne  croyons  être  contredits  par  aucun  de  vous  en  altirniaiil  qu'en 
France  la  peur  du  socialisme  a  été,  de  18iS  ;i  1S:>I,  la  caus.;  principale 
de  la  perte  successive  des  libertés  politiques  laborieusement  conquises  par 
nos  iiért's  ;  que  cette  peur  avait  lini  par  rejeter  dans  le  camp  de  la  réaction 
autoritaire  la  presque  totalité  des  hommes  qui  avaient  défendu  jusqu'alors  les 
principes  de  la  révolution;  que  si  le  parti  delà  liberté  s'est  ensuite  lentement 
reconstitué,  c'est  parce  que  la  peur  du  socialisme  s'était  progressivement 
évanouie  ;  que  par  le  l'ait  des  réunions  publiques,  où  la  question  sociale  s'est 
de  nouveau  posée,  la  peur,  un  moment  disparue,  tend  à  renaître  avec  son 
ancienne  intensité;  et  enfin,  que  si  elle  ne  réussit  pas  à  la  faire  cesser 
avant  les  prochaines  élections,  l'opposition  libérale,  dont  vous  êtes  les  repré- 
sentants officiels,  risque  fort  d'être  vaincue,  sinon  à  Paris,  du  moins  dans 
les  déparlements. 

«  Nous  aussi,  socialistes,  nous  Aoulons,  bien  que  par  d'autres  motifs,  faire 
cesser  celte  peur  absurde  de  la  question  sociale,  et,  puisque  nous  sommes 
d'accord  avec  vous  sur  ce  but,  nous  vous  offrons  loyalemenl  le  moyen  de 
l'atteindre. 

a  Nous  vous  proposons  à  cet  effet,  de  convoquer  une  réunion  de  2,000  per- 
sonnes, les  cartes  d'entrée  à  cette  réunion  étant  ainsi  distribuées  : 

500  remises  à  la  chambre  de  commerce; 

100  à  l'ordre  des  avocats; 
30  à  la  magistrature: 
50  aux  of liciers  ministériels; 
50  à  la  faculté  de  médecine  ; 
30  aux  journaUstes  : 

100  aux  différents  ministères; 
50  au  Corps  législatif; 
26  au  Sénat  ; 
25  au  Conseil  d'Étal  ; 

500  dont  vous  disposerez  comme  vous  voudrez; 

«  El  500  laissées  par  vous  aux  socialistes  qui  accepteront  de  vous  la  som- 
mation suivante  : 

a  Sommation  de  faire  connaître,  avec  précision  et  sans  réticence  aucune, 
non  pas  leurs  idées  sur  l'avenir  de  l'humanité,  idées  qui  doivent  être  d'au- 
tant plus  vagues  qu'elles  s'appliquent  à  un  avenir  plus  éloigné,  mais,  ce  qui 
est  bien  différent  et  bien  autrement  important,  les  mesures  législatives  qui 
leur  paraissent  nécessaires  et  suftisanles  pour  accomplir  ce  qu'ils  appellent 
la  révolution  sociale. 

«  Désireux  comme  vous,  citoyens  députés,  d'en  finir  avec  celle  peur 
absurde  qui  fait  seule  obstacle  au  triomphe  de  la  liberté,  convaincus  d'ail- 
If'urs   qu'un  pûiivnir  qiiPlçon((ue   ne  ponrra  jamni-;  révolutionner   à   sa    guir.e 


38  LlNTERNATlONALi: 

ses  membres,  Eccarius,  Lessiier  et  Sack,  de  féliciter  les  ou- 
vriers français  de  leur  attitude  patriotique  pendant  les  élen- 
tions. 


une  société  qui  ne  veut  pas  être  révolutionnée,  ou  la  faire  marcher  dans  un 
sens  conlraire  à  celui  dans  lequel,  à  tort  ou  à  raison,  elle  veut  et  entend 
marclier,  nous  avons,  aprùs  mûres  délibérations,  pris  le  parti  d'aller  au- 
devant  de  votre  soumiation. 

«  Nous  vous  invitons  publiquement  à  venir  discuter  avec  nous,  devant  une 
assemblée  composée  comme  nous  venons  de  le  dire,  les  voies  et  les  moyens 
de  la  révolution  sociale. 

«  Trois  sténograpiies,  clioisis  d'un  commun  accord,  seront  chargés  de 
publier  in  extenso  vos  discours  et  les  nôtres,  et  la  France,  attentive  à  ce 
grand  débat,  sera  juge. 

«  Qu'avez-vous  à  craindre?  Ce  n'est  pas  le  talent  oratoire  qui  vous 
manque.  Et  certes,  si  nous  n'étions  pas  convaincus  de  la  justice  et  de  la 
praticabilité  de  nos  moyens,  il  y  aurait  de  notre  pari  une  grande  outrecuidance 
à  oser  discuter  avec  vous.  Mais  nous  savons,  pour  lavoir  expérimenté  dans 
les  réunions  publiques,  que,  chez  le  peuple  français,  l'amour  de  l'art  n'exclut 
pas  le  bon  sens,  et  que  celui-ci  finit  toujours  par  l'emporter. 

«  Nous  savons  aussi,  et  c'est  là  surtout  ce  qui  explique  notre  audace,  que 
si,  contre  notre  attente,  nous  devons  être  vaincus  par  vous  sur  le  terrain 
pratique,  si  vous  réussissez,  par  vos  arguments,  à  convaincre  la  nation 
française  de  l'impraticabilité  de  nos  moyens,  nous  réussirons,  de  notre  côté, 
à  lui  démontrer  clair  comme  le  jour  la  nécessité  de  trouver  d'autres  moyens 
et  l'impossibilité  de  rester  dans  le  stalu  quo, 

a  Le  parti  socialiste,  auquel  nous  avons  l'honneur  d'appartenir,  sera  sans 
doute  alors  envoyé  à  l'école  des  moyens;  mais  la  nation,  nous  en  sommes 
profondément  convaincus,  vous  y  renverra  avec  lui  en  posant  ainsi  le  pro- 
l)lème  : 

«  Formuler  un  ensemble  de  mesures  législatives,  telles  que  la  liberté  du  tra- 
vail et  la  liberté  des  transactions  restant  sauves,  l'égalité  des  conditions  en 
résulte  progressivement  et  promptement,  sans  spoliation  ni  banqueroute. 

«  Et  par  là,  citoyens  députés,  notre  défaite  commune  ne  pourra  èlre  qu'une 
victoire  commune,  une  victoire  qui,  faisant  enfin  cesser  la  peur  du  socialisme, 
nous  conduira,  dans  un  avenir  prochain,  à  la  glorieuse  et  définitive  conquête 
de  la  liberté,  sans  laquelle  il  n'est  pas  de  dignité  nationale. 

«  Dans  l'espoir  d'une  réponse  favorable,  nous  vous  envoyons,  citoyens  dé- 
putés, l'expression  de  nos  sentiments  fraternels.  » 

a  Suivent  11  signatures.  La  publication  de  ce  document  {Siècle,  .'i  avril)  amena 
a  publication  de  celui  qui  suit  {Opinion  nationale,  10  avril)  : 


T>ECI,ARATIOX   DE   SOCIALISTES  DE   TOITES  DOCTKINES. 

«  Paris,  ce  16  germinal. 

«  Quelques  individualités  qui  s'arrogent  indûment  le  droit  de  représenter 
le  socialisme,  viennent,  à  la  stu])éfaction  de  toute  la  démocratie,  d'adresser 
aux  «  députés  de  l'opposition  libérale  »  l'invitation  de  prendre  paît  à  une 
joute  d'éloquence  dont  les  doctrines  sociales  seraient  le  prétexte. 

«  En  présance    d'une  aussi  outrecuidante  manifestation,  nous  qui   ostimouî 


1-;T     LI-:     JACOBINISME  39 

D'ailleurs  riininixtion  de  l'Internationale  dans  les  élections  et 
son  ingérence  dans  le  mouvement  des  affaires  politiques  résul- 
tent encore  des  documents  suivants  qu'il  n'est  pas  sans  intérêt 
de  reproduire. 

Le  premier  est  une  lettre  écrite,  le  25  octobre  1868,  par  un 
groupe  d'internationaux  marseillais,  au  citoyen  Murât,  mécani- 
cien, à  Paris  : 


Marseille,  ce  25  octobre  1868. 


Cher  citoyen  Murât, 


«  Dans  une  deuxième  réunion  privée  tenue  hier  soir  dans  le 
bureau  du  journal  le  Peuple  à  l'effet  d'organiser  les  élections 
générales  de  1869,  un  groupe  de  socialistes  adhérents  à  l'Asso- 
ciation internationale  vous  a  choisi  pour  figurer  sur  une  liste 
provisoire  composée  de  dix  candidats  sur  le  sort  desquels  il  sera 
décidé  ultérieurement,  après  un  travail  d'information  et  de  pro- 
pagande que  les  différents  groupes  présents  à  la  réunion  vont 
entreprendre  chacun^  pour  les  trois  candidats  défmilifs  qui  de- 
vront être  présentés  dans  les  trois  circonscriptions  des  Bouches- 
du-Rhône. 

«  Votre  adhésion  nous  est  nécessaire  pour  agir  auprès  de  la 
classe  ouvrière  à  laquelle  nous  allons  vous  présenter  comme 
candidat,  comptant  sur  son  acceptation.  Veuillez  nous  l'envoyer 
au  plus  tôt  afin  que  nous  nous  mettions  activement  et  fructueu- 
sement à  l'œuvre  ;  nous  vous  tiendrons  d'ailleurs  au  courant  de 
ce  travail. 

»  La  nuance  que  nous  voulons  donner  à  votre  candidature  est 
essentiellement,  foncièrement  socialiste,  le  sens  est  contenu  in- 
tégralement dans  sa  quahfication  de  candidature  ouvrière. 

que  le  parti  socialiste  n'a  pas  besoin  de  représentants  ofûciels  ou  officieux, 
nous  protestons  formellement  et  déclarons  refuser  toute  participation  à  cette 
promiscuité  iiideuse  d'hommes  et  de  principes,  qui  sacrifie  la  dignité  de  la 
cause  populaire  à  la  vanité  oratoire  do  quelques  discoureurs. 

oc  Laissons  ergoter  à  leur  aise  les  scolasliques  de  la  démocratie  et  ceux  qui 
ne  sont  que  les  vaincus  de  Décembre. 

«  Les  vaincus  de  Juin  ne  discutent  pas  avec  leurs  meurtriers;  ils  attendent.  » 
«Suivent  149  signatures.  Ces  deux  piècfs  indiquent  aussi  h\ea  ([ue n  importe 
quelle  appréciation  l'esprit  du  socialisme  à  Paris. 


iij  l.'lNTKRNATIdXAl.i: 

«  El)  iigissanl  ainsi,  nous  oaleuflons  poursuivre  le  Lut  qua 
nous  nous  étions  proposé  on  adhémnl  ;)  l'Assoointion  inferna- 
tionalo  des  fra\  ailleurs. 

«  Agréez,  cher  citoyen,  l'assurance  de  nos  sentiments  fra- 
ternels. 

«  P.  S.  Notre  ami  ïolaincst  compris  dans  la  liste  provisoire; 
nous  lui  envoyons  la  même  dépêche.  Seulement  en  toute  fran- 
chise, nous  vous  dirons  que,  quant  à  ce  citoyen,  des  bruits  que 
nous  voulons  attribuer  à  la  médisance  se  sont  fait  jour,  qui 
demandent  néanmoins  à  être  ou  justitiés  ou  démentis,  ce  que 
nous  espérons  '. 

œ  Nous  usons  de  votre  intercession  pour  agir  auiirès  du  ciloyen 
ïolainailn  que  son  adhésion,  à  laquelle  nous  tenons,  soit  conçue 
de  manière  à  dissiper  jusqu'à  l'ombre  d'une  calomnie  qui  nous 
pourrait  faire  tort  à  divers  titres.  Ceci  dit  entre  nous  ! 

«  BASTELICA,  conniiis,  ex-secrétaire  du  bureau  de  l'Interna- 
tionale à  Marseille;  BOYER,  ouvrier  boulanger,  ex-membre 
correspondant;  MINOVIS  (F.),  portefaix,  ex-bibliothécaire; 
PILLARD,  maçon;  PILLARD  (Jean-Baptiste),  maçon; 
BRAYE,  représentant  de  commerce  ;  CxUIRAUD  ;  BOSIO 
(Jacques);  BUGNA,  menuisier;  GAUVIN,  ébéniste  ;  DU- 
GROS,  ajusteur  ;  PELTIER,  mécanicien;  BRUNET,  bou- 
langer; BISGAREL,  ajusteur;  RESTAGNY,  mécanicien; 
MALASSY,  typographe;  MOLLARD;  BIGHET;  ROHN- 
FELDER;   MALABURA,    ferblantier;   L.   PIASTRE,  tan- 


'  A  propos  de  ces  bruits  nous  trouvons  ce  petit  entrefilet,  dans  un  organe 
officieux  de  l'Internationale,  le  Giiafron,  \)\ih\ié  à.  Lyon  au  mois  de  septeni- 
bie  1870  et  rédigé  par  le  ciloyen  Stanislas  Gharnal,  qui  assistait  aux  séances 
du  congrès  de  Lausanne  : 

«  L'Indépendance  beUje,  cette  feuille  bonapartico-libéràtre,  prétend  que  d'a- 
près des  pièces  saisies  aux  Tuileries,  V Association  internationale  des  travail- 
leurs recevait  des  subsides  sur  la  cassette  de  l'ex-empereur. 

V Association  internationale,  jamais  !  quelques-uns  de  ses  membres,  oui  : 
le  sieur  Tolain  entre  autres;  mais  depuis,  le  congrès  des  travailleurs  de  Ge- 
nève, ce  misérable  a  été  démasqué  et  la  branche  française  de  Londres  n'a 
cessé  de  réclamer  son  expulsion.  (Le  Gnafron.  numéro  du  25  septembre  1870, 
S""  page,  3''  colonne.  I 

Les  mêmes  accusations  avaient  été,  au  mois  d'octobre  1865,  portées  contre 
lui  et  ses  collègues  Fribourg,  Limousin  et  Varlin,  par  le  ciloyen  Vésinier.  Il 
y  eut  entre  eux  à  ce  sujet  un  échange  des  lettres  les  plus  grossières  ;  nous 
en  reproduisons  quelques-unes  empifintées  au  journal  V Espièqle.  (Voir  docu- 
menls  justificalil's,  pièce  E. 


KT     I.K     .1  AC.i  l!|  \  IS  Mi:.  /,! 

neiir;  DELPECH,  ex-lrésoiici-  dn  l'Intmialionale;  G,  LAU- 
RENTIE;  ARNAUD;  E.   COMBET,   ouvrier  on  cJ.aises; 
Pierre  GOLASSE,  tanneur  ;  AUI3RY. 
«  Le  timbre  de  l'Associalinn  inlornationale  est  apposé  pour 
affirmer  l'authenticité  dos  signatures. 

«  Siffué  :  GERNIGHE.  . 

Une  lettre  de  Bastelica,  adressée,  le  29  novembre  1868,  au 
citoyen  Murât,  contient  ce  passage  dont  la  signification  politique 
ne  saurait  nous  échapper  : 

«  Le  citoyen  (Terniclic  m'a  communiqué  votre  lettre  collec- 
live.  xTe  tiens  à  vous  donner  une  opinion  qui,  quoique  purement 
personnelle,  réflrte  celle  de  tous  nos  amis.  Sur  la  liste  des  dix 
candidats  figure  un  des  nôtres,  le  citoyen  Delpech,  teneur  de 
livres,  homme  jeune,  convaincu,  estimé,  ex-trésorier  de  l'Asso- 
ciation internationale  '.  C'est  vous  dire  que  le  même  esprit 
nous  anime  et  qu'à  ces  indices  nous  sommes  sûrs  de  marcher 
tous  d'accord  et  de  front  dans  la  prochaine  campagne  électo- 
rale  

.  Signé  :  BASTELICA.  » 

Une  troisième  preuve  de  l'immixtion  de  l'Internationale  dans 
la  lutte  électorale  nous  est  fournie  par  cotte  lettre  de  Varlin  à 
Aubry  : 

«  Paris,  \o  8  janvier  ISfiS). 

€  Mon  cher  Aubry, 

«  Quant  à  la  candidature  ouvrière,  je  vois  que  vous  êtes  réso- 
lus à  la  poser.  Lyon  s'est  déjà  prononcé  dans  ce  sens.  Mar- 
seille nous  a  adressé  une  demande  de  renseignements.  J'espère 

»  Nous  avons  quelque  raison  de  supposer  que  ce  citoyen  Delpech  est  le 
même  qui  fut  acclamé  sous-prélot  d'Aix  au  lendemain  de  la  révolution  du 
4  septembre,  et  quelques  jours  après  préfet  des  Bouclies-du-Rhône,  qui  devint 
plus  tard  général  de  brigade  dans  l'armée  des  Vosges,  qui  fit  partie  de  la 
cour  martiale  appelée  à  condamner  à  mort  le  brave  colonel  Chenet,  de  la 
guérilla  d' Orient, i{m  n'avait  commis  d'autre  crime  que  celui  d'avoir' fait  son 
devoir.  C'est,  croyons-nous,  le  même  citoyen  qui  s'est  battu  plus  tard  en  duel 
avec  l'Anglais  Miilleton  dont  hs  s!/ii)j)al.liie!i  pour  l'armép  garibaldienne  sont 
suffisamment  connues. 


«  L'INTERNATIONALE. 

que  nous  allons  bientôt  nous  entendre  à  ce  sujet  et  que,  malgré 
les  abstentionnistes,  prud'hommes  enragés,  nous  entrerons  dans 
la  lice  électorale  concurremment  avec  les  républicains  bourgeois 
de  toutes  nuances,  afin  de  bien  affirmer  la  scission  du  peuple 
avec  la  bourgeoisie. 

«  Salut  fraternel  à  tous  nos  amis  de  Rouen. 

c.  E.  VARLIN.  » 

Les  lettres  suivantes  de  Bastelica,  l'âme  de  l'Internationale  à 
Marseille,  prouvent  avec  quelle  ardeur  ses  adeptes  se  livraient 
à  la  lutte  électorale. 


«  Marseille,  janvier,  1869. 
«  Mon  cher  citoyen  Murât, 

«  Dès  que  j'ai  reçu  votre  lettre,  je  me  suis  hâté  de  réunir  une 
vingtaine  d'amis  sûrs  afin  de  nous  entretenir  ensemble  du  pro- 
gramme. 

«  Depuis  lors,  des  événements  ont  surgi,  qui  nous  ont  empê- 
chés de  tenir  notre  deuxième  réunion  jusqu'à  un  de  ces  jours 
derniers.  Je  vous  avouerai  franchement  qu'à  des  degrés  diffé- 
rents nous  aurions  tous  adopté  la  candidature  Gamhetta.  La 
manifestation  était  on  ne  peut  plus  opportune  ;  il  faut  renverser... 
l'obstacle  quand  il  est  ébranlé.  Entre  autres  raisons  pouvant 
légitimer  notre  adhésion  à  cette  candidature,  il  y  a  celle-ci  d'un 
ordre  élevé  :  ce  qui  fait  la  valeur  morale  d'un  individu  ne  dépare 
certes  pas  la  dignité  d'un  peuple  ;  or,  ennemis  jurés  de  faits  ac- 
complis, notre  conscience  indignée  nous  fera  sans  cesse  un  de- 
voir de  protester  contre  toute  violation  du  droit  et  de  la  morale. 
Vous  me  comprenez? 

•  Ceci  dit  pour  vous  attester  qu'en  cette  occasion  nous  n'a- 
vons pas  faibli  à  nos  principes  et  pas  plus  dévié  de  notre  ligne 
de  conduite. 

»  Nous  avons  été  surpris  du  manifeste  incolore  pubhépari'O- 
pinion  nationale.  D'autre  part  vous  trouverez  quelques  extraits 
du  projet  de  manifeste  que  nous  avons  présenté  et  que  nous 


KT     l,K     JACOBINISMF.  AJ^ 

avons  longuement  et  chaudement  discuté.  Une  sous-commission 
a  été  nommée  à  l'effet  d'en  poursuivre  l'étude  et  de  la  compléter 
selon  l'esprit  qui  a  prévalu  ou  plutôt  qui  s'est  déçrag-é  de  nos 
deux  séances.  La  question  capitale  est  encore  en  suspens  : 
sera-ce  un  manifeste  Rlrietemenf.  éle(^tovRl  on  un  manifeste  essen- 
tiellement socialiste  Y 

«  Je  désirerais  connaître  où  en  sont  vos  travaux  sur  ce  sujet 
avant  une  troisième  réunion  que  nous  tiendrons  fm  courant. 
Peut-être  que  d'une  mutuelle  consultation  nous  parviendrons  à 
éviter  un  conflit  :  car  l'esprit  publié  est  lancé,  le  réveil  de  l'opi- 
nion tient  du  délire,  et  je  crois  que,  vu  les  événements  et  les  cir- 
constances,  nous  n'aurons  pas   de  peine  à  engager  dans  le 

grand  mouvement tous  nos  amis.  Je  n'oserais  répondre  si 

l'on  me  demandait  oiî  l'on  va  de  ce  pas  ;  ce  que  je  sais,  c'est 
que  Von  est  pressé.  A  vrai  dire  cet  entrain  ne  me  déplaît 
guère. 

«  Nous  sommes  sans  nouvelles  exactes  des  progrès  du  parti 
socialiste  à  Paris  et  dans  les  départements.  A  Marseille,  n'ayant 
qu'une  publicité...  très-hostile  à  nos  idées,  nous  ne  pouvons  rien 
fonder.  Ou  en  sont  le  Fédéraliste  et  la  Renaissance  \^ 

«  Salut  fraternel. 
«  BASTELIGA.  « 
Rue  Chevalier-Rose,  8 


*  MarseUle,  29  juillet  1869, 


Cher  citoyen  Murât, 


«  Dans  une  dernière  lettre  je  crois  vous  avoir  posé  celle  ques- 
tion :  Que  faites-vous  en  vue  des  élections  parisiennes  ?  Le  ra- 
dicahsme  est  efflanqué,  impuissant  :  c'est  jugé  ;  si  le  socialisme 
n'agit  pas,  nous  verrons  se  renouveler  en  1869,  les  agissements 
de  52.  Les  idées  extrêmes  se  rallieront  à  l'empire  :  nous  aurons 
des  réformes  sociales  qui  seront  à  la  révolution  ce  que  les  cré- 
dits foncier,  mobilier,  agricole  sont  à  la  uiutualité  et  à  l'égal 
échange.  Il  ne  faut  pas  que  nous  laissions  l'intérêt  plébéien  se 
souder  à  l'intérêt  gouvernemental;  la  liberté  se  prostituer  avec 


U  l.'lNTKIiN  ATIDNALK 

r;iiitorilt''  et  riminanité  se  doniiei-  décidément  un  dieu  nouveau 
dont  Home  elle-même  n'a  point  voulu,  César, 

«  El  pour  cela,  que  faut-il  faire?  Un  simple  appel  aux  socia- 
listes français,  la  réunion  d'un  congrès  national  qui  élaborera 
un  programme  et  proposera  des  candidats  ouvriers  ;  de  sorte 
que  nous  [)ouvons  faire  des  élections  de  Paris  les  élections  de 
la  France  et  que  «  ces  candidats  principes  »  représenteront  la 
France  révolutionnaire. 

«  Paris  ne  peut  se  refuser  à  ce  projet  :  car  après  tout  quels 
résultats  nous  a  donnés  le  vote  de  ces  neuf  circonscriptions?  Le 
succès  du  scrutin  est  que  la  révolution vous  me  comprenez. 

«  Saisissez  vos  amis  de  cette  idée,  arrnngez-la,  modifiez-la, 
faisons  aiilvp  chose,  maissacredieu,  faisons,  faisons  !..  Faisons  ! 
agissons!  osons!  Foin  de  Dieu  et  de  Satan,  de  F  empire  et  de  la 
république  !  il  nous  faut  la  révolution.  Evoquons  les  ombres  de 
Marat  et  de  L)anton;  inscrivons  sur  le  guidon  de  combat  loue 
devise  :  dévolution,  audace. 

«  Je  sue  de  colère. 

«  Répondez-moi.  » 

Cette  lettre  se  passe  de  tout  commentaire  ;  en  voici  une  autre 
où  sont  exprimés,  avec  moins  de  véhémence  il  est  vrai,  les  mêmes 
principes;  elle  a  été  adressée  à  Murât  le  28  octobre  1869  : 

«  J'ai  commencé  à  prêcher  les  candidatures  ouvrières  en  réu- 
nions publiques  :  je  vais  poursuivre  ma  propagande  auprès  des 
6'orporations,  et  rien  au  monde  ne  me  fera  démordre  de  ma  ligne 
de  conduite  ;  d'ailleurs  le  moment  est  propice  pour  éreinter  les 
avocats,  et  je  ne  mettrai  pas  les  gants.  »  Pauvre  Bastelica  !  il 
oubliait  que  quelques  mois  auparavant  il  avait  acclamé  la  can- 
didature de  l'avocat  Garabetta  (Lettre  précitée  du  mois  de  jan- 
vier 1869). 

Il  importe  de  signaler  que  les  mêmes  tendances  se  manifes- 
taient dans  les  autres  centres  ou\Tiers  et  que  partout  l'Interna- 
tionale était  sur  la  brèche  pour  assurer  le  succès  de  ses  candida- 
tures. Les  comités  corporatifs  de  l'arrondissement  de  Rouen 
affiliés  à  l'Internationale  élaboraient  un  programme  de  réformes 
sociales  qui  n'est  que  la  reproduction  de  celles  dont  l'Interna- 


i:i"    I.!-:    .iAc:uUi.\isM  i;.  W 

tioiialcsc  VcUiLl' de  poursuivre  la  réalisation.  Le  Cercle  écouoiui- 
que  posait  la  candidature  de  son  secrétaire,  Emile  Aubry.  Nos 
lecteurs  trouveront  à  la  lin  de  l'ouvrage,  parmi  les  documents 
justificatifs  (pièce  F),  la  profession  dcfoi  d'Auhry,  Icprof/rfunuie 
des  comités  corporatifs  et  le  uianifcste  êlecLoiul  du  Cercle  éco- 
nomique de  f  arrondissement  di;  Rouen  '. 

A  Lyon,  les  mêmes  préoccui)ations  sont  à  l'ordre  du  jour,  et 
les  socialistes  internationaux  songent  à  affirmer  hautement  leurs 
prétentions.  Le  chef  de  l'Internalioualc  à  Lyon,  Albert  Richard, 
a  pris  soin  de  nous  expliquer  lui-même,  dans  un  factum,  quelle 
avait  été  à  cette  époque  l'attitude  des  ouvï^iers  lyonnais.  Ce  fac- 
tum, qui  a  pour  titre  le  Socialisme  à  propos  des  élections  légis- 
latives de  1869,  mérite  d'être  connu.  Nous  le  reproduisons  in 
extenso  aux  pièces  annexées  (voir  pièce  G). 

Le  courant  des  menées  politiques  de  l'Internationale  est  tel 
qu'Aubry,  de  Rouen,  commence  à  éprouver  des  inquiétudes  sur 
le  sort  des  réformes  sociales  :  il  craint  que  les  événements  po- 
litiques n'absorbent  toute  l'activité  de  ses  coreligionnaires.  Var- 
liu  se  hâte  de  le  rassurer  :  «  Vous  sembler  croire,  lui  éci-it-il  le 
f)  août  1869,  que  le  milieu  dans  lequel  je  vis  est  plus  [jrcoccupé 
de  la  révolution  politique  que  des  réformes  sociales  :  je  dois  vous 
dire  que  pour  nous  la  révolution  politique  et  les  réformes  so- 
ciales s'enchaînent  et  ne  peuvent  aller  l'une  sans  l'autre.  Seule, 
la  révolution  poHtique  n'est  rien  ;  mais  nous  sentons  bien,  par 
toutes  les  circonstances  auxquelles  nous  nous  heurtons,  qu'il 
nous  sera  impossible  d'organiser  la  révolution  sociale  tant  que 
nous  vivrons  sous  un  gouvernemeut  aussi  arbitraire  que  celui 
sous  lequel  nous  vivons.  ■> 

Yarlin  propliétisait  vrai  ;  nous  étudierons  plus  Lard  comment  il 
a  su  briser  tous  les  obstacles  et  préparer  la  révolution  sociale. 

Au  mois  de  septembre,  le  congrès  général  s'ouvre  à  Bâle  : 
les  doctrines  socialistes  les  plus  radicales,  les  résolutions  les 
plus  révolutionnaires  y  sont  discutées  et  adoptées.  Quelques 
passages    des  discours  des  principaux  orateurs  suffiront  pour 


•  Ces    trois  pièces  impiiniées  sur  papier  rouge  et   tirées  à  un    Iros-jrrand 
nombre  d'exemplaires  iivaient  été  adressées  à  loules  les  sections  de  l'Inlorna- 
onale. 


4«  L'INTERNATIONALE 

nous  édilier  sur  le  caractère  essentiellement  politique  et  révolu- 
tionnaire de  l'Internationale. 

Dans  le  discours  d'ouverture,  le  citoyen  Bruhin,  procureur 
général  de  la  république  bâloise,  insiste  «  sur  la  nécessité  de 
travailler  sans  relâche  à  la  création  de  la  république  populaire... 
car  avant  tout,  ajoutc-t-il,  il  faut  que  le  peuple  pronnc  en  main 
le  gouvernement.  Il  reste  à  savoir  si  nous  pourrons  réaliser  les 
réformes  projetées  dans  un  bref  délai  et  s'il  nous  sera  donné  de 
les  aceomplir par  des  voies  paei/iques...  » 

Dès  la  première  séance,  la  proposition  d'ajouter  au  programme 
la  question  de  la  législation  directe  du  peuple  par  le  peuple 
provoque  les  débats  les  plus  passionnés. 

Bakounine  proteste  :  «  Nous  sommes,  s'écrie-t-il ,  une  asso- 
ciation internationale  qui,  d'après  ses  résolutions,  déclare  que 
les  questions  politiques  et  sociales  sont  intimement  liées,  mais 
qui,  par  son  nom  lui-même,  indique  que  les  questions  poli- 
tiques doivent  être  internationales  et  non  nationales.  » 

1  II  est  nécessaire,  ajoute  à  son  tour  Rittinghausen,  de  nous 
occuper  des  moyens  d'exécution  par  lesquels  nous  pourrons 
accomplir  nos  grandes  réformes  sociales.  J'entends  dire  à  beau- 
coup d'entre  vous  que  vous  voulez  atteindre  votre  but  par  la 
révolution.  Eh  bien,  citoyens,  la  révolution,  comme  fait  matériel, 
n'accomplit  rien...  Ce  n'est  qu'en  prenant  lui-même  en  main  ses 
intérêts  par  la  législation  directe  que  le  peuple  pourra  faire 
prévaloir  ses  idées  et  établir  le  règne  de  la  justice  sociale.  » 

Hins  s'élève  contre  cette  discussion,  qu'il  qualifie  de  course 
au  clocher  des  gouvernements  :  «  Ne  nous  occupons  pas  de  trans- 
former par  une  représentation  ou  législation  directe  les  gou- 
vernements actuels,  œuvre  de  nos  ennemis  bourgeois...  Lais- 
sons plutôt  ces  gouvernements  tomber  en  pourriture,  et  ne  les 
étayons  pas  de  notre  morahté.  Voici  pourquoi  :  L'Internationale 
est  et  doit  être  un  État  dans  les  États.  Qu'elle  laisse  ceux-ci 
marcher  à  leur  guise  jusqu'à  ce  que  notre  État  soit  le  plus  fort. 
Alors  sur  les  ruines  de  ceux-là,  nous  mettrons  le  nôtre,  tout 
préparé,  tout  fait,  tel  qu'il  existe  dans  chaque  section.  Ote-toi 
de  là  que  je  m'y  mette,  telle  sera  là  question...  Quand  nous 
serons  les  \)\us  forts,  nous  prendrons  le  suffrage  universel,  et 
alors  ce  sera  pour  ne  le  partager  avec  personne.  » 


KT     LK     .I.U-.OBINISME.  47 

Dans  sa  deuxième  séance,  l'assemblée  ainniie  sa  fcrnif  vo- 
lonté de  si3  placer  non-seulement  sur  le  terrain  social,  mais 
aussi  sur  le  terrain  politique;  elle  renouvelle  sa  doolaration  de 
guerre  au  césarismo  :  «  L'Internationale,  s'écrie  le  citoyen  de 
Paepe,  peut  désormais  défier  toutes  les  persécutions.  Elle  inspi- 
rera bientôt  tant  do  terreur  à  ses  erniemis  que  ceux-ci  n'oseront 
plus  la  persécuter.  Elle  a  pris  pour  devise  ce  mot  de  Danton  : 
De  V audace^  de  V audace  et  encore  de  l'audace  ! 

Bakounine,  le  barbare  russe,  se  proclame  l'antagoniste  ré- 
solu de  l'État  et  de  toute  politique  bourgeoise  de  l'État.  Il  de- 
mande la  liquidation  sociale,  la  destruction  de  tous  les  Ii^tats, 
nationaux  et  territoriaux,  et,  sur  leurs  ruines,  la  fondation  de  l'E- 
tat international  des  travailleurs. 

Flaliaut  })arlc  d'une  fédération  universelle  à  établir  entre  les 
ouvriers  dans  le  but  de  revendiquer  non-seulement  les -droits 
sociaux,  mais  aussi  les  droits poliliqucs. 

Nous  devons  ajouter  que  l'assemblée  se  sépare  aux  cris 
plusieurs  fois  répétés  de  :  Vive  la  république  démocratique  et 
sociale  universelle. 

Les  doctrines  préconisées  dans  ce  congrès  ne  devaient  pas 
tarder  à  porter  leurs  fruits  :  nous  assisterons  bientôt  aux  tenta- 
tives de  soulèvement  provoquées  par  l'Internationale.  D'ailleurs 
ses  adeptes  ne  dissimulent  plus  leurs  espérances  :  ils  croient  au 
triomphe  prochain  de  l'idée  socialiste.  Les  circonstances  et  les 
événements  qui  vont  se  succéder  avec  une  étonnante  rapidité 
contribueront  dans  une  bien  large  mesure  à  faciliter  leur  œuvre 
de  bouleversement  et  de  destruction. 

Le  29  septembre  1869,  Robert,  professeur  à  la  Ghaux-de- 
Fonds,  l'un  des  vétérans  de  l'Internationale,  écrivait  à  Aubry, 
de  Rouen,  une  lettre  dont  nous  extrayons  les  passages  sui- 
vants : 

«  Chaux-de-Fonds,  29  septembre  1869. 
«  Ami  Aubry, 


«  Que  pensez-vous  du  congrès  de  Bàle?  tous  ceux  à  qui  j'en 


48  l/INTKl;\ATl().\AJ,E 

parle  suai  dans  reiilliousiasme.  11  est  vrai  que  depuis  quatre  ans 
l'Internationale  lait  vraiment  des  pas  de  géant  et  qu'il  l'aut  sou- 
vent non  marcher  pour  la  suivre,  mais  courir. 

«  Tant  mieux,  je  crois  que  la  violence  seule  pourra  nous  ame- 
ner à  un  but,  et  Je  suis  de  ceux  qui  disent  :  Au  feu  les  vieilles 
loques,  lespnperasscs,  les  litres  de  propriété,  etc.,  etc.  '. 

«  Il  ne  faudrait  cependant  pas  crier  cela  par-dessus  les  toits 
aujourd'hui,  car  on  risquerait  fort  d'avoir  à  se  sucer  les  doigts 
pour  vivre. 

«  En  ce  moment  \)'dv  exeiui)le,  dans  ma  libre  Suisse,  je  sui.-. 
obligé  de  tiler  doux  comme  nu  agneau  pour  conserver  ma  place 
au  collège  industriel  de  la  Ghaux-de-Fonds... 

«  Votre  dévoué, 

«  F.  ROBERT.  .. 

(Quelques  jours  plus  tard,  le  communard  Verdure,  alors  rédac- 
teur du  journal  le  Travail,  dans  une  lettre  écrite  à  Piéton,  tisseur 
à  Elbeuf  et  membre  de  l'Internationale,  se  plaignait  amèrement 
de  ne  pas  voir  les  questions  politiques  figurer  dans  les  statuis 
du  cercle  de  Rouen.  C'était,  d'après  lui,  une  lacune  profondément 
regrettable.  A  peu  près  à  la  même  époque,  les  délégués  des  so- 
ciétés ouvrières  de  Paris  protestaient  par  la  voie  de  la  presse 
contre  le  prétendu  massacre  de  leurs  frères  à  Aubin  ^. 

Nous .  arrivons  au  26  octobre.  On  se  rappelle  à  quelles  pro- 
testations donna  lieu  la  non-convocation  du  Corps  législatif 
pour  cette  date,  à  laquelle  expirait  le  dernier  délai  de  proroga- 
tion accordé  par  la  loi.  Nous  n'avons  pas  à  revenir  sur  l'attitude 
des  députés  Kératry,  Gambetta,  Raspail  et  autres  :  ces  faits 
appartiennent  au  domaine  de  l'histoire. 

L'Internationale  ne  pouvait,  on  le  comprend,  rester  étrangère 
à  ce  mouvement  :  elle  devait  se  préparer  à  agir  sérieusement, 
si  l'occasion  lui  en  était  donnée. 

Dès  le  1"  octobre,  Bastelica  se  met  à  l'œuvre  :  il  écrit  à  Ri- 


'Nous  sommes  obligé  de  reconnaître  que  cet  appel  à  la  violence  a  été  en- 
tendu :  nous  avons  vu  rinlcrnalionalc  à  l'aiuvre  au  mois  de  mai  1871  et  nous 
savons  qu'elle  ne  se  contente  plus  de  jeter  au  feu  les  vieilles  loques. 

î  Voir  celle  protestation  aux  docunu'Jits  juslilicalifs,  pièce  H. 


ET    LE  JACOBINISME  49 

cliard,  do  Lyon,  qu'il  est  nécessaire  qu'une  entente  loyale  {sur- 
tout  sur  les  moyens  pratiques)  s'établisse  entre  les  socialistes 
de  Lyon,  Paris,  Rouen  et  Marseille  afin  de  no  pas  livrer  les 
évéacmcnis  au  hasard.  —  Il  insiste  siu'  la  nécessité  d'étudier  au 
plus  vite  et  d'établir  un  plan  do  révolution  française. 

Le  10  octobre,  il  lui  rappelle  qu'il  attend  avec  la  plus  vive  im- 
patience son  appréciation  sur  le  26  octobre.  Il  ajoute  :  Le  citoyen 
Carrière  vous  dira  quelles  sont  nos  intentions. 

Le  17,  nouvelle  lettre  ainsi  conçue  : 

«  Marseille,  17  octobre  1869. 


«  Non  certes,  je  n'éprouve  pas  votre  scepticisme  sur  ia  liberté 
poliliquc.  Exemple  :  jeudi  passé,  3,000  ouvriers  se  trouvaient 
réunis  dans  le  local  que  j'avais  loué  et  désigné  pour  tenir  une 
réunion  privée  dont  le  but  était  de  subvenir  à  la  grève  de  Rouen 
ou  d'Elbeuf.  L'administration  a  intimé  l'ordre  au  propriétaire  de 
nous  refuser  carrément  l'entrée  de  la  salle.  Le  droit  de  pro- 
priété ne  peut  vivre  qu'à  l'abri  et  sous  l'égide  du  despotisme. 
Aussi  j'ai  dû  renvoyer  cette  foule  impatiente,  protestant  et  qui  ne 
parlait  de  rien  moins  que  de  devancer  l'heure.  Bref,  rendez- vous 
a  été  pris  pour  le  26,  à  une  heure,  sur  la  i)lace  de  la  préfecture, 
afin  d'y  tenir  un  meeting  —  en  attendant  mieux.  Qu'en  dites- 
vous?  Et  encore  le  vote  administratif,  c'est  chose  anodine  :  les 
chàssepots  sont  au  service  de  la  bourgeoisie  dont  l'empire  est 
l'exécuteur  des  hautes  œuvres. 

«  Salut  amical. 
.  BASTELICA.  . 

Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  rappeler  à  l'appui  de  ces  lettres 
que  les  inculpés  dans  l'affaire  du  complot  avaient  juré  de  s'ar- 
mer pour  faire  le  26  une  manifestation  insurrectionnelle. 

Les  agissements  de  f  Internationale  s'expliquent  par  les  rela- 
tions qui  existent  entre  elle  et  ces  derniers.  Nous  reproduirons 
plus  loin  une  lettre  oii  Dupont  signale  à  son  complice  Guérin  un 
groupe  tout  constitué  {ï Internationale)  qui  s'occupe  trrs-acti- 

4 


Ô»  L'INTERNATIONALE 

vement  de  politique  et  dont  les  membres  sont  tout  ce  qu'il  y  a 
de  pins  révolutionnaire. 

A  la  môme  époquele  conseil  généraldc  l'Association  internatio- 
nale des  travailleurs,  s'arrogeant  publiquement  le  droit  d'inter- 
venir dans  la  marche  des  gouvernements  et  des  affaires  politi- 
ques, infligeait  un  blâme  au  ca])inet  anglais  à  raison  de  sa  conduite 
dans  l'affaire  de  l'amnistie  des  prisonniers  fénians  (Irlandais). 

Voici  le  texte  des  résolutions  votées  à  ce  sujet  par  le  conseil 
général  :  elles  ont  été  reproduites  dans  le  journal  Vlnternatio- 
nale  (numéro  du  12  décembre  1869).  : 

«  Considérant  que  dans  sa  réponse  aux  demandes  des  Irlan- 
dais pour  le  relâchement  des  patriotes  irlandais  emprisonnes 
(réponse  contenue  dans  ses  lettres  à  M.  0'  Shea,  le  18  octo- 
bre 1869,  à  M.  Isaac  Butt,  le  23  octobre,  et  aux  anciens  fores- 
tiers de  Dublin),  M.  Gladstone  a  insulté  la  nation  irlandaise  ; 

«  Considérant  qu'il  mêle  à  l'amnistie  politique  des  conditions 
qui  dégradent  à  la  fois  les  victimes  d'un  mauvais  gouvernement 
et  le  peuple  gouverné  ; 

«  Considérant  qu'ayant,  malgré  la  responsabilité  de  sa  posi- 
tion, publiquement  et  avec  enthousiasme  applaudi  à  la  rébel- 
lion des  esclavagistes  américains,  il  vient  de  prêcher  au  peuple 
irlandais  la  doctrine  de  l'obéissance  passive  ; 

«  Considérant  que  l'ensemble  de  sa  conduite  dans  la  question 
de  l'amnistie  irlandaise  est  la  continuation  fidèle  et  naturelle  de 
cette  politique  de  conquête  qui ,  fièrement  dénoncée  par 
M.  Gladstone,  a  chassé  les  torys,  ses  rivaux,  du  ministère; 

«  Le  conseil  général  de  l'Association  internationale  des  tra- 
vailleurs exprime  son  admiration  pour  la  manière  magnanime 
dont  le  peuple  irlandais  a  conduit  son  mouvement  de  l'amnistie. 

«  Par  ordre  du  conseil  général, 
«  B.  LUCRAFT,  président  de  séance.  COWELL  STEP- 
NEY,  trésorier.  J.-G.  EGARRIUS,  secrétaire  général. 
R.  SHAW,  correspondant  pour  l'Amérique.  Eugène  DU- 
PONT, pour  la  France  et  la  Belgique.  Karl  MARX,  pour 
la  Germanie.  Jules  JOHANNARD,  pour  l'Italie.  Paul  LA- 
FARGUE,  pour  l'Espagne.  Antony  ZABISKI,  pour  la  Po- 
logne. H.  JUNG,  pour  la  Suisse.  » 


r-:T     LE     .lACOUINISME.  01 

En  France,  la  fédération  parisienne,  (lui  n'est  autre  chose 
qu'une  contrefaçon  et  une  doublure  de  Vlnlevnnlionalc  déguisée 
sous  un  nom  nouveau  et  sous  une  couverture  légale,  s'apprê- 
tait à  dcvenii-  le  foyer  do  la  révolution  •.  Elle  possédait  désor- 
mais son  Moniteur,  son  organe  officiel,  la  Marseillaise,  dont  le 
rôle  va  consister  à  secouer  la  torpeur  des  traînards  et  à  fouetter 
le  sang  des  peureux.  Nous  trouvons  à  ce  sujet  dans  un  des 
organes  de  l'Internationale  un  aveu  bien  précieux  à  recueil- 
lir :  il  émane  d'un  intcmalional,  attaché  au  comité  de  rédaction 
de  la  Marseillaise,  le  citoyen  Varlin  : 

«  La  situation  actuelle  de  la  France  ne  permet  pas  au  parti  de 
rintornalionnle  de  rester  étranger  à  la  politique.  En  ce  moment 
la  question  de  la  chute  prochaine  de  l'empire  prime  tout  le  reste, 
et  les  internationaux  doivent,  sous  peine  d'abdiquer,  prendre  la 
tôtc  du  mouvement.   Si  nous  nous  étions  tenus  a  l'écart  de  la 

POLITIQUE,    nous   NE  SERIONS    RIEN    EN    FrANCE  AUJOURD'HUI,    taudis 

que  nous  sommes  à  la  veille  d'être  tout.  «  (Voilà  le  secret  de  la 
véritable  puissance  de  l'Internationale  dévoilé  par  un  de  ses 
adeptes.) 

II  continue  :  «  Il  faut  qu'un  journal  sociahste  ait,  à  côté  de  la 
partie  réservée  aux  questions  sociales  et  ouvrières,  une  partie 
spécialement  politique. 

«  La  direction  de  cette  partie  politique  de  la  Marseillaise  a  été 
confiée  à  Rochefort  qui,  grâce  au  mandat  impératif  qu'il  a  accepté 
franchement,  est  devenu  le  véritable  porte-voix  du  peuple  de 
Paris.  Les  rédacteurs  de  la  partie  politique  devront  toujours 
être  complètement  révolutionnaires,  non-seulement  contre  l'em- 
pire, mais  contre  toutes  les  institutions  gouvernementales  ac- 
tuelles. 

«  Quant  à  la  partie  socialiste  du  journal,  elle  a  pour  prin- 
cipal rédacteur,  Milhère,  un  des  sociahstes  les  plus  capables 
que  je  connaisse.  Les  principes  que  nous  devrons  nous  efforcer 
de  faire  prévaloir  sont  ceux  de  la  presque  unanimité  des  délé- 

»  Pin dy,  interpellé  au  mois  de  juin  1870  sur  le  but  de  la  fédération,  avait 
fait  au  juge  d'instruction  cette  réponse  assez  signilicalivc  :  «  Vous  demandez, 
disait-il,  si  la  fédération  n'est  pas  une  transformation  de  l'internationale. 
J'ijrnore  si  c'est  absolument  la  même  chose,  mais  ce  qui  est  certain,  c'est 
qu'elle  poursuit  le  même  but  par  les  mêmes  moyens.  » 


52  I/INTERNATIONALE 

gués  au  congrès  de  Dâlc,  c'est-à-dire  le  collectivisme  ou  le  com- 
munisme non  autoritaire.  » 

[Progrès  du  Locle,  numéro  du  !«'  janvier  1870). 

Le  terrain  de  la  révolution  commençait  à  être  suffisamment 
préparé  :  il  ne  restait  plus  qu'à  rccliercherlcs  moyens  pratiques 
pour  arriver  rapidement  à  s'entendre  et  à  s'unir  en  vue  d'une 
action  commune. 

Dès  les  premiers  jours  de  1870,  le  rôle  politique  de  l'Interna- 
tionale devient  audacieux  et  menaçant.  On  se  rappelle  l'émo- 
tion produite  par  le  meurtre  d'Auteuil  et  l'enterrement  de 
Victor  Noir,  et  les  surexcitations  auxquelles  donna  lieu  cet  évé- 
nement. Les  internationaux  furent  surpris,  et,  soit  crainte  d'un 
échec,  soit  défaut  de  plan  et  de  direction,  ils  laissèrent  échapper 
une  si  magnifique  occasion  de  désordre  sans  tenter  une  levée 
de  boucliers.  Ils  n'avaient  pas  voulu  engager  la  lutte  dans  des 
conditions  déplorables  :  ils  se  réservaient  pour  des  jours  meil- 
leurs. L'un  de  leurs  adeptes,  persuadé  que  le  crime  de  Pierre 
Bonaparte  pourrait  bien  amener  un  dénoûment  d'un  moment  à 
l'autre,  prenait  déjà  ses  précautions  *. 

Cette  attitude  modérée  ne  fut  pas  cependant  du  goût  de  tout 
le  monde;  elle  fut  vivement  critiquée  par  Aubry  et  Bastelica, 
Varlin  se  chargea  de  calmer  leur  légitime  impatience  et  de  leur 
fournir  des  exphcations. 

<t  Vous  êtes  dans  l'erreur,  écrivait-il  à  Aubry,  le  19  jan- 
vier 1870,  lorsque  vous  pensez5que  l'influence  de  notre  fédération 
a  probablement  contiibué  à  empêcher  que  la  manifestation  du 
12  janvier  se  transformât  en  insurrection.  Les  délégués  de  la 
chambre  fédérale  ne  s'étaient  réunis  ni  concertés  à  l'avance, 
tous  se  sont  rencontrés  ,  avec  la  plupart  des  membres  des  so- 
ciétés ouvrières,  à  l'enterrement  de  Noir,  et  je  puis  vous  affir- 
mer que  la  majeure  partie  d'entre  eux  étaient  disposés  à  agir  si 
Rochefort  avait  dit  :  A  Paris  ! 

t  Rochefort  était  maître  du  mouvement.  11  a  été  assez  intelli- 

1  Voir  notre  premier  ouvrage,  documents  justificatifs,  pièce  N. 


KT     I.  E      lACÔlJlNlSMK.  53 

gent  et  raisonnable  pour  no  pas  donner  un  ordre  funeste  et 
envoyer  au  massacre  les  meilleurs  soldats  de  la  révolution. 

ft  C'est  à  lui  seul  que  nous  devons  savoir  gré  du  dénoûinent 
de  la  journée.  Quant  au  peuple,  s'il  n'a  pas  pris  roiTonsivo  de 
lui-môme,  c'est  que  d'abord  il  manquait  d'armes,  et  que,  do 
plus,  il  comprenait  que  la  position  stratégique  était  des  plus 
mauvaises. 

«  Les  délégués  de  la  diambro  fédérale  se  sont  émus  du  dan- 
ger qu'il  y  a  pour  la  cause  populaire  à  abandonner  ainsi  la 
direction  à  un  ou  à  (luelqucs  hommes. 

<t  Des  circonstances  semblables  à  colles  du  12  pouvont  se 
présenter.  Il  ne  faut  pas  que  la  population  ouvrière  et  socialiste 
soit  exposée  à  ce  que  le  mot  d'ordre  soit  dans  un  ([uartier, 
a  combat  »,  et  dans  un  autre,  «  situation  »  {sic).  Pour  éviter 
tout  malentendu  compromettant  et  aussi  pour  empêcher  que 
quelques  invidualités  ne  s'emparent  du  mouvement,  nous  avons 
décidé  que  désormais  nous  suivrions  attentivement  le  mouve- 
ment politique,  et  que  dans  toutes  les  occasions  nous  nous 
consulterions  sur  ce  qu'il  y  aurait  à  faire.  Les  esprits  sont 
montés  ;  la  révolution  s'avance  ;  il  ne  faut  pas  nous  laisser 
déborder. 

t  Je  ne  crois  pas  que  maintenant  les  partis  bourgeois  multi- 
colores désirent  la  révolution.  Les  idées  ont  marché  depuis  un 
an,  et  ils  craignent  le  socialisme,  qu'ils  voient  grandir.  Sans 
doute,  une  émeute  vaincue  les  satisferait,  car  ce  serait  une 
occasion  de  proscription  contre  nous  :  mais  nous  serons  d'au- 
tant plus  prudents  que  nous  nous  sentons  seuls.  Nous  devrons 
du  même  coup  abattre  toutes  les  tètes  de  l'hydre  :  mais  il  ne 
faut  pas  que  nous  les  manquions,  et  c'est  pourquoi  nous  hési- 
tons. 

«  Si,  cependant,  comme  vous  le  dites,  on  porte  atteinte  aux 
droits  restreints  dont  nous  jouissons ,  si,  par  exemple ,  on 
arrache  Rochefort  à  son  banc  pour  le  jeter  dans  une  prison, 
que  devrons-nous  faire  ? 

«  Signé  :  VARLIN.  » 
Y)c  son  côté  Bastelica  insiste  sur  la  nécessité  d'une  entente 


54  L'INTERNATIONALE 

commune,  afin  do  ne  pns  être  pris  au  dépourvu.  Voici  ce  qu*il 

écrit  à  ce  sujet  à  son  ami  Murât,  le  19  janvier  ^. 


€  Quelques  lignes  seulement  pour  remplir  fidèlement  une  mis- 
sion. Les  événements  de  ces  jours  derniers  nous  ont  donné  à 
«  réfléchir  sur  le  défaut  d'entente  surtout  entre  les  groupes 
du  parti...  Alors  que  le  peuple  parisien  se  trouvait  massé,  prêt 
à  déborder,  nous  nous  trouvions  presque  calmes,  sans  autres 
nouvelles  que  celles  de  l'agence  Ilavas  :  d'autre  part  une  nou- 
velle apocryphe  pohcière  pourrait  nous  jeter  dans  la  rue  et  vous 
trouver  tranquilles  comme  des  Baptistes  :  il  faut  même  craindre 
que  le  gouvernement  n'emploie  un  de  ces  moyens  affreux  pour 
décimer  quelques  villes  de  la  province,  prétexte  sanglant  à  de 
nouvelles  proscriptions.  Aviser  n'est  pas  de  reste ,  quoique 
je  n'espère  pas  que  nous  devions  user  tôt  de  nos  moyens,  mais 

enfin Des  amis  peu  nombreux,  mais  sûrs,  connaissant  nos 

relations  et  appréciant  particulièrement  votre  caractère,  m'ont 
prié  de  vous  demander  si  vous  voulez  vous  charger  de  nous 
prévenir  télégraphiquement  (ou  d'employer  tels  moyens  qu'il 
vous  conviendra)  en  cas  d'événement. 

K  La  même  démarche  est  faite  auprès  d'autres  citoyens  con- 
nus ,  afin  que,  les  informations  de  l'un  corroborant  celles  de 
l'autre,  la  responsabilité  ne  retombe  sur  personne. 

«  L'opinion  a  été  vivement  surexcitée  la  semaine  passée  :  elle 
commence  à  s'apaiser.  Les  bourgeois  nous  rient  au  nez  ;  leur 
frayeur  folle  est  passée.  Je  voudrais  voir  les  révolutionnaires 
parisiens  sommer  résolument  les  journalistes  aventureux  et  bra- 
vaches... la  plume  à  la  main,  d'avoir  à  ne  plus  nous  ennuyer 
avec  leurs  déclamations  énervantes.  Sont-ils  drôles  ces  farceurs- 


1  Nous  trouvons,  dans  un  journal  de  Paris,  un  programme  social  et  polilique 
qui  aurait  été  arrêté  des  le  mois  de  janvier  1870  par  l'Internationale,  les  blan- 
quistes  et  le  comité  du  journal  \z.  ^'( arselUaise  fusionnés  et  qui,  s'il  est  authen- 
tique, jette  un  jour  nouveau  sur  les  actes  sanglants  et  les  orgies  révolutionnaires 
accomplis  vingt  mois  plus  tard.  Nous  le  reproduisons  soui  toutes  réserves  aux 
documents  justificatifs,  pièce  I. 


i:t    le    -IAGOBINISME.  &6 

là?  Il  n'y  en  a  pas  un  qui  Jonrnellomcnt  no  chante  plusieurs 
fois  celte  antienne  :  L'empire  est  mort  !  et  (|ui  ensuite  ne  se 
laisse  fourrer  à  la  salle  de  police...  correctionnelle. 

«  Si  au  moins  la  révolution  de  18..   antithèse  de  48  pouvait 

être  la  bonne  révolution J'ai  la  mort  dans  l'Ame  de  voir  tout 

un  peuple  vouloir  remplacer  l'homme  providentiel  usé  par 
l'homme  lanterne  ou  l'homme  réveil.  Ça  me  crispe.  » 

La  lettre  de  Varlin  à  Bastelica  reproduite  dans  le  Journnl 
officiel  du  4  mai  1870  donne  la  mesure  exacte  des  dispositions 
concertées  entre  les  chefs  de  l'Internationale  en  vue  d'éven- 
tualités que  l'on  regardait  comme  prochaines  ^.  Le  rôle  joué 
par  l'Internationale  dans  les  derniers  événements  y  apparaît 
dans  tout  son  jour. 

Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  signaler  ici  qu'il  résulte  de  tous 
ces  documents,  que  ce  sont  trois  ou  quatre  personnalités  qui  tien- 
nent en  France  tous  les  fils  de  l'Internationale,  et  que  la  masse 
des  prolétaires,  si  désireuse  pourtant  de  hâter  l'heure  de  sa 
complète  émancipation  et  de  son  affranchissement,  accepte 
complaisamment  toutes  leurs  volontés.  Le  despotisme  est  dé- 
placé, voilà  tout.  Au  lieu  d'un  tyran,  on  subit  le  joug  de  plu- 
sieurs. 

La  grève,  cette  arme  terrible  dont  parle  Eugène  Dupont,  fait 
partie  du  plan  poHtique  de  campagne  adopté  par  l'Internationale. 
Le  Creuzot,  et  plus  tard  Fourchambault,  en  deviendront  les 
premières  étapes.  Les  habiles  ont  compris  que  le  moment  était 
venu  de  recourir  à  ce  moyen,  préconisé  au  congrès  de  Bruxelles 
et  dont  ils  apprécient  toute  la  portée  dans  la  situation  actuelle. 
Ils  comptent  ainsi  exciter  les  esprits,  augmenter  l'agitation, 
multipher  les  foyers  d'insurrection,  indisposer  les  masses  po- 
pulaires contre  leurs  prétendus  exploiteurs  et,  par  tous  ces 
moyens,  arriver  à  un  soulèvement  général  ayant  pour  but  : 
rétablissement  de  la  république  démocratique  et  sociale  uni- 
verselle. 

D'ailleurs,  dans  les  premiers  mois  de  1870,  les  manifestes  po- 
litiques de  r Internationale  abondent.  Par  ordre   de  date,  nous 

»  Voir  \' Internationale,  documents  anne^tés,  pièce  I. 


56  L'INTERNATIONALE 

trouvons  d'abord  nno  adresse  des  femmes  appartenant  à  la  sec- 
tion internationale  de  Lyon,  pour  engager  les  jeunes  gens  de  la 
classe  de  1870  àrefiiserle  service  militaire.  Cette  pièce,  adoptée 
dans  une  réunion  privée  tenue  à  Lyon,  salle  Valentino,  le  16  jan- 
vier, a  été  notifiée  à  tous  les  comités  centraux  de  l'Internationale 
par  la  citoyenne  Virginie  Barbet,  Tiin  des  champions  les  plus 
infatigables  de  ridée  socialiste  *• 

Le  manifeste  du  conseil  général  belge,  à  l'occasion  du  meur- 
tre d'Auteuil  et  de  l'attitude  des  internationaux  parisiens,  mérite 
une  mention  toute  spéciale  :  il  contient  un  appel  des  plus  violents 
à  l'insurrection  et  à  la  révolte  -.  Il  porte  la  date  du  19  jan- 
vier. 

Quelques  jours  plus  tard,  l'arrestation  de  Rochefort  devenait 
le  prétexte  de  nouvelles  tentatives  insurrectionnelles  :  comme 
toujours  l'Internationale  s'y  trouve  mêlée.  La  déclaration  de  Var- 
lin,  Combault  et  Malon,  insérée  dans  la  Marseillaise  du  11  février 
1870,  est  de  nature  à  dissiper  tout  doute  à  cet  égard  3.  C'est 
un  défi  insolent  jeté  aux  réactionnaires  et  une  invitation  aux 
frères  et  amis  à  se  recueillir  aûn  d'assurer  la  l'évolution.  On 
proclame  que  la  coupe  est  pleine  et  qu'elle  ne  tardera  pas  à  dé- 
border. 

Un  autre  groupe  d'internationaux,  obéissant  à  la  même  pensée, 
publie  un  manifeste  oîi  se  trouve  tracée  la  ligne  de  conduite  à 
suivre  en  présence  des  événements  qui  viennent  de  se  produire 
et  qui  constituent  le  prologue  de  la  révolution...  «  Il  faut,  disent- 
ils,  hâter  le  triomphe  définitif,  mais  sans  le  compromettre  par 
une  action  trop  précipitée  *.  » 

Pendant  ce  temps  Aubry,  Richard  et  Bastelica  sont  loin  de 
rester  inactifs  ;  ils  préparent  leurs  forces  et  organisent  tous  leurs 
moyens  d'action  afm  de  seconder,  au  moment  opportun,  les 
efforts  de  leurs  frères  de  Paris.  Leurs  correspondances  trahis- 
sent cette  constante  préoccupation.  BasteUca  se  distingue  entre 
tous  par  son  tempérament  révolutionnaire. 

«  L'Internationale,  écrit-il  le  2  février  à  Varlin,  est  la  maîtrise 

i  Ce  document  se  trouve  reproduit  à  la  fin  du  volume,  pièce  J. 
s  Voir  notre  premier  ouvrage  sur  l'Internationale,  annexes,  pièce  B. 
s  Jd.,  ibid.,  pièce  J. 
4  Voir  notre  premier  ouvrage,  page  21. 


HT     LE     JACOBINISME.  57 

révolutionnaire  :  personnellement,  et  pour  l'action,  je  compte 
moins  sur  le  nombre  que  sur  la  trempe. 

a  II  faudrait  profiter  de  la  réunion  générale  de  la  fédération 
lyonnaise  pour  donner  à  cette  assemblée  le  caractère  et  la  pro- 
portion d'une  manifestation  socialiste.  Lyon  avant  Paris  !  Qu'en 
pensez-vous  ?  Si  vous  m'approuvez,  écrivez  à  Richard  afin  que 

l'entente  s'établisse J'ai  adressé  dernièrement  à  Mabilly, 

Cesat,  Noble  et  Giraud,  qu'il  connaît  d'ailleurs,  avec  prière  de 
vous  faire  communiquer  avec  eux. 

a  L'objet  de  leur  présence  à  Paris  se  rattache  à  celui  de  nos 
deux  dernières  lettres  échangées.  Confiez-vous  avec  ces  amis... 
politiques  (seulement  !)  » 

*  Le  7  février  suivant,  il  fait  connaître  en  ces  termes  à  Murât 
son  opinion  sur  la  situation  :  «  La  révohilion  ne  perd  pas  du 
terrain,  elle  perd  du  temps.  » 

Son  impatience  se  traduit  en  invectives  contre  Rocliefort 
dans  une  lettre  qu'il  adresse  à  Varlin  le  11  février. 

«  J'ai  reçu  votre  lettre,  lui  écrit-il,  hier  soir  fort  tard,  après 
que  j'eus  jeté  à  la  poste  deux  pages  que  j'ai  adressées  par  pré- 
caution à  mon  ami  et  compatriote  Ma...i,  comme  cosignataire  du 
manifeste  de  la  Marseillaise,  et,  à  moins  que  vous  ne  soyez  par- 
venu à  vous  esquiver  prudemment,  il  est  probable  que  celte 
lettre  ne  vous  trouvera  pas  à  votre  domicile.  Aussi  ne  lui  con- 
fierai-je  pas  tout  ce  que  j'ai  à  vous  dire.  Par  la  lecture  de  la  let- 
tre que  vous  remettra  tôt  ou  tard  mon  ami,  vous  verrez  ce  que 
je  pense  du  mouvement.  L'entente  préalable  !  vous  écriez-vous. 
Pourquoi  ne  l'a-t-on  pas  fait  ?  Rochefort  est  coupable  ;  je  suis 
sévère,  mais  juste.  On  ne  doit  pas  jouer  comme  cela  à  la  gUs- 
sade  dans  le  sang  du  peuple.  Les  tigres  des  Tuileries  l'appren- 
dront un  jour.  Soyez  certain  que  je  pousserai  à  la  manifestation 
indiquée  de  toutes  mes  forces,  a^•ec  rage.  Mais  pourquoi  Roche- 
fort  ne  démissionne-t-il  pas  aussi  ?  Cet  homme  (que  je  tiens  en 
haute  estime)  a  eu,  comme  tous  les  hommes  qui  servent  la  ré- 
volution, son  jour,  son  heure,  sa  latitude.  Aujourd'hui  le  niveau 
populaire  l'a  surpassé  ;  qu'il  regagne  la  rive  s'il  ne  veut  être 
noyé.  A  un  autre  ! 

«  En  lisant  dans  le  Rappel  l'article  sur  l'arrestation  en  corps 
des  rédacteurs  de  la  Marseillaise,  il  m'est  venu  plusieurs  ré- 


5«  L'INTERNATIONALE 

llexions  :  Varlin  n'était  pas  là,  ine  suis-je  dit,  il  n'aurait  pas  ré- 
pondu à  l'appel  ;  il  aurait  riposté,  et  })uis  cette  autre  :  Un  coup 
d'État  est  possible. 

«  A  vous, 

«  A.  BASTELIGA.  » 

Do  quelle  manifestation    voulait  parler  Bastelica  ?  Il  a  pris 
soin  de  nous  l'expliquer  lui-même  lorsque^  écrivant  quelques 
jours  plus  tard  à  Aubry  (21  février  1870),    il  lui  annonce  qu'il 
s'est  mêlé  aux  scènes  tumultueuses  qui  se  sont  passées  à  Mar- 
seille à  la  suite  de  l'arrestation  de  Rochefort,  et  qu'il  était  prêt 
2:)his  qiio  jamais  à  agir   sérieusement.  Nous  devons    rappeler 
qu'une  manifestation  fut  à  cette  époque  organisée  par  la  cham- 
bre fédérale  de  Marseille,  qui  n'était,  sous  une  couverture  légale, 
comme  celle  de  Paris,  qu'une  contrefaçon  de  l'Internationale. 
D'ailleurs,  il  faut  bien  le  reconnaître,  l'exaltation  delà  branche 
française  de  Londres  est  aussi  grande  que  celle  qui  se  manifeste 
dans  les  sections  de  Paris,  Marseille,  Rouen,  etc.  Elle  a  res- 
senti le  contre-coup  des  événements  politiques  qui  se  sont  ac- 
complis en  France. 

Le  26  janvier,  un  grand  meeting  d'indignation  est  tenu  sous 
la  présidence  de  Besson_,  dans  Gleveland  Hall,  pour  protester 
contre  l'assassinat  de  Victor  Noir  par  le  bandit  Bonaparte.  Les 
discours  les  plus  violents  y  sont  prononcés.  On  y  fait  l'apologie 
de  l'assassinat. 

En  parlant  de  l'empereur,  Besson,  dont  la  figure  a  quelque 
chose  de  sauvage,  entre  dans  des  transports  de  fureur  :  «  Avec 
un  pareil  homme,  s'écrie-t-il  avec  rage,  tous  les  moyens  sont 
bons,  il  faut  à  tout  prix  le  supprimer,  son  existence  coûte  la 
vie  à  des  milliers  de  démocrates.  ^ 

On  annonce  l'arrivée  à  Londres  de  Félix  Pyat  qui  vient  tra- 
vailler au  triomphe  de  la  révolution.. Une  souscription  est  ou- 
verte pour  élever  un  monument  à  la  mémoire  de  Victor  Noir. 
On  donne  lecture  de  lettres  écrites  par  Alavoine  et  Gromier. 
Le  2/t  juin,  nouveau  meeting  public  de  la  branche  française 
réunie  à  la  société  révolutionnaire  la  Teutonia,  pour  célébrer  le 
vingt-deuxième  anniversaire  de  la  proclamation  de  la  républi- 


KT    LK    .lAlUJDINlSME.  &9 

quo  sur  les  barricades  (24  février  1848).  L'assemblée,  présidée 
par  Besson,  proteste  contre  l'arrestation  du  représentant  Hoche- 
fort  *. 

Étudions  maintenant  quelle  est  au  milieu  do  tous  ces  événe- 
ments l'attitude  polilii|ue  du  conseil  général. 

Dans  sa  séance  du  1"  janvier,  il  vote  des  résolutions,  desti- 
nées à  être  adressées  en  communication  privée  à  tous  les  cor- 
respondants de  l'Internationale.  Ces  résolutions  sont  do  la  i)lus 
haute  importance:  on  y  explique  que  V initiative  révolutionnaire 
doit  partir  de  la  France...  que  le  conseil  général  a  pour  mis- 
sion d'accélérer  le  mouvement  vraiment  révolutionnaire  en 
Angleterre  et  partout..  On  ajoute  que  le  seul  point  où  l'on 
puisse  frapper  le  grand  coup  contre  l'Angleterre  oflicielle, 
c'est  rirlande,  et  que  le  premier  besoin  du  conseil  général  est 
de  pousser  la  révolution  en  Angleterre  -. 

C'est  à  ces  résolutions,  traduites  en  français  par  Dupont,  que 
Serrailler  fait  allusion  dans  cette  lettre  à  Johannard,  le  9  fé- 
vrier 1870,  alors  qu'il  lui  parle  de  pièces  très-importantes  que 
Dupont,  son  propriétaire,  est  chargé  d'envoyer  en  France.  Voici 
les  termes  mêmes  de  cette  lettre,  adressée  sous  le  couvert  d'un 
nommé  Jarry,  4,  rue  des  Abbesses,  à  Montmartre  : 

«  Londres,  le  9  février  1870. 
«  Mon  cher  Jules, 

t  Étant  locataire  de  M.  E.  Dupont,  je  remplis  provisoirement 
les  fonctions  de  secrétaire.  —  Il  est  chargé  d'envoyer  en 
France  des  pièces  très-importantes,  et,  d'après  les  événements 
de  Paris,  il  est  nécessaire  de  savoir  au  juste  si  on  peut  les 
envoyer  en  sécurité.  D'ailleurs;  plusieurs  de  ces  pièces  étant 
pour  être  adressées  à  nos  amis  Combault,  Murât,  vous-même, 
etc.,  il  est  urgent  de   savoir  par  le  retour   de  la  poste  si  vous 


*  La  Marseillaise  (numéro  du  28  février)  a  publié  un  compte  rendu  de  cette 
réunion  qui  lui  a  été  communiqué  par  le  secrétaire  même  de  la  brandie  fran- 
çaise, G.  Pêtre.  Parmi  les  assistants  de  ce  meeting,  on  remarquait  Weber,  Pain- 
tot,  Prévost,  Kaufman,  Denonpont,  Lelubez,  Holtporl,  Debord,  Félix  Pyal, 
MouraiUe,  Crampon,  Jourdain,  Victor  Gudfm.  Nous  reproduisons,  aux  documents 
ustilicatifs  (pièce  K),  le  compte  rendu  de  cette  réunion. 
-  Consulter  sur  ce  point,  l'Internationale,  annexes,  pièce  K. 


60  L  •  I  N  T  E  H  NA  T  1  o  N  A  L  K 

n'êtes  pas  logés  gratuitement  *.  Pas  de  retard  à  répondre  ;  quel- 
ques détails  s'il  est  possible,  mais  pas  de  délai.  Surtout  ne  soyez 
pas  Johannard  pour  cette  fois  au  moins.  Adressez  votre  lettre  : 
3i,  Lisle  street,  Leicester  square,  à  mon  nom.  Mettre  les  for- 
mes sous  dictée.  Ce  que  nous  racontent  les  journaux  anglais 
nous  semble  empreint  d'exagération.  Dans  tous  les  cas  le  mo- 
ment paraît  grave,  et  il  est  bon  d'être  prudent  en  ce  qui  con- 
cerne l'Association  internationale,  qui  certes  ne  manquera  pas 
d'avoir  sa  part  de  responsabilité  des  événements  actuels. 

«  A  bientôt,  ma  vieille,  et  s'il  ne  manque  que  moi  pour  faire  la 
révolution,  vous  pouvez  compter  qu'elle  ne  manquera  pas.  Dans 
six  semaines  au  plus  tard,  j'arrive  à  Paris.  Surtout,  pas  de  ma- 
nifestation. 

«  Votre  silence  serait  pour  nous  la  confirmation  de  nos 
craintes  par  rapport  à  l'Association  internationale  et  pour  nos 
amis  personnellement. 

«  N'oubliez  pas  Lucien  pour  nous,  ainsi  que  tous  les  amis. 
Encore  une  fois,  à  bientôt  !  Nous  vous  serrons  la  main. 

ce  A  SERRAILLER.  >. 

On  s'explique  qu'il  soit  nécessaire  de  s'assurer  si  l'on  peut 
envoyer  en  sécurité  des  pièces  aussi  compromettantes  ;  mais  ces 
précautions  paraissent  étranges,  de  la  part  d'une  société  qui 
affiche  hautement  la  prétention  d'avoir  toujours  agi  au  grand 
jour. 

L'esprit  des  sections  belges  est  tout  aussi  révolutionnaire. 
Jamais  procès  plus  violent  n'a  été  fait  au  gouvernement  belge 
que  dans  le  meeting  tenu  à  Liège,  le  9  janvier  1870,  dans  la 
salle  de  l'Allée- Verte. 

L'un  des  orateurs.  Fontaine,  demande  que  l'on  obtienne  le 
suffrage  universel  bon  gré,  mal  gré.  Il  propose  de  former  des 
rondes  immenses,  de  danser  une  vaste  carmagnole,  en  chantant  : 
Nos  droits  !  nos  droits  !  Il  ajoute  que,  si  à  leui^s  sommations  on 


<  Nous  devons  rappeler  que  déjà,  à  la  date  du  7  janvier,  Dupont  annonçait 
à  Murât  l'envoi  de  ces  résolutions,  a.  J'ai  à  traduire,  lui  écrivait-il,  des  réso- 
«lutions  du  conseil  pour  en  envoyer  copie  aux  correspondants.  Cela  me  prend 
«  beaucoup  de  temps.  Tu  les  recevras  d'ici  à  quelques  jours.  » 


ET    LE   JACOBINISME.  fll 

répond  par  le  dédain,  alors  il  faudra  serrer  leurs  rangs  et 
broyer  ces  gens  contre  les  colonnes  du  temple. 

Le  citoyen  Robert  parle  de  l'impôt,  qui  sert  à  payer  un  roi 
parasite,  des  ministres  insolents,  une  chambre  prostituée,  à 
solder  la  bureaucratio  qui  exploite  le  travailleur,  lu  magistrature 
qui  le  condamne,  l'armée  qui  lui  envoie  du  plomb  dans  le  ventre 
lorsqu^ il  réclame  du  pain.  La  loi  du  recrutement,  s'écrie-t-il,  est 
une  loi  monstrueuse.  Autrefois,  au  moins,  le  despotisme  avait 
la  pudeur  de  se  servir  de  mercenaires.  Il  appartient  à  l'hypocrisie 
parlementaire  d'emprunter  au  peuple  les  bourreaux  du  peuple. 
Il  faut  que  cela  finisse.  Vive  la  république  sociale  '  ! 

Au  meeting  tenu  à  Mons  le  G  février,  salle  du  Château-des- 
Fleurs,  le  drapeau  rouge  qui  flotte  au  dessus  du  bureau  est 
choisi  pour  emblème  de  l'Internationale.  Eugène  Hins  représente 
le  drapeau  tricolore  comme  étant  celui  de  la  royauté  et  de  l'armée. 

a  Le  drapeau  rouge,  dit-il,  sera  le  drapeau  de  l'Internatio- 
nale, parce  que  ce  drapeau  nous  rappellera  le  sang  de  nos  frères 
qui  a  coulé  à  l'Épine,  à  Seraing,  à  Frameries,  à  Bàle,  à  Aubin, 
à  la  Ricamarie  2.  » 

D'ailleurs,  nous  devons  bien  le  reconnaître,  à  cette  époque, 
l'Internationale  fait  cause  commune  avec  les  démagogues  les  plus 
ardents,  avec  les  anciens  déportés  de  1851  et  de  58.  Peu  scru- 
puleuse sur  le  choix  de  ses  adhérents,  elle  s'allie  à  tous  ceux 
qui  pourront  l'aider  à  accomplir  son  œuvre  de  destruction  et  de 


1  Nous  devons  signaler  que,  dès  la  fin  de  1869,  une  certaine  agitation  s'était 
manifestée  en  Belgique  en  faveur  d'une  extension  du  suffrage,  et  que  des  ré- 
publicains socialisies,  membres  de  l'Internationale,  avaient  pris  l'initiative  d'or- 
ganiser des  meetings  dans  toutes  les  localités,  aiin  d'y  exposer  les  principes  de 
la  représentation  du  travail.  Il  fut  même  décidé,  dans  deux  meetings  tenus  à 
Ver%-iers  le  28  novembre  et  à  Seraing  le  12  décembre,  qu'aux  prochaines  élec- 
tions les  ouvriers  opposeraient  au  scrutin  censitaire  le  scrutin  libre,  et  que  l'on 
voterait  pour  des  ouvriers  appartenant  aux  industries  les  plus  répandues  dans 
la  localité.  [Int.,  19  décembre  1869.) 

2  Nous  aimons  à  croire  que  les  démocrates  lyonnais  ignoraient  cette  parti- 
cularité le  jour  où  ils  arboraient  cette  hideuse  loque  rouge  qui  a  flotté  sur  le 
dôme  de  l'hôtel  de  ville  pendant  plus  de  six  mois,  et  que  l'on  retrouve  encore  à 
la  mairie  &<•  la  Guilloîière  la  veille  de  l'insurrection  du  30  avril.  Nous  aurons 
d'ailleurs  Toccasion  de  revenir  sur  ces  faits  avec  plus  de  détails  lorsque  nous 
étudierons  les  émeutes  ou  tentatives  d'émeute  qui  se  sont  produites  dans 
:ette  ville  les  28  septembre,  2  et  -4  novembre  1870,  23  mars  et  30  avril  1871. 

Quant  aux  communards  parisiens,  la  plupart  membres  de  l'Internationale, 
.Is  savaient  quelle  était  la  signification  du  drapeau  rouge  ! 


62  L'INTERNATIONALE 

renversement.  Elle  choisit  de  préférence  des  gens  tarés.  Il 
lui  faut  maintenant  des  hommes  résolus  à  tout,  ne  reculant  de- 
vant aucune  extrémité,  et  elle  est  sûre  de  les  trouver  dans 
cette  catégorie  d'individus  qui  font  du  désordre  et  de  la  guerre 
civile  leur  métier  favori.  Aussi  voyons-nous  Combault  rêclnmcv 
rinlervention  de  Pyat  et  de  Bcsson  comme  chose  indispensable 
pour  faire  la  rcvohilion.  C'est  Eugène  Dupont  qui  se  charge 
lui-môme  de  cette  négociation  *. 

Parmi  ces  artisans  de  la  dernière  heure  nous  devons  citer  le 
prétendu  général  Cluscret,  cet  aventurier  de  la  pire  espèce,  qui, 
après  avoir  promené  dans  toute  l'Europe  son  incapacité  et  sa 
forfanterie,  est  venu  plus  tard  s'abattre  sur  la  France  et  prendre 
part  à  la' curée  du  18  mars. 

Nommé  par  Varlin  représentant  de  la  fédération  parisienne 
en  Amérique,  il  notifie  aussitôt  par  un  manifeste  son  nouveau 
titre  à  tous  les  travailleurs  américains  2. 

Quelques  jours  plus  tard  il  rend  compte  de  sa  mission  à  Var- 
lin et  lui  écrit  une  lettre  oii  il  expose  la  manière  dont  il  entend 
exécuter  son  plan  de  révolution.  On  frémit  à  la  pensée  que  ce 
misérable  caressait  déjà  à  cette  époque  le  projet  d'incendier 
Paris,  afin  de  se  maintenir  au  pouvoir  le  jour  où  il  y  arriverait; 
et  qu'il  avait  le  cynisme  révoltant  de  l'avouer. 

Sa  lettre  à  Varlin  est  une  des  plus  belles  pages  des  annales  de 
l'Internationale  :  elle  est  de  nature  à  enlever  toute  illusion  sur 
V humanitaire  Internationale  à  ces  quelques  rêveurs  qui,  égarés 
dans  son  sein,  s'évertuent  à  nous  persuader  que  c'est  par  un 
progrès  pacifique  qu'elle  a  toujours  poursuivi  l'émancipation  des 
travailleurs.  Quand  on  rapproche  cette  lettre  de  celle  du  pro- 
fesseur Robert  3,  on  demeure  convaincu  que  tous  les  actes  de 
pillage,  d'incendie  et  de  vandaUsme  dont  la  révolution  du  18  mars 
a  assumé  la  responsabihté  devant  l'histoire  étaient  le  résultat 
d'un  plan  depuis  longtemps  concerté  entre  les  chefs  avoués  de 
l'Internationale.  Nous  tenons  à  reproduire  cet  important  docu- 
ment. 


1  Voir  aux  documents  justificatifs,  pièce  L. 

-  Nous  reproduisons  ce  manifeste  à  la  fin  du  volume,  (iiièce  M) 

3  Voir  page  47. 


ET    LE  .lACOBINISME.  68 

«  New-York,  17  février  187U. 

•<  Mon  cher  Varlin, 

«  Je  viens  de  recevoir  votre  bonne  lettre  du  2,  elle  ni'expli({uc 
le  relard  apporte  à  la  solution  do  ma  demande.  Inutile  de  vous 
dire  que  j'accepte  et  vais  me  mettre  à  l'œuvre  pour  tâcher  d'être 
utile  à  mes  frères  en  misère  et  en  travail  *. 

«  Le  journal  dont  je  vous  avais  parlé  ne  s'est  pas  fondé  et  je 
n'ai  pas  cru  devoir  renouveler  la  tentative  en  présence  des  der- 
niers événements  de  France  ainsi  que  des  lettres  de  mes  amis 
unanimes  à  me  rappeler  en  Europe.  Selon  toute  probabilité,  j'y 
serai  pour  l'été  ;  mais  d'ici  là,  j'aurai  organisé  les  relations  in- 
ternationales entre  les  différents  groupes  français  et  américains, 
et  désigné  pour  me  remplacer  (au  choix  du  comité  français)  une 
ou  plusieurs  personnes  zélées  et  capables. 

«  Gomme  vous  le  dites,  nous  triompherons  sûrement,  infailli- 
blement, si  nous  persistons  à  demander  à  l'organisation  le 
succès. 

«  Mais  ne  perdons  pas  de  vue  que  l'organisation  a  ^tour  but  de 
solidariser  pour  F  action  le  plus  grand  nombre. 

a.  Donc  soyons  coulants,  arrondissons  les  angles,  soyons  réel- 
lement frères  en  action  et  non  en  parole.  Que  les  questions  de 
doctrine  et  d'individualité  ne  séparent  pas  ce  qu'une  commune 
souffrance ,  c'est-à-dire  un  commun  intérêt  a  réuni  ;  nous 
sommes  tout  et  tous  :  il  faut  avouer  que  si  nous  sommes  battus, 
nous  méritons  bien  de  l'être. 

€  Je  n'ai  pas  vu  figurer  les  nôtres  dans  les  derniers  troubles; 
quelle  a  été  f  attitude  des  sociétés  ouvrières  et  quelles  sont  leurs 
dispositions  actuelles  ? 

«  Certes  il  ne  faut  pas  sacrilier  nos  idées  à  la  politique,  mais 
il  serait  désastreux  qu'elles  nous  en  détachent  même  momenta- 
nément. 

«  Pour  moi,  tout  ce  qui  vient  de  se  passer  signifie  que  les 

»  Varlin  avait  écrit  à  Oluseret,  le  2  février,  pour  lui  demander  de  représenter 
la  fédération  parisienne  aux  Elals-Unis. 


«4  L'INTERNATIONALE 

d'Orléans  se  faufilent  petit  à  petit  au  pouvoir,  en  rognant  les 
ongles  à  L.-N.,  de  manière  à  n'avoir  plus  qu'à  se  substituer  à  lui 
un  beau  matin. 

a  OR,  CE  JOUR-LA  NOUS  DEVONS  ÊTRE  PRÊTS  PHY- 
SIQUEMENT ET  MORALEMENT.  CE  JOUR-LA,  NOUS  OU 
LE  NÉANT  !  rJusqiie-là  je  resterai  trnnquille  probablement, 
MAIS  CE  JOUR,  JE  VOUS  L'AFFIRME,  et  je  ne  dis  jamais 
OUI  POUR  NON,  PARIS  SERA  A  NOUS  OU  PARIS  N'EXIS- 
TERA PLUS.  Ce  sera  le  moment  décisif  pour  l'avènement  du 
peuple. 

«  A  vous, 

ce  CLUS.... 

«  P-S.  Nous  avons  le  Sun,  qui  tire  à  90,000  exemplaires,  un 
journal  français  et  un  journal  allemand. 

«  Comme  vous  le  voyez,  nous  sommes  déjà  solides. 

Que  vont  faire  Malon,  Héligon  et  C^^  dans 

l'affaire  Vermorel  ?  Nous  n'avons  pas  à  nous  mettre  pour  ou 
contre  dans  de  semblables  questions  de  personnes.  Allez  voir 
Fonvielle  et  faites-nous  adresser  la  Marseillaise.  » 

Les  événements  nous  ont  appris  comment  Gluseret  avait  su 
tenir  cette  sinistre  promesse.  Si  Paris  existe  encore,  ce  n'est 
assurément  pas  la  faute  de  Cluseret  et  de  ses  séides  :  ils  avaient 
tout  préparé  pour  l'exécution  de  leur  criminelle  entreprise. 

Pendant  que  Cluseret  travaillait  ainsi  les  Américains  et  se 
préparait  à  la  lutte,  la  propagande  socialiste  et  révolutionnaire 
se  poursuivait  en  France  sur  la  plus  vaste  échelle. 

A  Lyon,  les  réunions  de  l'Internationale  se  multiplient,  a  La 
situation  est  excellente,  écrivait,  le  14  février,  lebronzierBour- 
seau  à  Landrin,  nous  attendons  avec  conviction  la  révolution 
sociale  qui  ne  tardera  pas  à  paraître.  » 

Le  mouvement  se  propageait  à  Saint-Etienne,  à  Brest,  au 
Greuzot,  à  Fourchambault,  au  Mans,  à  Mulhouse,  à  Tours, 
Lille,  Tourcoing,  Aix,  la  Ciotat,  Barcelonnette,  Saint-Tropez,  la 
Garde-Freinet,  Goufaron,  Grenoble,  Dijon,  etc.,  etc. 

L'heure  de  la  révolution  approche  :  aussi  le  rôle  poUtique  de 
l'Internationale  se  traduit-il  chaque  jour  par  de  nouveaux  faits. 


ET  LE  JACOBINISME.  65 

Nous  la  IroTivons  niôlûo  aux  évc'uenicnts  du  Crcuzol.  ("-elle 
grève,  dont  la  portée  politique  ne  saurait  plus  aujourd'hui  être 
contestée,  éclate  au  cri  de  :  Vive  lu  République  !  La  présence  au 
Creuzot  du  citoyen  Malon  est  assez  sig'nificative  :  sa  mission  se 
rattache  à  tout  aulro  chose  qu'à  l'envoi  de  corrcspoudances  à  la 
Marseillaise.  Ses  nombreux  voyajîes  dans  les  centres  ouvriers, 
ses  lettres  à  Varlin  et  à  Richard,  le  ton  môme  de  ses  articles 
indiquent  assez  qu'il  agit  dans  un  but  politique.  On  espère  pro- 
fiter de  l'agitation  créée  par  la  multiplicité  des  grèves  et  attiser 
ainsi  entre  l'Empire  et  contre  les  bourgeois  les  passions  déjà 
si  ardentes  de  la  classe  ouvrière. 

Au  mois  de  mars  (13  mars),  Bastelica,  Varlin,  Richard, 
Schwitguobel,  de  Neuchàtel,  se  rencontrent  à  Lyon.  On  en  pro- 
fite pour  purger  bien  des  équivorpics  et  pour  établir  cette  entente 
loyale  sur  les  moyens  pratiques  dont  parlait  Bastelica  à  Richard 
dans  sa  lettre  du  1"  octobre  1869  ^ 

Varlin  apporte  dans  ces  délibérations  le  tempérament  révo- 
lutionnaire dont  il- a  déjà  fait  preuve  au  mois  de  février  lors  de 
l'arrestalion  de  Rochefort,  et  qui  lui  a  valu  quatorze  jours  de  dé- 
tention. Sa  lettre  écrite  à  Aubry,  le  8  mars  J870,  nous  permet 
de  juger  de  l'attitude  qu'il  se  propose  de  prendre  pour  hâter 
l'heure  des  revendications  sociales. 

«  Vous  voulez,  lui  dit-il,  que  je  devienne  moins  révolutionnaire, 
en  présence  d'un  état  de  choses  qui  semble  s'aggraver  tous  les 
jours.  Quand  l'arbitraire  et  l'iniquité  auront  disparu,  quand  la 
liberté  et  la  justice  régneront  sur  la  terre,  Je  ne  serai  plus  ré- 
volutionnaire; mais  jusque-là,  croyez  bien  (jue  plus  je  serai 
exposé  à  supporter  les  coups  du  despotisme,  plus  je  m'ir- 
riterai contre  lui  et  j)lus  je  serai  dangereux.  Ce  n'est  qu'au 
point  de  vue  vraiment  sociahste  que  je  poursuis  ï œuvre  révolu- 
tionnaire, mais  vous  devez  bien  comprendre  que  nous  ne  pou- 
vons rien  faire  comme  réforme  sociale,  si  le  vieil  état  politique 
n'est  pas  anéanti!  N'oublions  pas  qu'en  ce  moment  l'Empire 
n'existe  plus  que  de  nom  et  que  le  gouvernement  est  l'injure  des 
partis.  Si  dans  ces  circonstances  graves  le  parti  socialiste  se 
laissait  endormir  par  la  théorie  abstraite  de  la  science  sociolo- 

1  Consulter  notre  premier  travail  sur  ï Internationale,  annexes,  pièce  0. 


C6  L'INTERNATIONALE 

gique,  nous  pourrions  bien  nous  réveiller  un  beau  matin  sous 
de  nouveaux  maîtres  plus  dangereux  pour  nous  que  ceux 
que  nous  subissons  en  ce  moment,  parce  qu'ils  seraient  plus 
jeunes  et  par  conséquent  plus  vigoureux  et  plus  puissants. 
«  Tout  en  préparant  l'organisation  sociale  future,  ayons  l'œil 

au  mouvement  politique Je  serais  très-heureux  que  vous 

fussiez  au  petit  congrès  de  Lyon.  En  dehors  du  moetincf,  nous 
pourrions  nous  entendre  sur  bien  des  points.  Ce  serait  très- 
utile.  » 

Quelques  jours  encore  et,  le  travail  d'organisation  et  de  pro- 
pagande de  l'Internationale  étant  terminé,  nous  allons  voir  les 
sections  françaises  entrer  dans  la  période  de  la  lutte  et  se  placer 
plus  résolument  que  jamais  sur  le  terrain  politique. 

Il  était  réservé  à  l'Empire  de  leur  fournir  l'occasion  de 
descendre  publiquement  dans  l'arène  politique  en  appelant  le 
peuple  à  voter  sur  une  constitution  nouvelle. 

Nous  sommes  ainsi  amené  à  parler  du  plébiscite  et  des 
circonstances  qui  en  ont  précédé  le  vote. 


ET    LE  JACOBINISME.  61 


CHAPITRE  II. 


I-E  PLÉBISCITE  DU  MOIS  DE  MAI  1870.  —  REUNIONS  PLÉBISCITAIRES. 
—  DISCOUnS  DE  VARLIN  ET  DE  COMBAULT.  —  ATTITUDE  DE  l'iji- 
TERNATIONALE.  —  MANIFESTE  DE  LA  FEDERATION  PARISIENNE,  DE 
LA  BRANCHE  FRANÇAISE  DE  LONDRES  ET  DU  COMIÎÉ  RÉPUBLICAIN 
SOCIALISTE   DÉ   MARSEILLE. 

Il  ne  nous  appartient  pas  de  nous  prononcer  sur  l'opportunité 
du  plébiscite  et  sur  la  portée  politique  de  cet  acte  :  nous  lais- 
sons à  l'histoire  le  soin  d'apprécier  et  de  prononcer  son  verdict 
sur  le  plus  ou  moins  de  nécessité  de  cet  appel  au  suffrage 
universel. 

Nous  n'avons  à  nous  occuper  ici  que  du  rôle  joué  par  l'Inter- 
nationale et  des  moyens  qu'elle  sut  mettre  en  œuvre  pour 
augmenter  l'agitation  des  esprits  déjà  suffisamment  surexcités 
par  la  décision  impériale. 

L'Internalionale  avait  compris  que  l'on  pourrait  peut-être 
profiter  de  l'émotion  populaire  pour  réaliser  cette  révolution 
sociale  si  ardemment  convoitée  *.  Les  agitateurs  politiques 
réfugiés  à  l'étranger  à  la  suite  de  récentes  condamnations  parta- 
geaient tous  les  mêmes  espérances.  Un  des  futurs  membres  de 
la  commune  de  Paris  et  l'un  des  vétérans  de  l'Internationale, 
le  chapelier  Amouroux,  devenu  à  cette  époque  l'un  des  collabora- 
teurs du  journal  la  Réforme  sociale  de  Rouen,  écrivait  à  ce 

1  Avant  six  mois,  écrivait,  le  31  mars,  Huart  d-^  Reims  au  con^pagnon  Sau- 
va?eot  de  Saint-Quentin,  nous  serons  les  plus  forts  dans  tous  lespays  de  l'Eu- 
rope. Nous  reproduisons  cette  lettre  à  la  fin  du  volume,  aux  pièces  et  docu- 
ments justificatifs  (pièce  V,  n"  6). 


68  L'INTERNATIONALE 

sujet  de  Bruxelles  à  Aubry,  le  15  avril  :  a  Que  pensez-vous  du 
plébiscite?  Croyez-vous  que  le  moment  soit  propice  pour  les 
revendications  sociales?  Nous  autres  proscrits,  nous  espérons 

quelque  chose Enfin  nous  verrons.   Veuillez  donc  m' écrire 

comment  on  prend  la  chose  dans  voire  pays  :  cela  nous  fera 
plaisir. 

a  J'ai  reçu  une  lettre  de  Bastelica  de  Marseille  :  cela  marche 
très-bien  ;  ils  sont  prêts  à  tout  pour  réussir.  Mes  sentiments  de 
confraternité  à  notre  famille  collective  des  travailleurs  de  la 
fédération.  » 

Jetons  d'abord  un  coup  d'œil  sur  les  réunions  publiques 
dont  le  plébiscite  fut  à  cette  époque  le  prétexte.  Partout  nous 
voyons  les  coryphées  de  l'Internationale  les  diriger  et  riva- 
liser de  violence  dans  leurs  attaques.  L'assassin  Mégy  est 
acclamé  président  ou  assesseur  honoraire  de  la  plupart  de  ces 
réunions  •.  Nous  citerons  celles  tenues  les  16  et  17  avril,  salle 
Molière  et  passage  Saint-Denis,  rue  Lhoraond,  et  surtout 
l'assemblée  générale  des  sections  parisiennes,  le  19  avril,  dans 
la  salle  de  la  Marseillaise,  rue  de  Flandre,  51,  où  les  statuts  de 
la  fédération  parisienne  furent  définitivement  adoptés.  Varlin 
et  Combault  y  prononcèrent  les  discours  les  plus  incendiaires  ; 
les    extraits    suivants  pourront  en   donner  une    idée  exacte. 

«  Nous  ne  voulons  plus,  disait  Varlin,  nous  fiera  ces  hommes 
qui  jusqu'à  ce  jour  nous  ont  bercés  de  vaines  promesses  pour 
obtenir  nos  suffrages  et  qui,  ime  fois  arrivés  au  pouvoir,  nous 
ont  abandonnés  et  trahis. 

«Nos  exploiteurs  se  sont  partagé  les  rôles.  Les  uns  nous  ont 
promis  la  justice  ultra- terrestre,  en  échange  d'une  soumission 
aveugle  envers  nos  oppresseurs.  D'autres  ont  imaginé  des  lois 
qu'ils  ont  faites  sans  nous  et  contre  nous.  Ils  ont  étabh  des  ma- 

i  Le  21  mars,  dans  une  réunion  du  Cercle  des  études  sociales,  sur  la  propo- 
sition de  Combault,  Malon  avait  été  chargé  de  porter  à  cet  assassiîi  l'expression 
des  sympatliies  de  l'assemblée.  Nous  avons,  il  est  vrai,  la  douleur  de  consta- 
ter que  le  crime  commis  par  Mégy  fui  loin  de  provoquer  alors  l'indignation 
générale.  Il  se  trouva  des  gens  ailleurs  que  dans  les  rangs  de  l'Internationale 
pour  proclamer  que  Mégy  n'avait  fait  que  son  devoir.  Il  existe  même  sur  ce 
point  des  consultations  d'avocats  assez  édifiantes.  Nous  nous  rappelons  enfin 
avoir  entendu,  à  une  audience  du  tribunal  correctionnel  de  Lyon  (juin  1870), 
l'accusé  Bertranche  affirmer  avec  forfanterie  que,  s'il  s'était  trouvé  dans  le  môme 
cas  que  Mégy,  il  n'aurait  pas  hésité  à  brûler  la  cervelle  à  l'agent  de  police. 


HT    LK   JAC.OIJINISMi:.  G5l 

gistrats  qui,  pris  dans  leur  classe,  deveuaieiil  des  auxiliaires 
puissants  qui  laisaicnt  pencher  la  balance  du  côté  de  nos  maîtres. 
Aujourd'hui  tout  cela  doit  changer.  Déjà  l'Internationale  a  vaincu 
les  préjugés  de  peuple  à  peui)le.  Nous  savons  à  quoi  nous  en 
tenir  sur  la  Providence,  qui  a  toujours  penché  du  côté  des  mil- 
lions. Le  bon  Dieu  a  fait  son  temps.  En  voilà  assez.  Nous 
sommes  revenus  de  ces  prétendus  tribuns  ({ui  ont  la  bouche  pleine 
de  promesses  quand  ils  quêtent  nos  votes  dans  leur  sébille  de 
député  et  qui  considèrent  comme  outrage  à  leur  dignité  tout 
mandat  qui  tend  à  faire   respecter  et  triompher  nos  droits  K 

«  Nous  faisons  appel  à  tous  ceux  qui  souffrent  et  qui  luttent. 
Nous  sommes  la  force  et  le  droit.  Nous  devons  nous  suffire  à 
nous-mêmes.  C'est  contre  l'ordre  juridique,  économique,  politi- 
que et  religieux  que  nous  devons  tendre  nos  efforts.  Solidarisons 
nos  intérêts,  fédérons  nos  groupes  pour  étendre  notre  action.  » 

te  Pendant  quelque  temps,  s'écrie  à  son  tour  Combault,  l'As- 
sociation internationale  a  été  mise  en  suspicion  par  le  parti 
républicain,  qui  l'accusait  de  tendances  bonapartistes  :  c'est 
une  calomnie  contre  laquelle  nous  devons  protester.  La 
classe  ouvrière  n'a  jamais  oublié  le  2  Décembre  !  Jamais  elle 
n'a  voulu  accepter  quoi  que  ce  soit  du  vainqueur  de  la  France , 

1 11  faut  bien  reconnaître  que,  dans  l'espèce,  Varlin  n'avait  pas  tout  ù  fait 
tort.  Nous  trouvons  la  même  idée  expi'imée  dans  ce  discours  prononcé  au  mee- 
ting de  Lausanne,  le  27  février  1870,  par  Guillaume  de  Neufchàlel. 

«  ...  Sous  les  gouvernements  soi-disant  républicains,  on  vous  dit  :«  Nom- 
mez-nous, et  nous  améliorerons  votre  position;  choisissez  un  tel,  celui-là  est 
bon,  il  fera  votre  bonheur.  »  Lequel  a  tenu  sa  parole  lorsqu'il  y  est  arrivé  ?  Au- 
cun. Ils  sont  tous  devenus  autorité  ;  ils  n'ont  rien  fait  que  de  défendre  la 
propriété  et  les  capitalistes.  Je  citerai  un  fait  comme  exemple,  sans  crainte  de 
me  tromper  :  nommez  à  la  tête  de  l'Etat  les  sept  membres  de  votre  comité 
fédéral  romand,  en  qui  vous  avez  confiance;  eh  bien,  vous  en  ferez  de  nou- 
veaux bourgeois. 

«  Je  ne  reconnais  aucune  forme  de  gouvernement.  Il  faut  les  supprimer  tous 
et  nommer  des  hommes  chargés  d'exécuter  nos  volontés  et  qui  auront  pour 
mandat  de  nous  instruire.  Les  bourgeois  la  possèdent,  l'instruction,  mais  ce 
n'est  pas  celle-là  que  nous  entendons  :  ce  dont  il  s'agit,  c'est  que  chacun  con- 
naisse ses  droits  et  ses  devoirs  ;  l'ouvrier  doit  savoir  juger  celui  qui  vit  par 
le  travail,  et  celui  qui  ne  travaille  jamais  et  par  là  ne  produit  rien. 

«  Ils  vous  disent  encore,  ces  prétendus  républicains,  de  patienter  !  ils  vous  font 
espérer  qu'à  la  troisième  ou  quatrième  génération  votre  sort  sera  amélioré. 
Unissez-vous  donc,  à  un  moment  donné,  et  alors  que  tous  les  ouvriers  seront 
d'accord,  nous  proclamerons  notre  programme,  et  nous  leur  dirons  :  «  Nous 
sommes  les  plus  forts  !  «  et  le  jour  où  nous  leur  prouverons  notre  force,  notre 
programme  sera  réalisé.  »  {Égalité,  5  mars  1870.) 


70  L'INTERNATIONALE 

qu'elle   a  toujours  regardé    comme    son  plus   cruel   ennemi. 

«  Il  se  peut  que  quelques  individualités,  ou  même  quelques 
rares  groupes  d'ouvriers  aient  accepté  la  discussion  officielle 
avec  l'Empire.  Mais  l' Internationale  a  subi  les  dures  lois  de  la 
nécessité  ;  elle  s'est  tue  jusqu'au  jonr  où  elle  a  pu  dire  :  «  Nous 
ne  voulons  pas  de  l'Empire  !  55  et  depuis  plusieurs  années  c'est 
son  cri  le  plus  aigu. 

«  La  première  fois  que  nous  avons  pu  parler^  c'est  au  banquet 
de  l'Exposition.  A  dater  de  ce  jour,  l'Empire  s'est  jeté  sur  nous, 
et  à  la  face  de  ses  juges,  nous  avons  abandonné  le  rôle  d'accusé 
qu'on  nous  donnait,  pour  prendre  celui  d'accusateur.  Nous  avons 
affirmé  nos  principes  socialistes  et  républicains.  Nous  avons  ré- 
pudié toute  pactisation  avec  l'Empire,  à  qui  nous  jetions  le  gant. 

«  Toute  équivoque  a  cessé.  Unissons-nous  tous  dans  une  pensée 
commune  de  revendication  politique  ou  sociale.  On  peut  persé- 
cuter quelques  hommes  :  on  n'emprisonne  pas  tous  les  travail- 
leurs ;  d'ailleurs  ils  ont  besoin  de  nous  pour  nous  exploiter. 
Organisons-nous.  Malgré  la  ruse,  la  violence,  nous  triomphe- 
rons. Si  nous  sommes  des  individualités,  nous  serons  broyés. 
Si  nous  sommes  une  collectivité,  la  victoire  est  à  nous. 

«  Nous  devons  nous  occuper  f/ejooiiYi^ue,  puisque  le  travail  est 
soumis  à  la  politique.  Il  faut  dire  tout  haut,  une  fois  pour  toutes, 
que  nous  voulons  la  république  sociale  avec  toutes  ses  consé- 
quences. Unissons,  centralisons  nos  efforts.  Serrons-nous  les  uns 
contre  les  autres.  Pour  un  qui  tombe  blessé,  qu'il  s'en  dresse 
dix  au  poste  du  combat.  Toujours  fermes  !  pas  de  concession  '. 

1  Ces  discours  sont  extraits  du  compte  rendu  de  cette  assemblée  générale 
publié  dans  la  Marseillaise  du  20  avril.  Mais  nous  savons  que  ce  journal  a 
été  obligé  pour  l'insertion  de  mitiger  le  ton  un  peu  trop  violent  des  paroles 
prononcées  par  Varlin  et  Combault.  Cela  résulte  de  ce  passage  d'une  lettre 
écrite  le  20  avril  par  Pindy  aux  membres  de  la  section  de  Brest  : 

a  Le  compte  rendu  de  la  séance  de  lundi  inséré  dans  la  Marseillaise  de  ce 
matin,  20  avril  (peut  être  vous  l'a-t-on  écrit),  n'est  pas  exact;  cependant  je 
ne  blâme  pas  le  journaliste  qui  l'a  fait  :  il  eût  été  regrettable  de  raconter  ce 
qui  s'est  passé  à  tous  ceux  qui  lisent  la  Marseillaise,  cela  aurait  produit 
mauvais  effet  pour  la  cause  même.  » 

Ajoutons  que,  le  2  avril,  Schwitzguebel  de  Sonvilliers,  écrivant  à  Pindy,  lui 
annonçait  que  partout  dans  le  Jura  bernois  Vidée  révolutionnaire  dominait. 

Quelques  jours  plus  tard,  Pindy  prononçait  ces  paroles  auxquelles  les  évé- 
nements ont  donné  le  plus  sanglant  démenti.  «  Notre  idéal,  c'est  la  républi- 
que démocratique  et  sociale,  seulement  il  n'entre  pas  dans  notre  plan  d'em- 
ployer pour  cela  la  violence  et  l'insurrection.  Nous  voulons  que  la  révolution 


ET    LE  .lACOBINISME.  71 

De  son  côté,  la  branche  française  de  Londres  est  loin  de  res- 
ter inactive  :  ello  est  la  première  à  tracer  la  ligne  de  conduite  à 
tenir.  Elle  proche  le  vote  par  bulletins  blancs  et  publie  dans  ce 
sens  un  manifeste  aux  électeurs  français.  Ce  document,  sous 
la  date  du  11  avril,  vaut  la  peine  d'être  reproduit. 

ASSOCIATION  INTERNATIONALE  DES  TRAVAILLEURS, 

BRANCHE    FRANÇAISE. 

Adresse  aux  citoyens  français. 

«  Londres,  H  avril  1870. 
«  Citoyens, 

«  Le  plébiscite  qui  est  proposé  par  l'Empire  au  peuple  français 
n'est  qu'un  piège.  Nous  ne  pouvons  voter  ni  pour  l'Empire  par- 
lementaire ni  pour  l'Empire  autoritaire.  Nous  voterons  tous  pour 
la  République  en  déposant  des  billets  blancs  dans  l'urne. 

«  Pas  d'abstentions.  Des  billets  blancs.  » 

Quant  aux  sections  parisiennes,  elles  avaient  paru  un  instant 
indécises  sur  le  parti  à  prendre  :  elles  hésitaient  entre  l'absten- 
tion et  le  vote  par  bulletins  inconstitutionnels.  Quelques-uns  de 
ses  membres  réprésentaient  la  presse  comme  voulant  accaparer 
la  direction  du  mouvement  antiplébiscitaire,  et  substituer  son 
action  à  celle  des  travailleurs.  Des  démarches  furent  même 
tentées  auprès  des  journalistes  et  du  parti  démocratique,  afm 
d'obtenir  que  des  délégués  ouvriers  fussent  admis  dans  leurs 
réunions  et  pussent  ainsi  influer  par  leurs  discours  sur  la 
rédaction  du  manifeste  que  préparaient  les  radicaux.  Nous  en 
trouvons  la  preuve  dans  cette  lettre  écrite  à  Theiz  par  Murât  : 

(ï  Paris,  18  avril  1870. 
«  Mon  cher  Theiz, 

<c  II  m'est  impossible  de  *tne  rendre  ce  soir  à  la  réunion  des 
délégués  de  la  chambre  fédérale,  mais  voici  ce  que  j'ai  appris  : 

s'accomplisse  pacifiquement  et  par  la  force  des  choses.  Ma  vie  tout  entièro 
proteste  contre  l'insurrection  et  la  guerre  des  rues. 


72  L'INTERNATIONALE 

«  Je  viens  de  voir  Delescluze,  et  il  m'a  dit  que  le  manifeste 
n'était  pas  encore  rédigé,  mais  qu'il  était  parfaitement  convenu 
qu'il  conclurait  au  vote  iio;h  II  pense  que  son  nom  et  la  plupart  de 
ceux  qui  s'y  trouveront  donneront  une  signification  républicaine 
assez  nette,  et' que  du  reste  les  journaux  officieux  ne  s'y  trom- 
pent pas,  pour  pouvoir  voter  non  sans  équivoque.  Il  regrette 
que  les  travailleurs  s'en  tiennent  au  vote  inconstitutionnel,  il 
pensait  faire  l'unité  des  partis  complète  dans  cette  occasion. 
Sur  mon  observation  que  voter  oui  ou  non,  c'est  reconnaître  le 
droit  plébiscitaire,  il  m'a  répondu  que  Rochefort  a  bien  prêté  ser- 
ment et  ({u'aujourd'hui  il  recommande  l'abstention  ;  qu'il  a  bien 
mieux  reconnu  le  gouvernement  qu'on  ne  le  reconnaîtra  en 
votant  non.  Je  lui  observe  qu'il  ne  s'agit  pas  de  Rochefort,  mais 
des  sociétés  ouvrières  ;  il  me  répond  qu'il  regrette  beaucoup 
cette  division,  mais  qu'il  croit  que  le  non  est  le  seul  moyen  d'a- 
voir sinon  la  majorité,  du  moins  une  minorité  assez  considéra- 
ble pour  faire  échec  à  l'Empire.  Impossible  de  l'amènera  recon- 
naître la  question  de  principe  :  la  tactique  l'emporte. 

a  Les  journahstes  ont  ce  soir  une  réunion  avec  la  gauche  :  je 
lui  dis  alors  de  demander  notre  admission,  afin  que  nous  puis- 
sions présenter  nos  raisons  avant  la  publication  du  manifeste, 
et  peut-être  influer  sur  cette  rédaction.  Il  m'a  répondu  qu'ils 
avaient  eu  assez  de  peine  à  faire  accepter  à  la  gauche  d'agir 
avec  eux  ;  qu'il  n'y  avait  pas  à  espérer  de  leur  faire  admettre 
les  délégués  ouvriers.  F'ar  conséquent  il  en  résulte  que  le  ma- 
nifeste sera  fait  sans  nous,  qu'il  concluera  au  vote  non  ,  qu'on 
vous  appellera  seulement  pour  le  propager...  Grand  merci!  pour 
moi,  je  sors  d'en  prendre. 

K  Salut  fraternel. 

«  A.  MURAT. 

«  A  demain.  Si  aujourd'hui  on  décide  de  faire  un  manifeste 
ouvrier,  vous  me  ferez  plaisir  de  ne  pas  manquer  demain  au 
cercle  pour  qu'on  se  hâte  de  le  rédiger  et  de  le  propager.  » 

En  présence  des  agissements  de  la  presse  et  de  la  gauche  ré- 
publicaine et  de  leur  refus  d'admettre  la  classe  ouvrière  à  pren- 
dre part  à  leur  manifeste,  la  question  de  l'abstention  était  de 


ET    LE    JACOniNISMK.  73 

nouveau  agitée  dans  la  réunion  générale  du  19  avril.  Après  une 
vive  discussion,  il  était  décidé  que  l'on  se  rallierait  à  la  politi- 
que de  la  Marseillaise  et  que  l'Internationale  ferait  son  mani- 
feste à  elle.  Une  commission  de  douze  membres  était  chargée 
d'élaborer  un  projet  de  manifeste  au  nom  de  l'Association  inter- 
nationale. Les  douze  membres  élus  étaient  Ancel,  Berthomieu, 
Germain  Casse,  Gombault,  Franquin,  Johannard,  Lafargue  *, 
Lefèvre,  Raymond,  Robin,  Roussel. 

Il  était  convenu  que  ce  projet  de  manifeste  sorait  discuté  dans 
les  sections  et  publié  par  les  journaux. 

Le  23  avril,  cj  manifeste  était  lu  dans  une  réunion  tenue 
dans  les  bureaux  du  Réveil  et  à  laquelle  assistaient  les  délégués 
de  la  presse  et  des  comités  électoraux. 

Il  était  décidé  que  ce  manifeste  serait  publié  dans  tous  les 
journaux  démocratiques  et  qu'il  recevrait  la  même  publicité  que  le 
manifeste  des  députés  de  la  gauche  [Marseillaise,  24  avril  1870). 

Le  lendemain,  ce  manifeste  paraissait  dans  la  Marseillaise  ; 
les  jours  suivants,  il  était  distribué  sur  la  voie  publique  à  une 
quantité  considérable  d'exemplaires.  Voici  cet  important  docu- 
ment :  il  est  une  preuve  de  plus  de  l'immixtion  constante  de 
l'Internationale  dans  toutes  les  questions  pohtiques. 

MANIFESTE  ANTIPLÉBISCITAIRE 

DES   SECTIONS   PARISIENNES   FÉDÉRÉES   DE    l'iNTEUNATIONALE 

et  de 

LA   CHAMBRE   FÉDÉR.A.LE   DES    SOCIÉTÉS   OUVRIERES. 

A  tous  les  travailleurs  français. 

a  Citoyens, 
«  Après  la  révolution  de  89  et  la  déclaration  des  droits  de  93, 
la  souveraineté  du  travail  est  l'unique  base  constitutive  sur  la- 
quelle doivent  reposer  désormais  les  sociétés  modernes. 

1  Lafargue,  qui  demeurait  à  ceUe  époque  rue  du  Cherche-Midi,  est  le  gendre 
de  Karl  Marx.  Il  se  trouve  actuellement  en  Espagne  et  a  été  arrêté  il  y  a  quel- 
ques jours  à  Huasca. 


74  L'INTERNATIONALE 

«  Le  travail,  en  effet,  est  la  loi  suprême  de  l'humanité,  la 
source  de  la  richesse  publique,  la  cause  la  plus  efficiente  du 
bien-être  individuel. 

«  Le  travailleur  seul  a  droit  à  l'estime  de  ses  concitoyens  ; 
il  impose  son  honorabilité  à  roux  mêmes  qui  l'exploitent  ;  il  est 
appelé  à  régénérer  le  vieux  monde. 

«  Voilà  pourquoi  nous  disons  aux  travailleurs  des  villes,  aux 
travailleurs  des  champs,  aux  petits  industriels,  aux  petits  com- 
merçants, à  tous  ceux  qui  veulent  sincèrement  le  règne  de  la 
liberté  par  l'égalité  :  Il  ne  suffit  pas  de  répondre  au  plébiscite 
qu'on  ose  nous  imposer,  par  un  vote  purement  négatif  ;  de  pré- 
férer la  constitution  de  70  à  celle  de  1852,  le  gouvernement 
parlementaire  au  gouvernement  personnel  ;  il  faut  qu'il  sorte  de 
l'urne  la  condamnation  la  plus  absolue  du  régime  monarchique, 
l'affirmation  complète,  radicale,  de  la  seule  forme  de  gouverne- 
ment qui  puisse  faire  droit  à  nos  aspirations  légitimes,  la  répu- 
blique démocratique  et  sociale. 

«  Insensé  celui  qui  croirait  que  la  constitution  de  1870  lui  per- 
mettra davantage  que  celle  de  52  de  donner  à  ses  enfants  les 
bienfaits  d'une  instruction  intégrale,  gratuite  et  obhgatoire  pour 
tous  ; 

«  D'exécuter  la  réforme  et  la  réorganisation  des  grands  ser- 
vices pubhcs  (mines,  canaux,  chemins  de  fer,  banques,  etc..) 
au  profit  de  tous  les  citoyens,  au  Heu  d'être,  comme  aujourd'hui, 
un  moyen  d'exploitation  pour  la  féodalité  du  capital  ; 

«  De  changer  complètement  l'assiette  de  l'impôt  qui,  jusqu'ici, 
a  été  progressif  dans  le  sens  de  la  misère  ; 

«  De  faire  rentrer  au  domaine  public  les  propriétés  dont  le 
clergé  séculier  s'est  emparé  par  des  moyens  plus  ou  moins  sub- 
reptices,  au  mépris  même  des  lois  de  89  et  90  ; 

«  De  mettre  un  terme  aux  abus  de  pouvoir  de  tous  les  fonc- 
tionnaires, grands  et  petits  (gardes  champêtres,  juges  d'instruc- 
tion, commissaires  de  police,  etc.,  etc.),  dont  la  conduite 
arbitraire  est  aujourd'hui  couverte  par  l'article  75  de  la  constitu- 
tion de  l'an  vni  ; 

«  De  supprimer,  enfin,  l'impôt  du  sang,  nous  voulons  dire 
l'armée  permanente,  en  abolissant  la  conscription  ! 

«  Non,  citoyens  !  il  ne  saurait  en  être  ainsi.  Le  despotisme  a 


F.T     LE    JACOBINISME.  75 

cela  de  fatal,  qu'il  ne  peut  cngendrei'  que  le  despotisme.  L'é- 
preuve en  est  faite,  nous  n'avons  plus  à  y  revenir. 

«  D'ailleurs,  nous  ne  saurions  reconnaître  à  l'exécutif  le 
droit  de  nous  interroger.  Ce  droit  impliquerait  chez  nous  une 
sujétion  contre  laquelle  prot(3ste  le  nom  même  du  pouvoir  qui 
se  l'arrogé,  en  inditiuant  qu'il  n'est  pas  lo  maître,  qu'il  est  sim- 
plement, et  rien  de  plus,  l'exécuteur  des  volontés  souverainef^ 
du  pays. 

«  Si  donc  vous  désirez,  comme  nous,  en  finir  une  bonne  fois 
avec  toutes  les  souillures  du  passé  ;  si  vous  voulez  que  le  nou- 
veau pacte  social,  consenti  par  des  citoyens  égaux  en  droits 
comme  ils  le  sont  en  devoirs,  garantisse  à  chacun  de  vous  là 
paix  et  la  liberté,  l'égalité  et  le  travail  ;  si  vous  voulez  affirmer 
la  répuj)lique  démocratique  et  sociale  ;  le  meilleur  moyen,  suivant 
nous,  c'est  de  vous  abstenir  ou  de  déposer  dans  l'urne  un  bul- 
letin inconstitutionnel,  —  ceci  dit  sans  exclure  les  autres  modes 
de  protestation. 

«  Travailleurs  de  toutes  !  sortes  souvenez-vous  des  mas- 
sacres d'Aubin  et  de  la  Ricamarie,  des  condamnations  d'Autun 
et  de  l'acquittement  de  Tours,  et,  tout  en  retirant  vos  cartes 
d'électeurs,  afin  de  montrer  que  vous  n'êtes  point  indiffé- 
rents à  vos  devoirs  civiques,  abstenez-vous  de  prendre  part 
au  vote. 

tt  Travailleurs  des  campagnes  !  comme  vos  frères  des  villes, 
vous  portez  le  poids  écrasant  du  système  social  actuel  :  vous 
produisez  sans  cesse,  et  vous  manquez  la  plupart  du  temps  du 
nécessaire,  tandis  que  le  fisc,  l'usurier  et  le  propriétaire  s'en- 
graissent à  vos  dépens. 

oc  L'Empire,  non  content  de  vous  écraser  d'impôts,  vous  en- 
lève vos  fils,  vos  uniques  soutiens,  pour  en  faire  les  soldats 
du  pape,  ou  semer  leurs  cadavres  abandonnés  dans  les  terres 
incultes  de  la  Syrie,  de  la  Cochinchine  et  du  Mexique. 

K  Nous  vous  conseillons  également  de  vous  abstenir  parce 
que  l'abstention  estla  protestation  que  l'auteur  du  coup  d'État  re- 
doute le  plus  ;  mais  si  vous  êtes  forcés  de  mettre  un  bulletin  dans 
l'urne,  qu'il  soit  blanc,  ou  qu'il  porte  un  de  ces  mots  :  Change- 
ment radical  des  impôts!  Plus  de  conscription  !  République  dé- 
mocratique et  sociale  ! 


76  L'INTERNATIONALE 

«  Pour  la  fédération  des  sections  parisiennes  de  V Association 
internationale  des  travailleurs  : 

«  A.  COMBAULT,  rue  de  Vaugirard,  289  ;  REYMOND,  rue 
de  l'Ouest,  8  ;  GERMAIN  CASSE,  rue  de  Maubeuge,  94  ; 
BERTHOMIEU,  membre  de  la  commission  de  l'Inter- 
nationale ;  LAF ARGUE,  membre  de  la  section  de  Vau- 
girard;  E.  LEFÈVRE,  rue  des  Martyrs,  99;  Jules 
JOHANNARD,  rue  d'Aboukir,  126  ;  J.  FRANQUIN,  rue 
de  la  Verrerie,  42, 

a  Pour  la  chambre  fédérale  des  sociétés  ouvrières  : 
«  A.  THEIS,  ciseleur,  rue  de  Jessaint,  12  ;  GAMELINAT, 
monteur  en  bronze,  rue  Folie-Méricourt,  34  ;  AVRIAL, 
mécanicien,  passage  Raoul,  15  ;  D.  ANDRÉ,  ébéniste,  rue 
Neuve-des-Boulets,  17  ;  BESTETTI,  rue  des  Boulan- 
gers, 16;  PINDY,  menuisier,  rue  du  Faubourg-du-Tem- 
ple,  17  ;  ROBILLARD,  doreur,  rue  de  Sèvres,  114  ; 
ROUVEYROLE,  orfèvre,  rue  Lesage,  16.  » 

Nous  devons  ajouter  que  dans  chaque  section  un  certain 
nombre  de  membres  avaient  été  choisis  pour  diriger  la  campa- 
gne anliplébiscitaire.  Voici  le  nom  de  ces  meneurs  :  Jules  Jo- 
hannard,  pour  la  section  de  Belleville  ;  Auguste  Combault,  pour 
celle  de  la  Villette  ;  Louis  Ghalain,  pour  celle  de  Grenelle  ;  Gou- 
mant  et  Sabourdy,  pour  celle  de  Montmartre;  Blesson  et  Lam- 
blay,  pour  celle  de  Vaugirard;  Varlin,  Pieron,  Toussaint,  Ro- 
cher, Rouiller,  Guilment,  Moullé,  Garnier,  Mader,  Maie,  Gollot, 
Louis  Hourlier,  pour  celle  de  Paris. 

Les  sections  parisiennes  n'étaient  pas  les  seules  à  se  préoccu- 
per du  plébiscite  :  ^a  même  question  était  à  l'ordre  du  jour  de 
toutes  les  autres  sections  ou  fédérations.  D'ailleurs  Varhn  avait 
eu  soin  de  les  tenir  au  courant  des  résolutions  adoptées  à  Paris. 

«  Le  plébiscite,  écrivait-il  àAubry,  le  20  avril  1870,  est  notre 
unique  préoccupation  en  ce  moment. 

«  La  chambre  fédérale  et  les  sections  internationales  de  Paris 
ont  résolu  de  faire  ensemble  un  manifeste  antiplébiscitaire. 

(V  Nous  protestons  contre  l'Empire  en  particulier  et  en  général 


ET   LE   JACOBINISME.  77 

contre  toutes  individualités  qui  croiraient  pouvoir  s'arroger  le 
droit  de  poser  des  questions  au  peuple  souverain  sans  lui  [per- 
mettre de  les  discuter.  Nous  revendiquons  la  souveraineté  ab- 
solue du  peuple,  le  gouvernement  direct  par  le  peuple. 

«  Nous  affirmons  la  République  sociale  universelle.  Nous  pro- 
testons contre  le  plébiscite  et  contre  son  résultat,  ((ucl  qu'il  soit, 
et  nous  recommandons  à  tous  nos  frères  travailleurs  l'absten- 
tion sous  toutes  les  formes.  » 

Les  ouvriers  de  Rouen  n'avaient  pas  attendu  ces  instructions 
pour  se  mettre  à  l'œuvre.  Déjà  dans  une  séance  tenue,  le 
13  avril,  par  le  comité  du  cercle  elbeuvicn,  il  avait  été  décidé 
que  l'on  s'entretiendrait  de  la  question  du  plébiscite  avec  la  fé- 
dération rouennaise  et  avec  celle  de  Paris,  afin  d'être  édifié  sur 
la  marche  qu'auraient  à  suivre  les  socialistes  fédérés  d'Elbœuf 
et  des  environs,  dans  le  futur  vote  du  plébiscite.  Le  24,  le  cer- 
cle fédéré  d'Elbœuf  se  constituait  en  comité  antiplébiscitaire  ; 
Piéton,  l'un  de  ses  membres,  était  chargé  d'informer  Aubry  de 
ce  résultat. 

A  son  tour  la  fédération  rouennaise,  imitant  l'exemple  de  sa 
sœur  de  Paris,  publiait  un  manifeste  antiplébiscitaire  :  il  a  été 
reproduit  dans  la  Hé  forme  sociale  du  1"  mai. 

La  section  de  Lyon  obéit,  elle  aussi,  aux  mêmes  préoccupations  : 
elle  organise  pour  le  8  mai,  jour  du  plébiscite,  une  assemblée 
générale  publique  de  tous  les  adhérents  et  de  tous  les  hommes 
de  bonne  volonté  afin  de  protester  solennellement  et  pacifique- 
ment contre  la  comédie  plébiscitaire  à  laquelle  on  a  f  audace  de 
convier  les  ouvriers,  absolument  comme  s'il  s'ajissait  d'une 
chose  qui  les  intéresse  *. 

A  Marseille,  même  débordement  des  passions  révolution- 
naires :  un  comité  républicain  socialiste  dans  lequel  nous  voyons 
figurer  bon  nombre  de  membres  de  l'Internationale  et  organisé 
probablement  sous  ses  auspices,  lance  une  proclamation  à  l'ar- 
mée. Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  reproduire  ce  document.  Nous 
retrouverons  plus  tard  quelques-uns  des  signataires  parmi  les 
émeutiers  du  mois  d'avril  1871. 

«  Nous  reproduisons  à  la  fin  du  volume  (pièce  N),  la  déclaration  publiée  à  ce 
sujet  par  ia  fédération  lyonnaise  dans  le  Progrès  de  Lyon  du  24  avril  1870. 


78  L'INTERNATIONALE 


LE   COMITE    RÉPUBLICAIN    SOCIALISTE 

DES     BOUCHES-DU-RHONE     • 

A  l'armée. 

a  Soldats, 

«  L'heure  est  venue  pour  vous  de  faire  connaître  le  sentiment 
patriotique  qui  vous  anime,  de  démontrer,  qu'appartenant  à  la 
grande  famille  humaine,  vous  en  avez  les  aspirations  *. 
«  Jusqu'à  ce  jour  on  vous  a  traités  en  ilotes,  en  parias. 
«  Vous  présentiez-vous  dans  une  réunion  publique,  pour 
former  votre  éducation  politique,  l'on  vous  condamnait  à 
expier  vos  généreux  sentiments  dans  les  compagnies  discipli- 
naires. 

«  Vous  qui  payez  plus  que  personne,  puisque  vous  payez  l'im- 
pôt du  sang,  vous  n'avez  pas  seulement  votre  droit  de  citoyens  ; 
on  vous  encaserne,  on  vous  enrégimente,  on  vous  isole  de  la 
société  pour  que  vous  la  preniez  en  dégoût,  pour  que,  au  besoin, 
vous  puissiez  sévir  contre  elle. 

«  Vous  sortez  de  son  sein  et,  par  métier,  vous  devez  la  haïr. 
«  Les  personnes  les  plus  chères,  vos  pères,  vos  mères,  vos 
frères,  vos  sœurs,  vos  fiancées,  sont  là  qui  soupirent  après  vo-  ' 
tre  retour  au  foyer  domestique,  et,  sur  l'ordre  d'une  puissance 
occulte,  vous  avez  parfois,  quand  l'intérêt  politique  de  certains 
personnages  l'exige,  à  sévir  contre  eux. 

«  C'est  bien  triste,  et  certes  vous  devez,  tout  les  premiers, 
sentir  l'ignominie  de  cette  situation  dégradante. 
«  A  qui  et  à  quoi  devez-vous  cette  fausse  situation  ? 
«  N'est-ce  pas  à  l'Empire? 

«  N'est-ce  pas  à  cette  forme  despotique  d'un  gouvernement 
condamné  par  tout  ce  qu'il  y  a  de  généreux  et  de  viril  dans 
notre  génération? 

«  On  vous  mène  comme  des  troupeaux  à  la  boucherie,  non 

»  Dans  les  premiers  mois  de  1870,  des  tentatives  de  corruption  étaient  pra- 
tiquées à  l'égard  de  la  garnis(5n  de  Marseille. 


ET    LE   JACOBINISME.  79 

pour  défendre  une  idée  ou  le  drapeau  national,  mais  pour  ser- 
vir à  de  mesquines  et  criminelles  ambitions. 

«  Souvenez-vous  du  Mexique  et  de  Montana.  Et  la  Ricamarie 
et  Aubin,  ces  deux  expéditions  fratricides,  ne  sont-elles  pas  une 
tache  indélébile  pesant  comme  un  remords  sur  vos  cœurs  fran- 
çais? 

«  Citoyens  soldats,  vous  refuserez  votre  appui  à  cet  ordre  de 
choses  qui  a  cherché  à  vous  humiher  et  à  vous  déshonorer. 
Vous  trouverez  assez  de  patriotisme  dans  votre  cœur  pour  pro- 
tester contre  cet  Empire  que  vos  frères  condamnent. 

«  VOTEZ  NON  ;  votez  inconstitutionnellement  ;  votez  par  bul- 
letin blanc  :  toutes  les  formes  de  protestation  sont  bonnes  ;  mais 
il  ne  faut  pas  que  le  monde,  qui  nous  observe  anxieusement, 
puisse  dire  que  l'armée  française,  qui  a  donné  tant  de  preuves 
de  courage,  a  manqué  de  dévouement  civique. 

tt  Le   comité  républicain  socialiste  : 

a  J.-A  TARDIF  ;  GENSOUL  ;  ETIENNE  ;  H.  GHACHUAT  ; 
GAYET  ;  GUICHARD  ;  VITEL  ;  VIAL;  MAIREL;  BER- 
GERONT;  Charles  DANTOINE  ;  GAVARD  ;  COMBES. 
ROURE  ;  DELVACQUEZ  ;  GRANIER  ;  MASSE  ;  DARDE  ; 
BARTHELEMY.  » 

En  présence  des  agissements  de  l'Internationale,  de  ses  ré- 
criminations violentes  et  de  ses  excitations  audacieuses,  le  gou- 
vernement, qui  par  sa  police  en  connaissait  toutes  les  menées  et 
tous  les  projets,  crut  devoir  mettre  un  terme  à  la  tolérance  dont 
il  avait  fait  preuve  jusqu'alors.  Il  essaya  de  conjurer  le  danger 
dont  une  pareille  association  semblait  menacer  son  existence  et 
celle  de  la  société.  On  venait  d'ailleurs  de  découvrir  le  complot 
des  bombes  et  de  saisir  tous  les  fils  d'une  vaste  conspiration 
organisée  par  le  parti  révolutionnaire. 

L'Internationale,  dont  quelques  membres  s'étaient  trouvés, 
ainsi  que  nous  le  verrons  plus  loin,  mêlés  aux  agitateurs  renvoyés 
plus  tard  devant  la  haute  cour  de  Blois,  devint  l'objet  de  nou- 
velles poursuites  et  l'ordre  fut  donné  d'en  arrêter  les  chefs  à 
Paris  et  dans  toutes  les  autres  villes. 


80  L'INTERNATIONAL!-: 


II 


POURSUITES  CONTRE  l'iNTERNATIONALE.  —  DÉPÊCHES  DU  MINISTRE  DE 
LA  JUSTICE  A  TOUS  LES  PROCUREURS  GENERAUX.  —  SES  CHEFS 
SONT  ARRÊTÉS  A  PARIS,  LYON,  NEUVILLE  (rHONE),  SAINT-ÉTIENNE, 
ROUEN,  MARSEILLE,  BREST,  SAINT-QUENTIN,  REIMS,  ETC.  —  PRO- 
TESTATIONS DU  CONSEIL  GÉNÉRAL  DE  LONDRES,  DES  SECTIONS  BELGES 
ET  FRANÇAISES,  CONTRE  CES  ARRESTATIONS  ET  CONTRE  LA  DECOU- 
VERTE DU  PRÉTENDU  COMPLOT. 

Dans  la  matinée  du  30  avril,  les  deux  dépêches  suivantes  au 
chiffre  de  l'administration  étaient  adressées  à  tous  les  procu- 
reurs généraux  par  le  ministre  de  la  justice,  Ollivier  : 

«  Arrêtez  sur-le-champ  tous  les  individus  qui  dirigent  l'In- 
ternationale. Nous  les  poui'suivons  à  Paris.  La  situation  devient 
grave.  » 

Autre  dépêche  chiffrée  : 

«  Justice  à  tous  les  procureurs  généraux. 

«  J'ai  ordonné  cette  nuit  l'arrestation  de  tous  les  individus  qui 
constituent  l'Internationale.  Si  cette  société  a  des  ramifications 
parmi  vous,  arrêtez  les  affihés. 

«  Emile  OLLIVIER.  » 

En  vertu  de  ces  instructions  et  d'autres  du  même  genre  trans- 
mises les  jours  suivants  *,  de  nombreuses  arrestations  furent 
opérées,  principalement  à  Paris  et  à  Lyon.  Voici  les  noms  de 
tous  les  individus  arrêtés^  avec  la  date  de  leur  arrestation  et  la 
durée  de  leur  détention  préventive. 

A  Lyon  :  Ghol  (30  avril-19  mai)  ;  Bourseau  (idem)  ;  Blanc  (idem); 
Marmonnier  (idem)  ;  Doublé  (30  avril-14  mai)  ;  Bret  (idem)  ; 
PuUiat  (idem)  ;  Martin  Arthur  (idem)  ;  Deville  (idem)  ;  Palix 
(30  avril-25  mai)  ;  Pdchard  (idem)  ;  Michallet  (30  aviil-5  mai)  ; 
Garnier  (2  mai-5  mai)  ;  Martin  Louis  (2  mai-25  mai)  ;  Gevelinge 
(3  mai-10  mai)  ;  Vallot  (4  mai-5   mai)  ;   Vernaz  (7  mai-idem)  ; 

1  Voir  documents  justificatifs,  pièce  0. 


r;T  i.K  .lAcuniMsMi..  si 

liciiuvoii-  (7  iiiai-li  niai);  Duinarllieray  (7  iiiai-2,">  mai);  Vizof. 
(7  mai-7  mai);  Diipuis  (15  mai-i7  mai);  Gliarvet  ;20  juil- 
lcl-::iô  juillcL);  Tacnsscl  (ideiii;  ;  Busqué  (itleiu). 

A  A'cuvilIc-sur-Situnc  (Rliôue)  :  Momnier  ^5  mai-7  mai)  ;  Nal- 
liod  (idem). 

.1  Suinl-Elicnne  :  Dupin  (5  mai-23  mai)  ;  Dumas  (idem)  ;  Délaye 
(idem)  *  ;  Bcryer  et  Philibert. 

Ail  (Ircuzot  :  Assi,  arrêté  le  1"='  mai,  transféré  à  Paris  le  7  du 
même  mois,  le  juge  d'instruction  d'Autun  s'élant  dessaisi  de  la 
poursuite  en  faveur  de  son  collègue  de  la  Seine. 

A  Dijon  :  Focillon  (10  mai-il  mai). 

.  l  I\u'i!i  :  Avrial  (30  avril)  ;  Germain  Casse  (idem)  ;  Gollot(idem)  J 
Frau([uiii  (idem);  Dugau(}uié  (idem);  Flahaut  (idem)  ;  Héligon 
(idem)  ;  Johannard  (30  avril-22  juin)  ;  Landeck  (idem)  ;  Malon 
(30  avril-22  juin);  Murât  (idem)  ;  Pindy  (idem)  ;  Theiz  (30  avril)  ; 
Rocher  (idem)  ;  Robin  (12  juin)  ;  Langevin  (idem). 

^l  Rouen  :  Aubry  (2  mai- H  mai). 

A  Miirscillc  :  Combes  (3  mai-9  mai)  ;  Cliachuat;  Gayet. 

A  />i'(,vs/  .-  Ledoré  Constant  (3  mai-7  juin)  ;  Plouzané  ii  mai- 
7  juin)  ;  Ledoré  Joseph  (5  mai-7  juin)  ;  Plouzané  Victor  (5  mai- 
7  juin)  ;  Tréguer  (10  mai-7  juin)  ;  MoaHc  (11  mai-7  juin). 

A  Cannes  :  Alerini,  gérant  du  Rappel  do  Provence,  secré- 
taire correspondant  et  fondateur  de  la  section  de  Bnrcclonnette 
(20mai-16  juini. 

A  Suint-Qiienlin  :  Sauvageot  [2  mai-21  mai)  -. 

Ces  poursuites  servirent  de  prétexte  à  de  nombreuses  récrimi- 
nations :  tous  les  organes  du  parti  républicain  répétèrent  à  sa- 
tiété ({ue  c'était  une  manœuvre  électorale  :  que  ce  prétendu 
complot  dans  lequel  on  voulait  impliquer  les  membres  de  l'Inter- 
nationale n'avait  jamais  existé  et  que  c'était  une  invention  de  la 
police.  On  n'a  pas  oublié  qu'à  cette  épocjue  la  police  était  devenue 
le  bouc  émissaire  de  toutes  les  émeutes. 

Le  conseil  général  s'émut  le  premier  des  persécutions  exer- 

•  Ces  liois  inculpés  a\;ùeiil  éti-  Uansl'érés  à  Lyon  le  '±0  mai,  le  juge  d'in- 
struction (le  Saint-Etienne  s'étanl  dessaisi  de  la  poursuite  en  faveur  de  son  col- 
lègue de  Lyon. 

-  On  se  rappelle  que  larreslation  de  cet  individu  causa  une  véritable  émeute 
à  Saint-Quentin. 


32  L'IiNTERiNATIONALE 

cées  contre  «  ses  frères  de  France  »  :  il  convoqua  un  meeting  à 
Londres,  et  jiar  un  manifeste  publié  le  i  mai  et  adressé  à  tous 
les  correspondants,  il  protesta  hautement  contre  les  mesures  de 
violence  prises  contre  les  sections  françaises  et  contre  les  accu- 
sations «  insensées  »  portées  contre  l'Internationale.  Nous 
croyons  devoir  reproduire  ce  document;  nous  le  trouvons  in- 
séré dans  le  journal  l'EgaUlé  (numéro  du  14  mai). 

CONSEIL  GÉ.>'ÉKAL  DE  l'aSSOCIATION  INTEKi\AT10NALE  DES  THAVAILLEURS. 

2o6,  High  Holborn,  Londres. 
AUX  membres  de  rAssociation  internationale  des  travailleurs. 

a  A  l'occasion  du  dernier  soi-disant  complot,  le  gouvernement 
français  a  fait  arrêter  plusieurs  membres  des  sections  de  Paris 
et  de  Lyon,  et  insinué  dans  ses  journaux  que  l'Association  in- 
ternationale des  travailleurs  est  la  complice  do  ce  soi-disant 
complot. 

«c  D'après  nos  statuts,  c'est  certainement  la  mission  spéciale  de 
toutes  nos  branches,  en  Angleterre,  aux  États-Unis  et  sur  le 
continent,  d'agir  non-seulement  comme  centres  de  l'organisation 
militante  de  la  classe  ouvrière,  mais  aussi  d'aider  dans  leurs 
différents  pays  tous  les  mouvements  politiques,  qui  peuvent 
servir  de  moyens  pour  l'accomplissement  de  notre  but  suprême, 
c'est-à-dire  l'émancipation  économique  du  prolétariat.  En  même 
temps  ces  statuts  obligent  -toutes  les  sections  de  notre  asso- 
ciation d'agir  au  grand  jour.  Si  ces  statuts  n'étaient  pas  formels 
sur  ce  point-là,  la  nature  môme  d'une  association  identifiée  à  la 
classe  ouvrière  exclurait  de  son  sein  toute  idée  de  société  se- 
crète. Si  la  classe  ouvrière,  qui  forme  la  grande  masse  des  na- 
tions, qui  crée  toutes  les  richesses  et  au  nom  de  laquelle  tout 
pouvoir  même  usurpateur  prétend  régner,  conspire,  elle  con- 
spire publiquement,  comme  le  soleil  contre  les  ténèbres. 

a  En  bonne  conscience,  en  dehors  d'elle  il  n'y  a  pas  de  pou- 
voir légitime. 

«  Si  les  autres  incidents  du  complot  dénoncé  par  le  gouver- 


ET     LE    JACOUINIbME.  83 

nement  français  sont  aussi  faux  et  aussi  dénués  do.  fondement 
que  ses  insinuations  coulro  l'Association  internationale,  ce  der- 
nier complot  se  rangera  dignement  auprès  de  ses  deux  prédé- 
cesseurs, do  ridicule  mémoire.  Les  mesures  violentes  prises 
contre  nos  sections  françaises  ne  sont  évidemment  ({ue  dos 
manœuvres  ù  f  intérieur  de  la  politi(jue  plohiscilaivc. 

«  Londres,  4  mai  1870. 

«  Au  nom  et  par  ordre  du  conseil  général  de  l'Association 
internationale  des  travailleurs  : 

«  R.  APPLEGART,  président  de  la  séance;  A.  SERRAIL- 
LER,  secrétaire  pour  la  Belgiijue  et  secrétaire  suppléant 
pour  l'Espagne  ;  G.  COHEN,  secrétaire  pour  le  Dane- 
mark; E.DUPONT,  secrétaire  pour  la  France  ;J.  AGOSSA, 
secrétaire  pour  l'Italie;  Karl  MARX,  secrétaire  pour  l'Al- 
lemagne ;  A.  ZABIZKI ,  secrétaire  pour  la  Pologne  ; 
H.  JUNG,  secrétaire  pour  la  Suisse  ;  J.-G.  EGCARIUS, 
secrétaire  pour  le  conseil  général  et  les  Etats-Unis  ; 
G.  HARRIS,  B.  LUGRAFT,  J.  MOTTERSHEAD,  mem- 
bres du  comité  linancier;  J.  BORRA,  J.  HALES,  W.  RA- 
LES, F.  LESNER,  ODGER,  J.  WESTON,  G.  MURRAY, 
W.  TOWESEND,  J.  RUHL,  Karl  PFENDER,  G.  MIL- 
NER,  membres  du  conseil  général  de  l'Association  inter- 
nationale *.  » 

Signalons  que,  dans  un  banquet  de  l'Internationale  qui  eut  lieu 
à  Londres  le  3  mai,  le  président,  après  avoir  réclamé  le  si- 
lence, annonçait  qu'on  venait  de  lui  remettre  une  unie  dans  la- 
quelle on  priait  le  citoyen  Flourens  de  vouloir  bien  faire  con- 
naître s'il  était  pour  quelque  chose  dans  la  récente  affaire  du 
complot;  ce  dernier  répondait,  aux  applaudissements  de  tous 
les  assistants  :  <>  La  situation  est  trop  grave  en  ce  moment-ci. 
Je  ne  puis  rien  dire  de  ce  qui  se   fait  à  Paris.  Je  n'en  ai  pas  le 

»  Ce  manifeste,  qui  suffirait  à  lui  seul  pour  établir  d'une  manière  irrécusa- 
ble le  rôle  politique  de  rinternationalo,  a- été  reproduit  dans  la  Marseillaise 
du  7  mai,  avec  celte  mention  :  Pour  copie  conforme,  Eugène  Dupont,  secré- 
taire correspondant  pvur  la  France.  Serrailler  remplissait  les  functions  de 
secrétaire  suppléant  pour  l'Espaiinc  pendant  l'absence  du  iilulaire,  Paul 
Lafargue,  dont  nous  avons  déjà  signale  la  présence  à  Paris. 


84'  L'INTERNATIONALE 

droit,  et  vous  devez  comprendre  toute  la  réserve  qui  m'est  im- 
posée. Le  doigt  sur  la  bouche,  je  suis  forcé  de  me  taire.  Mais 
patience  et  courage,  le  triomple  est  à  nous  !  » 

A  son  tour,  le  go.\seil  (}émîual  uklge  publiait  le  manifeste 
suivant  *  : 

Aux  membres  français    de    l'Association  internationale    des  tra- 
vailleurs. 

Association  internationale 
des  travailleurs,  conseil 
général  belge. 

tt  Compagnons! 

«  Pour  la  troisième  l'ois  depuis  trois  ans,  les  membres  de 
l'Internationale  sont  en  butte  aux  persécutions  du  gouverne- 
ment français.  Cette  lois  la  persécution  est  plus  violente  que 
jamais  et  s'étend  d'un  bout  de  la  France  à  l'autre  :  il  semble 
qu'à  l'exemple  des  soi-disant  républicains  de  48,  le  gouverne- 
ment soit  décidé  à  en  finir  avec  le  socialisme. 

a  Car  les  gouvernements  en  sont  là  ;  aveugles  et  sourds 
volontaires,  ils  n'ont  jamais  rien  compris  à  leur  époque. 

«  Il  y  a  quatre-vingts  ans,  alors  qu'après  des  siècles  d'oppres- 
sion et  de  misère,  les  déshérités  de  l'Europe  entière  frémis- 
saient d'impatience  sous  le  joug,  alors  que  l'ancien  régime 
vermoulu  craquait  de  toutes  parts,  quelle  était  la  pensée  de 
Louis  XVI  en  convoquant  les  états  généraux  ?  Se  rendait-il 
compte  de  la  situation  périlleuse  de  la  monarchie  et  de  l'épuise- 
ment de  ses  ressources?  Appelait-il  les  députés  de  la  nation 
pour  s'entourer  de  leurs  lumières  dans  ces  moments  difficiles  ? 
Pas  du  tout,  il  convoquait  les  états  généraux  pour  aviser 
aux  moyens  de  combler  les  vides  de  ses  coffres  que  la  misère 
croissante  du  pays  menaçait  délaisser  à  sec. 

«  A  quatre  -vingts  ans  de  distance,  nous  nous  retrouvons 
dans  la  même  position.  Cependant  la  Révolution  a  bien  accom- 
pli son  œuvre,  elle  a  bien  détruit  sans  remèdes  les  privilèges, 


*  Ce  manifcslc,  ropioduil  dans  loiis  le?  journaux  de  ïlnlernatwnalc,  a  él-j 
inséré  clans  la  Marseillaise  du  17  mai. 


HT     l.h     .1  \c.('i:l  MtrMi;.  s:, 

elle  a  bien  aboi»  le  servage  ;  mais  se  contentant  de  proclamer 
la  liberté  et  laissant  fleurir  l'inégalité,  elle  a  laissé  la  porte  ou- 
verte à  tous  les  abus  du  monde  ancien.  Une  nouvelle  noblesse 
s'est  installée  à  la  place  de  l'ancienne  :  c'est  la  bancocratie  ;  et 
à  l'ancien  servage,  il  s'en  est  substitué /un  nouveau,  le  servage 
industriel. 

«  Et  les  mêmes  causes  produisent  les  mêmes  effets  :  comme  il 
y  a  quatre-vingts  ans,  les  déshérités  murmurent,  les  plaies  de  la 
société  apparaissent  béantes  et  réclament  un  remède  énergi- 
que; 

a  Et,  comme  il  y  a  quatre-vingts  ans,  le  gouvernement  ne 
comprend  rien  à  ce  qui  se  passe,  et,  de  môme  que  Louis  XVI 
demandait  des  écus  à  ceux  qui  réclamaient  le  redressement  des 
griefs,  Napoléon  III,  à  la  nation  tout  entière  qui  proteste 
contre  l'iniquité  de  l'état  actuel,  répond  en  implorant  un  vote  de 
confiance. 

«  Si  des  voix  nombreuses  s'élèventet  disent  :  «  Qu'avons-nous  à 
faire  de  vos  appels  à  la  confiance  ?  Qu'entendez-vous  par  les 
clameurs  des  déshérités  ?  Nous  avons  à  préparer  la  grande 
œuvre  de  la  génération  sociale  :  que  nous  importent  vos  change- 
ments de  ministères  1  »  le  gouvernement  crie  :  «  Vous  êtes  des 
factieux  !  »  et  il  fait  emprisonner  ceux  qui  protestent,  puis  il  se 
dit  :  «  Nous  avons  fait  aujourd'hui  bonne  besogne,  nous  avons 
supprimé  le  socialisme.  » 

a  Ainsi,  pour  ces  aveugles  volontaires,  la  question  sociale  se 
réduit  à  une  question  de  personnes,  et,  en  supprimant  ceux  qui 
protestent,  ils  croient  avoir  délruil  la  cause  des  protestations. 
Pourquoi  ne  pas  déclarer  par  décret  que  la  misère  et  les  injus- 
tices sociales  sont  supprimées  à  partir  de  ce  jour"? 

«  Que  viennent-ils  nous  parler  de  complot?  Nous  ne  connais- 
sons fju'un  grand  complot,  nous,  c'est  le  complot  de  tous  les 
grands  affamenrs  du  peuple,  delà  haute  banque,  de  la  grande 
industrie,  de  la  grande  propriété  ;  s'il  y  a  des  perturbations  dans 
la  société  actuelle,  c'est  à  ce  complot  que  l'on  peut  les  rattacher. 
Ses  ramifications  sont  tellement  vastes  qu'il  mettrait  sur  les 
dents  des  milliers  de  procureurs  :  aussi  n'est-ce  pas  trop,  pour 
l'instruire,  des  millions  de  déshérités   qui  en  sont  les  victimes. 

«  Les  accusés  songent  à  A^ire  dii^pnraîfrp  leiu's  juges  ;  mais 


86  L'INTERNATIONALE 

ce  ne  sont  pas  quelques  individus,  ce  sont  des  millions  qu'il 
faudra  frapper  ;  car  le  temps  des  personnalités  est  passé  :  ce 
sont  les  masses  mêmes  qui  se  mettent  en  mouvement,  et  à  ces 
flots,  pas  plus  qu'à  ceux  de  la  mer,  nul  no  peutdire  :  Vous 
n'irez  pas  plus  loin. 

«  Aussi,  compagnons,  si  nous  souffrons  de  voir  quelques-uns 
de  nos  amis  emprisonnés  et  sous  le  coup  d'une  accusation  ab- 
surde, nous  ne  doutons  pas  de  vous  et  nous  ne  désespérons 
pas  de  la  causedu  peuple  en  France  :  au  contraire,  nous  croyons 
à  l'efficacité  puissante  de  la  persécution  pour  le  triomphe  des 
persécutés. 

«  Honnie,  bafouée,  emprisonnée,  fusillée,  l'Association  mter- 
nationale  des  travailleurs  grandit  tous  les  jours. 

«  Après  chaque  nouvelle  épreuve,  elle  apparaît  de  plus  en  plus 
aux  malheureux  battus  par  la  tempête  comme  le  phare  indiquant 
le  port  du  salut  :  les  travailleurs  opprimés  n'ont  plus  confiance 
qu'en  elle,  et,  tout  dernièrement  encore,  les  ouvriers  du  Creuzot, 
vaincus  dans  une  lutte  inégale,  ne  déclaraient-ils  pas,  avant  de 
reprendre  le  joug,  que  leur  unique  espoir  de  salut  est  :  l'Asso- 
ciation internationale  ! 

«  Ainsi,  courage,  frères  et  amis,  vous  êtes  dans  la  voie  de  la 
délivrance,  suivez  votre  chemin,  malgré  toutes  les  entraves. 
Ensemble  nous  lutterons,  ensemble  bientôt,  nous  en  avons  le 
ferme  espoir,  nous  entonnerons  le  champ  du  triomphe.  » 

«  Salut  et  fraternité. 

«  Bruxelles  le  7  mai  1870. 

«  Pour  le  conseil  général  belge  de  l'Associai  ion  internationale 
des  travailleurs  : 

a  Les  membres  présents  à  la  séance  :  G.  BRASSEUR  ;  D.  BRIS- 

xMÉE;  G.  DE  PAEPE;  V.-P.  HERREBOUUT;  E.  KIXS  '  ; 

R.  SPINGLARD.  » 

Pendant  que  le  conseil  central  de  Londres  et  le  conseil  géné- 
ral belge  élevaient  ainsi  la  voix  pour  affirmer  que  Tlnternatio- 
nalo  défiait  toute  persécution,  le  conseil  fédéual  parisien,  pre- 

»  Eujîène  Hins  exprimait  les  mêmes  sentiments  dans  une  lettre  écrite, 
le  5  mai,  au  nouveau  ronespondanl   de  la  section  lyonnaise,  le  citoyen  Char- 


ET     LK     JACOBINISME.  87 

liant  prétexte  des  accusations  portées  contre  cette  association 
par  laprossp  vvnalo,  se  déclarait  en  conspiration  permanente 
et  contre  le  gouvernement  et  contre  la  société  actuelle.  Nous 
livrons  à  l'appréciation  de  nos  lecteursla  déclaration  qu'il  faisait 
insérer,  le  5  mai,  dans  le  journal  la  Marseillaise  et  qui  est  re- 
produite dans  V Internationale  du  8  mai  ;  voici  dans  quels  termes 
virulents  elle  était  rédii,''ée  : 

«  Le  conseil  fédéral  parisien  de  l'Association  internationale 
des  travailleurs  donne  un  démenti  formel  aux  accusations  et  aux 
insinuations  des  journaux  officieux. 

«  Il  est  faux  que  l'Internationale  soit  pour  quelque  chose  dans 
le  nouveau  complot,  qui  n'a  sans  doute  pas  plus  de  réalité  que 
les  inventions  précédentes  du  même  genre. 

«  L'Internationale  sait  trop  que  les  souffrances  de  toutes 
sortes  qu'endure  le  prolétariat  tiennent  bien  plus  à  l'état  écono- 
mique actuel  qu'au  despotisme  accidentel  de  quelques  faiseurs 
de  coups  d'État,  pour  perdre  son  temps  à  rêver  la  suppression 
de  l'un  d'eux. 

«  L'Association  internationale  des  travailleurs,  conspiration 
permanente  de  tons  les  opprimés  et  de  tous  les  exploités,  exis- 
tera, malgré  d'impuissantes  persécutions  contre  les  soi-disant 

vet,  appelé  à  remplir  ses  fonctions  pendant  la  détention  d'Albert  Richard  ;  nous 
possédons  l'autographe  de  cette  lettre  : 

a  Bruxelles  5  mai  1870. 
«  Compagnon  Char\et, 

«  Les  arrestations  de  Lyon  ne  sont  pas  un  fait  isolé  :  des  arrestations 
analogues  ont  été  opérées  dans  toute  la  France.  Ces  arrestations  ne  sont 
rien  qu'une  manœuvre  plébiscitaire,  car  il  serait  difficile  de  soutenir  que 
l'inlernalionale  soit  pour  quelque  chose  dans  un  complot  quelconque,  ses 
actes  ayant  toujours  eu  lieu  au  grand  jour  et  l'Internationale  n'ayant  ja- 
mais fait  m5'stère  de  ses  doctrines.  C'est  ce  qui  la  rend  incompréhensible. 
iNulle  puissance  humaine  ne  pourra  jamais  empêcher  les  ouvriers  de  se  réunir 
et  de  mettre  en  commun  leurs  misères  pour  en  faire  ressortir  la  régénération 
sociale. 

«  Dites-bien  à  nos  amis  de  Lyon,  que  tout  en  déplorant  les  contrariétés  qui 
les  atteignent,  nous  sommes  sans  inquiétude  sur  l'existence  de  l'association 
en  France  et  sur  le  triomphe  de  nos  idées.  {Suit  la  liste  des  adresses  de  tous 
les  correspondants  de  l'Internationale  en  Europe  )...  Dans  l'espérance  que  la 
section  de  Lyon  sortira  plus  forte  de  ses  épreuves  actuelles, 

a  Salut  et  fraternité, 

«  E.  Hins.  » 


SN  i.'i  X'i'i:iix A  rioXAij', 

(Miofs,  tiiut  ([110  ii'aufuitl  pas  tlisjjiiru  lotis  los  oxploileurs,  capi- 
talistes, prêtres  et  aventuriers  politiques. 

«  2  mai  1870. 

K  Pour  le  conseil  fédéral, 

«  Les  membres  présents  :  ANSEL,  BERTHOxMlEU,  BERTIX, 
BOYER,  GHAILLOU,  ClIALAIN,  ClIAUDEY  ,  GIRODE, 
GOMBAULT,  DAMBRUN,  DELAGOUR,  DUPONT,  DU- 
RAND, DURIEUX,  DUVAL,  FOURNAISE,  FRANKEL, 
FRANQUIN,  GIOT,  HAUGKE,LANGEVIN,  MALEZIEUX, 
MINGOLD,  MARRET,  MÉNARD,  PAGNERRE,  PORTA- 
LIER,  REYNIER,  RIVIÈRE,  ROBIN,  ROGHAT  K  » 

Un  pareil  manifeste  se  passe  de  tout  commentaire  :  il  donuo 
la  mesure  exacte  destendanceset  des  projets  de  l'Internationale. 

Indépendamment  de  ces  protestations  collectives,  de  nombreu- 
ses protestations  individuelles  se  produisirent  ;  l'on  vit  même 
à  Paris  quelques  corporations  adhérer  à  l'Internationale  en  signe 
de  protestation  :  témoin  la  chambre  syndicale  des  tourneurs 
sur  métaux  et  la  Société  de  résistance  des  ouvriers  fer- 
blantiers -. 

Parmi  ces  protestations  individuelles  nous  devons  citer  celles 
de  la  citoyenne  André  Léo,  de  la  citoyenne  Paule  Minck  et  du 
citoyen  Irénée  Dauthier,  de  Paris  ^. 

A  Lyon,  où.  la  commission  fédérale  tout  entière  a  été  empri- 
sonnée, une  nouvelle  commission  est  nommée  dans  une  réu- 
nion tenue,  le  6  mai,  au  cercle  des  serruriers,  rue  Belle-Gor- 
dière,  26,  sous  la  présidence  deDumartheray.  Un  manifeste  est 
aussitôt  rédigé  :  nous  le  trouvons  reproduit  dans  VKclairenr 
de  Saint -FAicnne  du  5  mai. 


»  Rachat  fait  actnelleinent  partie  du  conseil  central  de  Londres.  Delacour 
vient  d'être  condamné,  le  28  octobre  1871,  par  le  3»  conseil  de  guerre  séant 
;'i  Versailles,  à  h\  déportation  dans  une  encp in  le  fortifiée,  fionr  avoir  pris  une 
jiart  active  à  l'insurrection  du  18  mars. 

•-  Nous  reproduisons  à  la  Un  du  volume,  pièce  P,  les  actes  d'adhésion  de 
ces  deux  corporations,  insérés  dans  la  Mnrxeillnise  du  7  mai  1870. 

^  Ces  diverses  protestations  figurent  parmi  les  pièces  et  documents  justifi- 
catifs, pièce  Q. 


i:r    m;    .i  acoiu  m  smk.  8'.) 

La  fédération  ouvrière  à  tous  les  travailleurs. 

Section  iiiloinational(!  lyonnaise. 

«  Les  intérêts  do  l'Empire  étant  l'absorption  des  nôtres,  nous 
avions  arrête  une  assemblée  générale,  pom'le  jour  du  plébiscite, 
en  faveur  des  victimes  du  Greuzot,  où  nous  devions  nous  af- 
llrmer  publiquement,  en  démontrant  que  le  socialisme,  dont  les 
ennemis  de  la  société  font  un  épouvantait  à  leur  profit,  n'est  que 
l'application  du  droit  commun  ;  mais,  semblable  à  un  agonisant 
qui  craint  la  lumière,  le  pouvoir  a  répondu  à  la  déclaration  de 
réunion  légale  par  l'emprisonnement  de  la  commission  fédérale. 

«  Bien  que  cet  acte  inique  soit  digne  du  moyen  Age,  nous 
nous  demandons  si,  devant  les  bommes  du  2  décembre  qui  vio- 
lent la  loi  au  lieu  de  l'exécuter,  il  ne  vaut  pas  mieux  y  répondre 
par  un  souverain  mépris,  en  passant  outre,  que  de  protester 
inutilement. 

K  Dans  tous  les  cas,  nous  déclarons  que  nous  soutiendrons  éner- 
giquement  cette  lutte  du  droit  contre  la  force  Ijrutale,  tant  qu'il 
y  aura  un  d'entre  nous  cpii  ne  sera  pas  embastillé. 

«  Nous  invitons  tous  les  travailleurs  qui  ne  sont  pas  encore  en 
fédération  à  s'organiser  et  à  nous  envoyer  leurs  délégués  sans 
crainte,  c'est  leur  droit  et  leur  devoir. 

«  Nous  les  prions  aussi,  au  nom  de  la  solidarité  qu  inous  unit, 
d'ouvrir  une  souscription  pour  les  familles  de  nos  amis,  victi- 
mes de  l'arbitraire  et  du  pouvoir. 

«  Pour  la  commission  fédérale  emprisonnée  : 

«  Ui.YSSE  VIZOT,  rue  Grenette,  27  ;  Narcisse  BAR- 
RET,  rue  Masséna,  20.  » 

Cette  attitude  des  internationaux  lyonnais  leur  valut  les  féli- 
citations de  Guillaume,  deNeuchâtel  :  «  Amis  de  Lyon,  leur  écri- 
vait-il le  5  mai,  ne  perdez  pas  courage;  c'est  le  moment  de  se 
montrer  fermes.  En  reconstituant  immédiatement  une  nouvelle 
commission,  vous  avez  prouvé  que  vous  êtes  des  hommes  dignes 


no  l.'I  NTF.RNATIONALK 

de  tenir  le  drapeau  ûo  l'Internationale.  Nous  sommes  avec  vous 
(le  cœm'  en  attendant  le  moment,  peut-être  prochain,  où  nous 
pourrons  vous  aider  d'une  autre  manière.  Voici  les  adresses  des 
correspondants  :  Poiu'  le  conseil  général,  M.  llermann  Jung; 
pour  la  Belgique,  Eugène  IIins,ruo  des  Alexions,  13,  à  Bruxel- 
les; pour  l'Espagne.  M.  G.  Sentinôn,  rue  Giralt-PcUicer,  5  piso 
2»  Barcelone;  pour  Genève,  Charles  Perron,  rue  du  Cendrier,  8. 
Si  vous  voulez  écrire  au  conseil  fédéral  parisien,  adressez  votre 
lettre  ainsi  :  Mademoiselle  Delasalle,  rue  Monge,  95. 

«  Des  amis  (jui  sont  arrivés  hier  de  Paris  m'ont  affirmé  qu'on 
s'attend  à  un  mouvement  à  Paris  pour  le  jour  du  vote,  dimanche. 
K  Votre  dévoué, 

«  James  GUILLAUME.   . 

A  SAmï-ÉTiEMVE,  dans  une  réunion  privée  antiplébiscitaire 
tenue,  le  4  mai,  rue  de  la  Pareille,  sous  la  présidence  du  nommé 
Durif,  le  citoyen  Duvand  Adrien ,  rédacteur  de  V Eclaireur  de 
Saint-Ktienne,  blâmait  énergiquement  l'arrestation,  quelques 
jours  avant  le  plébiscite,  des  membres  de  l'Internationale.  Il 
voyait,  disait-il,  dans  ce  fait,  une  nouvelle  manœuvre  destinée 
à  frapper  l'imagination  du  public. 

A  Rouen,  la  fédération  ouvrière  proteste  contre  l'arrestation 
de  son  secrétaire,  Aubry,  et  contre  l'emprisonnement  des  vail- 
lants défenseurs  de  la  démocratie  socialiste.  Bien  que  cette  pro- 
testation soit  dans  le  même  goût  que  toutes  les  autres,  nous 
croyons  devoir  la  reproduire  à  titre  de  document. 

Protestation  de  la  fédération  ouvrière  de  Rouen. 

«  Travailleurs, 

«  Après  l'emprisonnement  des  principaux  défenseurs  de  la  dé- 
mocratie socialiste,  de  nos  frères  parisiens  écroués  à  Mazas, 
sous  la  plaisante  et  fallacieuse  prévention  de  participation  à  une 
société  illicite,  c'est-à-dire  comme  membres  de  VAssociafion  in- 


F.T     I.K     JACORINISME.  91 

IcnialionaJ''  des  Iravuilhurs^  nous  avons  hi  séqueslralion  de 
notre  ami  Anbry,  secrrtaii'c  de  la  fédéralion  ouvi-ir're  de  l'arron- 
dissemenl  de  Fiouen  et  rédacteur-directeur  de  la  Réforme  sociale. 

«  Rien  de  plus  juste,  selon  M.  OUivier,  ministre  de  la  justice, 
qui  prend  le  droit  de  les  faire  arrêter.  Mais  sont-ils  coupables  ? 
M.  le  ministre  a-t-il  des  motifs  sérieux,  graves,  importants,  pour 
les  priver  du  bien  le  plus  cher  à  leur  co-nr  :  delà  liberté? 
A-t-il  oublié  qu'ils  ne  sont  jioint  des  ])erturbateurs,  des  anar- 
cliistes,  des  hommes  de  i)arti,  mais  bien  des  travailleurs,  vou- 
lant pour  tous  Lihcrlé,  Justice,  Fralernité  ?  A-t-il  oublié  qu'ils 
laissent  chez  eux  des  femmes,  des  vieillards,  des  enfants  sans 
soutien,  sans  argent,  sans  pain  ?  A-t-il  oubUé  qu'un  article  des 
déclarations  des  droits  de  l'homme  et  du  citoyen  nous  apprend 
qu'il  y  a  oppression  contre  le  corps  social  lorsqu'un  seul  de  ses 
membres  est  opprimé,  et  qu'il  y  a  oppression  contre  chaque 
membre  lorsque  le  corps  social  est  opprimé?  A-t-il  oublié  que 
la  vraie  liberté  est  un  droit  inaliénable  et  qu'il  n'y  a  que  l'injus- 
tice et  la  violence  qui  puissent  en  dépouiller  l'homme  social  ? 

«  Eh  bien!  oui,  M.  E.  OUivier,  ministre  de  la  justice,  paraît 
oublier,  ignorer  que  les  prolétaires  incarcérés,  nos  amis  en  un 
mot,  ne  sont  pas  coupables  et  qu'il  n'y  a  point  de  motifs  pour  les 
priver  de  leur  liberté  !  Oui,  M.  le  garde  des  sceaux  paraît  igno- 
rer que  M.  OUivier,  député,  conseillait,  il  y  a  deux  ans,  aux  mem- 
bres de  la  fédération  ouvrière,  de  réclamer  hautement  leurs 
droits,  ce  qu'ils  se  sont  empressés  de  faire,  avec  l'assentiment 
de  l'autorité  locale,  et  ce  que  font  tous  ceux  qui  vivent  en  travail- 
lant, comme  l'indiquent  clairement  les  statuts  de  la  fédération, 
considérant  :  que  l'émancipation  des  travailleurs  doit  être  l'œu- 
vre des  travailleurs  eux-mêmes,  que  les  efforts  des  travailleurs 
pour  conquérir  leur  émancipation  ne  doivent  pas  tendre  à  con- 
stituer de  nouveaux  privilèges,  mais  établir  pour  tous  les  mêmes 
droits  et  les  mêmes  devoirs  !  Oui,  oui,  M.  OUivier  paraît  ignorer 
que  la  liberté  est  un  droit  inaliénable  et  que  nous  ne  sommes 
point  des  anarchistes,  qui  désirent  remplacer  une  dynastie  par 
une  autre. 

a  Aussi  est-ce  au  nom  de  la  politique  socialiste,  qui  ne  veut 
que  le  triomphe  des  trois  grandes  lois  de  la  société,  le  Travail, 
la  Science,  la  Justice,  que  nous  protestons  contre  l'arrestation 


9:2  L  '  l  X  T  F  I  i  X  A  T  I  n  X  A  1 .  ]■: 

illryiile  de  iiotro  auii  i'^.  Auhry  cL  nos  livi-es  do  l'Inlpriialionalo. 

a  WOLF,  rédacteur  de  la  Réforme  sociale. 
«  Pour  la  fndêrnlion  onrrSrre ,  les  membres  présents  : 
D.  FRISTCII,  J.  NEVEUX,  J.  MOUXE,  HARDY,  HAL- 
LOT,  SCHRUB,  II.  BAILLEMONT,  DEHAYES,  HOUF- 
SEAUX,  LfEUGARD  ,  AUVRAV,  DUCLOS,  DAMAS, 
J.  TUVÉE,  G.  TUVÉE,  BLOT,  LEGLERC,  VIMONT  aîné, 
HAREXG,    RIGAULT,    LOUVET ,   GIIOQUET,    GILET, 

D.  FOUET,  D.  VÉRITÉ  jeune,  T.  PERREY,  TASSU, 
A.  RINGWAL,  A.  BIONVAL,  MAISONNEUVE,  BERTIN, 
J.  BOULARD,  CREUZOT,  F.  BONS,  A.  GAVELIER,  L.  SI- 
MON ,   P.  LEFEBVRE,    L.    L'HERMITE,   BELLELLE, 

E.  VÉRITÉ  fils,  VERNAGH,  A.  JULLIEN,  JACOB,  E.  SA- 
VAL,  L.  JULLIEN,  P.  JULLIEN,  SENARD,  DUVAL,  LE- 
PAGE,  A.  JULLIEN,  DUQUESNE,  GROULT,  SA  VAL, 
xTAJOU,  CHALLOT,  FILLEUX,  LAINE,  H.-P.  FERET, 
J.  RENÉ,  F.  PORCHER,  L.  MOUTIER,  A.  POIROT, 
E.  SERGENT,  G.  GROULT,  DUPRÉ,  P.  MAGLAIR,  L.  SI- 
MON, R.  LEBLOND,  C.  LECLAIR,  A.  PINEL,  D.  HUTT, 
LEFRANGOIS,  MULET  père,  AUVRAY  père,  MULET  fils, 
LETEURTRE,  F.  GIRARD,  Philippe  WALINSKI  ,  RE- 
NAULT, FLEUTRY,  PAUTOT,  DESORMÈRE,  PAQUES, 
C.  DAMER,  BOULANGER,  THOMAS,  COLLET,  H.  DE- 
LAMARE,  A.  ADELINE,  MULLET,  PIÉTON.  » 

La  chambre  fédérale  de  Marseille  réclamait  aussi  contre  l'in- 
vasion i)olicière  dont  le  local  de  ses  séances  avait  été  l'objet  : 
elle  s'étonnait  des  poursuites  dirigées  contre  ses  membres  et 
proclamait  hautement  qu'elle  était  demeurée  fidèle  an  principe 
qui  avait  préside  à  sa  création.  Nous  savons  comment  Bastelica, 
son  chef,  entendait  ce  principe.  Voici  dans  quels  termes  était 
conçue  sa  protestation  : 

Chambre  fédérale  du  travail  de  Marseille. 
Séance  du  10  mai. 
■  La  chambre  fédérale,  fondée  depuis  près  d'un  an  en  vue  de 
favoriser  l'émancipation  de  la  classe  ouvrière,  ne  s'est  jamais 
entourée  de  mvstère. 


1;T    I.E    0  ACOBiMsjMi-;.  03 

♦•  Elle  a  toujours  tenu  ses  réunions  dans  le  lieu  ordiiiaue  de 
ses  séances,  portes  et  ïonôtres  grandement  ouvertes. 

a  Fidèle  au  principe  qui  a  présidé  à  sa  création,  elle  ne  s'est 
jamais  occupée  que  des  questions  purement  de  travail,  laissant 
de  côté  toute  politique. 

Œ  Prolbndément  pénétrée.'  de  ba  iiiissiou,  elle  poursuivait  son 
œuvre  en  toute  sécurité. 

«  Ne  faisant  rien  qui  no  lut  avoiiaJjie  au  grand  jour,  elle  était 
loin  de  s'attendre  à  celte  invasion  policière  qui  a  eu  lieu  à  son 
siég'e,  dans  la  matinée  de  mardi  dernier. 

œ  On  s'est  livré  à  une  vraie  scène  de  vandalisme,  on  a  brisé 
tous  nos  meubles,  on  a  emporté  tous  nos  livres,  nos  registres, 
nos  })rocès-verbaux ,  on  a  emprisonné  notre  secrétaire,  le 
citoyen  Combe,  on  a  saisi  notre  argent  et  pourquoi  tout  cela? 
Nous  l'ignorons. 

œ  Forts  de  notre  droit,  de  notre  innocence,  nous  protestons  de 
toutes  nos  IbrcGS  contre  cet  acte  arbitraire  (|ue  rien  ne  justifie. 

a  Oui,  avec  toute  l' énergie  que  nous  puisons  dans  notre 
honnêteté,  dans  la  justice  de  notre  cause,  nous  disons  :  Si  l'on 
nous  croit  coupables,  que  l'on  sévisse  contre  nous  ;  mais  si 
l'on  n'a  rien  à  nous  reprocher,  que  l'on  nous  restitue  tous  nos 
objets  que  l'on  détient  aussi  injustement  qu'on  nous  les  a  saisis. 

«  Le  secrétaire,  COMBE,  vernisseur  ,  en  liberté  provisoire  ; 
Auguste  FONTE,  charron;  CIIAVE,  menuisier;  Frédéric 
BORDE  ;  PAGINI,  tapissier  ;  Antoine  DURAND,  chargeur  ; 
Joseph  BLANC,  paveur  ;  BONNEFOY,  paveur  ;  ROMAIN, 
doreur  sur  métaux  ;  MASSOL,  marin  ;  L.  ADAM,  maçon  ; 
BONIFAY,  serrurier  ;  BORDE,  peintre  ;  ARIÉS,  peintre  ; 
GANDOPIÎE,  cordonnier;  BERNARD,  cordonnier;  BAR- 
DEE, marbrier;  Henri  VENEL,  marbrier;  GAFFAS,  bou- 
chomiier  ;  Barthélémy  FABRE,  bouchonnier:  Jean-Baptiste 
SIMARD,  chaisier;  HERMITTE,  lithographe  ;  E.  POLETTl, 
employé.  »  {Marseillaise,  17  mai  1870  K) 


•  Nous  devons  faire  remarquer  que  tous  ces  sif^uataires,  dél6j,'ués  de  leurs 
corporations  respectives  auprès  de  la  cliambrc  fédérale,  nièrent  énerdquemeiU 
leur  affiliation  à  rinternalionalc-  Nous  verrons  plus  loin  qu'au  mois  de  sep- 
leminc  1870  quelques-uns  d'entre  eux  affichèrent  leur  titre  de  membre  de 
VlnlenuUiunalr. 


94  L'INTERNATIONALE 

Au  moment  où  tous  ces  manifestes  étaient  lancés,  les  jour- 
naux de  l'Internationale,  et  notamment  VKgalilé  (numéro  du 
7  mai)  et  ÏJnlornalionale  (numéro  du  8  mai),  s'égayaient  à 
l'cnA'i  sur  le  comjjto  du  ministre  OUivior  et  le  félicitaient 
hautement  de  l'excellente  occasion  qu'il  venait  de  leur  offrir  de 
faire  publiquement  le  procrs  à  la  société  actuelle.  «  Bravo, 
Ollivier! a  lui  disait  la  première  de  ces  feuilles...  Tu  as  l'éussi 
a  être  trois  fois  plus  canaille  que  Boulier.  Bonaparte  est  si  con- 
tent de  lui,  qu'il  n'entend  plus  désormais  être  servi  que  par 
des  renéc/ats.  » 

L'article  continue  sur  le  même  ton  :  il  fourmille  d'attaques 
grossières  contre  la  magistrature,  les  ministres,  les  gouverne- 
ments en  général.  Nous  reproduisons  aux  pièces  et  documents 
justificatifs  les  principaux  passages  de  ces  deux  articles  :  on 
jugera  par  là  de  la  façon  dont  les  internationaux  entendent 
traiter  la  société.  (Voir  pièce  R.) 

Au  milieu  de  cette  avalanche  de  manifestes,  de  protesta- 
tions, de  récriminations  violentes,  il  est  un  fait  important  à 
constater  et  qui  est  une  preuve  de  plus  du  double  jeu  de 
f  Internationale  :  Comprenant  tout  ce  que  pouvait  avoir  de  com- 
promettant ,  au  point  de  vue  de  l'avenir  de  l'Association  et 
de  la  sécurité  de  ses  membres,  l'attitude  prise  par  quelques 
sections ,  le  conseil  général  chercha  le  moyen  de  donner 
le  change  sur  la  véritable  portée  des  faits  reprochés  à  l'Inter- 
nationale ;  il  résolut  donc  de  désavouer  la  conduite  tenue  par  la 
branche  française  de  Londres.  C'était  un  moyen  habile  de  se 
ménager  le  bénéfice  des  circonstances  atténuantes  et  de  per- 
suader les  naïfs  de  la  pureté  de  ses  intentions. 

Voici  les  résolutions  prises  à  cet  égard  par  le  conseil  général 
et  portées  par  l'intermédiaire  des  correspondants  à  la  connais- 
sance de  toutes  les  sections  et  fédérations  : 

«  Considérant  :  Que  des  adresses,  des  résolutions  et  des  ma- 
nifestes émanant  d'une  société  française  à  Londres  s'intitulaut 
7a  branche  fédérale  de  ï Association  des  travailleurs  ont  été  pu- 
bhés  dans  des  journaux  du  continent  comme  venant  de  l'Asso- 
ciation internationale  des  travailleurs  ; 

«  Quù  r  Association  internationale  des  travailleurs  subit  en  ce 
moment  de  grandes  persécutions  de  la  part  des ,  gouvernements 


HT     LE     JACOBINISME.  95 

français  ot  aulrichien  qui  saisissent  les  moindres  prétextes  pour 
justifier  ces  persécutions  ; 

«  Que  dans  de  pareilles  circonstances  le  conseil  général 
encourrait  une  grande  resi)onsabililé  en  permettant  à  une 
société  n'appartenant  pas  à  ï Internationale  d'agir  en  son  nom 
et  de  s'en  servir  ; 

«  Le  conseil  général  déclare  que  ladite  hrnncho  française 
fédérale  ù  Londres  a,  depuis  deux  ans,  cessé  de  faire  par- 
tie de  l'Association  internationale  des  travailleurs  et  n'a  au- 
cune communication  soit  avec  le  conseil  général  soit  avec 
aucune  des  branches  de  cette  association  sur  le  continent. 

«  Londres,  10  mai  1870.  » 

On  ne  saurait  mieux  jouer  la  comédie  et  surtout  mentir  avec 
plus  d'impudence.  Il  est  si  peu  vrai  que  la  branche  française 
ait  cessé  depuis  deux  ans  d'appartenir  à  l'Internationale  que 
nous  trouvons  un  de  ses  délégués  au  congrès  de  Bruxelles 
(septembre  1868),  le  citoyen  Matens,  ouvrier  mécanicien  *.  Ce 
n'est  pas  là  d'ailleurs  la  seule  preuve  que  nous  puissions  invoque)- 
pour  démontrer  tout  ce  qu'une  pareille  déclarationa  de  menson- 
ger. En  effet,  au  meeting  tenu  le  24  février  1869  par  la  branche 
française  pour  célébrer  l'anniversaire  de  la  Révolution,  le  con- 
seil général  était  représenté  par  des  délégués  officiels.  Il  re- 
connaissait donc  à  cette  époque  que  cette  branche  faisait  encore 
jiartie  de  la  grande  famille  internationale. 

Pendant  que  l'Empire  poursuivait  ainsi  l'Internationale,  ses 
membres  étaient  également  arrêtés  à  Naples  et  à  Vienne  (Au- 
triche). 

A  Naples,  ils  étaient  accusés  d'avoir  provoqué  une  grève 
parmi  les  ouvriers  tanneurs.  Le  président  de  la  section,  Capo- 
russo,  le  secrétaire,  Francesco  Forte,  et  l'avocat  Gambuzzi 
étaient  pour  ce  motif  mis  en  état  d'arrestation  et  détenus  pen- 
dant six  semaines. 

En  Autriche,  l'Internationale  était  pourchassée  :  des  années 


•  Consulter  la  liste  des  délégués  au  congrès  de  Bruxelles,  vuir  l'inlcrnalio- 
Mule,  1*  édit.,  page  135. 


'.»a  I ,  •!  N  T  i;  H  N  A 'i'  I  0  N  AL  K 

de  prison  étaient  infligées  à  ses  membres  déclarés  coupables  de 
haute  trahison  contre  l'Elat  *,  ses  organes  étaient  supprimés, 
son  argent  saisi,  le  droit  de  réunion  aboli,  les  assemblées  po- 
pulaires prohibées. 

Nous  allons  rechercher  maintenant  si  l'Internationale  a  par- 
ticipé au  complot  des  bombes,  et  dans  quelle  mesure  ;  nous  fe- 
rons ensuite  connaître  le  résultat  des  procès  intentés  à  ses 
membres,  en  ayant  soin  d'indiquer  la  nature  de  l'inculpation  re- 
tenue contre  eux  et  de  présenter  le  compte  rendu  des  débats. 


1  Obcrwiiider,  l'un  des  iueuliiés,  fui  coudainné  à  six  ans  de  cancre  duro 
(cachot);  Sclieu,  Most,  Perrin  et  Pabst  a  cinq  aiis  de  carcere  dura,  comme 
coupables  du  crime  de  haute  trahison,  et  cela  après  avoir  subi  une  détention 
préventive  de  quatorze  semaines;  neuf  autres  accusés  furent  condamnés  à  des 
peines  variant  de  deux  à  six  mois  de  prison  pour  actes  jiublics  de  violence. 
Voici  leurs  noms  Schafftner,  Fichinger,  Gehrke,  Dorsch,  Hecker,  Sclai^nfelder, 
Baudisch,  Berka  el  Pfeiffer. 

En  Prusse,  à  Essen,  le  compagnon  Riidt  était  arrêté  et  détenu  pendant  plus 
de  trois  mois. 


ET    LE    JACOBINISME.  97 


CHAPITRE  III 


LE  COMPLOT  DES   HOMBES.  rARTICIPATION  DE  L  INTERNATIONALE.    

RAPPORT    DU   PROCUREUR    GÉNÉRAL    GHANPERRET.  LETTRE  DU  SOL- 
DAT   VANEL   AU    CITOYEN    ALBERT    RICHARD,    DE    LYON. 

On  comprendra  que  nous  ne  prenions  pas  la  i)eine  de  répondre 
à  ceux  (|ui  prétendent  encore  aujourd'hui  que  ce  complot  était 
l'œuvre  de  la  police  et  que  c'est  au  commissaire  Lagrange  que 
revient  l'honneur  d'en  avoir  organisé  tous  les  détails.  L'absur- 
dité d'une  pareille  thèse  ne  se  démontre  pas.  Au  lendemain  du 
4  septembre,  nous  avons  vu  des  journaux,  et  de  ce  nombre  le 
xJoiirnal  officiel  ^  insinuer  que  les  accusés  Guérin  et  Ballot, 
revenant  sur  les  déclarations  consignées  dans  la  procédure,  au- 
raient révélé  les  machinations  coupables  auxquelles  ils  s'étaient 
livrés  à  l'instigation  de  i^a.  police.  Nous  n'avons  pas  à  apprécier 
ici  le  mérite  de  pareils  aveux,  ni  surtout  à  rechercher  sous 
l'empire  de  quelles  circonstances  ils  ont  été  obtenus. 

Les  débats  du  procès  ont  été  publiés. 

Les  prétendus  accusés  ont  pu  produire  tous  les  moyens  de 
justification  :  la  question  du  complot  imaginaire  a  été  vidée  ; 
une  décision  judiciaire  est  intervenue.  Nous  n'avons  (ju'à  nous 
incliner  devant  l'arrêt  de  la  justice. 

Mais  l'Internationale  a-t-elle  réellement  pris  part  à  ce  com- 
plot, et  quelle  a  été  sa  participation  ? 

1  Voir  documents  justificatifs,  (pièce  S.)  Une  procéJure  a  même  élé  ouverte 
contre  les  magistrats  instructeurs,  les  juges  composant  la  liante  cour,  quel- 
ques membres  du  ministère  public  et  le  coiumissaire  Je  police  Lagranire.  Nous 
serions  heureux  d'en  connaître  le  résultat. 


98  L'INTERNATIONALE 

Le  rapport  du  procureur  général  Grandperret,  inséré  dans  le 
Journal  officiel  du  4  mai,  ne  peut  laisser  aucun  doute  à  cet 
égard*.  Nous  voyons  en  effet,  dès  le  2  octobre,  Dupont 
(Amyntlie)  écrire  à  son  ami  Guérin  cette  lettre  assez  si- 
gnificative sur  le  concours  que  l'on  attendait  de  l'Inleriiatio- 
nale  2. 

t  Un  hasard  des  plus  heureux  m'a  fait  mettre  la  main  sur  un 
groupe  tout  constitué  et  dont  je  connais  depuis  longtemps  les 
principaux  chefs,  sans  Avom  jamais  soupçonné  qu'ils  s'occu- 
paient AUSSI  ACTIVEMENT  DE  POLITIQUE.  Cc  sont  dcs  hoinuies,  tout 
ce  qu'il  y  a  de  plus  liommes,  en  tant  que  révolutionnaires  s'en- 
tend, et  il  nous  les  faut  à  tout  prix.  Donc,  à  samedi,  alin  qu'ik 
puissent  juger  de  notre  organisation  et  se  lier  à  nous  en  con- 
naissance de  cause  ^.  » 

Plus  tard,  dans  une  réunion  tenue  le  30  janvier,  nous  trouvons 
les  délégués  de  l'Internationale  mêlés  aux  chefs  des  groupes 
de  Puteaux,  de  Courbevoie  et  de  Ménilmontant.  Ils  viennent  dé- 
clarer que,  si  une  insurrection  éclate,  on  peut  compter  sur  eux. 
Nous  savons  quelle  part  l'Internationale  a  prise  aux  troubles 
du  mois  de  février. 

D'ailleurs  la  lettre  de  Varlin  à  Bastelica  exphque  assez  la  li- 
gne de  conduite  adoptée  par  les  sections  parisiennes  à  la  suite 
du  meurtre  d'Auteuil  et  de  l'enterrement  de  Victor  Noir. 

Ajoutons  que  parmi  les  individus  renvoyés  devant  la  haute- 
cour  de  Blois,  quelques-uns  appartenaient  à  l'Internationale  :  de 
ce  nombre  étaient  Mégy,  Gérardin,  Ferré,  Roussel,  Gt)llot,  Du- 
pont, etc.,  etc. 

Il  est  encore  un  autre  document  qui  semblerait  prouver  que 
Richard,  de  Lyon,  était  tenu  au  courant  de  tous  les  projets  de 
«  ses  frères  et  amis  de  Paris.  »  Il  s'agit  d'une  lettre  écrite  à  ce 
dernier  par  un  soldat,  le  nommé  Vanel,  que  les  lauriers  des 

*  Documents  justificatifs  (Pièce  T). 

2  Pendant  la  commune,  A.  Dupont  a  été  acclamé  chef  de  la  police  munici- 
pale ;  il  avait  signé,  le  !2  mai  1870,  le  manifeste  pul)lié  par  le  conseil  fédéral 
des  sections  parisiennes. 

5  Nous  avons  parlé  plus  haut  de  l'attitude  des  sections  françaises  au  sujet 
du  26  octobre  ;  il  n'est  pas  sans  intérêt  de  faire  connaître  que  les  inculpés  de 
Blois  avaient  décidé  de  faire,  à  la  même  époque,  les  armes  à  la  main,  une 
manifestation  insurrectionnelle. 


ET  LE     JACOBINISME.  99 

FayoUe  et  des  Asnon  empêchaient  sans  doute  de  dormir.  Voici 
les  termes  mûmes  de  cette  lettre  : 


a  A 3  mai  1870. 

«  Chaleureux  démocrate, 

a  Si  je  t'écris  aujourd'inii,  c'estcjuo  j'ai  su  que  les  êtres  divers 
qui  devaient  se  charger  de  l'opcvalion  chirnrfjiatlc  du  29  avril 
étaient  membres  de  la  lamcasc  société  intcrnntionnlo.  Je  L'a- 
voue qu'il  est  vraiment  fâcheux  que  le  coup  ait  manqué,  car  le 
progrès  n'aurait  plus  eu  deirein.  Je  vocifère  contre  cette  pléiade 
de  moucliards  qui  ont  découvert  le  complot.  Tant  pis,  une  autre 
fois  on  j)rendra  plus  ses  précautions  et  l'on  pourra  peut-être 
réussir.  Tu  faisais  prob.a.blement  allusion  a  cette  gihconstance, 

LORSQUE  TU  ME  DIS  DANS  TA  LETTRE  :  Tu  NE  RECONNAITRAS  QUE  TROP 
TÔT  QUE  TU  AS  EU  TORT  DE  MANQUER  DE  CONFIANCE  EN  MOI.  Je  LE  RE- 
CONNAIS    MAINTENANT.    DÉCIDÉMENT     TU  ES  PUISSANT 

«  X  propos,  que  penses-tu  de  ce  vote  universel  ?  Quelle  stu- 
pidité de  faire  voter  la  troupe  !  Mais  ce  sont  des  voix  assurées, 
et  voilà  pourquoi  on  a  songé  à  cela.  Dis  donc,  Badinguet  va 
ressembler  pas  mal  à  un  chef  de  brigands  entouré  de  ses  com- 
plices armés  jusqu'aux  dents  qui  forceront  d'honnêtes  bour- 
geois garottés  à  faire  leur  volonté...   sous  peine  de  mort,  hein  I 

«  Ce  vote  à  mes  yeux  n'est  qu'une  plaisanterie. 

«  Celui  qui  approuve  ton  dévouement  à  la  sainte  cause  de  la 
liberté. 

«  Signé:YKNEL.  . 

'Voilà  un  petit  échantillon  des  heureux  résultats  produits  par 
les  tentatives  d'embauchage  et  de  corruption  qui,  à  cette  époque, 
se  pratiquaient  sur  une  vaste  échelle  dans  les  casernes  de  nos 
grandes  villes.  Nous  savons  par  une  douloureuse  expérience 
combien  a  été  funeste  cet  esprit  d'insubordination  ouvertement 
prêché  dans  les  réunions  publiques  et  propagé  par  tous  les 
iournaux  de  la  nuance  Marseillaise. 


100  L'INTERNATIONALE 


II 


RESULTAT     DES    POUIiSUITES    DIHIGEES     CONTllE     L  INTEUNATIO.\ALE.     

DÉSIGNATION      DES     INDIVIDUS     POURSUIVIS.     COMPTE-RENDU     DES 

DÉBATS.       NATURE      DIVEP.SE      DES      INCULPATIONS.      —      PEINES 

APPLIQUÉES.    TEXTE     DES     JUGEMENTS     PRONONCÉS.     ORDON- 
NANCES   DE    NON-LIEU. 

C'est  devant  le  tribunal  de  Saint-Quentin  (juc  se  déroula  le 
premier  })rocès  de  l'Internationale. 

Les  inculpés  étaient  au  nombre  de  quatre  ;  voici  leurs  noms  : 

i°  Sauvag'eot  (François-Joseph),  38  ans,  tisseur  à  Saint- 
Quentin,  rue  d'Isle,  135  ; 

2°  Huart  (Joseph-Séraphin),  38  ans,  tailleur  d'habits,  fau- 
bourg Gérés,  77  à  Reims  ^  ; 

3°  Loth  (Jean-Baptiste-Lucien),  30  ans,  bonnetier,  à  Retliel, 
rue  du  Sorbon  ; 

4°  Thomas  (Désiré-Jean-Marie),  28  ans,  tisseur,  Boult-sur- 
Suippe. 

Sauvageot  et  Huart  étaient  inculpés  de  participation  à  une 
société  non  autorisée  et  d'affiliation  à  une  société  secrète.  Tous 
les  quatre  étaient  en  outre  poursuivis  pour  délit  d'excitation  à. 
la  haine  des  citoyens  les  uns  contre  les  autres. 

L'affaire  fut  appelée  à  l'audience  du  21  mai  ;  le  tribunal,  écar- 
tant le  chef  de  société  secrète,  condamna  Sauvageot  à  un  mois 
de  prison  ;  Loth  et  Thomas  à  trois  mois  de  la  même  peine  et 
100  francs  d'amende,  et  Huart  par  défaut  à  un  an  de  prison  et 
100  francs  d'amende.  Nous  reproduisons  le  texte  de  ce  jugement 
aux  pièces  et  documents  justificatifs.  (Voir  pièce  U.) 

Il  nous  paraît  nécessaire  de  compléter  ici  par  des  renseigne- 
gnement  plus  précis  et  plus  détaillés  les  indications  sommaires 


'  Cet  inJivMu  d'origine  Lelge,  repris  de  justice,  n'avait  pu  être  arrêté  :  il 
s'était  réfugié  en  Belgique  en  apprenant  que  l'Internationale  était  poursuivie. 
Au  mois  d'avril  1871,  il  reparaissait  à  Rc\lielet  essayait  d'y  provoquer  un  sou- 
lèvement en  laveur  de  la  commune  de  Paris.  Arrêté  le  8  avril,  il  fut  expulsé 
de  France. 


ET    LE     JACOBINISME.  ICI 

fournies  (tans  notre  premier  ouvrage  sur  la  situation  de  l'Inter- 
nationale à  Reims  et  ii  Saint-Quentin. 

Dès  le  mois  de  juillet  1809,  le  oiloycii  Iluarl  l'un  dos  vétérans 
de  la  section  bruxelloise,  /<v  Fùdcvidion,  s'occupait  de  propager 
l'Internationale  à  Reims.  Le  10  août,  il  écrivait  au  compagnon 
Yung,  membre  du  Conseil  général,  qu'il  travaillait  à  faire  adhé- 
rer à  rinlernationale  les  deux  grandes  sociétés  ouvrières  de 
Reims,  les  tisseurs  et  les  lileurs  :  Si  nous  ne  sommes  pas  encore 
affiliés  à  flnlcrnnlionale,  ajoutait-il,  cest  que  les  lois  nctiicUes 
de  la  France  le  défendent,  mais  moralement  nous  soiiniies  des 
volves,  car  nous  poursuivons  lo  même  but  *. 

Bientôt  il  so  mottait  en  relation  avccVarlin  etAuljry;  il  orga- 
nisait à  Reims  et  dans  les  environs  la  société  de  résistance  le 
Droit  et  l'afilHait  à  f Internationale,  ainsi  que  cela  résulte  de 
la  déclaration  suivante  signée  par  tous  les  membres  du  Conseil 
général  belge  : 

Timbre  du  conseil 
général  Belge. 

«  Bruxelles,  26  février  1870. 

«  Les  soussignés,  membres  du  Conseil  général  belge  de  l'As- 
sociation internationale  des  travailleurs,  déclarent  avoir  reçu 
de  Londres  la  nouvelle  que  le  Conseil  général  avait  accepté 
l'affiliation  de  la  société  le  Droit,  société  de  résistance  des  travail- 
leurs de  Reims  et  des  environs. 

«  De  plus  le  Conseil  général  de  Londa'es  nous  a  déclaré  qu'il 
se  mettrait  en  mesure  pour  régulariser  la  position  de  ladite 
société  et  qu'il  enverrait  prochainement  à  cet  effet  les  pièces 
nécessaires.   » 

Ont  signé  :  E.  HINS;  Alphonse  VANDEHOUTEN;  IIERRE- 
BROULT;  BRISMÉE  ;  CROISIER  ;  C.  STANDAERT  ; 
VULORDAN  ;  C.  de  PAEPE. 

Quelques  jours  plus  tard,  il  constituait  un  comité  lédéral  à 
Reims  et  en  était  nommé  correspondant,  le  22  mars,  par  le  Con- 
seil général  de  Londres  -.  11  notitiail  cette  nomination  aux  sec- 
tions parisiennes  et  exprimait  à  Varlin  le  désir  de  se  fédérer  avec 
ellt  s,   A  son  instigation  un  sous-comité  était  établi  à  Saint- 

1  Voir  ceUe  lettre  aux  documents  justificatifs  (Pièce  V).  —  2  /d,,  ibid. 


102  L'INTERNATIONALE 

Quentin  par  Sauvageot,  et  une  société  de  résistance  et  de  soli- 
darité forte  de  s'ix  cents  membres  y  était  organisée . 

Son  adhésion  à  l'Internationale  était  proclamée  dans  une 
réunion  tenue  ù  Saint-Quentin,  le  24  avril.  C'est  dans  celte 
réunion  (ju'était  commis  le  délit  d'excitation  à  la  haine  des  ci- 
toyens relevé  par  l'accusation  contre  les  quatre  individus 
poursuivis  le  21  mai  devant  le  tribunal  de  cette  ville  '. 

A  Rethel,  les  principes  de  l'Internationale  avaient  été  égale- 
ment propagés  par  Huart  et  par  le  citoyen  Loth,  dont  le  nom 
figure  parmi  les  délégués  au  congrès  de  Bàle.  Un  comité  était 
nommé  et  le  7  février  il  confiait  à  (rois  délégués  le  soin  de  s'oc- 
cuper de  son  affiliation  à  l'Internationale.  Voici  dans  quels  ter- 
mes était  conçu  le  mandat  remis  à  ces  trois  délégués  : 

«  Les  membres  du  comité  de  Rethel  déclarent  donner  pleins 
pouvoirs  à  leurs  trois  délégués  ci-dessous  concernant  l'affilia- 
tion à  l'Association  internationale. 

«  Fait  en  réunion  du  comité  à  Rethel  le  7  février  1870. 

«  Les  trois  délégués  sont  :  Loth  (Lucien),  Lesuer  (CJiarles,) 
Potier  (Jean-Baptiste.)  » 

Ont   signé   :    CHAMPION;  BOITTE;   MARÉCHAL;   BIL- 
LAUDEL;  MANGIN  ;  DOLIGNOU  ;  BONFILS. 

Ces  renseignements  étaient  indispensables  pour  permettre 
d'apprécier  de  quels  éléments  disposait  l'Internationale  à  Reims, 
Saint-Quentm,  Rethel,  Boult-sur-Suippe,  au  moment  de  l'arres- 
tation de  Sauvageot,  l'un  de  ses  principaux  meneurs.  A  Bazan- 
court  (Marne),  le  20  mars,  une  réunion  était  tenue  sous  la 
présidence  d'Huart.  On  y  parlait  de  la  nécessité  d'adhérer  à 
l'Internationale  et,  après  la  séance,  des  livrets  étaient  distribués 
par  ses  soins  aux  ouvriers  qui  déclaraient  vouloir  s'y  affîher. 

Plusieurs  lettres  d'Huart  à  Sauvageot  et  à  Varlin  ({ue  nous 
reproduisons  parmi  les   documents  justificatifs    compléteront 

1  Dans  cette  réunion  la  suppression  dn  patronat  et  du  capital  fut  le  thème 
favori  développé  par  tous  les  orateurs.  On  représentait  les  patrons  comme  de 
vils  exploiteurs,  ne  vivant  que  de  rapines  et  de  vol,  s  enrichissant  aux 
dépens  des  ouvriers  dont  ils  violaient  les  filles.  On  annonçait  que  dans  un  an 
les  frères  et  compagnons  seraient  maîtres  de  tous  les  établissements  indus- 
triels, soil  par  une  révolution  pacifique,  soit  autrement. 


ET     LE    JACOBINISME  _  l08 

ulilein  'uL  i'iiistorique  du  dévelo])pemenL  de  riuLernationale  dana 
ces  'Contrées  ' . 

En  suivaul  l'ordre  chronologique  nous  arrivons  au  jugement 
des  inlernalionaux  parisiens.  Les  débats  de  ce  procès  occu- 
pèrent plusieurs  audiences:  commencés  le  22  juin,  il  furent 
continués  les  29,  30  juin,  1,  2  et  5  juillet.  Nous  nous  bornerons 
à  rapi)eler  les  noms  des  individus  poursuivis  et  à  indiquer  les 
peines  prononcées  contre  chacun  d'entre  eux.  Un  compte  rendu 
de  ces  débats  a  été  publié  i)ar  les  soins  de  la  commission  de 
propafjando  du  3^  groupe  de  rAssociutio]i  internationale  ^.  Il 
devient  donc  inutile  de  raconter  les  détails  de  l'audienco,  de 
parler  du  réquisitoire  si  remarquable  du  ministère  public  et 
d'indiquer  les  moyens  de  défense  i)résentés  parles  prévenus. 

Trente-huit  prévenus  étaient  renvoyés  devant  le  tribunal  cor- 
rectioimel  :  dix-neuf  sous  inculpation  d'avoir,  depuis  moms  de 
trois  ans,  à  Paris,  comme  chefs  ou  fondateurs,  fait  partie  d'une  so- 
ciété secrète  ;  les  dix-neuf  autres  pour  avoir  contrevenu  à  l'arti- 
cle 291  du  Gode  pénal.  Dans  la  première  catégorie  étaient  |)lacés  : 

1"  Langevin  (Pierre-Qaniille),  tourneur  sur  inélaux,  (30,  l'ue 
de  l'Égiise,   né  à  Boixleaux,  le  14  février  1813  ; 

2°  Rocher  (Marie-Antoine,)  homme  de  lettres,  né  le  l^'  sep- 
tembre 1833,  à  Montournaix  (Vendée)  ; 

3°  Avrial  (Augustin),  né  à  Rovel  (Haute-Garonne),  le 20  no- 
vembre 1840; 

A°  I^eblanc  (Albert-Marie-Félix),  ingénieur  civil,  né  à  Paris, 
le  29  janvier  1844; 

5""  Allard  (Camille-Félix- Albert),  étudiant  en  droit,  rue 
Sainte-Placide,  26,  né  à  Dieppe,  le  13  août  1848  ; 

1  Voir  pièce  U. 

2  Quelques  jours,  en  effet,  après  le  jugement,  la  lettre  suivante  était 
adressée  à  tous  les  correspondants  de  l'Internationale  :  «  Citoyen,  les  membres 
de  la  commission  de  propagande  du  3«  groupe  de  l'Association  internationale 
faisant  imprimer  le  dernier  procès  des  sections  parisiennes  vous  deman  lent, 
citoyen,  de  vouloir  bien  nous  indiquer  le  nombre  des  volumes  dont  vous 
pouvez  avoir  le  placement  dans  votre  groupe. 

«  Veuillez  nous  envoyer  vos  demandes  le  plus  tôt  possible  et  vous  organiser 
pont  en  placer  le  pins  grand  nombre,  afi;i  de  donner  une  grande  extension  à 
cette  œuvre  de  propagande  socialiste.  Pour  la  commission  de  propagande, 
le  correspondant,  Henry  Bacliruch,  13,  rue  de  l'Echiquier.  —  Pour  les  envois 
d'argent,  s'adresser  au  trésorier  Delabaye,  58,  rue  des  Amandiers.  » 


Oi  L'INTERNATIONALE 

6"  Robin  (Charles-Louis-Jean-Paul),  professeur,  rue  Monge, 
95  (cx-mcnibro  du  conseil  général  belge,  expulsé  de  Belgique  à 
la  suite  des  troubles  de  Seraing),  né  à  Toulon  le  3  février  1837  ; 

7°  Pagnerre  (Gustave-Félix),  feuillagiste  ',  rue  de  la  Fi- 
délité, 11,  né  à  Étrcpagny  (Eure),  le  2  mars  1824  ; 

8°  Carie  (Paul-Emilien-Florimond),  rue  Saint-Jacques,  214, 
{correspondant  de  la  section  de  la  rive  gauche),  né  à  Laon 
(Aisne),  le  13  septembre  18-18  ; 

9"  Sabourdy  (Pierre),  pointeur  au  journal  la  Marseillaise, 
rue  du  Roi-d'Alger,  16,  né  à  Guéret  (Creuse),  le  17  juin  1826; 

10°  Colmia  dit  Franquin  (Jules- Joseph-Étienne),  né  à  Gap, 
le  24  novembre  1838,  ouvrier  lithographe,  rue  de  la  Ver- 
rerie, 42  ; 

11"  TMndy  (Jean-Louis),  menuisier,  rue  du  faubourg  du 
Temple,  17,  né  à  Bresl,  le  3  juin  1840; 

12°  Joliannard  (Jules),  feuillagiste,  rue  d'Aboukir,  126  ^, 
né  à  Beaune  (Gôte-d'Or),  le  22  janvier  1843; 

13°  Murât  (André-Pierre),  mécanicien,  rue  Saint-Maur, 
200,  né  à  Lyon,  le  20  juin  1833  ; 

14°  Malon  (Benoît),  ouvrier  teinturier,  à  Puteaux,  rue 
Mars-et-Roty,  né  à  Prétieux  (Loire),  le  23  juin  1843  ; 

15°  Gombault  (Amédée-Benjamin-Alcxandre),  né  à  Tours,  le 
16  novembre  1837,  ouvrier  bijoutier,  rue  de  Vaugirard,  289  ; 

16°Héligon  (Jean-Pierre),  courtier  en  librairie,  grande  rue  de 
la  Truanderie,  42,  né  à  Paris,  le  20  janvier  1834  ; 

17°  Varlin  (Louis-Eugène),  ouvrier  relieur,  rue  Dauphine,  33, 
né  à  Glaye  (Seine-et-Marne),  le  5  octobre  1839  ; 

18°  Passedouet  (Auguste- Jules),   journaliste,    né   à   Recou- 

*  Signataire  de  la  protestation  publiée  le  2  mai,  par  le  conseil  fédéral  pari- 
sien. Arrêté  le  11  décembre  1851,  il  fut  désigné,  le  10  janvier  1832,  pour  la 
transporlation  à  Gayenne  et  mis  en  liberté,  quelques  jours  après,  par  décision 
de  la  commission  militaire. 

-  Johannard  s'était  réfugié  à  Londres  en  186"  à  la  suite  d'un  article  qu'il 
avait  publié  dans  le  Courrier  français.  Devenu  membre  du  conseil  général,  il 
remplissait  les  fonctions  de  secrétaire  correspondant  pour  l'Italie.  Rentré  en 
France  à  la  suite  de  l'amnistie  du  mois  d'août  1869,  il  devint  l'un  des  ora- 
teurs les  plus  violents  des  réunions  de  Belleville,  et  organisa  la  section  du 
faubourg  Saint-Denis.  Son  nom  figure  parmi  les  signataires  du  manifeste  anti- 
plébiscitaire. 

Johannard  est  le  fils  d'un  marcliand  de  nouveautés  de  Beaune,  déclaré  en 
état  de  faillite  en  1856. 


ET     LK    JACOBINISME.  105 

vrauce  (Finistère),  le   2S  avril  18ïi8,  avenue  de  Choisy,   163  ; 
19»  Assy   (Adoli)hc-Ali)honse) ,  mécanicien ,    né   à   Houbaix 
(Nord),  le  2H  avril  1841. 

A  la  deuxième  catégorie  appartenaient  : 

1°  Malézieux,  42  ans,  ouvrier  forgeron,  rue  de  Lévis,  84  ^ 

2"  Ansel  (Bernard-Gabriel),  i)eintre  sur  porcelaine,  rue  d'Al- 
sace, 35,  né  à  Paris,  le  16  octobre  1840  ; 

3°  Durand  (Gustave-Paul-Emile),  ouvrier  Ijijoutior,  rue  Hani- 
ponneau,  15,  né  à  Paris,  le  2  mai  1835  ; 

4°  Duval  (Emile- Victor),  fondeur  en  fer,  rue  de  la  Glacière,  21, 
né  à  Paris,  le  27  novembre  1840  ; 

5°  Frankel  (Léo),  ouvrier  bijoutier,  rue  Saint-Sébastien,  37, 
né  à  Bude  (Hongrie),  en  février  1844  ; 

6°  Fournaise  (Joseph),  ouvrier  en  instruments d'opti([ue  et  de 
précision,  rue  Villehardouin,  12,  né  à  Paris,  le  l'^^  janvier  1828  ; 

7°  Landeck  (Bernard),  sertisseur  bijoutier,  boulevard  Sébas- 
topol,  86,  né  à  Duren  (Prusse),  le  19  mai  1832  ; 

8°  Delacour  (Alphonse),  relieur,  rue  d'Assas,  52,  né  à  Lor- 
rez-le-Bocage  (Seine-et-Marne),  le  19  août  1839; 

9°  Dugaucquié  (Jean-Désiré),  mécanicien,  passage  Raoul,  17, 
né  à  Bruxelles  le  3  septembre  1840  ; 

10°  Cirode  Barthélémy,  sculpteiu*,  rue  Lecourbe,  43,  né  à 
Nevers,  le  30  octobre  18 i3  ; 

11°  Ghalain  (Louis-Denis),  courtier  en  librairie,  né  au  Plessis- 
Dorin  (Loire),  le  10  janvier  1845  ; 

12°  Bertin  (Frédéric-Jean-Baptiste) ,  fondeur ,  rue  d'Alle- 
magne, 20,  né  à  Torteron  (Cher),  le  16  octobre  1838  ; 

13°  Flahaut  (Emile- Amour-Gustave),  33  ans,  marbrier,  bou- 
levard Ménilmontant,  01,  né  à  Thou  (Belgique)  ; 

14»  Boyer  (Vincent),  29  ans,  tailleur  de  pierres,  rue  de  Van- 
ves,  75  ; 

15°  Casse  (Germain-Eugène-François),  journaliste ,  rue  de 
Maubeuge,  94,  né  à  la  Pointe-à-Pitre,  le  23  septembre  1837  ; 

16°  Theiz  (Albert-Frédéric-Félix),  ouvrier  ciseleur,  rue  de 
Jessaint,  12,  né  à  Boulogne,  le  12  février  1839  ; 

17o  Gollot  (Adolphe),  menuisier,  rue  Jean  Robert,  6  his,  né  à 
Montargis  (Loiret^  le  12  novembre  1830  ; 


i06  L'INTERNATIONALE 

18°  Giot  (Ilippolyte),  ouvrier  peintre,  rue  des  Rosiers,  14, 
né  à  Tournon  (Ardèohe),  en  1839; 

19"  Mingold,  professeur  de  dessin  '. 

Lejugemenlfutrenduà  l'audienco  du  8  juillet.  Le  chef  de  so- 
ciété secrète  était  retenu  à  l'éyard  de  Vurlin,  Malon,  Àlurat, 
Jolmnnard,  Pindy,  Coaibault  et  Iléligon.  A  raison  de  cette  cir- 
constance, le  tribunal  prononça  contre  eux  la  peine  d'une  année 
d'emprisonnemeiit. 

Assi,  Dug-aucquié,  Flahuut  et  Laudeck  furent  acquittés. 

Tous  les  autres  prévenus  furent  condamnés  à  2  mois  de  iJii- 
son  et  25  francs  d'amende  comme  coupables  d'avoir,  depuis  moins 
de  trois  ans,  fait  partie  de  l'Association  internationale  des  tra- 
vailleurs, société  non  autorisée  et  composée  de  plus  de  vingt 
personnes. 

Les  considérants  de  ce  jugement  sont  longuement  motivés  : 
ils  relèvent  avec  précision  et  clarté  les  principales  charges  ré- 
sultant de  la  procédure.  Nous  les  rejjroduisons  aux  documents 
justihcatifs  (Pièce  U). 

Nous  devons  mentionner  que  ce  jugement  fut  fraiipé  d'appel, 
mais  que  la  Cour  n'a  jamais  eu  à  statuer,  l'amnistie  du  6  sep- 
tembre étant  survenue  quelques  jours  après  l'envoi  du  dossier 
au  parquet  du  procureur  général.  Ce  dossier  a  échappé  aux 
investigations  des  coninnuiards,  mais  il  n'en  a  pas  été  de  même 
des  pièces  saisies  et  autres  documents  importants  qui  ont  été 
consumés  dans  l'incendie  du  Palais  de  Justice. 

La  section  de  Saint-Etienne  fut  la  seule  qui  osa  protester 
contre  ces  condamnations  :  sa  protestation  a  été  insérée  dans 
VEclaireur  de  Saint-Étienne  du  29  juillet 

Le  citoyen  Albert  Richard  tut  tellement  effrayé  de  cette  con- 
damnation qu'il  se  réfugia  à  Neuchàtel  pour  pouvoir,  disait-il, 
déhbérer  en  lieu  sûr.  La  lettre  qu'il  écrivait  à  ce  sujet  à  son 
ami  Palix  est  assez  édifiante. 

Quelques  jours  après  le  jugement  des  internationaux  pari- 


1  Tous  les  signataires  du  manifeste  publié  le  2  mai  avaient  été  compris  dans 
les  poursuites,  mais  l'identité  de  quelques-uns  ne  put  être  établie.  D'autres 
inculpés  turent  l'objet  d'ordonnances  de  non-lieu,  et  notamment  Routier, 
Lacatle . 


ET    LH     JAC0BI.NISM;E  107 

siens,  coimnciioaienl  à  Brest  les  débals  de  la  poursuite  dirigée 
contre  les  uieiubres  de  la  secliun  organisée  dans  cette  villL-,  au 
mois  de  septembre  18G9,  par  Fiiuly  de  concurt  avec  son  ami  Le 
Doré*.  Six  inculpés  comparaissaient  devant  le  tribunal  corric- 
tionnel  :  le  délit  de  société  secrète  n'était  pas  relevé  contre  eux. 
Voici  leurs  noms  : 

Le  Doré  (Constant-Eugène),  29  ans,  rue  Kerl'autras,  "2,  écri- 
vain à  la  direction  d'artillerie  de  marine  ; 

Plouzané  (Célestin-François),  19  ans,  oiivrier  pouiier  au  port  ; 

Plouzané  (Claude-Marie- Victor),  père  du  précédent,  51  ans, 
tonnelier  au  port  ; 

Le  Doré  (Joseph-Eugène-Marie),  16  ans,  menuisier,  rue  Ker- 
fautras,  2  ; 

Tréguer  (Pierre-Jean-Marie),  25  ans,  mécanicien  ; 

Moallic  (Jean-Louis),  21  ans,  voilier  au  port. 

La  défense  collective  fut  présentée  par  Le  Doré. 

A  l'audience  du  23  juillet,  présidée  par  M.  Dupuy,  ils  furent 
condamnés  pour  afiiiiation  à  l'Internationale,  savoir  :  Le  Doré 
(Constant),  à  deux  mois  de  prison  et  50  francs  d'amende,  Plou- 
zané (Célestin),àun  mois  de  la  môme  peine,  et  les  quatre  autres 
à  10  jours. 

Par  arrêt  du  17  septembre  1870,  la  cour  de  Rennes  statuant 
sur  l'appel  interjeté  le  l^'  août  par  Le  Doré  et  les  autres  pré- 
venus déclara  le  jugement  non  avenu,  en  se  fondant  sur  ce  que 
le  délit  reproché  aux  prévenus  était  essentiellement  politique  et 
prononça  qu'il  y  avait  lieu  de  les  faire  bénélicier  du  décrel  du 
gouvernement  de  la  défense  nationale  en  date  du  6  septembre, 
aux  termes  duquel  amnistie  pleine  et  entière  était  accordée  pour 
tous  les  crimes  et  délits  politiques  -. 


•  A  l'époque  do  l'arrestation  de  Le  Doré,  cette  section  comptait  une  douzaine 
de  membres  :  nous  verrons  plus  tard  qu'au  lendemain  du  4  septembre,  ce 
nombre  s'était  élevé  à  plus  de  vingt.  Le  Doré  (Constant)  en  était  le  secrétaire 
correspondant;  Plouzané  (Célestin),  le  secrétaire  adjoint.  Le  Doré  entretenait 
une  correspondance  très-active  avec  Pindy  cl  Malon.  On  pouria  juger  de  son 
lempt'rament  révolutionnaire  par  les  quelques  lettres  qui  figurent  aux  docu- 
ments justificatifs  (pièce  Y).  C'était  à  son  domicile  que  se  réunissaient,  tous  les 
mercredis,  les  membres  de  la  section.  Toutes  les  cartes  délivrées  aux  socié- 
taires portent  la  signature  de  Pindy. 

-  Nous  reproduisons,  aux  documents  justificatifs  (pièce  U),  le  dispositif  du 
jugement,  le  compte  rendu  de  l'audience  et  la  défense  collective  présentée 
par  Le  Doré. 


10S  L'INTERNATIONALE 

Los  membres  de  la  fédération  lyonnaise  ont  été  plus  heureux 
(jue  loui-s  compagnons  de  Paris  et  de  Brest  :  aucune  condam- 
nation n'a  pu  èlre  prononcée  contre  eux,  et  Albert  Richard  a 
pu  se  remettre  tout  à  son  aise  de  l'elTroi  ipie  lui  avait  causé  le 
jugement  du  tribunal  de  la  Seine.  Il  leur  a  été  même  loisible, 
au  lendemain  du  k  septembre,  d'aller  retirer  du  greffe  le  dossier 
de  leur  volumineuse  procédure  et  d'en  faire  un  auto-da-fé.  C'est 
au  citoyen  Beauvoir,  l'un  des  prévenus,  acclamé  par  lui-môme 
membre  du  comité  de  salut  public,  (juo  revient  l'honneur  de 
cette  mesure  de  précaution.  De  pareils  faits  peuvent  paraître 
étranges  même  au  sein  des  plus  grandes  tourmentes  révolu- 
tionnaires. Voici  les  deux  documents  qui  confirment  notre  as- 
sertion. 

I 

RÉPUI3LIQLL;  FUAXÇAISE. 

Sous-comité  des  intérêts  publics. 

G  Le  citoyen  Beauvoir  est  autorisé  à  prendre  le  dossier  du  pro- 
ès  de  l'Internationale  au  greffe  du  tribunal  correctionnel.  » 

Bon  pour  décharge  au  greffe. 
Pour  le  comité, 
Le  délégué  :  JACQUES  *. 
Lyon,  ce  9  septembre. 

II 

4  Je  soussigné,  Ch.  Beauvoir,  membre  du  comité  de  salut  pu- 
blic, déclare  qu'en  vertu  de  la  décision  dudit  comité  et  de  l'auto- 
sation  ci-contre,  j'ai  retiré  le  dossier  du  procès  de  l'Interna- 
onale  du  greffe  de  Lyon,  dont  décharge  -.  -a 

Sicjnô  Ch.  BEAUVOIR. 

Lyon,  le  10  septembre  1870. 

convient  d'ajouter  ({ue,  par  une  lettre  insérée  dans  \eProjrrs 

1  Ce  citoyen  Jacques  est  devenu  plus  tard  commissaire  de  iiolico. 

2  il  est  permis  de  s'étonner  qu'un  greffier  livre  ainsi  des  procédures  sur  le 
vu  d'autorisations  de  cette  espèce. 


ET     LE    JACOBINISME.  100 

do  Lyon  du  20  octobre  1870,  le  même  citoyen  Beauvoir  invitait 
SCS  collègues  de  riulernationalo  avenir  chercher  au  plus  tôt  les 
parties  de  la  procédure  qui  pouvaient  les  intéresser;  il  annonçait 
que,  passé  un  délai  de  huit  jours,  il  brûlerait  le  dossier  pour  Jo 
sousfi'iiirc  aux  ivt^hcrcJji's  de  In  police  '. 

Nous  avons  à  explifjuer  mnintenant  par  suite  de  rpiol  concours 
de  circonstances  le  procès  de  l'Inlernationale,  à  Lyon,  plusiciu's 
fois  appelé  et  toujours  renvoyé  d'audience  en  audience,  n'a  ja- 
mais reçu  de  solution. 

Les  scènes  de  désordre  (jui  se  produisirent  à  Lyon  vers 
le  20  juillet  et  dont  nous  aurons  plus  tard  l'occasion  de  parler, 
l'agitation  croissante  des  esprits,  les  préoccupations  politiques, 
la  crainte  de  voir  s'aggraver  la  situation  en  fournissant  aux  me- 
neurs lyonnais  un  nouveau  prétexte  de  manifestations,  nécessi- 
tèrent un  }(remier  délai  :  l'affaire,  d'abord  fixée  au  lundi  2i  juil- 
let, ne  vint  devant  le  tribunal  correctionnel  que  le  8  août. 
Trente-sept  prévenus  avaient  été  cités.  C'étaient  : 

Richard  (Albert),  25  ans,  publiciste,  quai  de  Serin,  20  ; 

Blanc  (Gaspard),  employé  des  ponts  et  chaussées,  rue  de  Ja- 
rente,  31  ; 

Bourseau  (Victor),  43  ans,  jjronzier,  rue  des  Remparts-d'Ai- 
nay,  24; 

Michallet  (François),  37  ans,  teinturier,  rue  do  la  Vieille,  13; 

Bret  (Joseph),  52  ans,  tisseur,  rue  Charlemagne,  12; 

Pulliat  (Jean-Pierre),  31  ans,  tisseur,  rue  d'Austerlitz,  12  et  14. 

Martin  (Arthur),  29  ans,  sculpteur,  rue  de  Fleurieux,  8  ; 

Martin  (Louis),  31  ans,  passementier,  rue  du  Bon-Pasteur,  2; 

Palix  (Louis),  41  ans,  tailleur  d'habits,  cours  Vitton,  41  ; 

Doublé  (Jean-Baptiste),  46  ans,  tisseur,  rue  Bugeaud,  140; 

Ghol  (Guillaume),  41  ans,  cordonnier,  rue  j\Iazenod,  23  ; 

Cevelinge  (Louis),  34  ans,  marbrier,  cours  Bourbon,  103; 

Dupuis  (Jean),  42  ans,  tailleur,  quai  Vaïsse,  11  ; 

Deville  (Jacques),  52  ans,  passementier,  impasse  Gigodot,  20; 


1  Cet  appel  fut  entendu  :  il  a  été  trouvé,  en  effet,  plus  tard,  cliez  plusieurs 
des  individus  compromis  dans  les  divers  mouvements  insurrectionnels  de  Lyon, 
quelques  pièces  appartenant  au  dossier  de  l'Internationale.  Nous  pourrions 
citer  tels  internationaux  qui  possèdent  encore  leur  interrogatoire,  leur  casier 
judiciaire,  les  renseignements  fournis  sur  leur  compte  par  la  police,  etc. 


110  L'INTERNATIONALE 

Vernaz  (Jacques-Joseph) ,  30  ans,  cordonnier,  rue  Sainte- 
Jeanne,  7  ; 

Beauvoir  (Charles),  58  ans,  représentant  de  commerce,  rue 
d'Algérie,  15  ; 

Dumartheray  (François) ,  28  ans ,  enii)loye  de  commerce, 
sans  domicile  fixe. 

Yizot  (Ulysse),  28  ans,  marchand  de  porcelaines,  rue  Gre- 
nette,  27  ; 

Vallot  (Eugène),  32  ans,  apprèteur  de  chapeaux, rue  Dugues- 
clin,  84  ; 

(jarnier  (Pierre-Antoine),  45  ans,  apprèteur,  rue  Bngeaud,  154; 

Marmonnier,  (Jean),  34  ans,  passementier,  rue  Tholozan,  11  ; 

Pichot.  (Louis),  26  ans,  tulliste,  rue  Neuve-des-Gharpennes,  4  ; 

Ginet  (Etienne),  31  ans,  tulliste,  rue  Moncey,  212  ; 

Placct  (Balthazard),  graveur,  rue  Masséna,  58  ; 

Busqué  (Léon-Antoine),  35  ans,  sculpteur,  rue  de  la  Reine,  57  ; 

Régipas  (Antoine),  50  ans,  tailleur,  rue  Vendôme,  102; 

Barret    (Narcisse)  ,    28    ans  ,    garçon   de    café  ,   rue  Mas 
séna,  20  ; 

Poncet  (Jean-Marie),  ouvrier  peigner,  rue  Saint-Georges,  10  , 

Tacussel  (Louis-Joseiih-Hilarion),  34  ans,  serrurier,  avenue 
de  Saxe,  187; 

Gharvet  (François),  44  ans,  tisseur,  rue  du  Bon-Pasteur,  31  ; 

Nalliod   (Médard),  32  ans,  imprimeur  sur  j       Section  de 
étoffes ^        Neuville. 

Meunier  (Louis),  30  ans,  idem ! 

Dupin  (Pierre),  30  ans,  velouli^'r 1 

Dumas  (Jean),  36  ans,  passementier......  f       Section  de 

Délaye  (Philippe-Jean),  39  ans,  passemen-  (  Saiat-ELienne. 
lier ] 

Berger  (Jean),  passementier )       Section  de 

Philihert  (Jean),  passementier i  Saint-Etienne. 

Tous  ces  individus  étaient  inculpés  d'avoir,  étant  membres 
de  l'Association  internationale,  commis  le  délit  de  société  secrète 
et  subsidiîiirement  celui  d'association  illicite  '. 

«  Quelques-uns  de  ces  prévenus  ont  joué  un  rôle  important  au  4  septembre, 


ET    LK    JACODINISME.  111 

Au  début  (le  l'audience,  l'honorable  organe  du  ministère  pu- 
blic déclarait,  quo,  dans  les  circonstances  critiques  où  se  trou- 
vait la  patrie,  et  au  lendemain  de  noti'c  délaite  de  Reischoffen, 
il  ne  sentait  pas  la  liberté  d'e-^piit  nécessaire  pour  engager  un 
débat  aussi  sérieux.  Il  demandait  au  tribunal  le  renvoi  fie  l'af- 
faire à  trois  semaines. 

Le  ciioyen  Beauvoir  protestait  énergiquement  contre  cette 
décision  et  réclamait  le  jugement  immédiat  ou  une  ordonnance 
de  non-lieu.  Il  insistait  pour  que  Ij  tribunal  télégraphiât  dans 
ce  sens  au  ministre  de  la  justice.  Ces  observations  étaient  ap- 
puyées par  Albert  Richard,  Délaye,  de  Saint-É tienne,  ]VP«  Ghe- 
iiel  et  Millaud.  Tous  les  accusés  se  déclaraient  prêts  à  faire  leur 
devoir  et  se  refusaient  à  toute  idée  de  grâce. 

En  dépit  de  toutes  ces  protestations  le  renvoi  fut  prononcé  ; 
le  unième  jour,  le  télégramme  suivant,  resté  sans  réponse,  était 
adressé  au  ministre  de  la  justice  : 

«  ^4  S.  Exe.  M.  Olliviei',  garde  des  sceaux  {Paris). 

€  U Inlevnationalc  de  Lyon,  qui  m'a  confié  sa  défense  dans  le 
jugement  qui  devait  commencer  le  8  août  et  qui  a  été  renvoyé 
à  trois  semaines,  demande  à  être  jugée  immédiatement, 

«  Les  irente-huit  travailleurs  inculpés  dans  cette  affaire  pro- 
testent contre  cette  situation. 

«  Notre  altiiude  prouvera,  comme  notre  langage  l'a  déjà 
prouvé  à  l'ouverture  de  l'audience,  qu'il  n'y  a  dans  ces  graves 
circonstances  que  des  cœurs  froissés  et  unis  dans  une  douleur 
et  des  espérances  communes.  Si  l'on  craint  de  notre  part  une 
manifestation  quelconque,  nous  repoussons  ces  soupçons  conune 
une  offense. 

«  Il  n'y  a  devant  vous  ({ue  trente-huit  citoyens  français  qui 

notammenl  Chol  qui  élait  devenu  commissaire  central  à  Lyon.  D'autres  avaient 
été  acclamés,  qui  officier  de  paix,  qui  ?arde  urbain. 

Nous  dexons  ajouter  que  trois  autres  individus,  les  nommés  Gonnard,  Mailre 
et  Seigner,  compris  dans  les  poursuites,  avaient  été  l'objet  d'une  or.lonnance 
de  non-lieu.  L'identité  de  Gonnard  et  Maître  n'avait  \m  être  établie  :  quant 
à  Seigner,  qui  apparlenait  à  l'armée  en  qualité  de  ser^'ent,  il  s'était  afiilié  a 
l'Internationale  pendant  la  durée  d'un  congé,  et  au  moment  des  poursuites,  il 
se  trouvait  devant  l'ennemi. 


112  L'INTERNATIONALE 

veulent  et  peuvent  triompher  des  inculpations  qui  pèsent  sur  eux. 
.  Nous  nous  refusons  à  toute  grâce.  Nous  ne  voulons  que  la 
justice  égale  pour  tous. 

t  Au  nom  des  accusés,  leur  avocat  qui  vous  salue 
a  respectueusement. 

«  Joseph  GHENEL  *. 
t  Rue  des  Céleslins,  2  (Lyon).  .-' 

L'affaire  ne  fut  pas  appelée  à  l'audience  du  29  août;  les  préoc- 
cupations poKtiques  ne  furent  pas  étrangères  à  ce  résultat  : 
tous  les  accusés  avaient  été  prévenus  de  ne  pas  se  présenter, 
leur  procès  étant  remis  à  une  époque  indéterminée.  Le  4  sep- 
temlire  survint,  et  nous  savons  comment  le  dossier  de  la  pour- 
suite a  disparu. 

Nous  devons  reconnaître  que  le  tribunal  de  Rouen  ne  se  laissa 
pas  arrêter  par  des  considérations  de  cette  nature  ;  le  procès 
de  la  fédération  rouennaise,  d'abord  fixé  au  10  août,  appelé  à 
l'audience  du  23  août,  renvoyé  à  celle  du  25  sur  la  demande  du 
défenseur  de  l'un  des  prévenus ,  fut  défmitivement  jugé  le 
30  août.  Les  accusés  étaient  au  nombre  de  cinq  : 

Aubry  (Emile- Victor),  41  ans,  imprimeur  lithographe  à  Rouen  ; 

Creuset  (Jean-Claude),  44  ans,  fileur,  110,  rue  du  Carrefour, 
à  Sotteville-les-Rouen  ; 

Piéton  (Eugène),  32  ans,  tisseur,  rue  du  Neubourg,  71,  à  El- 
beuf  2  ; 

Régnier  (Arnoux-Antoine),  53  ans,  tisserand  à  Elbeuf,  rue 
Saint-Jean,  42  ; 

Julien  (Pierre-Victor),  49  ans,  épicier  à  Darnetal,  rue  du 
Champ-du-Marais,  18. 

Un  seul  délit  était  relevé  contre  eux,  celui  d'association  non 
autorisée. 

Aucun  des  prévenus  ne  comparut  à  l'audience.  Aubry  fut 
condamné  à  six  mois  d'emprisonnement  et  cinq  cents  francs 


i  Me  Chenel  est  devenu,  au  4  septembre,   conseiller  de  préfecture  à   Mâ'^O'i 
2  Piéton,  secrétaire  correspondant,  à  Elbeuf,  du  cercle  d'études  économique^ 
avait  été  délégué  au  Congrès  de  Bàle  par  le  groupe  d'Elbeuf. 


ET     LE     JACO^.INI^ML:.  US 

d'cunende  ;  Piéton,  Rôgnior,  Julien  et  Crcusot,  chacun  a  trois 
mois  de  la  même  peine  et  cent  francs  d'amende  *. 

Ici  s'arrête  la  série  des  persécutions  exercées  contre  l'huma- 
nitaire Internationale^  par  la  justice  impériale.  Toutes  les  au- 
tres poursuites  aboutirent  à  des  ordonnances  de  non-lieu  ou 
furent  abandonnées. 

Dans  cette  catégorie  nous  devons  ranger  Dijon  et  Vienne 
(Isère). 

A  Dijon,  un  seul  individu,  le  sieur  Focillon  (Auguste),  em- 
ployé, rue  Saumaise,  55,  avait  fait  l'objet  d'une  information.  Se- 
crétaire de  l'Association  syndicale  des  comptables  et  employés 
de  commerce  de  Dijon,  il  avait  assisté  à  l'assemblée  générale 
tenue,  le  13  mars  1870,  par  la  fédération  lyonnaise.  Les  charges 
relevées  contre  lui  n'ayant  pas  été  jugées  suffisantes,  une  ordon- 
.  nance  de  non-lieu  était  intervenue  en  sa  faveur  le  28  juillet  ^. 

A  Vienne,  l'affiliation  à  l'Internationale  des  inculpés  n'avait 
]iu  être  établie  et  une  décision  semblable  avait  été  prise  le 
27  mai. 

Les  inculpés  étaient  au  nombre  do  quatre  :  1°  Ailloud  (Jean- 
Alphonse),  42  ans,  tailleur,  rue  de  l'Archevêché,  ex-délégué  de 
la  section  de  Vienne  au  congrès  de  Lausanne  ;  2°  ,Vaganey  (Jean- 
Louis),  37  ans,  tisseur,  place  duMusée;  STilloux  (Jean),  40  ans, 
fileur,  rue  des  Carmes,  8;  4°  Monnier  (Charles),  dont  le  domi- 
cile était  demeuré  inconnu. 

La  situation  qui  fut  faite  à  la  Fédération  marseillaise  mérite 
une  mention  spéciale.  Plus  de  soixante-dix  individus  avaient  été 
compris  dans  les  poursuites  sous  l'inculpation  de  participation 
à  une  société  secrète.  A  la  suite  d'une  information  laborieuse 
qui  n'a  pas  duré  moins  de  cent  trente-six  jours,  la  poursuite 
s'est  terminée,  le  15  septembre  1870,  par  une  ordonnance  de 
non-lieu  collective.  11  semble  '  qu'après  l'amnistie  du  6,  il  eût 
été  inutile  de  recourir  même  pour  la  forme  à  ce  dernier  acte  de 


1  Les  considérants  de  ce  jugement  offrent  le  plus  vif  intérêt.  Le  loclnur  les 
trouvera  parmi  les  documents  justificatifs  (pièce  U).  —  Consulter  également 
(pièce  a)  les  lettres  d'Aubry  à  Varlin  et  les  autres  déclarations  relatives  à  la 
Fédération  muennaise. 

2  C'est  le  député  Raspail  qui  est  l'auteur  de  cette  lieurcn-e  qualification, 
s  Voir  documents  iu-tificaiif s.    pièce  Z'. 

8 


fl4  L'INTERNATIONALE 

procédure.  On  s'explicfue  qu'une  amnistie  {c'est  chose  si  ordi- 
naire) ait  pu  couvrir  Baslelica,  Alerini,  mais  on  comprend  diffi- 
cilement une  ordonnance  de  non-lieu  rendu  en  leur  faveur. 
Quoiqu'il  en  soit,  nous  croyons  indispensable  de  présenter  le 
tableau  de  tous  les  individus  poursuivis  :  nous  aurons  occasion 
de  retrouver  plus  tard  ([uckiues-uns  d'entre  eux,  au  lendemain 
du  4  septembre,  publiant  manifestes  sur  manifestes,  et  usurpant 
les  emplois  publics  après  avoir  été  membres  de  la  commune 
révolutionnaire.  Voici  leurs  noms  et  la  désignation  de  la  corpo- 
ration qu;  les  avait  délégués  auprès  de  la  Fédération. 

Baslelica  (André),  24   ans,  employé   de w^^^respondaiit  de  la  Fédéra- 
commerce,  boulevard  des  Dames,  32.      j         ration  marseillaise  1. 

HenniUe  (François),  39  ans,  rue  Fontaine-  j  Délégué  de  la  corporation  des 
des-Vents,  8.  (  Uthographes. 


Béraud  (Juslinien-Fortuné),  27  ans. 
Chalandon  (Guillaume),  27  ans.  j 

Bertholand  (Jean),  45  ans,  boulevai'd  Na-  [  Ide 

tional,  356. 
Fabi'B  (Simon\  26  ans,  rue  Larrey,  43. 


m  de  la    corpoiation   des 
Chaudronniers. 


Bonnefoy  (Joseph-Alidiouse),  27  ans,  rue 
Hoche,  12. 

Blanc  (Marius-Joseph),  29  ans,  rue  Beau- 
mont,  6. 

Bonifay  (André),  31  ans,  rue  des  Grandes-] 
Armes,  77.  ( 

Cloquemin  (Jules-Simon) ,  36  ans ,  rue 
Fort-l'Empereur,  4. 

Codonel  (Joseph-Apollinaire),  31  ans,  rue 
du  Nanquin,  3. 

Simard  (Jean-Baptisle),  41  ans,  rue  Neu- 
ve, 18. 

Blanc  (Joseph),  45  ans,  boulevard  de  Pa-  j 
ris,  67.  r 

Reiffort  (Marius-Louis),41  ans,  boulevard  l 
Rougier,  32.  / 


Idem,  de  la  corporation  des 
l'aveurs. 


Idem  de  la  corporation  des 
Serruriers. 


Idem    do     la    corporation 
des  Chaisiers  (octobre  1869). 


Idem  des  Tailleurs  de  pierre 
(décembre  1S69;. 


\  A    l'époque  des  arrestations  iîastelica  s'était  prudemment  replié    sur    Barcelone 
où  il  logeait  chez  Farga  Veiller.  W,  Calle  Mercaders.  Baslelica  est  d'origine  Corse  : 
est  néà  Pastia. 


ET     LE     .1  Ar.OrJINlSMF.  115 


'       néléguo  des 


Taulannc  (Lambert-André),   3u  uns,   ruo  ] 

Devillicrs,  6.  '      néléguo  des  chapeliers  (dc- 

Uriot  (Jeau-naptistCy),  li    ans,  rue  Saint- l  cembre  ueo). 

Ferréol,  2\.  ' 

Aye   (Jacques-Jean),   44  ans,  rue  Como-  j 

lut,  42.  f /(/(?;» dos  ou VI icrs  Maçons.  (De- 

Dourgnon   (IjOuis-dluirles),    36  ans,    rue  l  légatioad'Ayeisjauvier  hsto. 

Dugère,  2.  ) 

Chave   (Léon- Auguste),   25  ans,   rue  des  j 

Bergers,  12.  f 

Gay    (Pierre),  32  ans,    rue  Uuule-Sl-Do- 1    /'/«'«  -^les  .Menuisiers. 

niinique,  14.  / 

Venel  (Charles-Henri),  2(3  ans,  boulevard  i 

de  la  Madeleine,  202.  {     Wc'«  des  Marbriers. 

Bardel (Honoré),  31  ans,  rue  Paradis,  141.  } 

Lozier  (Emile),  30  ans,  rue  Saint-Théo- \ 

dore,  2.  ]'''*'"  ^^^  ^Cordonniers.  Lu2i;<r, 

,,       ,    ,    ,        /T       •    N      t->T  T->      i      f     démissionnaire     de    janvier 

Gandolphe    Louis),  33  ans,   rue  Boute- 1    ,.„    ^  ,^,        ,     Janvier 

\.        *  -^  r      1870,    a  été  quelque  temps 

rie,  45.  \    secrétaire  do   la   féd6ralion. 

Bernard  (Pierre),  25  ans,  rue  Pastoit,  16.  j 

Couchoud  (Joseph),  23  ans,  rue   des  Pe- h,,,„„^^  ^^  ^^,^^.^^^  ^^^  ^^_ 
tites-Maries,  26.  j  vriers  cordonniers. 

Brun  (Eugène),  42  ans,  rue  des  Bous-En- ^ 

f     t      on  I  Délégués     des    Bouchonniers. 

'       •  l     Brun  est  président  de  cette 

Henriot  (François-Claude),  39  ans.  Grand- 1    corporation,  nenriot  n'était 

Chemin  de  Toulon,  17.  ]    que  délégué  supplémentaire. 

Pacini  (Pierre-Paul),  53  ans,  quai  du  Ça-"" 

nal,  24.  j 

Duperron  (Jean-Pierre-Gustave),  26  ans,  f  ^''^'" '^^^ '^'^P'"^'^''-'-  ""P^non 

,..  ,,1 •      j^  Tj  At,\  >     n'a  été  délégué  que  pendant 

\ieux-Lhemin  de  Rome,  110.  /     i„c  ,„„  „  ^  ■       ...■ 

'  l     les  mois  de  novembre  et  dc- 

Lassus  (Antoine-Henri-Guilhen),  34   ans.l    cembre  i869. 
rue  Curiol,  41.  / 

Meunier-Rivière   (Georges),  30  ans,    rue] 

de  Lodi,  136.  f 

T-.     i-     /»  .   \    o-i  I        m-    •    r    ^'^fi"'  des  ouvriers  Charrons 

Fontes  (Auguste),  37  ans,  rue  des  Mini-  l 

mes,  12.  ) 

Ronianin  (Martin-Antoine),  29  ans,  quai] 

de  Rive-Neuve,  81.  //dm des  Doreurs  sur  bois.  Ar- 

.  1      'TT        •  in  11  ^l  niand  délégué  en  fé- 

.\.rmand    [Henri),     29     ans,     boulevard  l  vrier  %-o 

Raille,  Hhi.  •      ) 


il6  L'INTERNATIONALE 

Ariés   (Guillaume),    i3    ans,    rue    Gou- J 

(lai'd,  37.  Il)ël(5gii6s  des  Peintres.  Déléga- 

Borde  'r Jean-Frédéric),  33  an.,  rue  Cha-  |      'l°i\jTmo.  '^^'"'"'   '' 
teaubriand,  1,  ] 

Ghachuat*  iHcnri),  25  ans,  menuisier  en  voilures,  rue  Navarin,  27. 
(iayet-  (Jean),  40  ans,  mécanicien,  rue  Ijangeron,  11. 

Bret  (Joseph),  42  ans,  boulevard  du  Mu-\,,/w     ,        ,  ... 

,   ^  ^    ^  '  1  Dolc'guos  par  la  corporation  (les 

see,  Al.  ^  f     Vcrnissoiirs.     Coinbes   était 

Combes  ^  (Louis-Étienne),   ''21  ans,  boule-  l    sccn^taire  de  la  chambre  fé- 
vard  de  la  Paix,  4.  /    '^^'^''^^^ 

Lemonnier  (Alexandre),  54    ans,   tailleur  L_^.d.,^g,é    au    Congr..s    de 
d'habits,  Vieux-Chemin  de  Rome,  43.     j  Bruxelles. 

Roux  (Étienne-Marius),  27  ans,  rue  de  la] 

Mure  7.  f  Délégués  de  la  corporation  dos 

Aillaud  f  Jean-Baptiste-Léon),  34  ans,bou-  i  Tonneliers. 

levard  National,  156.  ] 

Gaffar  (Guillaume-Gérard),  28  ans,  rue  de] 

la  Loge,  29.  f  jdem  des  Bouchonniers.  Gaf- 

Fabre    (Barthélémy),  35  ans,   rue  de  la(    far  délégué  en  mars  i87o. 

Loge,  18.  ) 

Dubecco    (Jean-Baptiste),   35    ans,    rue"\ 

Hoche,  72.  f  hlem  dos  Chartiers-cliargeurs, 

Durand  (Antoine- Jean-François),  30  ans.  l    Dubecco  délégué  en  novem- 
rue  des  Petites-Mariés,  30.  )    ""^^  ^^'^•'• 

"\  Délégué  en  février  I870  parla 
Masse  (Félicien),  46  ans,  rue  Désiré,  5.      (    corporation  des  scieurs  de 

{     long,  démissionnaire  le  2*  fé- 
y     vrier. 

Sénéchal   (Hubert -Nicolas),  29   ans,  rue 

Sainte-Eugénie,  33. 
Mury  (Antoine),    46   ans  ,    rue   Château-  l       ^'^^^^''^^  '^^^  vanniers. 

Payon,  38. 

Peleng  (Joseph),  43  ans,  rue  Longue-des-  )  Trésorier   de  la  société   des 
Capucines,  71.  i     Vanniers   (de   juillet    à  dé- 

7     cembre  1869). 

Salicis  (Louis),  27  ans,  rue  Dragon,  118  )  ^""'^'^""^  '^^  '^  '"^"'^  '^«■•po- 

°      '  ■  )  ration. 

i  Chachuat  était  à  celte  époque  secrétaire  de  la  société  des  libres-penseurs. 

2  Oayet  était  membre  de  la  même  société,  c'est  un  ancien  condamné  politique 
déporté  à  Lambessa. 

••«  Combes  appartenait  déjà  à  L'Internationale  en  1867,  lors  de  la  première  organi- 
sation de  rette  société  à  Marseille. 


l.T     l.K     JACOBINISME  117 

LongueviUo  (Franeois-Mariu«).  4i  ans.       |  ^^^-^-'  ;^„tr"''  '" 

Roger    (Jean) ,  41     ans,     cours     ^^''^'^-\u,,(.,^,  ,,,,,,  ^,^,,^„^,,,^ 
Louis,  12.  ) 

Lafont    (Émile-Victor),    28   ans,    rue    de)  ;^^„,    ^j^,  Modeleurs-Mécani- 
Chantérac,  4.  j         ciens  (janvier   1870), 

,,  f  ,,,  ■„,     M.,„:r,     riômpiit  ^    \   /''''«'  fies  Taiiissiers  en  meu- 

Bonrguc     (  loussaint- Marie  -  *.<icnieni  ),  i  ' 

3't  ans,  rue  Fontangcs,  9.  ) 

Durand  (Ferdinand-Gaspard),  28  ans,  rue  I  y,,,,„;     dos    Fondeurs    (jan- 

Ste-Paulinc,  5.  j  vior  i87o). 

l^oche   (Joseph-Siméon),  36  ans,  rue  des 


,    Idem  des  Maroquiniers. 
Pistoles,  13. 

Fourreau  (André).  51  ans.  menuisier,  me)^^^^^^  ^^  ^^^^^.^  „^  „.,^ 
Navarin,  15.  ) 

Foletti  (Kugène),  26  ans,  commis,  prolon-L^^^^  délégation  spéciale, 
gement  du  boulevard  de  la  Corderie,  2.  J 

Dumény   (Gustave),    29   ans,  rue    d'An- | Délégué  de  la  corporation  des 
vers,  1.  .  (  tonneliers  en  huile. 

Massol  (Pierre-Didier),  31    ans,   marin ,  i  [,i,„    p^r  cette  corporation 
rue  Ciary,  10.  j  en  janvier  H870'. 

\  Secrétaire    correspondant    de 

f     la  section  de  Barcelonuette, 

A-lerini,  >     garant   du    Rappel  de    /•;<>- 

/     vence,  publié  à  Cannes . 


Il  est  bon  de  faire  remarquer  que  tous  ces  délégués  nièrent 
énergiquement  toute  affiliation  à  l'Internalionale. 

Ils  prétendaient  n'avoir  jamais  entendu  parler  de  l'infernafio- 
iiale  et  ne  connaître  Bastelica  que  de  nom. 

Quand  nous  arriverons  aux  manifestes  publiés  par  cette  sec- 


'  Au  Congrès  de  lîàlc,  à  la  suite  du  rapport  sur  la  situation  de  la  Fédération  mar- 
seillaise, présenté  par  Albert  Kichard,  de  Lyon,  il  était  donné  lecture  d'une  adresse 
de  l'Union  des  marins  de  Maneille  donnant  leur  adhésion  aux  principes  de  l'Interna- 
tionale (Voir  Livre  Bleu  de  l'Internalionale,  page  118.)  On  peut  consulter  utile 
ment  sur  l'activité  de  la  l'édération  marseillaise,  la  déclaration  delà  Chambre  syn- 
dicale des  matelots  français  du  port  de  Marseille  insérée  dans  la  Marseillaise  du 
23  avril  1870  et  les  lettres  do  lîastelica  à  Murât  et  autres  que  nous  reproduisons  aux 
documents  justificatifs,  (pièce  \V). 


tiS  I.'îXTKr.\ATin\.\  [.i: 

lionnux  mois  de  septembre  et  d'octobre  1870,  nous  verrons 
combien  de  pareilles  déclarations  étaient  sincères.  D'ailleurs  ils 
mai'chaient  sur  les  traces  de  leurs  frères  de  Lyon,  dont  ([uol- 
ques-uns  étaient  allés  jusqu'à  soutenir  que  l'Internationale 
n'existait  pas  en  France. 

Il  est  nécessaire  de  dire  un  mot  de  cette  chambre  fédérale 
qui  avait  été  organisée  d'après  l'esprit  et  les  i)rincipes  de  Flnlor- 
nationaJe,  etdonttous  les  délégués  furent  appelés  à  rendre  compte 
de  leurs  actes  à  la  justice.  Son  organisation  remonte  au  mois 
d'août  1869.  Elle  est  due  à  Bastelica,  Vun  des  ronimis-voyagciirs 
de  rintei'iiRlioimlo  les  plus  connus  :  témoins  ses  tournées  dans 
1<^  YaT,  les  Alpes-Maritimes  et  les  Bouches-du-Rhône,  dont  il  a 
lait  lui-même  le  récit  dans  deux  lettres,  l'une  écrite  à  (niil- 
laume,  de  Neucliâtel,  le  28  avril,  l'autre  insérée  dans  le  journal 
l'Internationale  (numéro  du  l*^""  mai).  Nous  reproduisons  ces 
deux  pièces  :  elles  contiennent  de  précieuses  indications  sur  les 
résultats  obtenus  par  Bastelica. 


«  Marseille,  !28  avril  1870. 

«t  Mon  cher  Guillaume, 

«  La  section  de  Marseille  marche  rapidement  dans  la  voie  des 
grands  progrès.  -Je  suis  ù  peine  de  retour  d'une  excursion  parmi 
les  populations  révolutionnaires  du  Var.  Quel  enthousiasme  Tln- 
ternationale  a  soulevé  sur  le  passage  de  son  propagateur  !  J'ai 
acquis  cette  fois  la  preuve  invincible,  irrécusable  que  les  paysans 
pensent  et  qu'ils  sont  avec  nous.  Ainsi,  j'ai  fondé  en  trois  jours 
de  marches  forcées  et  pénibles  à  travers  ce  pays  des  plus  mon- 
tagneux, cinq  sections  stratégiques  autour  desquelles  rayonnera 
toute  la  contrée,  Gogolin  ,  Saint-Tropez,  la  Gardc-Freinct, 
CoUobrières  et  Goafaron. 

«  Les  ouvriers  et  paysans  des  Alpes-'\îaritinies  m'ont  écrit 
une  lettre  excellente  ,  convaincue,  m'invitant  expressément  à 
leur  porter  la  bonne  nouvelle.  Déjà  Aix,  la  Ciotat,  Annal  et  la 
banlieue  de  Marseille  se  couvrent  de  sections  industrielles  agri- 
coles. A  bientôt  le  tour  de  l'Hérault. 


ET     Li;     J  A  CO  IJI  X  l"- M  F..  llW 

«  Tout  ce  mouvement  brise  mes  forces,  mais  augmente  mon 
courage. 

«  Salut  cordial  à  Sehwilzgfuébel  et.  à  tous  les  amis  et  frères 
en  révolution  sociale.  —  A  loi  de  cœur. 

a  André  BASTELIGA.  » 
II 

«  Citoyen  rédacteur', 

«  Je  vous  écris  à  la  hâte  ces  quelques  lignes,  afin  d'appuyer, 
par  l'expérience  péremptoire  des  faits,  votre  article  sur  le 
socialisme  au  village. 

«  Le  numéro  de  la  Marseillaise  me  tombe,  en  guise  d'à-pro- 
pos,  ce  matin  sous  la  main,  à  Toulon,  au  moment  où  je  quittais 
avec  deux  compagnons  le  véhicule  qui  nous  avait  servi  à  ter- 
miner la  tournée  propagandiste  que  nous  avions  entreprise 
depuis  (juelques  jours  dans  les  montagnes  du  Var. 

«  Après  avoir  visité  ces  énergiques  populations  agricoles  et 
industrielles,  j'ai  acquis  cette  certitude  absolue  qu'avec  une 
campagne  bien  menée,  nous  attirerons  à  nous  la  masse  des 
paysans. 

a  Ma  conviction,  dis-je,  n'est  plus  idéale,  mais  bien  expérimen- 
tale. Les  paysans  seront,  qu'on  se  le  tienne  pour  certain,  les 
ennemis  du  socialisme  tant  que  nous  laisserons  aux  conserva- 
teurs omnicolores  et  aux  propriétaires  le  soin  déhcat  de  le  leur 
expliquer  par  ces  deux  mots  à  sensation  :  partage  et  spectre 
rouge!!! 

«  On  s'indigne  toujours  injustement  contre  ces  braves  ou- 
vriers des  champs  :  que  ne  fait-on  mieux,  de  les  instruire,  de 
les  éclairer,  de  les  organiser  sur  place  ? 

«  Délégué  avec  le  citoyen  E.Brun,  syndic  président  de  la 
Corporation  des  houchonniers,  guidé  à  travers  ces  pays  monta- 
gneux'par  le  citoyen  Loujon,  de  la  Garde-Freinet, pendant  notre 
courte  mission,  au  moyen  de  réunions  sérieusement  organisées 
par  les  comités  locaux,  nous  avons  instauré  partout   des  so- 

»  Cette  lettre  avait  été  adressée  au  journal  la  Marseillaise. 


120  L'INTF.RNAT  lONALE 

viélés  de  solidarité  et  parmi  lea  oiivriei^s  houchonniers,  et 
parmi  les  paysans  à  vrai  dira  enthousiastes  d'entrer  dans  la 
voie  du  mouvement  social;  ensuite  nous  avons  ébauché  la 
fédération  parmi  ces  diverses  sociétés,  sans  compter  rétablis- 
sement projeté  d'une  société  de  production  {boulangerie),  plus 
cinq  ligues  d enseignement  avec  bibliothèques  populaires  : 
cinq  sections  de  P Internationale  rayonnant  sur  tout  le  dépar- 
tement. 

«  Tout  ce  travail,  habilement  préparé  par  les  comités  locaux 
qui  avaient  invité  à  leurs  réunions  les  hameaux  environnants,  a 
été  accompli  en  quelques  jours  seulement. 

«  Gela  ne  prouve-t-il  pas  surabondamment  que  l'esprit  du 
paysan  est  préparé  à  recevoir  la  semence  ;  ne  tardons  pas  plus 
longtemps .  Je  n'ose  dire,  de  peur  d'être  taxé  d'exagération, 
que  les  résultats  probables  que  nous  attendons  de  cette  propa- 
gande énergique  à  travers  les  montagnes  seront  au-dessus  de 
nos  espérances. 

«  Bientôt  le  tour  des  Alpes  Maritimes  viendra. 

«  Auparavant  l'Internationale  avait  organisé  les  villes  d'Aix 
et  la  Ciolat. 

1^  Je  vous  laisse  à  vos  réflexions  sur  ce  fait  probant. 

«  Salut  et  égalité, 

«  A.  BASTELIGA. 

«  Secrétaire-correspondant  de  la  Fédération  marseillaise.  » 

Revenons  maintenant  à  la  Fédération  marseillaise.  Organisée 
au  mois  d'août  1869,  elle  avait  son  siège  rue  Dauphine,  5.  Ghaque 
corporation  adhérente  était  tenue  d'envoyer  deux  délégués  :  la 
réunion  de  tous  ces  délégués  constituait  la  Chambre  fédérale 
dont  le  bureau  se  composait  d'un  trésorier,  d'un  secrétaire  *  et 
d'un  président  spécial  pour  chaque  séance  ^.  G'est  dans  une 

i  Le  secrétaire  était  chargé  de  la  correspondance  et  de  la  rédaction  des 
procès-verbaux  des  séances.  Ces  fonctions  d'abord  remplies  par  Lozier  l'ont 
été  ensuite  par  Combes. 

•^  Chaque  délégué  devait  présider  à  son  tour  et,  à  ce  titre,  signer  lo  procès- 
verbal  de  la  séance.  Au  mois  d'avril  1870,  26  corporations  faisaient  partie  de 
la  Fédération. 


ET     LE    JACOUINIBMK.  121 

réunion  tenue  à  la  salle  du  théâtre  Musset  qu'avait  été  décidée,  à 
l'instigation  de  Bastelica,  l'organisation  d'une  chambre  fédérale. 
Une  commission  d'initiative  et  de  propagande  de  cinq  membres 
était  nommée  à  l'eftet  do  s'occuper  de  cotte  organisation.  Ariés, 
peintre,  Ghachuat,  oufilleur,  Lemonnier,  tailleur,  Poletti,  em- 
ployé, et  Bastelica  en  faisaient  partie. 

Sous  ce  titre  de  Fédération  ils  devaient  reprendre  l'œuvre 
inaugurée  en  1867  par  le  ferblantier  Vasseur  *. 

Nous  avons  signalé  plus  haut  les  tournées  opérées  à  Aix, 
Goufaron  et  autres  centres  ouvriers  par  Bastelica  en  compagnie 
du  citoyen  Brun.  Il  nous  paraît  indispensable  de  donner  quelques 
détails  sur  les  corporations  organisées  par  leurs  soins  en  syndi- 
cats ou  chambres  syndicales  et  de  relater  les  circonstances  dans 
lesquelles  ces  faits  se  sont  accomplis. 

La  corporation  des  chapeliers  d'Aix  est  l'une  des  premières 
conquêtes  opérées  par  le  commis-voyageur  marseillais^  elle  re- 
monte au  mois  de  décembre  1869  (14  décembre)  ;  deux  ou  trois 
réunions  et  la  distribution  de  quelques  carnets  de  l'Interna- 
tionale lui  ont  suffi  pour  obtenir  ce  résultat.  A  son  instigation  et 
à  celle  de  Poletti  et  de  Gombes,  les  ouvriers  chapehers  se  sont 
organisés  en  chambre  syndicale;  cette  chambre  comprenait  à 
cette  époque  environ  250  membres  ;  elle  n'avait  pas  de  prési- 
dent, et  était  administrée  par  une  commission  composée  de 
13  membres.  Cette  chambre  syndicale  était  représentée  à  la 
réunion  générale  de  la  Fédération  lyonnaise  tenue  ,  le 
13  inars  1870,  par  l'un  de  ses  secrétaii'es,  le  citoyen  Goquillat  ; 
ce  dernier  était  porteur  d'un  mandat  de  délégation  signé  par 
tous  les  membres  de  la  commission  syndicale  et  visé  par  le  se- 
crétaire et  le  trésorier  de  la  Ghambre  fédérale  Je  Marseille. 

Voici  les  noms  des  principaux  membres  de  cette  chambre 
syndicale  :  cette  indication  aura  son  importance  lorsque  nous 
arriverons  à  la  tentative  de  soulèvement  qui  se  produisit  à  Aix, 


*  Vassear  est  mort  le  16  mai  1868.  C'est  lui  gui  avait  fondé  la  section  Mar- 
seillaise au  mois  de  juillet  1867  :  à  cette  époque  le  bureau  de  la  section  dont 
il  était  secrétaire  se  trouvait  quai  Napoléon,  à  l'entresol  du  café  du  Nouveau- 
Monde.  La  cotisation  mensuelle  était  de  10  centimes  par  membre.  Bastelica 
figurait  parmi  les  adliérenls.  —  La  section  s'est  désorganisée  à  la  suite  des 
poursuites  exercées  contre  les  deux  commissions  parisiennes. 


12.2  L  •  I N  T  K  P,  N  A  T I O  N  A  L  E 

dfins  la  soirée  du  4  avril,  en  laveur  de  la  commune  révolution- 
naire de  Marseille  : 

Bonnafoux  (Auguste),  36  ans,  ruo  dos  Bernardines  ; 

Cahassud  (Louis),  3/i  ans,  rue  Treille  des  Cordeliers,  36  ; 

Trotebas  (Charles),  36  ans,  rue  du  Pont,  14  ; 

Brissac  (Antoine),  36  ans,  rue  des  Cordeliers,  67; 

Bertho  (Louis) ,  38  ans,  rue  des  Bourrées,  25  ; 

Porte  (Jean-Baptiste),  3i  ans,  rue  Fermée,  20  ; 

Livon  (Claude),  33  ans,  rue  des  Épinais,  19  ; 

Chapus  (Calixte),  25  ans,  rue  de  la  Fontaine,  3  ; 

Coquillet  (Jude),  rue  Gourteissade,  20  ^ 

Livon  remplissait  les  fonctions  de  trésorier;  Calixte  Chapus, 
Bertrand  et  Bonnafoux,  celles  de  secrétaire. 

GouFARON,  dans  le  Var,  est  la  seconde  étape  de  la  cnmpagnn 
ijjfornationnlo  accomplie  par  Bastelica. 

Dès  le  mois  d'avril,  les  ouvriers  de  Goufaron  *  et  même  ceux 
de  Pignans  étaient  prévenus  de  la  prochaine  arrivée  dans  ces 
contrées  de  Bastelica  et  de  son  compagnon  de  combat,  le  ci- 
toyen Brun.  Une  réunion  organisée  par  un  certain  Dubois  était 
en  effet  tenue  à  Goufaron,  le  16  avril,  sous  la  présidence  do 
Bastelica,  dans  une  salle  du  café  Bonnet.  Une  centaine  d'ou- 
vriers étaient  présents;  tous  avaient  été  convoqués  par  lettre 
spéciale.  Dans  ce  nombre  figuraient  15  ou  16  ouvriers  de  Pi- 
gnans, notamment  Cougourdan  et  Raynaud.  Brun  y  prenait  la 
parole.  Bastelica  y  traitait  ensuite  la  question  du  plébiscite  et 
surtout  la  question  de  l'Internationale.  Il  en  exposait  les  prin- 
cipes et  invitait  les  assistants  à  s'y  affilier.  Il  leur  expliquait  que 
le  siège  de  cette  société  était  à  Londres,  et  que  la  cotisation  à 
payer  pour  en  être  membre  était  de  10  centimes  par  an. 

Il  ajoutait  qu'un  certain  nombre  de  livrets  de  l'Internationale 
seraient  déposés  chez  le  citoyen  Dubois  et  que  moyennant 
10  centimes  les  ouvriers  pourraient  s'en  faire  déUvrer  3. 

Quelques  jours  plus  tard,  le  20  avril,  il  conférait  de  sa  propre 

»  Ce  dernier  était  compris  dans  les  poursuites  dirigées  contre  l'Internatio- 
nale :  mais  à  cette  époque  il  avait  déjà  quitté  Aix  et  ne  put  être  découvert. 

2  Goufaron  compte  90  ou  100  ouvriers  bouchonniers. 

3  30  livrets  furent,  en  effet,  remis  à  Dubois,  par  Bastelica  :  ils  avaient  été 
préalablement  visés  parce  dernier. 


ET     LK    .i  \<'.(,.I;1.\ISME.  12H 

autorité  à  Dubois  lo  titre  de  socrétairo  de  la  section  de  Goufaron: 
cette  nomination  rlnit  nno  violation  manifeste  de  l'articlo  9  des 
statuts  g"énéraux  qui  dispose  que  «  chacpie  sortion  csl sonvcrnino 
pour  nommer  ses  covvcspondanls  au  conseil  r/énérnl.  »  Basle- 
lica,  on  le  comprend,  n'était  pas  homme  à  se  laisser  arrêter  pour 
si  peu.  Voici  le  brevet  qui  fut  adresse  par  lui  à  ce  nouveau  colla- 
borateur : 


Association  internationale 
des  travailleurs  (Marseille). 


«  Marseille,  20  avril  1870. 

«  Cher  citoyen  Auguste  Dubois,  à  Goufaron. 

«  Par  cette  présente,  en  vertu  des  pouvoirs  à  nous  conférés 
par  le  conseil  général  siégeant  à  Londres  de  l'Association  inter- 
nationale des  travailleurs,  nous  déclarons  nommer  le  citoyen 
Auguste  Dubois,  ouvrier  Louclioiuiier,  secrétaire  de  la  section 
de  la  susdite  association  à  Goufaron,  département  du  Yar.  Ses 
pouvoirs  particuliers  consistent  à  propager  partout  où  il  lui 
semblera  propice  et  convenable,  les  principes  de  l'Internationale, 
faire  des  adhérents,  encaisser  les  cotisations,  le  tout  en  confor- 
mité des  statuts  et  règlements. 

(c  Le  secrétaire  général, 

.  BASTELIGA.  » 

Ce  correspondant  improvisé^  tout  heureux  d'être  honoré  d'une 
pareille  distinction,  se  mit  à  l'œuvre  et  parvint  à  distribuer  une 
dizaine  de  livrets  et  finalement  à  grouper  autour  de  lui  quelques 
rares  adhérents.  Au  mois  de  mai  1870,  la  section  de  Goufaron 
ne  comptait  que  sept  membres  inscrits  ;  c'étaient  : 

Dubois  (Auguste),  bouchonnier,  rue  des  Puits,  secrétaire  de 
la  section  ; 

Maqiiet  (Joseph),  43  ans,  cordonnier; 

Loujeon  (Joseph),  48  ans,  bouchonnier  ; 

Berne  (Fortuné),  56  ans,  idem  ; 

Martin  (JuUien),  32  ans,  idem  ; 

Joanès  Matetto,  28  ans,  idem  ; 


124  1/INÏKRNATlONALE 

Chrysti  (L(';on),  22  ans,  bouchonnier  '. 

Après  le  succès  obtenu  par  Bastelica  à  Goufaron,  son  mou- 
vement de  propagande  se  continuait  les  jours  suivants  à  la  Garde- 
Freinet  et  Gogalin.  En  effet,  le  17  avril,  il  se  rendait  à  la  Garde- 
Freinet  ;  là,  comme  il  l'avait  fait  à  Goufaron  la  veille,  il  parlait 
de  l'Internationale  et  de  la  nécessité  pour  les  ouvriers  d'en  de- 
venir membres.  Il  était  procédé,  séance  tenante,  à  la  distribu- 
tion de  carnets  contenant  les  statuts  de  V Internationale.  Le 
môme  jour,  à  Gogalin,  les  principes  de  l'Internationale  étaient 
exposés  par  Bastelica  et  son  acolyte,  le  bouchonnier  Brun;  le 
lendemain  les  mêmes  discours  étaient  tenus  à  GoUobrières,  à 
Pignans  et  autres  centres  ouvriers. 

Nous  avons  encore  à  parler  de  la  section  organisée  à  Barce- 
LONNETTE  (Bassos-Alpos)  par  les  soins  d'Alerini,  son  secrétaire 
correspondant,  que  nous  retrouverons  plus  tard  à  Marseille 
parmi  les  membres  de  la  commission  municipale  instituée  par 
le  préfet  Labadié  au  mois  de  septembre  1870  ^. 

Dans  les  premiers  jours  du  mois  de  janvier  de  la  même  an- 
née, Alerini,  l'une  des  recrues  de  Bastelica,  recevait  d'Eugène  Du- 
pont les  pleins  pouvoirs  pour  organiser  des  sections  de  l'Inter- 
nationale àBarcelonnette  et  dans  les  environs.  A  Barcelonette, 
il  faisait  de  la  propagande  jusque  sur  la  voie  publique  :  on  le 
voyait  arrêter  dans  les  rues  les  ouvriers,  de  sa  connaissance, 
môme  ses  anciens  élèves  et  leur  proposer  d'entret  dans  l'In- 
ternationale. Il  leur  remettait  des  livrets  après  leur  avoir  donné 
connaissance  des  instructions  qui  lui  avaient  été  adressées  do 
Londres  et  des  pleins  pouvoirs  dont  il  était  porteur. 

En  dépit  de  tous  ses  efforts,  le  nombre  des  adhérents   fut 


I  Tous  ces  individus  avaient  été  compris  dans  les  poursuites  ;  ils  ont  béné- 
ficié de  l'ordonnance  de  non-lieu  collective  dont  nous  avons  parlé  plus 
haut. 

-  Alerini  (Charles),  né  à  Bastia,  le  20  mars  1842,  était  professeur  de  physique 
au  collège  de  Barcelonnetle.  Suspendu  de  ses  fonctions  au  mois  de  mars  ou 
avril  1.S70,  par  décision  du  recteur  d'Aix,  il  devint  gérant  et  plus  tard  rédac- 
teur en  chef  du  Rappel  de  Provence. 

II  avait  été  affdié  à  l'Internationale  par  Bastelica,  et  avait  reçu  des  mains 
de  ce  dernier  un  livret  et  une  carie  de  sociétaire.  Il  fut  arrêté  à  Cannes,  le 
20  mai,  sous  inculpation  de  participation  à  une  société  secrète  el  en  vertu  d'un 
mandat  délivré  par  le  juge  d'instruction  de  Marseille.  Le  même  jour  il  était 
transféré  dans  celte  ville. 


ET    LE    .IAc;c)1!IN1SML;.  125 

toujours  des  plus  modestes  :  à  la  fin  du  mois  d'avril  il  n'était 
jinrvenu  à  recruter  que  trois  ou  quatre  adoptes,  au  nombre  des- 
quels figuraient  un  tailleur  de  nom  de  Brun  (Adrien),  et  un 
employé  des  ponts  et  chaussées,  le  citoyen  Guende  (Louis).  Ce 
dernier,  enTabsence  d'Alerini,  remplissait  les  fonctions  de  sncré- 
Inivocovvespondiuit  pur  intérim  ;  c'est  en  cette  qualité  qu'il  écri- 
vait, le  14  floréal  an  LXX  VIII ^  au  citoyen  Albert  Baume,  alors  ré- 
dacteuren  chef  du  journal  le  Rappel  do  Provence.  Gomme  on  le 
voit,  l'Internationale  était  représentée  à  Barcelonnette  par  deux 
lonctionnaires.  Nous  devons  ajouter  qu'à  l'instigation  d'Aleriiii, 
nn  cercle  ninuiiol  y  avait  été  organisé  ;  Guende  en  était  do- 
venu  secrétaire. 

A  la  môme  époque,  l'Internationale  cherchait  à  s'implanter  à 
Besançon  ;  les  poursuites  ordonnées  par  le  ministère  Ollivier  ve- 
naient la  surprendre  dans  sa  période  d'organisation.  C'est  dans 
la  corporation  des  graveurs  et  guillocheurs  qu'elle  avait  re- 
cruté ses  premiers  adhérents.  Cette  corporation  ne  devait  donc 
pas  échapper  à  la  persécution  qui  sévissait  alors.  Plusieurs  de 
ses  membres  ayant  été  déférés  à  la  justice,  on  s'explique  com- 
ment nous  sommes  amenés  à  raconter  dans  quelles  circonstances 
l'Internationale  avait  reçu  droit  de  cité  à  Besançon.  Cet  histori- 
que offre  d'ailleurs  un  certain  intérêt. 

Dès  le  mois  d'octobre  1869,  les  ouvriers  graveurs  et  guillo- 
cheur  en  horlogerie  songeaient  à  s'organiser  en  association  coo- 
pérative de  prévoyance.  Des  démarches  étaient  faites  par  l'un 
d'entre  eux,  Robert,  auprès  du  citoyen  Fritz  Hong,  de  la  Chaux- 
ele-Fonds  ',  aiin  de  connaître  la  marche  à  suivre  pour  entrer  dans 
l'internationale  et  pour  être  admis  à  faire  partie  de  la  Fédéra- 
tion des  graveurs  de  la  Suisse.  Dans  sa  lettre  du  31  octobre, 
Fritz  Heng  fournit  sur  ce  point  à  son  ami  Robert  des  rensei- 
gnements qui  ont  leur  importance  au  point  de  vue  des  principes 
qui  règlent  les  rapports  entre  le  conseil  général  et  les  sections. 
Voici  les  passages  les  plus  saillants  de  cette  lettre. 

a  Je  vois  avec  plaisir  qu'à  Besançon  les  ouvriers  conipren- 


1  Ffitz  Heng  était  secrétaire  de  la  section  de  l'Alliance  de  la  démocratie  tocia- 
Uste,  qui  avait  pour  président  le  Russe  Bakounine. 


188  L'INTERNATIONALE 

neni  que  ce  n'est  que  par  lu  soliLhinlé  du  tous  que  le  prolétariat 
peut  arriver  à  quelque  chose  pour  amcliorer  sa  position.  Vous 
demandez  de  quelle  manière  vous  devez  vous  l'aire  recevoir  de 
l'Internationale  et  de  la  Fédération  des  graveurs  de  la  Suisse. 
Vous  n'avez  qu'à  m'envoyer  votre  règlement  :  je  le  soumettrai 
au  Comité  fédéral  des  sections  romandes  do  l'Internationale, 
qui  se  fera  un  plaisir  de  vous  recevoir.  Je  dois  vous  ex- 
pliquer ce  que  c'est  que  la  Fédération  romande. ly-dhorûVlnlcv- 
nale  comprend  toutes  les  sociétés  du  monde  en  lier  sans  dis- 
tinction de  couleur,  de  nationalité  et  de  religion.  Cette  vaste 
association  est  organisée  comme  il  suit  : 

<t  Elle  a  s,on  comité  général  appelé  cojiseil  général  siàgcdid  à 
Londres  lequel  nmiGE  toutes  les  affau^es  générales  de  l'lmeu- 
NATiONALE  ;  puis  dans  chaque  pays  ou  région,  l'Internationale 
se  forme  en  fédérations  ayant  leur  comité  fédéral  avec  lequel 
chaque  section  correspond  directement.  Ce  comité  fédéral  sert 
d'intermédiaire  entre  la  fédération  et  le  conseil  général.  Pour 
faire  partie  de  l'Internationale  il  suffit  donc  d'adhérer  aux  sta- 
tuts et  règlements  de  l'Association  et  de  faire  connaître  cette 
adhésion  au  conseil  général  de  Londres 

«  Fritz  HENG.  ^ 

Quelques  jours  après  avoir  reçu  ces  indications,  Robert,  qui 
voulait  avant  tout  se  couvrir  d'une  apparence  de  légalité,  solli- 
citait du  préfet  du  Doubs  l'autorisation  de  fonder  une  société  de 
prévoyance  destinée  à  établir  un  lien  de  solidarité  entre  les  ou- 
vriers d'un  même  état  et  à  leur  créer  au  moyen  d'une  cotisation 
mensuelle,  des  ressources  disponibles  en  cas  de  grèves,  acci- 
dents, chômages,  mais  non  en  cas  de  maladie. 

La  chambre  de  commerce  de  Besançon,  consultée  sur  l'oppor- 
tunité d'accorder  cette  autorisation,  conclut  au  rejet  de  la  de- 
mande le  21  février  1870.  Une  décision  ministérielle  fut  prise  dans 
le  même  sens  sous  la  date  du  21  mars  :  le  refus  était  motivé 
sur  ce  fait  que'  certains  articles  des  statuts  déposés  et  notam- 
ment l'article  19  imposaient  aux  ouvriers  et  même  aux  patrons 
des  obligations  contraires  à  la  liberté  du  travail.  (Article  19.  «  Le 


ET     LE    JACOBINISME.  127 

«  sociétaire  qui  accepterait  une  diminution  de  prix  sans  consul- 
«  ter  le  comité  sera  rayé  immédiatement.  ») 

En  attendant  l'autorisai  ion  (ju'il  avait  demandée,  Robert  était 
loin  de  rester  inactif;  il  entrait  en  correspondance  avec  Aubry 
de  Rouen  et  lui  annonçait  que  l'inlenlion  de  .sa  corporalion 
était  de  se  faire  recevoir  eu  bloe  iminédiaiemeiit  aprùs  non  ur- 
ganisation.W  s'informait  du  lieu  oii  devait  être  adressé  le  mon- 
tant des  cotisations  et  priait  Aubry  de  le  mettre  en  rapport  avec 
Dupont  de  Londres  dont  il  recevait  plus  tard  des  instructions 
sous  la  date  du  29  avril.  Dans  toutes  ces  lettres  il  exprimait  son 
ardoiit  désir  de  faire  adhérer  le  plus  vite  possible  à  l'Interna- 
tionale le  groupe  des  ij;Taveurri  *. 

En  dépit  du  veto  ministériel,  la  société  des  graveurs  et  guillo- 
clieurs  de  Besançon  était  déiinitivcment  organisée  ;  ses  membres 
allaient  jusqu'à  prévenir  l'autorité  de  leur  décision  à  cet  égard 
et  à  lui  annoncer  que  la  société  commencerait  à  fonctionner  le 
1"'  avril  sous  le  titre  d'Association  ouvrière  des  graveurs  et 
guillocheurs  de  Besançon. 

Les  agissements  de  cette  société  lui  valurent,  au  mois  de  mai, 
les  honneurs  d'une  poursuite.  Ses  membres  furent  d'abord  ac- 
cusés (V avoir  fait  partie  d'une  section  de  la   société  secrète 
r Internationale.  Douze  d'entre  eux:  comparurent  devant  le  tri- 
bunal correctionnel  de  Besançon,  à  l'audience  du  17  juin,  et  ne  fu- 
rent condamnés,  le  24  du  même  mois,  qu'à  25  francs  d'amende 
pour  avoir  fait  partie  d'une  association  non  autorisée,  ayant  pris 
le  titre  de  Société  ouvidère  des  graveurs  et  guillocheurs  de  Be- 
sançon,  association  composée  de  plus  de  vingt  personnes  ^. 
Voici  les  noms  des  individus  condamnés  : 
Robert  (Augustin),  président  de  la  société  ; 
Melin  (Alphonse),  secrétaire; 
Petit-Jean  (Jules); 

Borel  (Philandre),  vice-président  de  la  société; 
Chevrier  (Joseph),  trésorier; 
Wys  (Emile)  ; 
Julien  (Victor)  ; 

1  Toutes  ces  leUres,  ainsi   que   les  instructions  d'Eugène   Dupont,  ont  été 
reproduites  aux  documents  justificatifs  (voir  pièce  b). 
»  Robert  seul  fut  condamné  à  cent  francs  d'amende. 


128  L'IN.TERNATIONALE 

Ormancoy  (Félix)  ; 

Robillier  (Edmond)  ; 

Moreau  (Léon). 

Nous  en  avons  iini  avec  les  nombreuses  poursuites  dirigées 
contre  les  membres  de  l'Internationale  :  nous  aurons  à  étudier 
maintenant  dans  quelle  mesure  ces  persécutions  ont  ralenti  son 
œuvre,  et  à  rechercher  les  actes  accomplis  par  cette  association 
depuis  le  jour  oii  ont  commencé  ses  épreuves  jusqu'au  moment 
où  les  malheurs  de  la  patrie  permettront  à  ses  coryphées  d'usur- 
per les  fonctions  publiques.  Il  est  de  notre  devoir  d'initier  le 
lecteur  à  tous  les  faits  et  gestes  de  l'Internationale  pendant 
cette  période  qui  s'étend  du  mois  de  mai  au  4  septembre.  Qu'on 
nous  permette,  avant  de  commencer  ce  récit,  d'appeler  l'atten- 
tion publique  sur  un  document  do  la  plus  haute  importance. 
Nous  voulons  parler  des  ALPHABETS  SECRETS  à  l'usage  des 
chefs  de  l'Internationale. 


ET     LI:;     JACOBINISME.  129 


CHAPITRE  IV 


DICTIO.WAIRES   ET   ALPHABETS   SECRETS   A    l'uSAGE   DES  AFFILIÉS. 

Il  n'est  pas  rare  de  rencontrer  aujourd'hui  des  gens  qui,  se 
faisant  les  apologistes  de  «  Vlmmanitnirc  Internationale  »,  pré- 
tendent que  cette  société  ne  dissimule  aucun  de  ses  actes 
et  qu'elle  a  toujours  agi  au  (/ranci  jour.  Nous  savons  par 
expérience  à  quoi  nous  en  tenir  sur  le  mérite  de  pareilles 
affirmations. 

Le  ffrand  jour,  au  nom  duciuel  on  fait  tant  de  bruit,  consiste 
à  publier  de  temps  à  autre  quel([ues  manifestes  dans  les  jour- 
naux étrangers,  manifestes  reproduits  par  quelques  journaux 
français.  Mais  les  instructions  transmises  au  nom  du  conseil 
général  par  les  correspondants,  les  décisions  adoptées  par  ce 
même  conseil  général^  les  résolutions  prises  à  la  veille  ou  à  la 
suite  de  tous  les  événements  politiques,  ces  communications 
privées  dont  l'envoi  se  fait  avec  un  luxe  inouï  de  précautions, 
ces  mots  d'ordre  .que  l'on  recommande  de  brûler,  oîi  en  est  la 
publicité?  Dans  quelle  feuille  peut-on  en  prendre  connaissance? 

La  vérité,  la  voici  :  nous  ne  savons  de  l'Internationale  que  ce 
qu'elle  veut  bien  nous  faire  savoir;  elle  a  des  mystères  impéné- 
trables, au  secret  desquels  quelques  rares  adeptes  sont  seuls 
initiés. 

Remarquez,  en  effet,  que  tout  ce  qu'on  a  pu  apprendre  jusqu'ici 
des  menées  de  l'Internationale  résulte  ou  de  révélations  obtenues 
de  «  c/uelques  traîtres  »  ou  de  pièces  saisies  dans  les  perquisi- 
tions opérées  au  domicile  des  internationaux  à  l'époque  des 
poursuites  dont  ils  ont  été  l'objet.  Voilà  les  sources  auxquelles 
il  a  fallu  s'inspirer  :  on  comprend  tout  ce  qu'un  pareil  procédé 
offre  d'incertitude. 

En  dehors  de  là,  rien  ne  transpire  de  ce  qui  se  passe  au  sein 

9 


130  L'INTERNATIONALE 

(le  l'Internationale  :  les  adeptes  seuls  connaissent  r/rosso  modo 
les  réunions  (jui  ont  eu  lieu  dans  les  diverses  sections  et  les  ré- 
solutions (jui  y  ont  été  prises  ;  il  leur  est  donné  lecture  de 
quelques  lettres  dont  on  a  soin  de  supprimer  les  passages  à 
sensation.  Los  correspondants,  les  hommes  d* action,  les  intimes 
sont  seuls  mis  dans  la  conlidence  des  projets  ou  résolutions 
d'un  caractère  compromettant. 

Ces  communications  leur  sont  faites  à  l'aide  des  alphabets 
secrets  :  nous  avons  eu  la  bonne  fortune  de  nous  procurer 
quelques-uns  de  ces  mystérieux  documents.  Nous  n'hésitons 
pas  à  les  livrer  à  la  publicité  en  ayant  soin  de  reproduire  les 
remarques  qui  y  figurent  ainsi  que  les  instructions  à  suivre 
pour  s'en  servir  i.  Toutes  ces  annotations  d'ailleurs  son!  l'œuvre 
de  James  Guillaume,  de  Neuchâtel,  rédacteur  en  chef  du  Journal 
la  Solidarité,  une  des  autorités  de  l'Internationale,  de  Richard 
et  de  Bakounine  ;  nous  n'y  ferons  aucun  changement,  nous 
copions  textuellement  les  originaux  qui  sont  entre  nos  mains. 


»  Parmi  les  individus  qui  se  servaient  «  de  ces  béfises  »  (style  d'Albert 
Richard),  nous  pouvons  signaler  Perron,  de  Genève  ;  Guillaume,  de  Neucliàtel; 
Bastelica,  de  Marseille;  Varlin,  de  Paris;  Robin  de  Bruxelles  ;  Richard,  de 
Lyon,  etc.,  etc. 

Le  11  janvier  1870,  Guillaume  écrivant  à  Richard  lui  recommandait  de 
faire  une  copie  du  dictionnaire  pour  Bastelica  et  de  la  lui  envoyer  d'urgence.  II 
ajoutait  :  Nous  niions  pouvoir  entrer  maintenant  en  correspondance  suivie 
•''ans  avoir  rien  à  craindre.  Lundi,  je  t'écrirai  une  première  lettre  pour  faire 
'•'essai  du  système. 


ET    LE    JACOBlMÏS^^ï:. 


131 


Premier  système  d'alphabet  écrit  par  James  Guillautne. 


1.  Je 

2.  Moi. 

3.  Me. 
't.  Tu. 

5.  Toi. 

6.  Te. 

1.  Il,  elle. 

«.  Lui,  elle. 

y.  Le,  la  (pronom). 

10.  Soi. 

11.  Moi-même. 

12.  Toi-même. 

13.  Lui,  elle-même. 

14.  Mou, 

15.  Ton. 

16.  Son. 

17.  Oïl. 

18.  Tout. 

19.  Ce,  cela. 

20.  Celui  qui. 

21.  Ce  qui. 

22.  Que. 

23.  Qui. 

24.  Rien. 


25.  A. 

26.  Avec. 

27.  Alors. 

28.  Ainsi. 

29.  .\ussi. 

30.  Avant. 

31.  Après. 

32.  Auprès. 

33.  Assez. 

34.  Autant. 

35.  Au  moins. 

36.  Autour. 

37.  A  présent. 

38.  Ailleurs. 


39.  Bien. 

40.  Bien  que. 


il.  Heaucoup. 

42.  Car. 
A.\.  Cj:nme. 
4i.  Comment. 

45.  Combien. 

46.  Chez. 

47.  Ci,  ici. 

48.  C'est,  il  est. 


49.  De. 

50.  Dans. 

51.  Depuis. 

52.  Déjà. 

53.  Donc. 


54.  Et. 

55.  En. 

56.  Encore. 

57.  Ensuite. 

58.  Entre. 

59.  Enfin. 


60.  Le  (article). 

61.  Lorsque. 

62.  Longtemps. 


63.  Ici. 

64.  Jusque. 

65.  Juste. 


66.  ^Nlais. 

67.  Même. 


68.  Non,  r,c 

69.  Ne  pas. 


70.  Ou. 

71.  Oui. 

72.  Ou. 

73.  Ou. 

74.  Pas. 

75.  Par. 

76.  Pour, 

77.  Partout 


1S2 


l'internationalf: 


IS.  Parmi. 

79.  Presque. 

80.  Pas  encore. 

81.  Pas  du  tout. 

82.  Pourquoi. 


83.  Quand. 

84.  Quoi. 

85.  Quel. 

86.  Quoique. 

87.  Quelque. 


?.  Recevoir 


89.  Si. 

90.  Sans. 

91.  Sur. 

92.  Sous. 
93  Selon. 

94.  Sans  doute. 


95.  Tout. 

96.  Tant. 

97.  Très. 

98.  Trop. 

99.  Tout  à  fait. 


100.  Un. 


101.  Etre. 

102.  Avoir. 

103.  Bientôt. 

104.  Y. 


Les  numéros  suivants,  de  105  à 
233,  qui  avaient  été  établis  d'après 
un  système  reconnu  ensuite  défec- 
tueux, ont  été  retranchés  pure- 
ment et  simplement,  pour  ne  pas 
déranger  la  série.  Le  dictionnaire 
continue  par  le  n°  234. 
[Annotation  do  James  Guillaume.) 

234.  Besançon  M.     A. 

235.  Montagnes  neuchâte- 
loises.  M-'e  A. 

236.  Neuchàtel.  M.     B. 


237.  Chaux-da -Fonds.       M"'»  B. 

238.  Locle.  I\L     Cl. 

239.  St-Imicr.  M""'  C. 

240.  Jura  bernois.  M.     D. 

241.  Bienne.  M™«  — 
2i2.  Berne.  M.  E. 
2'i3.  Zurich.  M™**  — 

244.  Alsace.  M.     F. 

245.  Bàlc.  M™e  — 

246.  Wuiiemberg.  M,     G. 

247.  Bavière.  M™=  — 
218.  Bade.  M.     H. 

249.  Provinces  rhénanes.  M™"   — 

250.  Prusse.  M.       J. 

251.  Autriche.  M"«   — 

252.  Angleterre.  M.     K. 

252.  Belgique.  M™«  — 

253.  Londres.  M.      M. 

254.  Bruxelles.  M™«  — 

255.  Berlin.  M.     M. 

256.  Vienne.  M'"*   — 

257.  Leipzig.  M.     N. 

258.  Prague.  M™«   — 

259.  Dresde.  M.     0. 

260.  Francfort.  M™«   0. 

261.  France.  M.      P. 

262.  Pans.  M^-^   P. 

263.  Lyon.  M.      R. 

264.  jNLarseille.  M°»"  — 
263.  St-Etienne.  M.      S. 

266.  Rouen.  M»°   — 

267.  Nantes.  M.      T. 

268.  Bordeaux.  M™e  _ 

269.  Toulouse.  M.     U. 

270.  Nîmes.  M°>e   — 

271.  Montpellier.  M.      V. 

272.  Tours.  M'"''    — 

273.  Lille.  M.  W. 
274. 

275.  Luccrne.  M.     X. 

276.  Fribourg.  M«>e   _ 

277.  Lausanne.  M.      Y. 

278.  Genève.  M^-^   — 

279.  Savoie.  M.      Z. 

280.  Lugano.  M"=  — 


ET     LE    JACOBINISME. 


183 


281.  Tessin. 

M.  AA. 

313.  Russie. 

M.    AS. 

28-2.  Mont-Genis. 

M'""   — 

314.  Pologne. 

Mme      

283.  Simplon. 

M.  AB. 

315.  St-Pétersbourg. 

M.    AT. 

284.  St-Gothard 

M™»  — 

316.  Moscou. 

Mme      

285.  Italie. 

31.    AC. 

317.  Le  Volga. 

M.  AU. 

28G.  Naples. 

Mme     .^ 

318.  Petite  Russie. 

Mme     

287.  Home. 

M.   AD. 

319.  Sibérie. 

M.   AV. 

288.  Sicile. 

Mme  AD. 

320.  Lithuanie, 

Mme     

289.  Calabre. 

M.    AE. 

321.  Kazan. 

M.AW. 

290.  Uomagne. 

M..'c    _ 

322.  Kiew. 

Mme     

291.  Bologne 

M.    AF. 

323.  Odessa. 

M.  AX. 

292.  Civita-Vecchia. 

Mme       

324.  Riga. 

Mme     

293.  Palerme. 

M.    AG. 

325.  Varsovie. 

M.    A  Y. 

294.  Livoui-ne. 

Mme       _ 

326.  Turquie. 

Mme      _ 

295.  Gênes. 

M.    AH. 

327.  Constautinople. 

M.    AZ. 

296.  Venise. 

Mme      — 

328.  Algérie. 

Mme      _ 

297.  Trieste. 

M.    AJ. 

329.  Egypte. 

M.    BA. 

298.  -Alilan. 

Mme     _ 

330.  Balgarie. 

Mma    _ 

299.  Turin. 

M.    AK. 

331.  Valachie. 

^L    BB. 

300.  Florence. 

Mme      

332.  Servie  (Turquie). 

Mm»     _- 

301.  Espagne. 

M.    AL. 

333.  Servie  (Autriche). 

M.   BG. 

302.  Catalogne. 

Mme      _ 

334.  Hongrie. 

Mme    _ 

303.  Andalousie. 

M.   AM. 

335.  Transylvanie. 

M.  BD. 

304.  Murcie. 

Mme      

336.  Pesth. 

Mme     _ 

305.  Galice. 

M.    AN. 

337.  Constautinople. 

M.  BE. 

306.  Madrid. 

Mme      — 

338.  Athènes. 

Mme      — 

307.  Barcelone. 

M.      AO. 

339.  Alexandrie. 

M.    BF. 

308.  Saragosse. 

Mme       __ 

340.  Bucharesl. 

Mme     — 

309.  Tarragone. 

M.      AP. 

341.  Amérique  du  Nord 

M.   BE. 

310.  Cadix. 

Mme      

342.         —         du  Sud. 

Mme  BE. 

311.  Xérès. 

M.    AR. 

343.  New-York. 

M.    BF. 

312.  Malaga. 

M"'c    

ai4.  Association  Internationale  des  travailleurs. 

3i5.  Fédération  romande. 

346.  Sections  de  Genève. 
347.  Sections  de  la  fabrique  (Genève). 
348.  Sections  du  bâtiment  (Genève). 

349.  Sections  des  Montagnes  (Neuchàtel). 

350.  Sections  de  la  Suisse  allemande. 

351.  Sections  lyonnaises. 

352.  —      parisiennes. 

353.  —      marseillaises. 

354.  —      rouennaises. 

355.  —      italiennes. 


Mme    BF. 

M.    BG. 

Mme      

M.    BH. 

Mme    _ 

M,     BJ. 

Mme      

M.    BK. 

Mme      

M.    BL. 

Mme      

.M.    BM. 


m 


L'INTERNATIONALE. 


856.        —      espagnoles. 

357.  —      belges. 

358.  —      anglaises. 

359.  —      allemandes. 

3G0.  Parti  de  la  démocratie  sociale  allemande. 

361.  Parti       _       .  ^^  —         auti'ichien. 

362.  Parti  de  Schweitzer., 

363.  Conseil  général  de  Londres. 

363.  Conseil  général  belge. 

364.  Comité  fédéral  romand. 

365.  Comité  du  parti  démocrate  socialiste  allemand. 

366.  Comité  central  allemand  pour  l'Internationale. 
36,7.  Comité  central  international  français. 

368.  —  —  —         italien. 

369.  —  —  —        espagnol. 

370.  Alliance  de  la  démocratie  socialiste. 

371.  —  publique. 

372.  —  secrète, 

373.  Section  publique  de  Genève. 

374.  Organisation  secrète  de  l'Alliance. 

375.  Organisation  secrète  international. 
376.,        —  —        nationale. 
377..        —  —        provinciale. 

378.  —  —        locale. 

379.  Allié  secret  internationale. 

380.  —        —    national. 

381.  —        —     provincial. 

382.  —        —    local. 

383.  Bureau  central  de  l'alliance. 

384.  Bureau  suisse. 

385.  —       français. 
3S6.       —      italien. 

387.  —      espagnol. 

388.  —      allemand. 

389.  —       autrichien, 

390.  —      belge. 

391.  —      anglais. 

392.  Congrès  de  l'alliance 

393.  Membre  de  l'alliance 
39_4.   Délégué 

395.  Jung.  M.    CG. 

396.  Eccarius.  M™«    — 

397.  Lessner.  M.    CH. 

398.  xMarx.  M"»*    — 

399.  Dupont.  M.     CJ. 


=  la  fête. 

=^  cousine. 

==  parent.. 

400.  Applegarlh. 

401.  Lucraft. 

402.  Corvell  Stepney. 

403.  Becker. 

404.  Goegg. 


Mme  ^ 
M.  BN. 
M"«  — 
M.    BO. 

Mme     — 

M.    BP. 

M™e     — 

M.  BU. 
M"eBR. 
M.     BS. 

]\lme      — , 

M.     BT. 

M^e      

M.    BU. 

Mme       , 

M.    BV. 

Mme       

M.    BW. 

Mme      — 

M.    BX. 

Mme      _ 

M.    BY. 

Mme      _ 

M.    BZ. 

Mme      

M.  CA. 
Mme      _ 

M.    CB. 

Mme      _ 

M.     ce. 

Mme      _ 

M.     CD. 

Mme      

M.    CE. 

Mme      __ 

M.    CF. 

Mme      _ 


Mme     _^ 
M.     CK. 

Mme      — 

M.    eu 

Mme      _„. 


ET    LK    JACOBINISME. 


im> 


405.  Licbkaecht. 

M.    CM. 

450 

Napoléon. 

M""'  DJ. 

406.  Sehweitzer. 

M"»*    — 

451 

Eîugénic. 

M.    DK. 

i07.  Behcl. 

M.    GxN. 

452 

Plon-plou. 

Mm.      _ 

408.  Hess. 

Mme      _ 

153 

Orléans. 

M.    DL. 

40n.  Spici-. 

M.    GO. 

4  .-.4 

Jésuite. 

M  me      — 

410.  Neumeyer. 

Mme      — 

455 

République  bour- 

411. Collin. 

M.    GP. 

geoise. 

M.    DM. 

41i.  .la  lias  h. 

M -ne      

456 

Gommune  révalu- 

413.  Hhis. 

M.    GR. 

tionnuire. 

Mme      _ 

41  i.  De  Paepe. 

M  tue      — 

457 

Jacobin. 

M.    DN. 

41ô.  Rol)iu. 

M.     GS. 

458 

Socialiste  d'Etat. 

Mme      — 

416.  Hiismée. 

M-e      _ 

459 

Socialiste  révolu- 

41".  Bakouiiine. 

M.     GT. 

tiounaire   anar- 

418. Perron. 

Mm.      _ 

chiste. 

M.    DO. 

419.  Brosset. 

M.    GU. 

460. 

Tolain. 

Mme       _ 

'r20.  Duval. 

Mme      — 

461. 

Longuet. 

M.     DP. 

421.  Schiiidler. 

M.    GV. 

462. 

Proudhon-, 

Mme      _ 

422.  Liadeg-ger. 

Mme      _ 

463. 

Laaglois. 

M.    DR. 

423.  Piiiier. 

M.  GW. 

464. 

Ghassin. 

Mme 

424.  Mory. 

Mme      _ 

465. 

Individualiste. 

M.       DS. 

423.  Guétat. 

M.    GX. 

466. 

Mutualiste. 

Mme       _ 

426.  Grosselio. 

Mme      _ 

467. 

Ligues  de  la  Paix 

427.  Perret. 

M.    G  Y. 

et  de  la  Liberté. 

M.      DT. 

428.  L'Egalité. 

Mme 

468. 

Varlin. 

Mme       _ 

429.  Le  Progrès. 

M.     GZ. 

469. 

Malon, 

M.    DU. 

430.  Ij'InlornatioDale. 

Mme      — 

470. 

Rey. 

Mme      _ 

431.  La  Volkstimme. 

M.    DA. 

471. 

Reclus. 

M,    DV. 

432.  Le  Volkstaat. 

Mme      — 

472. 

Ozeroff. 

Mme      _ 

433.  Guillaume. 

M.    DE. 

473. 

Mroczkouski. 

M.  DW. 

434.  Fritz  Robert. 

Mme      _ 

47ï. 

Joukowsky, 

Mme      _ 

435.  SchwitzguobeL 

M.    DC. 

475. 

Mad.  Joukowsky. 

M.    DN. 

436.  Spiehiger. 

Mme       _ 

476. 

Princesse  Obo- 

437.  Graisier. 

M.     UD. 

lensky. 

Mme       _ 

438.  Ho(iu©t., 

Mme       _ 

477. 

Outine. 

M,    DY. 

439.  Heug. 

M.    DE. 

478-. 

Richard. 

Mme       

440.  Chevalley. 

Mme      

479. 

Palix- 

M.     DZ. 

441.  GouUery. 

M.    DF. 

480. 

Bastelica. 

Mme       _ 

442.  Le  Réveil. 

Mme      _ 

481. 

Aubry. 

M.    EA. 

443.  Delescluze. 

M.    DG. 

482. 

Tasso, 

Mme      

444.  Ledru-RoUin. 

Mme      _ 

483. 

M.    EB. 

445.  Félix-Pyat. 

M.    DH. 

484. 

Mme       _ 

446.  Blanqui. 

Mb»<=      — 

485. 

M.    EG. 

447.  Jaclard. 

M.     DJ. 

486. 

Mme     _ 

448.  Parti.          = 

comédie. 

487. 

Gaporusso. 

M.    ED. 

449.  Partisan,     ::^     b 

ouffon. 

488. 

Gamljuzzi. 

Mme      _ 

136 


L   'INTERNATIONALE 


489. 

Fanclli. 

M.    EE. 

523. 

L'Etat. 

M.    EX. 

490. 

Fiùszia. 

Mme      _ 

52  i. 

Victor- 

Emmanuel 

.    Mme      — 

491. 

Sentinon. 

M.    EF. 

525. 

Garibaldi. 

M.     EY. 

492. 

Farga  Pcllicer. 

Mme      — 

526. 

Mazzini. 

Mme       __ 

493. 

José    L.    Pelliccr 

527. 

La  Consorlcria. 

M.    EZ. 

Pintor. 

M.    EG. 

528. 

Bismai 

k. 

Mme      — 

494. 

Rubau. 

M™e       _ 

529. 

Beust. 

M.     FA. 

495. 

Cordova. 

M.    EH. 

530. 

Gouvernement    — 

:    Compa- 

496. 

Ceneg'orta, 

Mme      

gnie. 

497. 

Benito  Rodriguez. 

M.     EJ. 

531. 

Gouvern.  russe. 

Mme  FA. 

498. 

Lorenzo  Asprillo. 

Mme      _ 

532. 

— 

prussien. 

M.     FB. 

499. 

Passiol. 

M.    EK. 

533. 

— 

autrichien 

M-ue      _ 

500. 

Tomas  Gonzalès, 

534. 

— 

français. 

M.     FC. 

Grabador. 

M"^«  EK. 

535. 

— 

italien.    . 

M'»e       _ 

501. 

CciTudo. 

M.     EL. 

536. 

— 

espagnol. 

M.    FD. 

502. 

Garrido. 

Mme      _ 

537. 

— 

belge. 

]\Ime      

503. 

Pi  y  Margall. 

M.    EM. 

538. 

— 

anglais. 

M.    FE. 

504. 

Pierrad. 

Mme      — 

539. 

— 

bavarois. 

Mme       

505. 

Castelar. 

M.    EN. 

540. 

— 

^vurtember- 

506. 

Orense. 

Mme      

geois. 

M.     ¥h\ 

507. 

Prim. 

M.    EO. 

541. 

— 

papal. 

Mme       _ 

508. 

Serrano. 

Mme       _ 

542. 

— 

suisse. 

M.     FG. 

509. 

Candidat   de  Por- 

543. 

— 

genevois. 

Mme       _ 

tugal. 

M.    EP. 

544. 

— 

vaudois. 

M.     FH. 

510. 

Duc  de  Gènes. 

Mme       _ 

545. 

— 

neuchàte- 

511. 

Isabelliste. 

M.    ER. 

lois. 

]\ime      _ 

512. 

Carliste. 

Mme       

546. 

— 

bâlois. 

M.     FJ. 

513. 

Prêlres. 

M.    ES. 

547. 

— 

zuricois. 

},Ime      _ 

514. 

Libéraux. 

Mme      _ 

548. 

— 

tessinois. 

M.    FK. 

515. 

Progressistes. 

M.     ET. 

549. 

La  police  =  les  em- 

516. 

Démocrates. 

Mme       _ 

barras 

,  ou /a  tante. 

517, 

Républ.    centra- 

ou mademoiselle 

FK. 

listes. 

M.    EU. 

550. 

Chimie 

Mme  FK. 

518. 

Républ.  fédéra- 

551. 

Nitro-g 

lycérine. 

M.     FL. 

listes. 

Mme       _ 

552. 

Picrate  de  potasse.  M^e    — 

519. 

Social,  bourgeois. 

M.    EV. 

553. 

Armes. 

M.    FM. 

520. 

Social,  rôvolut. 

Mme       _ 

554. 

Poudre. 

Mme      _ 

521. 

Le  Pape. 

M.  EW. 

555. 

Muniti 

ons. 

M.    FN. 

522. 

L'Eglise. 

Mme      — 

556. 

Argcn 

Mme      _ 

557 

Paysans  propriétaires. 

M.     FO. 

558 

Paysans  prolétaires. 

Mme       _ 

559 

La  Liberté  de  Bruxelles. 

M.     FP. 

560 

La  Liberté  de  Genève. 

Mme      _ 

561 

La  Federacion  de  Barcelone 

M.    FR. 

562 

Le  Bulletin  du  coi 

iseil  sénéi 

^al. 

Mme       _ 

KT     IJ-.     JACOBINISMK.  137 

503.  La  Fratrriiiltj  Aï"  la  Migaudière.  M.     FS. 

5Gi.  Chandcy.  M""'     — 

565.  Fiil)ourg.  M-     FT. 

566.  La  Dcinocraiio  de  Chassin.  M""    — 

567.  Victor  Hugo.  INL    FU. 

568.  Le  rtappol.  M""'     — 

569.  Berti  Calura.  -^1-     i^'V. 

570.  Mazzoui.  M"'=     — 

571.  Journal  de  Jauasch.  M.  F\V. 

572.  Journal  do  Genève.  M»"    — 

573.  Le  Bund  (de  Berne).  M.    FX. 

574.  La  Montagne  (journal  de  Coullery).  M™«     — 

575.  Journal  radical  ncuchàtelois.  M-     FY. 

576.  Dcr  Deinokrat  (journal  do  Zurich).  M'"''    — 

577.  Der  Volksfreund  (journal  de  Bàle).  M.     FZ. 

578.  La  Suisse  radicale  (journal  genevois).  M">e    _ 

579.  Fazy.  M.     GA. 

580.  Catalan.              '  M'"'^    — 

581.  Campcrio.  ^I-    ''î^- 
58-2.  Noire.  ^i""*"    — 

583.  Votre.  M.     GG. 

584.  Leur.  '  M"»"    — 

Uemarques  *. 

«  Gc  dictionnaire  ayant  été  confectionné  à  la  hâte,  il  s'y  est  glissé 
plusieurs  erreurs,  ({u'on  ne  pourrait  corriger  que  par  une  entente 
commune,  mais  qui  heureusement  sont  sans  conséquence.  Les  voici  : 

«  Le  chiffre  252  est  répété  deux  fois  :  on  y  obvie  au  moyeu  du 
signe  '  Il  en  est  de  même  du  chiffre  363. 

«  Au  n"  274  il  y  a  une  lacune,  pour  placer  une  ville  de  France  qui 
n'a  pas  été  inscrite. 

«  Gonstantinople  est  répété  deux  fois,  aux  n»*  327  et  337. 

«  Les  désignations  M.  BE.,  M'"^  BE,,  M.  BF.  et  M"'«  BF.,  sont 
répétées  deux  fois.  Pour  éviter  une  ei'reur,  on  n'a  qu'à  écrire  à  côté 
de  ces  indications  leur  n»  d'ordre,  lorsqu'on  s'en  sert. 

«  On  a  laissé  4  places  vides,  de  483  à  486,  pour  les  remplir  ùvcn- 
tuellement  par  des  noms  nouveaux. 

«  Enfin,  plusieurs  choses  ayant  été  oubliées  à  leur  place  naturelle, 
et  écrites  plus  tai^d,  le  dictionnaire  manque   généralement  d'ordre. 

«  La  première  partie  de  ce  dictionnaire,  n°  1  h  104,  renferme  des 
mots  usuels,  que  l'un  écrit  au  moyen  de  leur  numéro  d'ordre,  pour 

1  Ces  remarques  et  instructions  sont  l'œuvre  do  Guillaume  ainsi  que  les  deux 
autres  systèmes  d'alptiabet  qui  figurent,  poges  138  et  139. 


138  L'INTERNATIONALE 

s'éviter  la  peine  de  les  chiffrer  lettre  par  lettre.  Pour  les  distinguer 
dcsaulres  wots  chiffrés,  on  les  luit  suivi-e  de  deux  points.. 

Beaucoup  s'écrira  41.. 
Comment  s'écrira  44.. 

('  Les  mots  des  n<>»  231  à  la  fin,  s'écrivent  au  moyen  de  Monsieur 
ou  Madame  tel  ou  tel.  Le  numéro  ne  sert  que  dans  les  cas  où  il  faut 
éviter  une  équivoque. 

«  Ainsi  Lyon  s'écrit  M.  R. 

Dakounine  s'écrit  M.  CT. 
Perron  s'écrit  M°"=  Cï. 

«  Par  des  motifs  que  J'ignore,  rnulcur  du  dictionnaire  ifa  pas 
admis  dans  ses  combinaisons  la  lettre  q. 

«  Pour  éviter  la  confusion,  l'i  et  l'j  ont  été  réunis  en  une  seule 
lettre. 


DEUXIEME    SYSTEME   U  ALPHABET. 


a 
b 
a 
d 
e 
f 

g 

h 

1 

J 
k 
1 

m 


98,  77,  49,  32. 

86,  64,  24. 
92,  59,  31. 
88,  57,  23. 

79,  71,  44,  39,  13. 
85,  45,  30. 
97,  58,  22. 
82,  46,  21,  17. 
91,  70,  55,  48. 

87,  43. 
78,  63,  11. 
69,  56,  38,  96. 
74,  61,  50,  33. 


n 

84,  68,  52, 

47,  12 

0 

76,  67,  54, 

37. 

P 

95,  67,  27. 

y 

81,  42,  16. 

r 

90,  66,  63, 

36. 

s 

73,  51,  26, 

10. 

t 

94,  41,  19, 

15. 

u 

75,  29,  25, 

14. 

V 

93,  65,  28, 

18. 

w 

89,  60. 

X 

80,  10. 

y 

99,  35,  20. 

z 

83,  34. 

«  Pour  écvh'G  d'après  cet  alphabet,  on  prend,  pour  représenter  une 
lettre,  fun  ou  l'autre  des  groupes  de  deux  chiffres,  en  variant  les 
combinaisons. 

«  Au  commencement  de  chaque  nouvelle  phrase,  on  place  un  chiffre 
arbitraire,  que  le  lecteur,  en  déchiffrant,  doit  hiffer. 

«  Ainsi  ye  viens  s'écrira,  avec  le  cliiffre  arbitraire  2  : 
287799391718473. 

«  Lin  chiffre  qu'il  faut  lu'e  comme  un  nombre,  doit  être  souligné. 


EMPLOI   DU   DICTIONNAIRE    DE   BENARD. 

17™«  édition. 
«  Pour  écrire  un  mot  d'après  ce  dictionnaire,  on  cherche  la  page 


ET    LE    JACOBINISME.  13^ 

OÙ  st'  trouve  ce  mol,  et  on  eu  iusci-il  le  clùlTre.  Puis  ou  compte, 
daus  la  colonne  où  le  mol  se  trouve,  (luel  est  sou  rauy  à  partir  du 
haut  fie  la  page,  et  ou  inscrit  encore  ce  chilTre  ;  si  le  mot  est  dans 
la  seconde  colonne,  on  fait  un  Irait  horizontal  au-dessus  de  ce 
claiffre. 

a  Exemple  :  je  veux  écrire  le  mol  ville.  Supposons  qu'il  soit  à  la 
page  412,  le  8^  mot  de  la  seconde  colonne,  j'écris  :  412,  8. 

«  Toutefois,  ces  chiffres  ne  suflisent  pas.  11  faut  encore  des  signes 
pour  indiquer  le  genre  et  le  nombre,  la  personne  et  le  temps  des 
verbes,  etc. 

«  Ces  signes  supplémentaires  ;  les  voici  : 

Masculin  et  indifférent    :  !'«    personne  ! 

Féminin  ;  2°»«    personne  ? 

Pluriel    —  3°"^   personne,  aucun  signe. 

Féminin  pluriel  ;  — 

«  Quand  les  signes  de  ponctuation  ont  leur  valeur  ordinaire,  on 
les  met  entre  parenthèses  (.j  (:)  (;)  (!)  ;?). 


Temps  des  verbes. 


Présent  1. 

Imparfait  2. 

Passé  délini  3. 

Passé  indéfini  4. 

Plus-que-parf.  5. 

Futur  6. 

Futur  nasse  1. 

Conditionnel  8. 


Conditionnel  passé  9. 

Impératif  10. 

Subjonctif  présent  H. 

Subjonctif  passé  12. 

Participe  présent  13. 

Participe  passé  14. 
Infinitif,  aucun  signe. 


«  On  peut  se  dispenser  d'écrire  les  pronoms  qui  précédent  le 
vei'be,  l'indication  de  la  personne  suffit. 

ï  Encore  deux  signes  : 

v  Pour  indiquer  l'inversion,  c'est-à-dire  le  vei^be  précédant  le  pro- 
nom qui  lui  sert  de  sujet,  comme,  voulez-vous,  on  ajoute  le  signe  ^ 

c  Pour  indiquer  la  négation  accompagnant  le  verbe,  comme,  je 
veux  pas,  on  emploie  le  signe  ^. 

«  Je  veux  écrire  la  phrase  :  les  amis  viendront  bientôt.  N'ayant 
pas  le  dictionnaire  de  Bénard  sous  la  main,  je  suis  obligé  de  prendre 
des  chiffres  arbitraires. 

Les,  petit  dictionnaire,  n°  60  (article). 

Amis,  dictionnaire  Bénard,   supposons  page  36,  l"'^  col,  mot  8. 

Venir,  dictionnaire  Bénard,  supposons  p.  450,  2™*  col.,  mot  23; 
gme  personne,  masculin  pluriel,  futur.  (Pour  un  verbe,  on  écrit 
d'abord  le  temps,  puis  la  page  et  le  numéro  de  la  colonne,  puis  la 
personne,  le  genre  et  le  nombre.) 


1  iO  L ' I N T E \\  N  A TI 0 N  A L E 

Bientôt,  petit  (liclionnairc,  11°  103. 
60..  —  30,8  —  G.  iDOr^  —  103.. 

On  peut  donc  : 

1°  Ou  bien  se  sei'vii-  du  dictionnaire  Bénard,  complété  par  le 
petit  dictionnaire,  n»  1  à  104; 

2°  Ou  bien  écrire  tous  les  mots  au  moyen  de  l'alphabet  chiffré; 

3°  Ou  Ijicn  écrire  en  style  ordinaire,  en  remplaçant  les  noms 
propres  par  M.  ou  M""^  ; 

4°  Ou  bien  combiner  dans  la  même  lettre  l'un  ou  l'autre  de  ces 
trois  systèmes  *. 


iN.n.  Robin  et  Perron  n'emploient  pas  le  vocabulaire  à  partir  de  105, 


AUTRE   PROJET   D  ALPHABET. 

Bureau  central  777. 

—  français     666. 

—  italien        555. 

—  espagnol  444. 

Signatures  du  bureau  central  =  par  exemple  : 
Additionner  le  chiffre   avec  l'année,  puis  le  numéro  d'ordi'e  du 
mois,  puis  le  quantième  formant  un  total. 
L'homme  insignifiant  pose  une  lettre  sans  rien  dire. 
Celui  qui  dit  :  J'ai  un  numéro,  etc.  »  qui  dit  le  chiffre  de  ce  nu- 
méro est  un  homme  de  confiance. 

Celui   qui    dit  :  «    Je  sais  comment  le    numéro  se  fait,  »  est  un 
intime. 

«  Le  chiffre  obtenu  par  le 
«  moyen  indiqué  de  l'autre  côté 
«  étant  ilécomposé,  on  prend  l'une 
«  des  deux  lettres  qui  sjnt  en 
a  regai'd  de  chaque  chiffre. 

«  J'use  des  voyelles,  comme  je 
((  l'entends.  » 

820  Palix. 

821  Entrepreneurs 

822  Lemonnier. 

823  Cartier. 


1  Ce   projet    d'alphabet  a  éié    imaginé  par  Albert  Richard  :  nous    en    possédons 
l'original. 


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ET     LE     JACOBINISME. 

AUTRE  ALPHABET  ''. 


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a  99  44 

al  98  43 

au  95  40 

ay  94  89 


1)  93  38 
c  92  37 
d  91  36 


c  90  35 

ca  89  34 

ci  88  33 

eo  81  82 

eu  86  31 

ay  85  30 


f  84  29 
g  83  28 
h  82  27 


i  ^^l  -:() 

io  80  25 

ie  79  24 

io  78  23 

ia  77  22 


j  76  21 

k  75  20 

1  74  19 

m  73  18 

n  72  17 


ai 

97  42 

ao 

96  41 

0 

70  15 

oa 

69  14 

oe 

68  13 

oi 

67  12 

ou 

66  11 

oy 

65  10 

p 

Gi 

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60 

u 

59 

ua 

58 

,  ue 

57 

ui 

56 

uo 

55 

uy 

54 

V 

53 

110  71  16 


w  52 
X  51 


y  50 

ya  49 

ye  48 

yo  47 

yu  46 


1  Cet  alphabet  a  été  arrangé  par  Michel  Bakounine  qui  depuis  longtemps  est  passe 
maître  en  pareille  matière.  On  mot  au  commencement  de  chaque  nouvelle  phrase 
chiffrée  un  chiffre  unique  arbitraire  que  le  lecteur  efface  avant  de  lire.  Puis  on 
arrange  les  nombres  comme  on  veut,  en  ayant  soin  de  ne  point  embrouiller  leur 
suite.  _  chaque  lettre  étant  représentée  par  deux  chiffres. 

Lorsqu'on  veut  écrire  un  nombre  réel,  on  met  d'abord  :  (N»)  71  ou  16,  c'est-à-dire 
l'un  de  ces  chiffres  représentant  N»,  puis  on  écrit  le  nombre  en  faisant  suivre  le 
dernier  chiffre  du  nombre  par  un  tiret  —  après  quoi  ces  chiffres  recommencent  à 
représenter  des  lettres. 


L'INTERNATIONALE 


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X 

ET     LE    JACOBINISME, 


143 


AUTRE     ALPHABET. 


111  Fi'ance, 

M. 

Adalbcrl. 

152 

Genève, 

M"!»  Amél  e. 

U2  Nantes, 

M. 

Ilerward. 

153 

Les  Monta- 

113 Bordeaux, 

M"""  Herward. 

gnes, 

114  Toulouse, 

M. 

Delanglc. 

154 

lîàlc. 

AI .    de    Lendry. 

115  Nîmes, 

Mme      _ 

155 

Belgique, 

^kl»'  de  Lendry. 

116  Montpellier, 

M. 

Thouvoncl. 

156 

Bruxelles, 

in  Marseille, 

M">e  Rigaud. 

157 

Angleterre, 

118  Lyon, 

M. 

de  Romeuf. 

158 

Londres, 

M.  de  Forcade. 

119  St-Etienue, 

M-^e  Berlioz. 

159 

Allemagne 

120  Tours, 

M. 

de    Parieu. 

du  Sud, 

M""*  Justin. 

121  Paris, 

M°>«    — 

100 

r.onfédéra- 

122  Rouen, 

M. 

Babinet. 

tion  du  N., 

M. de  Brenneville 

123  Lille, 

M"'*  Babinet. 

IGl 

Berlin, 

Mme  jg  Brenne- 

124 

ville. 

125 

162 

Autriche, 

M"»«   Bentinch. 

126 

163 

Vienne, 

M.  Bentinch. 

127 

164 

ilussie. 

Mrae  Vuitry. 

128 

165  Pétersbourg 

,  M.  Vuitry. 

129 

166  Moscou, 

M.  Duruy. 

130 

167 

Pays     du 

131  Italie. 

M. 

de  la  Motte. 

Volga, 

Mme  ijuruy. 

132  Naples. 

Mme      _ 

168 

Petite  Russie, 

133  Rome. 

169 

Pologne, 

M.  Veillot. 

134  Sicile. 

170 

Varsovie, 

135  Calabre. 

171 

Espagne, 

M.  Roux. 

136  Bologne. 

17-2 

Madrid, 

M««  Roux. 

137  Romagne. 

173 

Barcelone, 

M.  Hébert. 

138  Florence. 

174  Sarragosse, 

139  Turin. 

175  Cadix, 

140  Milan. 

176  Andalousie, 

M"'«  Hébert. 

141  Gènes. 

177 

Algérie, 

142  Parme. 

178 

Turquie, 

143 

179 

Constantino- 

144 

ple. 

145 

180 

Grèce. 

146 

18i 

Etats-Unis, 

i47 

182 

New- York. 

148 

183  Richard. 

Alphonse    Guil- 

14'J 

lois 

150  Odessa, 

M. 

de  la  1-^aille. 

18  i 

Malon, 

Julie. 

151  Suisse, 

M. 

André. 

185 

Beauv, 

Eugénie. 

144 

L'INTERN 

ATI 

ONALE 

186  Basielica, 

Eugène. 

230  fnite, 

maladie. 

187  Aubvy, 

Pauline. 

231 

délivrance. 

mort. 

188  De  Paepe, 

Alexandre. 

232 

coup  d'état, 

aventure. 

189  Steens, 

André. 

233 

état  de  siège 

,  persistance. 

190  Delcsallc, 

Gabi'icl. 

234 

troupes, 

^l.  York. 

191  Hins, 

Antoine. 

235 

massacre, 

fête. 

192  Eccarius, 

lloirictte. 

236 

surprise, 

agrément. 

193  Dupont, 

Marguerite. 

237 

conspiration 

,  relâchement. 

194  Yvuy, 

Sophie. 

238 

organisation 

,  conversation. 

195  Bakcman, 

LéopoldBôschu. 

239 

préparation, 

échange. 

196  Perron, 

Laure. 

240 

agitation, 

protection. 

19"  Heng, 

Gyprien. 

241 

insurrection 

négligence. 

198  Duval, 

Anna. 

242 

révolution, 

négociant. 

199  Guillaume, 

Anselme. 

243 

propagande. 

négociation. 

200  Fritz  Robert 

,  Lise. 

244 

brochure. 

débit. 

201  Morokowsk 

,  Renaud. 

245 

manifeste. 

débiteur. 

202  Fanelli, 

Baptiste. 

246 

proclamatioE 

, crédit. 

203  Gambuzzi, 

Fabien, 

247 

groupe, 

créditeur. 

204  Friscia, 

Xavier. 

248 

correspon- 

205 Garibakli, 

Adolphe. 

dance. 

empêchement. 

206  Mazzini, 

Valentin. 

249  affiliation, 

épuisement. 

201  Blanqui, 

Yilhelm. 

250 

poste, 

M.  A. 

208  Jaclard, 

Louise. 

251 

lettre. 

vin. 

200  Reclus  Elise 

3  Paul. 

252 

dépèche, 

tabac. 

210  Rey, 

Laurent. 

253 

courrier. 

l'ami  de  M.  A. 

211  Empereur, 

Adèle. 

254 

envoyé, 

l'ami   de  M.    B. 

212  Plon-plon, 

Valentine. 

255 

pleins  pou- 

213 Rouhcr, 

Pulchérie. 

voirs. 

autorisation. 

214  Ledru-Holliii 

Mathilde. 

256 

chemin     de 

215  Louis  Plane, 

Urbain. 

fer, 

entremise        de 

216  Félix  Pyat, 

Madelaine. 

M.  A. 

217  Les  d'Orléans  Nathalie. 

257 

télégraphe. 

—    de  M.  B. 

218  le  pape, 

M.  de  P.uch. 

258 

moyens  ma- 

219 police, 

agent. 

tériels, 

soieries. 

220  armée, 

coaimerce. 

259 

pillage, 

ouvrage. 

221  préfet. 

commis. 

260  incendie. 

commandes. 

222  espion, 

ami. 

261 

Association 

22S  dénonciation,  achat.                    j 

internatio- 

224 poursuite, 

spéculation. 

nale. 

M.  B. 

225  perquisition. 

vente. 

262 

conseil   gé- 

226 arrestation, 

l'arrangement. 

néral, 

M.  G. 

227  prison. 

hôtel. 

263 

comité     fé- 

228 condamna- 

déral. 

M.  D. 

tion, 

cadeau. 

264 

comité  local, 

compagnie. 

229  mort. 

promenade. 

265  section. 

bureau. 

• 

ET     LE    JACOBINISME. 

266  membre, 

domestique. 

300  douane,           tant 

267  alliance, 

M.  E. 

301  je,  moi,  me. 

268  section    pu- 

302 tu,  toi,  te. 

blique, 

maison  do  M.  E. 

303  il,  se,  soi. 

269  bureau  cen- 

304 mon. 

tral, 

M.  I)D. 

305  ton. 

TIO  bureau   na- 

306 son. 

tional. 

notre    clientèle. 

307  recommandation. 

2T1  bureau  pro- 

308 prudence. 

vincial, 

nos  acheteurs. 

309  homme. 

272  groupe    se- 

310 ce,  cela,  il. 

cret  de  l'Al- 

311  bon. 

linnco, 

succursale. 

312  mauvais. 

273  membre  pu- 

313 utile. 

blic    de 

314  dangereux. 

l'Alliance, 

professeur. 

315  impossible. 

274  membre  de 

316  de  suite. 

l'allianco 

[fiance. 

317  plus  tôt. 

secrète, 

homme  de  con- 

318  plus  tard. 

275  fraternité, 

M.  E. 

319  bientôt. 

277  frère, 

fils  de  M.  E. 

320  avant. 

278  avoir. 

321  pendant. 

279  avoir  besoin 

322  après. 

280  être. 

323  de. 

281  rester,    dc- 

324  a. 

meue 

325  par. 

282  aller,  partir. 

?)26  pour. 

283  venir,  arrivei 

327  en. 

284  retourner,  ren- 

328 demander. 

trer,  revenir. 

329  si. 

285  passer. 

330  annoncer. 

286  faire.        i 

331  apprendre. 

287  attendre. 

332  que. 

288  envoyer. 

333  éclater. 

289  recevoir. 

334  qui. 

290  se  passer. 

335  tout. 

291  falloir. 

336  loin. 

292  argent, 

échantillons. 

337  près. 

293  armes, 

soie. 

338  et. 

294  munitions, 

montres. 

339  ou. 

295  chimie. 

dentelle. 

340  où. 

296  adresse, 

nouvelles. 

341  ici. 

297  passeport. 

portefeuille. 

342  là-bas. 

298  frontière, 

neveu. 

343  on. 

299  contrebande 

,  nièce. 

344  oui. 

1» 


10 


■140 

345  non,  ï\e. 
3-16  pas. 

347  alors. 

348  lorsque. 

349  parce  que. 

350  c'est,  il  est. 

351  sans  doute. 

352  peut-être. 

353  tant  que. 
854  tant. 

355  autant  que,  de. 

356  servir. 

357  suivre. 

358  deviner. 

359  supposer. 

360  savoir. 

361  vouloir. 
36-2  pouvoir. 

363  devoir. 

364  conseiller. 

365  ordonner. 

366  obéir. 

367  informer. 

368  apprendre. 

369  attaquer. 

370  désirer. 

371  défendi'e. 

372  tuer. 

373  nouvelle. 

374  des. 

375  avertir. 

376  dire. 

377  faire  dire. 

378  écrire. 

379  vite. 

380  plus. 

381  moins. 

382  assez. 

383  trop. 

384  tard. 

385  tôt. 

386  accident. 

387  circonstance. 

388  condition. 

389  moyen. 


Iv  INTERNATIONA  LE 


390  ami. 
3i)i  allié. 

392  aide. 

393  secours, 

394  obstacle. 

395  difticultc. 
390  facilité. 

397  diflicile. 

398  facile. 

399  avec. 

400  sans. 

401  sous. 

402  au-dessus. 

403  sur,  sûr. 

404  devant. 

405  en  sorte  que. 

406  car. 

407  ahsolumont. 

408  rencontre. 

409  malheur. 

410  bonheur. 

411  succès. 

412  faillite. 

413  événements. 

414  approcher. 

415  éloigner. 

416  rapprocher. 

417  trouver. 

418  arx'êter. 

419  continuer. 

420  ajouter. 

421  joindre. 

422  fort,  paissant. 

423  faible. 

424  solide. 

425  interruption. 

426  communication. 

427  machination,  intrigue. 

428  intrigant. 

429  mensonge. 

430  occasion. 

431  voyageur. 

432  justice. 

433  tribunal. 

34  tribunal  militaire. 


i 


ET    LE    JACOBINISME. 

135  condamnation. 

479  chercher. 

i36  exécution. 

480  loUre  d'échange. 

137  transportation. 

481  billot  de  bancpie 

'i38  exil,  exile. 

482  emprunter. 

439  émigration,  émigré. 

483  donner. 

440  prier,   enjoindre,  recomman- 

484 rendre. 

der. 

485  reprendre. 

441  prévenir. 

48G  prendre. 

442  à  temps,  temps. 

487  gagner. 

443  longiemps. 

488  courage. 

444  effet. 

489  peur. 

445  cause. 

490  lâcheté,  lâche. 

446  entraîner. 

491  confiance. 

447  persuader. 

492  déliance. 

448  enfin. 

493  manière. 

449  pas  encore. 

494  voie. 

450  presque. 

495  instrument. 

451  tout  à  fait. 

496  lent. 

452  être  prêt. 

497  obstacle. 

453  l)ruit. 

498  attendre. 

454  faux. 

499  époque. 

455  juste. 

500  grave. 

456  voici. 

501  très. 

457  bien,  très-bien. 

502  entre. 

158  mal,  très-mal. 

503  depuis. 

459  heureux. 

505  jusque. 

460  comme,  puisque. 

506  environ. 

461  peu. 

507  auteur. 

462  beaucoup. 

508  arrêter. 

463  beaucoup  trop. 

509  tout. 

464  trop  peu. 

510  rien. 

465  suffisant. 

511  peuple. 

466  insuffisant. 

512  paysan. 

467  suffire. 

513  ouvriers. 

468  encore. 

514  chiffonnier. 

469  pas  encore. 

515  tourbe  populaire. 

470  déjà. 

516  voleur. 

471  alors. 

517  brigand. 

472  regarder. 

518  fonctionnaire. 

473  entendre,  écouter. 

5i9  civil. 

474  répandre. 

520  militaire. 

475  tâcher. 

521  étudiant. 

476  parvenir. 

522  petit  bourgeois. 

477  trouver. 

523  bourgeois. 

47S  perdre. 

524  riche  bourgeois. 

147 


148  ^ 

525  patron. 

526  fabricant. 

527  marchand,  négociant 

528  petit. 

529  grand. 

530  moyen. 

531  milieu. 

532  commencement 

533  fin. 

534  noblesse. 

535  curé. 

536  jésuite. 
531  tromperie. 

538  dupe. 

539  monde  officiel. 

540  administration 

541  bas. 

542  haut. 

543  élever. 

544  abaisser. 

545  relâcher. 

546  accélérer. 

547  précipiter. 

548  manier. 

549  savoir. 

550  élémeait. 

551  différent. 

552  pareil. 

553  ressemblant. 

554  distrait. 

555  jour. 

556  sou. 

557  semaine. 

558  nuit. 

559  mois. 

560  an. 

561  certitude. 

562  doute. 

563  probabilité. 

564  il  y  a. 

565  insignifiant. 

566  devant. 

567  derrière. 

568  accord. 

569  désaccord. 


INTERNA|TIONALE 

570  brouille. 

571  crise. 

572  habile. 

573  stupide. 

574  intelligent. 

575  nombre. 

576  nomljreux. 

577  donc. 

578  éviter. 

579  menacer. 

580  adversaire. 

581  combattre. 

582  victoire. 

583  défaite. 

584  garder. 

585  prémunir. 

586  réunir. 

587  séparer. 

588  concentrer. 

589  répartir. 

590  par-dessus,  au  delà. 

591  en  deçà. 

592  dans. 

593  chez. 

594  cher. 

595  quand. 

596  combien. 

597  comment. 

598  quel. 

599  présent. 

600  absent. 

601  coupable. 

602  innocent. 

603  responsable. 

604  vite. 

605  répondre^ 

606  participer. 

607  s'abstenir. 

608  retenir. 

609  pousser. 

610  engager. 

611  combat. 

612  joindre,  unir. 

613  réunion,  assemblée. 

614  quoi,  que. 


J 


615  ajouter, 
fi  10  augmenter. 

617  diminuer. 

618  remplir. 

619  commission. 

620  remettre, 

621  renoncer. 

622  réaliser. 

623  somme. 
62i  chose. 

625  projet. 

626  incertitude. 
621  confusion. 

628  désorganisation. 

629  panique. 

630  peur. 

631  châtier. 

632  union. 

633  au  moins. 

634  à  moins  que. 

635  d'autant  plus. 

636  décider. 
631  convenir. 

638  c'est  entendu. 

639  quoique. 
6'tO  pourtant. 

641  autant,  tant. 

642  selon. 

643  essayer. 

644  crier. 

645  haut. 

646  bas. 

647  se  plaindre. 

648  protester. 

649  envahir. 

650  fuir. 

651  résister. 

652  renverser. 

653  détruire. 

654  établir. 

655  rétablir. 

656  ordre. 

657  désordre. 

658  passion. 

659  anarchie. 


ET     LE    JACOBINISME. 

600  anarchique. 

001  consolider. 

002  calme. 

003  discipline. 
064  complet. 
605  modérer. 
660  penser. 

007  parole. 

008  action. 
609  entreprise. 

070  réussir. 

071  visiter. 

072  ensuile. 

073  tandis  que. 

074  tout  au  plus. 

075  exécuter. 

076  sauver. 

077  parmi. 

078  risquer. 

079  semer, 

080  esprit. 

081  tempérament, 
682  caractère. 

083  honnête. 

084  noble. 
685  vil. 
086  incertitude. 

687  paresse. 

688  activité. 

689  énergie. 

090  pratique. 

091  théorie. 

092  connaître. 

693  négligence. 

694  exactitude. 
095  oubli. 

690  dévoué. 

097  bon. 

098  méchant. 

699  brouiller, 

700  réconcilier. 

701  fidélité. 

702  persévérance. 

703  conséquence, 

704  sagesse. 


149 


150 


L'INTERNATIONALE 


705  scicnco. 

706  intelligence. 

707  perfidie. 

708  trahison. 

709  dénonciation. 

710  continuer. 
7H  cesser. 

712  mais. 

713  emporter, 

714  apporter. 

715  amener. 

716  terme. 

717  fixer. 

718  nommer. 

719  montrer. 

720  dénigrer. 

721  apercevoir. 

722  regarder. 

723  observer, 

724  parti. 

725  impérialiste. 

726  jésuite. 

727  orléaniste. 

728  radicaux. 

729  libéraux. 

730  blanquistes. 

731  proudhoniens. 

732  communistes, 

733  révolutionnaires,   anarchistes 

socialistes, 

734  gouvernement. 

735  police. 

736  banque. 

737  bourse. 

738  morale  bourgeoise. 

739  caresses. 

740  les  bons. 

741  les  demi-bons. 

742  dimanche. 

743  lundi. 

744  mardi. 

745  mercredi. 

746  jeudi. 

747  vendredi. 

748  samedi. 


749  janvier. 

750  l'évricr. 

751  mars. 

752  avril. 

753  mai. 
751  juin. 

755  juillet. 

756  août. 

757  septembre. 

758  octobre. 

759  novembre. 
700  décembre. 

761  n'est-ce  pas. 

762  ainsi. 

763  aussi. 

764  maintenant. 

765  avant. 

766  après. 

767  pendant. 

768  situation. 

769  malade. 

770  année. 

Un  trait  ajouté  change  les  ver- 
bes en  substantifs  et  vice  versa. 

Un  trait  met  les  pronoms  au 
pluriel. 

771  ralentir. 

772  accélérer. 

773  précipiter. 

774  élément. 

775  différent. 

776  identique. 

777  répartir. 

778  force. 

779  entourer. 

780  devant. 

781  derrière. 

782  à  côté. 

783  vérifier. 

784  certifier. 

785  doute. 

786  probable. 

787  impossible. 

788  patience. 

789  impatient. 


ET    Lie   JACOniNIï^MI':. 


101 


TJO  danger. 
791  ennemi. 
Wl  sigiiitiunl. 

793  possible. 

794  du  tout. 

795  marcher. 

796  en  avant. 

797  en  arrière. 

798  hier. 

799  aujourd'liui. 

800  demain. 

801  avant-hier. 

802  après-demain 

803  art  financier. 

804  ,^rand. 


805  petit. 

806  vérité. 

807  semblable. 

808  contredire. 
80'J  opposer. 

810  consentir. 

811  adopter. 

812  repousser. 
81  âriposter. 
811  refuser. 

815  observer. 

816  violer. 

817  promettre. 

818  tenir. 

819  rompre  '. 

A  côté  de  ces  dictionnaires  el  alphabets,  il  est  d'autres  docu- 
ments de  la  même  nature  dont  l'importance  ne  saurait  nous 
échapper.  Nous  devons  tout  d'abord  rappeler  que,  lors  des  der- 
nières poursuites  dirigées  contre  l'Internationale,  deux  lettres 
chiffrées  furent  saisies  au  domicile  du  citoyen  Pindy  :  elles  lui 
avaient  été  adressées  par  le  secrétaire  correspondant  de  la  sec- 
tion de  Brest,  Le  Doré.  Elles  ne  purent  être  déchiffrées,  Piudy 
et  Le  Doré  ayant  refusé  d'en  donner  la  clef-.  On  pourra  se  rendre 
compte  par  l'examen  de  ces  deux  pièces  que  les  chiffres  n'ont 
pas  été  combinés  d'après  l'une  des  méthodes  que  nous  avons 
reproduites. 

Première  lettre. 

Louis  Pindy,   rue  du  Faubourg- du-Temple,  17, 

à  Paris  (Seine). 

a  Brest,  vendredi  11  mars  1870,  9  heures  du  matin. 
12133212  1122  111332  112  2222111322122 
uesneiinlvnimuaeivlsnivenl   r  li   nlpni 
12  2  12  3  3  13  13   1    1    13  1113  113  2  2  12  2  2  11 
Y  n    i  j    e  c    i   r    i  g    in    1    n   c  n  p   1  i   r  n  1  v  n  v  u  e  i  j  s 

M  Ton  ami, 

.  LE  DORÉ.  » 

»  Ce  système  resté  inachevé  a  été  établi  par  Richard  de  concert  avec  Bakounine- 
nous  possédons  les  originaux  de  ce  travail. 

^  A  l'audience,  Pindy  répondait  :  Ces 'chiffres  sont  notre  propriété,  je  n'en  donnerai 
jamais  la  clef;  ils  nous  permettent  d'exprimer  nos  pensées.  Ledoré,  à  Brest,  tenait  le 
même  langage. 


1!)£  L'INTERNATIONALE 

Deuxième  lettre.  —  A  Louis  Pindy  (Paris). 

«r  Brest,  7  avril  1870. 

131122113311112132212  12111 

ai  Iveve  lensnslv  Incin  ipccnl 

11113211332  12121311311 

vulvei  inee  in  Invenlennp 

«  8  heures  du  soir. 
«  Tous  les  amis  sont  content  de  toi. 
«  Ton  ami, 
«  CoNST.\NT  LE  DORÉ,  j) 

Puisque  nous  sommes  sur  le  chapitre  des  correspondances 
chiffrées,  il  n'est  pas  sans  intérêt  de  reproduire  le  petit  alpha- 
bet que  le  Russe  Bakounine,  l'un  des  héros  de  l'échauffourée 
lyonnaise  du  28  septembre,  adressait  à  ses  frères  et  amis  de 
Lyon,  dans  les  premiers  jours  d'octobre.  L'envoi  de  cet  alpha- 
bet était  accompagné  d'une  lettre  de  nature  à  nous  édifier  sur 
les  tendances  éminemment  révolutionnaires  de  l'Internationale. 
Nous  aurons  plus  tard  l'occasion,  en  parlant  des  mouvements 
insurrectionnels  de  Lyon,  de  revenir  sur  le  plan  de  campagne 
indiqué  par  cette  lettre  ;  mais  en  attendant  nous  devons  la  pla- 
cer sous  les  yeux  de  nos  lecteurs,  afm  qu'ils  puissent  juger  de 
l'importance  que  pouvait  avoir  à  cette  époque  le  dictionnaire 
Bakounine. 

A  Palix  et  à  Blanc. 
(Lettre  à  brûler  —  dictionnaire  à  bien  cacher). 

<  Chers  amis, 

«  Marseille  ne  se  soulèvera  que  lorsque  Lyon  se  sera  soulevé 
ou  bien  lorsque  les  Prussiens  seront  à  deux  jours  de  distance 
de  Marseille.  Donc  encore  une  fois  le  salut  de  la  France  dépend 
de  Lyon.  Il  vous  reste  trois  ou  quatre  jours  pour  faire  une  révo- 
lution qui  peut  tout  sauver.  Pour  la  révolution  de  la  vengeance  et 
du  désespoir,  il  sera  toujours  temps  jusqu'à  ce  que  les  Prus- 


HT    LK    ,1  A  coin  NI  fi  M  K.  ■    ir..'5 

siens  entrent  à  l^yon.  Si  vous  croyez  pouvoir  faire  la  révolution 
salutaire,  et  si  vous  croyez  que  ma  présence  peut  être  utile,  té- 
légraphiez à  Louis  Combe  *  ces  mots.  Afous  attendons  Élionno.  Je 
partirai  aussitôt  en  vous  avertissant  par  télégramme  à  l'adresse 
de  Palix  2  par  ces  mots  :  Etienne  sera  chez  madame  Roche- 
brune  tel  Jour,  telle  heure.  Maurice.  Madame  Blanc  se  trouvera 
à  l'heure  indiquée  avec  une  voiture  à  la  dernière  station  avant 
Lyon  désignée  par  le  nom  de  madame  Rochebrune  (dans  notre 
dictionnaire),  à  cette  môme  station  oii  elle  voulait  me  conduire. 
—  Je  me  mettrai  en  voiture  avec  elle,  et  elle  me  conduira  tout 
droit  au  logement  que  vous  m'aurez  secrètement  et  prudemment 
préparé.  Ce  logement,  qui  ne  doit  pas  être  aux  Brotteaux  ^  oii 
l'on  connaît  trop  ma  figure,  ne  devra  être  connu  d'abord  que  de 
Palix,  Blanc  et  madame  Blanc,  aussi  bien  que  mon  arrivée  parmi 
vous.  Nous  verrons  après  quels  seront  les  amis  qu'il  sera  utile 
de  conduire  chez  moi.  Tout  ceci  seulement  dans  le  cas  d'une 
révolution  salutaire. 

«  Quant  à  la  révolution  de  vengeance  et  de  désespoir,  elle 
doit  être  également  utilisée  en  vue  de  la  formation  d'un  grand 
fonds  révolutionnaire.  Si  vous  croyez  que  ma  présence  peut  être 
utile  encore  dans  ce  cas,  je  viendrai  également  et  de  la  même 
manière.  Cette  dernière  révolution  demande  encore  plus  d'orga- 
nisation que  la  première.  Il  ne  faut  pas  beaucoup  d'hommes  poiu* 
elle,  mais  des  hommes  réellement  énergiques  et  sûrs  et  bien 
dévoués  à  la  cause.  Valence  '*  vous  dira  le  reste.  —  Mon  cher 
Blanc,  je  te  recommande  deux  choses  :  d'abord  de  venir  t'ins- 
pire/* toujours  chez  Palix  et  ensuite  de  me  tenir  chaque  jour  au 
courant  de  ce  qui  se  passe  chez  vous  avec  tous  les  détails  pos- 
sibles, ce  qui  te  sera  facile  avec  le  dictionnaire  que  je  t'envoie 
et  que  tu  dois  garder  et  bien  cacher  chez  Palix. 

«  Votre  dévoué, 
«  M.  B.   »  (Michel  BAKOUNINE.) 


1  Louis  Combe,  secrélaire    de  la   chambre  fédérale   de   .Marseille. 

-  Palix,  membre  influent  de  la  section  lyonnaise. 

^  Quartier  de  Lyon,  habité  par  liakounine,  à  l'époque  où  il  préparait  l'émeute 
du  28  septembre. 

*  Valence  liuukietzvitz.  Polonais,  ami  de  Bakouninc  ;  c'est  à  lui  ([u'élaient 
adressés  la  lettre  et  le  dictionnaire. 


1Ô4 

(2) 
(3) 
(4) 
(5) 
(6) 
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(8) 
(9) 
(10) 
(H) 
(12) 
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(36) 
(37) 
(38) 


L'INTERNATIONALE 


*  Basielica  ^  Ange. 

*  Combe  —  Mauiùce. 

*  Michel  —  i£lieiino. 

*  Jean  —  Robert. 

*  Valence  —  Rodrigue. 

*  Palix  —  Louis. 

*  Blanc  —  Laurent. 

*  P lacet  —  Lucien. 

*  Fuvre  —  Antoine. 

*  Camée  —  Gamin. 

*  Bisclioff —  Just. 

*  Paraton  —  Pierre. 

*  Beauvoir  —  Paul. 

*  Père  Blanc  —  Père. 

*  Schottel  —  Fort. 

*  Richard  —  Démosthènes. 

*  Dupin  —  André. 

*  Ber tranche  —  Jules. 

*  Saignes  —  Eugène. 

*  Doubli  —  Gérard. 

*  Olivier  —  Jérôme. 

*  Colon  — Joseph. 
Amis  —  les  utiles. 

Municipalité  —  Colonie. 

Préfet  —  Marie. 

Avocat  général    —  Louise. 

Andrieiix    —  Pauline. 
Général     commandant     — 
Rose. 

Boucha  ,  commandant  la 
garde  nationale  —  Clau- 
dine. 

Baudy  —  Marianne. 

Hênon  —  Julie. 

Férouillat  —  Catherine, 

Brialou  —  Eulalie. 

*  Cluseret  —  Putain. 

*  Louis-Martin  —  Ferme. 
Soldats  —  Comédiens. 
Gardes  mobiles  —  Acteurs. 
Gardes  nationaux  —  Artistes. 


(39)  Compagnies  bourgeoises  — 
Mannequins. 

(iO)  Compagnies  bonnes  — Con- 
sorls. 

(il)  Compagnie  Luizcrne  —  Frè- 
res. 

(42)  Corps-francs  — Sœurs  (bon- 

nes oa  mauvaises). 

(43)  Croix    Rousse   —  Amis   de 

Pierre. 
(4i)  Brotteaux  —  Amisde  Lucien, 

(45)  Guillolièro  —  Amis  d'Eugène. 

(46)  Les-  troupes  —  Les  drôles. 

(47)  Artillerie  —  La  mariée. 

(48)  Ofticier  -  Employé. 

(49)  Etat-major — Les  prétentieux. 

(50)  Chef  de    compagnie  —  Sal- 

timbanque. 

(51)  Les   internationaux    —  Les 

compagnons. 

(52)  L'Internationale  —  La  com- 

pagnie. 

(53)  Lyon  —  Madame  Séraphine. 

(54)  Marseille  —  Madame  Agrip- 

pine. 

(55)  Besançon  — M.  Félix. 

(56)  Saint-Étienne  —  M.  Grégoire. 

(57)  Creuset  —  M.  Adhémar, 

(58)  Vienne  —  Madame  Rolland. 

(59)  Valence  —  Madame  Chavor- 

nay. 

(60)  Tarascon  — M.  Tardot. 

(61)  Arles  —  ^ladame  Boquet. 

(62)  Toulon  —  M.  la  Féré. 

(63)  Genève  —  M.  Boudy 

(64)  Neuchâtel  —  Madame  Boudy. 

(65)  Paris  —  M.  Roux. 

(66)  Tours  —  Madame  Roux. 

(67)  Gouvernement  provisoire  — 

M.  Clément. 

(68)  Ci'ômieuxa.  Tours — Clémence 


>  Les  noms  précédés  d'un  astérique  sont  ceux  de  membres  iiuporlants  de 
l'Internationale  à  Lyon  ou  à  Marseille;  les  noms  écrits  en  italique  désignent 
des  fonctionnaires  administratifs  ou  judiciaires* 


i;t  i.h  jagouinismk 


i5r 


(69)  Esquiros  —  Li'    marié. 

(70)  *  Charvct  —  Ernest. 

(71)  *  Gaillj  —    rançois. 

(72)  *  Le  petit  noir  de  Luizcrne  K 

—  Arthur 

(73)  *  Martin,  ami  de  Palix  —  Be- 

noît. 

(74)  Commerce  —  Soins. 

(75)  Révolution  —  Vente. 

(76)  Hôlel-de-Ville  —  Baraque. 

(77)  Pillage  —  Emprunt. 

(78)  Assassinat  —  Traitement. 

(79)  Incendie  —  Maladie. 

(80)  Tuer  —  Guérir. 

(81)  Arrêter  —  Loger. 

(82)  Organiser  —  Paralyser. 

(83)  Conspiration  —  Les  affaires. 

(84)  Conspirer — Arranger  les  af- 

faires. 


(85) 


(8G) 
(87) 
(88) 

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(90) 


(91) 
(92) 

(9-i) 
(95) 
(96) 
(97) 


Mfiroiiaiids  lU-  vin  —  Los  iia- 
biles. 

Les  révolutionnaices  —  Les 

glorieux. 
Les   Prussiens  —  Les    en- 
nuyeux. 

Les  forts  —  Les   fonds. 

Prendre  —  Acheter. 
Dépêche   —    Le   papier  en 
question. 

Armes  —  Tabac. 

Munitions  —  Café. 

Dernière  station  avant  Lyon. 
—  Madame  Rochebrune 

Lettre  — Marchandise. 

Courrier  —  Commis. 

Ami  —  Acheteur. 

Replier  —  Envoyer  un  aver- 
tissement. 


Ajoutons  qu'au  mois  d'avril  1870,  l'un  des  délégués  de  la 
commune  de  Paris  à  Lyon,  Albert  Leblanc,  membre  de  l'Inter- 
nationale (section  du  Panthéon),  envoyait  à  son  ami  Caulet  de 
Tayac,  l'un  de  ses  compagnons  de  captivité,  un  nouveau  sys- 
tème d'alphabet  que  nous  croyons  devoir  reproduire  à  titre  de 
document,  avec  la  lettre  explicative  qui  l'accompagne. 

«  La  méthode  proposée  par  D  ^  pour  correspondre  sans  dan- 
ger est  mauvaise,  il  suffirait  d'un  ({uart  d'heure  et  d'une  ving- 
taine do  mots  pour  pouvoir  lire  constamment  sans  avoir  la  clef. 
Pour  t'en  convaincre,  inventes-enune,  écris  au  moins  six  ou  huit 
lignes  avec  ton  écriture  et  conserve  ton  secret,  je  t'enverrai 
quand  même  la  traduction.  Voilà  la  seule  bonne  méthode.  Soit 
une  phrase  connue  de  nous  trois,  par  exemple,  Association  in- 
ternationale des  travailleurs,  et  soit  cette  phrase  à  m'envoyor  : 


*  La  rue  Luizerne  est  la  rue  où  elait  situé  au  mois  de  septembre  l'hôtel  de 
police  ;  lo  citoyen  désigné  sous  le  nom  d'Arthur  faisait  partie  à  cette  époque  du 
comité  de  sûreté   générale  :  plus  tard  il  a  été  employé  dans  un  office  de  paix- 

- 11  s'agit  do  Charles  Dumont,  ancien  ouvrier  typographe  de  la  maison  Dupont, 
autre  délégué  de  la  Commune  de  Paris  à  Lyon,  le  même  qui,  dans  une  réunion 
tenue  le  5  avril  1870  au  cercle  de  la  rue  Grolée,  d''clarait  qu'il  f  allô  il  ren- 
verser l'Assemblée  nationale  et  mettre  à  la  place  la  guillotine  pour  tous 
les  réactionnaires. 


156  L'INTERNATIONALE 

Méfic-toi  des  intermédiaires.  On  prend  les  lettres  et  la  phrase 
type  les  unes  après  les  autres,  et  on  compte  combien  il  y  a  de 
lettres  après  jusqu'à  la  lettre  que  l'on  considère,  à  partir  de  A 
jusqu'à  M  —  12,  —  à^partir  de  S  jusqu'à  E  —  11  —  de  S  jus- 
qu'à F,  —  12  —  etc.,  et  j'ai  le  mot  inrfie,  12,  11,  19,  12,  2.  Ce 
chiffre  est  impossible  à  découvrir  sans  connaître  la  phrase  pri- 
mitive :  pour  aller  vite,  on  peut  faire  un  tableau.  IL'avantage 
est  de  toujours  pouvoir  retrouver  la  clef.  Si  on  n'a  pas  fait  de 
tableau,  on  en  est  quitte  pour  faire  la  même  opération  que  celui 
qui  a  fait  la  dépêche.  » 

13  u  g  g  a 

14  0  h  h  (1 

15  p  i  i  c 

16  q  j  j  b 
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ET   LK   JACOBINISME.  V,l 


CHAPITRE  V 


LES  GREVES.  —  GHKVE  DES  TUILIERS,  PLATRIERS,  PEINTRES  ET  OU- 
VRIERS EN  BATIMENT  DE  GENEVE.  ATTITUDE  DE  L'iNTERNATIONALE. 
LE  CITOYEN  GROSSELIN  ET  l'aSSEMBLÉE  POPULAIRE  DU  7  JUIN.  TROU- 
BLES DE  VERVIERS.  PROTESTATION  DE  LA  SECTION  VERVIÉTOISE. 

Nous  allons  maintenant  reprendre  notre  récit  des  faits  et  ges- 
tes de  l'Internationale  :  nous  avons  signalé  son  attitude  pendant 
la  période  plébiscitaire,  reproduit  ses  manifestes  et  ses  protes- 
tations, énuméré  les  poursuites  dirigées  contre  ses  membres, 
indiqué  les  condamnations  prononcées  contre  eux,  il  nous  reste 
à  rechercher  les  actes  par  lesquels  elle  s'est  affirmée  depuis 
cette  époque  jusqu'au  jour  où  ses  membres  seront  appelés  aux 
emplois  publics  par  V acclamation  populaire. 

Au  moment  où  la  persécution  sévissait  en  France,  les  grèves 
étaient  partout  à  l'ordre  du  jour.  Cette  levée  de  boucliers  était 
comme  toujours  l'œuvre  de  l'Internationale. 

Parmi  ces  grèves  nous  devons  citer  celle  des  charpentiers  de 
Neuchâtel  et  de  la  Chaux-de-Fonds,  la  grève  des  tailleurs  d'ha- 
"bits  de  Genève  et  d'Erfurt,  celle  des  ouvriers  fondeurs  et  mou- 
leurs de  Paris  *,  celle  des  mineurs  de  Rochebelle  dans  le  Gard, 
celle  des  ouvriers  menuisiers    de  Saint- Vallier  (Drôme),  celle 

1  «  Depuis  deux  mois,  disaient  les  ouvriers  fondeurs  en  fer  de  Paris,  dans  une 
adresse  à  tous  les  travailleurs,  nous  luttons  contre  l'exploitation  ei,  nous  le 
disons  hautement,  nous  ne  céderons  jamais,  dussions-nous  tous  quitter  notre 

patrie  et  abandonner  notre  profession 

Qu'aucun  ouvrier  fondeur  et  mouleur  d'Europe  ne  -vienne  à  Paris  nous  rem- 
placer » ■ 

Sur  les  demandes  de  ces  ouvriers,  les  unions  de  métiers  en  Angle- 
terre, affiliées  à  l'Internationale,  votaient  une  somme  de  23,000  francs  pour  sou- 
tenir les  grèves  sur  le  conlinent. 


158  L'INTERNATIONALE 

(les  ouvriers,  mécaniciens,  ajiislcurs,  tonneurs  et  serru- 
^'iers  de  Carcassonne  (Aude),  des  ouvriers  cordonniers,  maçons, 
tailleurs  de  pierre,  corroycurs  do  Lyon,  des  ouvrierri  en  métaux 
de  Vienne  (Isère). 

Il  est  deux  de  ces  grèves  qui  méritent  une  mention  spéciale 
à  cause  de  l'immense  retentissement  qu'elles  ont  eues  et  des 
complications  dont  elles  ont  été  l'objet,  nous  voulons  parler  de 
la  grève  des  tuiliers,  peintres,  plâtriers  et  ouvriers  en  bâtiments 
de  Genève. 

A  Genève,  on  effet,  le  conflit  entre  ouvriers  et  patrons  prit 
les  proportions  les  plus  graves. 

Quelles  étaient  donc  la  signification  et  la  portée  de  toutes  ces 
grèves?  Ne  serait-on  pas  frappé  de  cette  coïncidence  de  l'agita- 
tion plébiscitaire  en  France  avec  ces  manifestations  de  la  classe 
ou\  rière  se  produisant  simultanément  à  l'instigation  de  l'Inter- 
nationale, à  Genève  et  dans  plusieurs  autres  centres.  Gomment 
trouver  la  clef  de  cette  énigme?  Nous  laissons  sur  ce  point  la 
parole  au  Journal  de  Genève,  un  des  rares  journaux  sérieux 
de  r époque  ;  voici  comment  il  s'exprime  dans  son  numéro 
du  8  mai. 

«  Y  a-t-il  parmi  nous  un  seul  homme  assez  ignorant  de  ce  qui 
se  passe  dans  le  monde  pour  ne  pas  comprendre  ce  que  signifie 
cette  levée  imprévue  de  boucliers  faite  à  la  veille  u  pléhisc  ile 
Irançais,  assez  naïf  pour  y  chercher  une  cause  purement  locale 
et  assez  aveugle  pour  ne  pas  la  rattacher  immédiatement  à  ce 
que  nous  connaissons  aujourd'hui  des  projets  de  cette  société 
révolutionnaire?  On  aurait  pu  prévoir  d'avance  que  notre  pays 
n'échapperait  pas  à  ses  menées  subversives,  et  qu'à  défaut  de 
raisons  plausibles,  on  susciterait  quelque  mauvais  prétexte  pour 
Y  élever  de  nouveau  le  drapeau  de  la  guerre  sociale.   » 

La  grève  des  ouvriers  tuihers  servit  de  prétexte  à  ces  agis- 
sements de  l'Internationale.  Dès  le  7  mai,  les  sections  genevoi- 
ses publiaient  un  volumineux  manifeste  oii  les  laits  étaient  dé- 
naturés de  la  façon  la  plus  odieuse,  et  qui  n'était  qu'un  tissu  de 
calomnies  et  de  mensonges  les  plus  fantastiques.  Ce  document 
mérite  la  peine  d'être  lu  ;  comme  style  enflé  et  déciamatoire 
on  ne-  saurait  mieux  trouver. 


ET    LE    JACOBINISME.  1&9 


Association  internationale  des  travailleurs. 

«  Frùres  travailleurs  ! 

«  Au  nom  de  votre  bonheur  commun,  au  nom  de  vos  droits 
dont  on  vous  prive,  écoutez  la  voix  de  vos  frères  tfui  luttent  cofl- 
trc  los  persécutions  les  plus  odieuses  pour  pouvoir  gagner  leur 
pain  au  prix  de  leur  travail. 

«  Après  une  longue  attente  et  des  démarches  infructueuses 
les  ouvi'^iers  tuiliers  du  canton  de  Genève  ont  dû  recourir  à  la 
grève. 

«  Ils  travaillent  seize  heures  par  jour  et  même  plus  encore  et 
cela  pour  le  misérable  salaire  de  2  fr.  70  et  de  1  fr.  60,  s'ils  sont 
nourris  par  les  patrons.  Pour  ne  pas  mourir  de  faim,  ils  sont 
obligés  de  prendre  le  travail  à  la  tâche  et  d'appeler  à  leur  aide 
leurs  enfants.  Et  lorsque  sept  ou  huit  mois  de  travail  constant, 
sans  repos  ni  sommeil,  ont  usé  à  bout  leurs  forces,  les  patrons 
les  renvoient  chômer  sans  s'inquiéter  de  leur  sort  ni  de  celui  de 
leurs  familles.  Et  quand  les  tuiliers  présentent  leur  tarif,  de- 
mandant 10  c.  par  heui^e  et  la  limitation  du  travail  à  11  heures, 
les  patrons,  au  lieu  de  toute  réponse,  s'arment  de  leurs  fusiis  et 
bâtons  et  chassent  les  ouvriers  parce  qu'ils  osent  appartenir  à 
la  grande  Association  internationale. 

«  A  la  lettre  la  plus  conciliante  de  notre  commission,  les  p<i- 
trons  répondent  que,  sans  l'intervention  de  l'Internationale,  les 
ouvriers  seraient  toujours  contents  de  leur  misère  et  ne  récla- 
meraient jamais  un  salaire  dû  à  leur  travail  ! 

•<  Est-ce  donc  que  l'ouvrier  ne  ressent  pas  la  faim  sans  que 
l'Internationale  le  lui  dise  ?  Est-  ce  donc  qu'il  n'endure  point  toutes 
les  horreurs  de  la  misère  sans  que-nous  les  lui  racontions? 

«  Ce  que  l'Internationale  veut,  c'est  l'union  fraternelle  qui 
donne  la  force  pour  briser  les  chaînes  de  l'esclavage  et  pour 
créer  une  nouvelle  vie  dans  laquelle  chacun  jouira  pleinement 
du  produit  de  son  travail. 

«  En  attendant,  l'Internalionale  viendra  toujours  en  aide  aux 
souffrances  des  travailleurs.  Les  ouvriers  des  villes  sont  déjà 
groupés,  et  nous  appelons  maintenant  sous  n.itre  drapeau  nos 


160  L'INTERNATIONALE 

frères  des  campagnes.  Les  ennemis  du  peuple  veulent  tenir  les 
campagnes  dans  l'ignorance  pour  mieux  les  exploiter,  et  dans 
cette  grève  des  tuiliers,  les  patrons  osent  faire  à  la  campagne 
ce  que  jamais  dans  la  ville  les  citoyens  ne  permettraient  de  faire 
à  qui  que  ce  soit  :  ils  osent  menacer  les  (nilicrs  de  les  fusiller, 
ils  les  couchent  en  Joue,  et  cela  sur  la  grande  route,  comme  si 
le  sol  de  la  Suisse  appartenait  aux  patrons  et  non  au  peuple  : 
ils  oublient,  ces  patrons,  que  s'ils  tiraient  un  seul  coup  sur  les 
travailleurs,  tout  le  peuple  de  la  républicpie  se  lèverait  pour  dé- 
fendre sa  liberté.  Les  patrons  de  Bellevue  osent  séquestrer  les 
tuiliers  et  exercer  sur  eux  une  pression  révoltante  pour  ne  pas 
les  laisser  se  joindre  à  leurs  frères  qui  luttent  pour  les  intérêts 
communs.  Le  contre-maître,  à  Vcrsoi-v,se  fait  assister  des  gen- 
darmes pour  insulter  les  tuiliers  et  leur  i^e fuser  le  payement  ^. 
«En  présence  de  pareils  actes,  voyant  que  les  patrons  persis- 
tent à  ne  pas  se  rendre  à  un  arrangement  favorable  pour  les 
deux  parties  et  ne  veulent  pas  écouter  la  voix  conciliatrice  de  la 
commission  toujours  prête  à  servir  d'intermédiaire  entre  eux, 
les  30  sections  de  Genève  déchirent  qu'elles  soutiendront  éner- 
giquement  les  justes  demandes  des  tuiliers,  et  elles  invitent 
tous  les  travailleurs  à  aider  leurs  frères  dans  leur  lutte  pour 
l'existence  humaine, 

«  Au  nom  de  l'Association  internationale,  nous  vous  adressons 
cet  appel  fraternel,  comme  aussi,  si  la  grève  dure,  nous  nous 
adresserons  aux  Fédérations  internationales  de  tous  les  pays, 
aux  milliers  de  membres  de  notre  Association  qui  n'ont  jamais 
encore  abandonné  leurs  frères  dans  la  nécessité  et  qui  ne  les 
abandonneront  jamais  ! 

«  Par  décision  des  30  comités  réunis, 

«Zfl  commission  de  la  grève  : 
«  J.-P.  BECKER,  DUVAL,  H.  PERRET,  GHÉNAZ, 
.  OUTINE,  BENOIT,  JAGCAZ,  BAUMGARTNER.  » 


1  II  est  à  peine  utile  de  faire  remarquer  que  ces  prétendues  fusillades 
d'ouvriers  sur  les  grandes  routes  n'ont  jamais  existé  que  dans  l'imagination 
des  Outine  et  autres.  Nous  avons  reproduit  aux  Documents  justificatifs  (pièce  c). 
deux  autres  proclamations  relatives  à  cette  même  grève. 


KT   LH   JAGOniNISMK.  161 

AVIS. 

•  €  Les  .SO  sections  sont  convoquées  en  assemblée  générale 
extraordinaire  pour  samedi  7  mai,  à  8  heures  du  soir,  .m 
Temple-Uni(iue. 

Ordre  du  jour  : 

«  Question  do  la  grève  dos  tuiliers. 
Π Question  du  journal. 

«  Pour  le  Comité  central  : 

a  Le  président  :  FREPPAZ.  » 

En  présence  d'un  pareil  uJtimnliim,\es,  xw^lives  tuiliers,  dans 
une  protestation  des  plus  dignes  et  des  plus  fermes,  se  décla- 
raient prêts  à  traiter  individuellement  avec  les  ouvriers,  mais 
ils  se  refusaient  énergiquement  à  admettre  en  quoi  que  ce 
soit  l'arbitrage  de  l'Internationale.  Voici  leurs  déclarations  à 
cet  égard  : 

RÉPONSE 

Des  iunîlres  tuiliers  ù  la  proclaninlion  de  la  Société  inlernntio- 
unie  des  travailleurs. 

«  En  face  dos  accusations  calomnieuses  contenues  dans  le  ma- 
nifeste de  l'Association  internationale,  les  maîtres  tuiliers 
soussignés  ne  croient  pas  avoir  autre  chose  à  faire  que  de 
livrer  à  la  publicité  la  lettre  suivante,  qu'ils  ont  adressée  le 
30  avril  dernier,  au  président  de  l'Association  internationale. 

a  Ils  se  déclarent  toujours  prêts  à  traiter  avec  leurs  ouvriers 
individuellement,  à  protéger  ceux  qui  voudront  travailler,  et  à 
maintenir  par  tous  les  moyens  le  droit  d'être  maîtres  chez  eux. 
Ils  font  appel  au  bon  sens  des  ouvriers  disposés  à  travailler,  et 
leur  font  savoir  que  tant  que  les  internationaux  ne  les  en 
empêcheront  pas,  ils  trouveront  chez  eux  de  l'ouvrage  aux 
prix  fixés  ce  printemps,  et  qui  sont  bien  supérieurs  à  ceux 
énoncés    dnns  -le  manifeste  de  l'Internationale  ;  mais  ils  sont 

11 


162  L'INTERNATIONALE 

décidés  aussi  à  fermer  leurs  fabriques  plutôt  que   de   traiter 
avec  la  société  de  l'Internationale . 

a  MOICHON;     Société    genevoise    de    Gri(fuerie;    JOSSE- 
RON;  Simon  EGGLY;   GROBET;   Félix  EGGLY.  » 


REPONSE 

Des  maîtres  tuiliers  ù  M.  J.-P.  DecAer,  direct  en  r  de  F  Asso- 
ciation internationale  des  travailleurs. 

«  Monsieur, 

«  Nous  avons  l'honneur  de  vous  accuser  réception  de  votre 
lettre  du  26  courant,  ainsi  que  du  tarif  des  ouvriers  tuiliers 
qui  nous  a  été  communiqué  quelques  jours  auparavant. 

(i  Ce  document,  rédigé  dans  une  forme  absolue  qui  ne  paraissait 
pas  discutable,  émettait  des  prétentions  telles  que,  si  elles 
étaient  maintenues,  il  ne  nous  resterait  plus  qu'à  fermer  nos 
usines, 

«Nous  ne  pouvons  accepter,  Monsieur,  l'intervention  que  vous 
nous  offrez,  pour  discuter  nos  intérêts  avec  nos  ouvriers.  Nous 
avons,  cette  année-ci  déjà,  augmenté  le  prix  de  la  journée,  et 
nos  ouvriers  ne  réclameraient  rien  si  votre  Société  ne  s'était 
mêlée  de  nos  affaires. 

«  Nous  serons  toujours  prêts  à  discuter  individuellement  avec 
nos  ouvriers  les  conditions  du  salaire  et  du  travail  ;  mais  nous 
n'accepterons  jamais  de  devoir  traiter  avec  un  comité  qui  se 
réserve  le  droit  de  juger  souverainement  toutes  discussions 
entre  ouvriers  et  patrons  \  » 

(Suivent  les  signatures.) 

Cette  grève  durait  encore,  lorsque  les  ouvriers  plâtriers- 
peintres  abandonnèrent  leurs  ateliers.  Ils  alléguaient  qu'aux 
termes  d'une  convention  signée  en  1868  et  renouvelée  en  1869, 

1  Quelques  ouvriers  ayant  refusé  de  se  mettre  en  grève,  les  tuileries  où  ils 
travaillaient  furent  envahies  par  des  bandes  d'individus, et  les  ouvriers  menacés. 
11  fallut  l'intervention  de  la  policiî  locale  pour  mettre  un  termo  à  de  pareilles 
manifestations  et  protéger  dans  leurs  ateliers  los  ouvriers  qui  no  demandaient 
qu'à  continuer  leur  travail. 


ET    LE    JACOIUNIS  ME.  16S 

tous  les  ouvriers  du  bUiiiient  devaient  avoir  la  journée  de 
10  heures  el  ùlrc  payés  à  raison  de  45  centimes  l'heure  ;  que 
les  patrons  plâtriers  avaient  seuls  refusé  de  faire  droit  aux 
réclamations  de  leurs  ouvriers  ;  que  ces  derniers  n'en  avaient 
pas  moins  consenti  à  signer  la  convention  et  à  reprendre  le 
travail,  mais  qu'aujourd'hui  ils  formulaient  de  nouveau  leurs 
prétentions  et  demandaient  à  être  admis  au  bénélice  d'une  rému- 
nération égale  à  celle  des  ouvriers  des  autres  métiers.  (Voir 
documents  justificatifs,  pièce  cl.) 

Cette  nouvelle  grève  ne  tarda  pas  à  prendre  les  proportions 
les  plus  graves.  Les  patrons,  comprenant  qu'elle  n'était  qu'un 
ballon  d'essai,  et  que,  si  elle  réussissait,  tous  les  autres  corps 
de  métiers  viendraient  successivement  réclamer  une  augmenta- 
tion de  salaire  et  une  diminution  des  heures  de  travad,  annon- 
çaient leur  ferme  résolution  de  continuer  la  lutte  jusqu'au  bout. 
Ils  se  déclaraient  soUdaires  les  uns  des  autres,  et,  dans  une 
assemblée  générale  tenue  le  3  juin,  ils  décidaient  à  runanimité 
que  tous  leurs  ateUers  seraient  fermés  si,  le  9  juin,  le  travail 
n'avait  pas  recommencé.  Les  ouvriers  se  moquèrent  d'un  pareil 
ullimatiim  :  des  meetings  furent  organisés  par  l'Internationale 
pour  protester  contre  la  déclaration  des  patrons  qu'elle  quali- 
fiait d'appel  à  la  guerre  civile,  de  provocation  à  la  dissolu- 
tion de  l'Association  internationale  et  à  la  proscription  des 
étrangers. 

A  son  instigation,  une  assemblée  populaire  composée  de  plus 
de  3,000  personnes  avait  lieu  à  Genève  le  7  juin,  dans  la  salle 
du  palais  électoral.  Le  citoyen  Grossehn,  l'un  des  membres  de 
la  section  centrale  de  Genève  et  le  porte-voix  du  parti  radical 
dont  il  a  été  le  candidat  aux  dernières  élections  au  conseil  d'É- 
tat, y  prenait  la  parole  :  dans  un  langage  des  plus  violent»  il 
s'élevait  avec  indignation  contre  les  procédés  in/juaIiûaL!es  des 
patrons.  Il  affirmait  que  les  ouvriers  étaient  décidés  à  ne  re- 
culer devant  rien  pour  obtenir  le  triomphe  de  leurs  droits,  et 
qu'ils  iraient  sur  la  place  pnbli'/ue,  s'il  le  fallait. 

Nous  tenons  d'un  témoin  oculaire  qu'il  fut  volé  par  acclama- 
tion que  les  internationaux  descendraient  dans  la  rue,  les  armes 
à  la  main,  si  l'une  de  ces  trois  hypollièses  venait  à  se  réa- 
liser : 


164  I>  '  I  ^"  'l' ^  I^  ^'  A  '1  I  0  N  A  L  E 

1°  Pi  (les  mesures  répressiv(>s  (''taieiiL  prises  j)ar  le  gou\erne- 
ment  de  Genève  contre  rintcrnalionalc; 

2°  Si  les  étrangers  étaient  exi)nlsés  '  ; 

3°  Si  les  patrons  l'ennaieiit  leurs  ateliers  le  jeudi  'J  juin, 
comme  ils  l'avaient  décidé. 

Sur  un  pareil  terrain,  l'entente  entre  })atrons  et  ouvricis  de- 
venait difficile,  sinon  impossiljle  :  aussi  les  pourparlers  engagés 
avec  l'intervention  officieuse  do  M.  Gampério,  clief  du  dé})artc- 
ment  dejustice  et  police,  ne  purent  aboutir. 

Le  11  juin,  les  patrons,  fidèles  à  la  promesse  (iu'ils  avaient 
faite,  fermèrent  tous  leurs  ateliers  :  plus  de  3,000  ouvriers  fu- 
rent ainsi  congédiés. 

Dans  une  ville  aussi  agitée  que  Genève  et  oi!i  se  trouvent 
réunis  tant  d'éléments  de  désordre,  une  pareille  crise  })0uvait 
devenir  le  prétexte  d'un  conflit  dont  il  était  difficile  de  prévoir 
toutes  les  conséquences.  L'Internationale,  qui  en  avait  pris  l'ini- 
tiative, ne  se  dissimulait  nullement  la  gravité  exceptionnelle 
d'une  situation  aussi  tendue.  Des  appels  pressanls  étaient  laits 
à  tous  les  travailleurs  en  faveur  des  grévistes  genevois.  L'Inter- 
nationale publiait  manifestes  sur  manifestes,  proclamations  sur 
proclamations:  les  sections  étaient  en  permanence,  afin  d'aviser 
aux  mesures  à  \ivenûve  pour  demcui^er  unis  en  face  du  dan- 
ger, sortir  victorieux  CCune  crise  provoquée  à  dessein  par  les 
patrons,  et  répondre  dignement  au  dcll  de  vie  on  de  mort  porté 
par  les  bourgeois  à  toute  l'Association  intcrnationnle  dont 
l'existence  était  proclimée  être  à  l'abri  de  toute  attaque  sérieuse. 

Le  14  juin,  il  était  décidé  que  les  sections  de  métiers  repren- 
draient le  travail  sous  la  responsalnlité  collective  des  corps  de 
métiers  respectifs  et  se  chargeraient  d'exécuter  tous  les  tra- 
vaux qui  leur  seraient  offerts  en  traitant  directement  avec  les 
propriétaires  et  architectes  sans  l'intervention  désormais  inu- 
tie  de  tous  entrepreneurs.  Cette  déclaration  était  rendue  publi- 

i  L'Assemblée  voulait  faire  allusion  à  un  passage  du  manifcsln  des  chefs 
d'atelier  invitant  les  autorités  compétentes  à  appliquer  à  certaines  meneurs 
l'article  77  de  la  constiLulion  fédérale  ainsi  conçu  :  La  Confédéralion  a  le  droit 
de  renvoyer  de  son  territoire  les  étrangers  qui  compromettent  la  sûreté  inté- 
rieure ou  extérieure  de  l;i  Suisse.  —  (Voir  aux  IJocaiitcnls  ju^lificatlfs  le  ma- 
vifcsle  des  patrons  f.l  tous  les  attires  plc^cards  publics  à  Voccasion  de  cette 
grève.  Pièce  e.) 


ET  LI-:    JACOIîIXISMK.  165 

que  par  la  voie  traClicliL;.  Ou  pi'occ'.'dail  à  la  uoininalion  d'une 
commission  de  dix  membres  chargée  de  la  direction  de  la  grève  *. 

Des  assemblées  générales  étaient  tenues  tous  les  soirs  au 
Teniple-Uniquo  :  les  ouvriers  déclaraient  que,  la  grève  diit-ollc 
durer  indé/iniincul,  il  no  foraient  jamais  aucune  démarche  vis- 
à-vis  des  patrons  et  qu'ils  ne  traiteraient  jamais  en  dehors  de 
l'Internationale. 

De  leur  côté,  ceux-ci  ne  se  laissaient  nullement  décourager  i)ar 
la  résistance  des  ouvriers;  ils  refusaient  énergiquement  de  trai- 
ter avec  la  commission  de  grève  instituée  par  l'Internationale. 

D'honorables  citoyens  offraient  leur  intervention  pour  amener 
un  rapprochement  sincère  entre  ouvriers  et  patrons  et  mettre 
un  terme  à  un  conllit  aussi  désastreux.  Une  première  entrevue, 
dont  rinilirilive  revient  à  M.  Amljerny,  avait  lieu  le  18  juin,  mais 
aucune  entente  n'était  possible,  et  tous  les  efforts  tentés  par 
d'honorables  intermédiaires  dans  deux  conférences  successives 
venaient  échouer  contre  la  résolution  prise  par  les  parties  inté- 
ressées de  ne  vouloir  céder  sur  aucun  point.  Les  chefs  d'atelier 
déclaraient  qu'il  ne  consentiraient  à  la  reprise  des  travaux  que 
lorsque  les  plâtriers-peintres  se  seraient  soumis  au  décret  de 
rentrée  aux  anciennes  conditions. 

Dès  le  20  juin,  les  négociations  étaient  définitivement  rom- 
pues :  un  conseil  d'arbitrage  avait  été  voté  dans  une  assemblée 
nationale  tenue  le  21  du  même  mois,  mais  les  patrons  avaient 
répondu  par  une  fin  de  non-recevoir  à  cette  nouvelle  pro}iosition. 

Cette  crise  industrielle  appelait,  on  le  comprend,  une  solution 
définitive  et  prompte  :  il  ne  s'agissait  rien  moins  que  de  la  ruine 
totale  de  l'industrie  dubâtiment.  D'ailleurs  une  colhsion  paraissait 
imminente.  Le  conseil  d'État  préoccupé  de  la  nécessité  de  parer 
à  cet  état  de  choses  par  la  création  de  chantiers  nationaux,  ne 
pouvait  manquer  d'intervenir. 

Cédant  à  la  pression  de  l'opinion  publique  et  désireux  do  ré- 
tablir l'union,  les  patrons  offraient  le  8  juillet  la  rei)rise  des  tra- 
vaux aux  anciennes  conditions  et  la  nomination  d'une  commis- 
sion chargée  de  statuer  sur  la  question  des  dix  heures  de  tra- 


1  Ces  dix  membres  élaient  Baumgarlner,  Dailly,  Grosseliii;  TognieUe,  Duoarc, 
Hofer,  Sleiiier,,  Girod,  Goy,  Antoine. 


\eG  L'INTERNATIONALE 

vail.  Mais    leurs    offres   étaient   dêdnigneusement  repoussées. 

Les  choses  en  étaient  toujours  à  ce  jioint  lorsqu'éclata  la  guerre 
entre  la  France  et  rAUcmagnc.  Privées  dorénavant  des  subsi- 
des qui  leur  arrivaient  de  ces  deux  contrées,  les  sections  gene- 
voises comiirirent  l'impossibilité  matérielle  où  elles  allaient  se 
trouver  de  lutter  plus  longtemps  contre  la  persistance  opiniâtre 
des  patrons.  Une  pareille  situation  mit  la  commission  de  la 
grève  dans  la  nécessité  d'en  demander  la  suspension.  Mais 
afin  do  pallier  les  conséquences  de  celte  défaite,  le  journal  VE- 
galHô  (numéro  du  27  juillet)  avait  soin  d'expliquer  les  motifs  de 
cette  détermination  et  de  démontrer  ù  sa  ffiçon  que  la  grève 
avait  été  victorieuse  sous  plus  d'un  rapport. 

«  Avus  sommes,  disait  celte  feuille,  arrêtés  pour  le  moment 
mais  non  par  les  patrons,  non  par  leur  coalition,  mais  par  des 
causes  plus  impérieuses  et  indépendantes  de  notre  volonté: 
nous  faisons  trêve  pour  le  moment  pour  mieux  assurer  notre 
victoire. 

«  Et  ce  n'est  pas  la  défaite,  mais  la  victoire  qui  a  été  arrêtée 
à  moitié  chemin  :  ayant  acquis  la  moitié  de  la  victoire,  nous 
n'avons  pas  osé  risqué  de  la  perdre 

a  Nous  n'avons  cédé  en  rien  :  nous  avons  obtempéré  aux 
circonstances  de  force  majeure.  En  suspendant  momentanément 
la  grève,  les  sections  se  réservent  plein  droit  de  suspendre  les 
travaux  à  un  moment  propice,  en  considérant  l'abandon  des  tra- 
vaux comme  la  continuation  pure  et  simple  de  la  grève  des  pa- 
trons. Les  sections  en  bâtiment  déclarent  avec  l'appui  moral  et 
matériel  de  toute  l'Association  internationale  qu'ils  n'abandon- 
neront pas  leurs  justes  réclamations,  qu'ils  persisteront  dans 
leurs  égitimes  revendications,  tant  qu'ils  n'auront  pas  obtenu 
la  durée  de  dix  heures,  l'abolition  du  travail  aux  pièces  et  la  ta- 
rification précise  du  salaire  légalisée  par  les  notaires....  Prépa- 
rons-nous résolument,  énergiquement  à  recommencer  la  lutte 
qui  devra  éclater  au  moment  propice  et  qui  devra  être  couron- 
née par  la  victoire  décisive. 

Cet  ultimatum  se  passe  de  tout  commentaire. 

Nous  avons  cru  devoir  entrer  dans  tous  les  détails  de  cette 
lutte  entre  le  caiiital  et  le  salaire  afin  de  montrer  une  fois  de 


ET   LE  JACOBINISME.  167 

plus  la  part  active  de  l'Internationale  dans  les  grèves.  Nous  de- 
vons reconnaître  que,  jusqu'à  ce  jour,  l'Internationale  n'en  avait 
pas  suscité  d'aussi  graves  ;  il  a  fallu  tout  le  courage  des  patrons 
pour  triompher  d'une  pareille  coalition.  C'est  grâce  à  leur  en- 
tente uiiaiiimc,  à  leur  refus  hautement  manifesté  d'accepter  toute 
proposition  émanant  de  l'Internationale  qu'ils  ont  dû  de  voir  les 
ouvriers  reprendre  le  travail.  Puisse  cet  exemple  des  patrons 
genevois  être  d'un  salutaire  effet  et  montrer  la  puissance  d'une 
entente  commune  ! 

A  peu  près  à  la  môme  époque,  des  troubles  éclataient  à 
Verviers.  L'opinion  publique  était  unanime  à  en  faire  remon- 
ter la  responsabilité  à  l'Internationale.  Quand  on  se  rappelle 
en  effet  dans  quelles  circonstances  se  produisirent  ces  scènes  de 
désordre,  on  ne  peut  douter  un  instant  du  rôle  joué  par  l'In- 
ternationale. 

La  section  verviétoise  émue  de  pareilles  accusations  crut 
devoir  protester  contre  7es  calomnies  dont  elle  prélendait  être 
l'objet.  Les  procédés  de  l'Internationale  sont,  comme  on  le  voit, 
partout  les  mêmes  :  elle  excite,  elle  provoque,  elle  met  tout 
en  œuvre  pour  déchaîner  les  masses  ouvrières,  et  puis,  quand 
elle  a  réussi  à  susciter  un  soulèvement  et  à  jeter  les  ouvriers 
dans  la  rue  ,  elle  leur  recommande  le  calme  et  la  dignité. 
Survient-il  une  rixe,  une  collision  sanglante,  elle  déclare  être 
étrangère  à  tout  ce  qui  se  passe  et  ne  voit  dans  de  tels  faits 
qne  l'œuvre  de  la  police  et  le  résultat  de  provocations  dirigées 
contre  l'existence  de  l'Internationale,  Voici  le  manifeste  pubUé 
le  22  juin  par  la  section  verviétoise. 

Association  Internationale  des  Travailleurs. 

Section  verviétoise. 

«  Dans  un  meeting  extraordinaire  tenu  mardi  21  juin  courant, 
à  9  heures  du  soir,  à  Verviers,  les  conclusions  suivantes  ont 
été  votées  à  l'unanimité  dos  personnes  présentes  : 

«  1°  La  section  verviétoise  de  l'Association  internationale  des 
travailleurs  déclare  être  étrangère  à  tous  les  événements  sur- 


i  68  L  '  1  N  T  E  R  N  A  T  1 0  N  A  L  I'. 

venus  dans  ces  derniers  jours  et  ne  les  avoir  ni  préparés,  ni 

secondés  en  quelque  maniôro  que  ce  soit  ; 

a  2"  La  section  vcrviétoise,  loin  d'avoir  elle-même  pris  part  à 
ces  événements,  engage  au  contraire  tous  les  travailleurs  à 
s'abstenir  de  toute  manifestation  pouvant  contribuer  à  trou- 
bler inutilement  l'ordre  public. 

«  Le  bureau  du  meeting  : 
«  Victor  DAVE,  membre  du  conseil  général  belge,  prési- 
dent du  meeting  ;  Emile  ROUBARD,  membre  du  comité 
de  la  section  verviétoise  ;  Toussaint  DÉJOZE,  id.  ;  Jean 
GROSJEAN,  id.  ;  Denis  DEBLUET,  id.  ;  Nicolas  WHATE- 
LET,  id.  ;  Jean  HANSENNE,  id.  ;  François  HEREMAN, 
id.  ;  Jean  LELOTTE,  id.  ;  Léonard  MARÉCHAL,  id  ; 
Toussaint  RUWETTE,  id.  ;   Jacques  SAUNENIÈRE,  id.  » 


II 


situation  des  sections  françaises  APRES  les  arrestations  du 
mois  de  mai.  agissements  de  la  fédération  lyonnaise,  comptes 
rendus  de  ses  séances.  albert  richard  se  réfugie  a  neu- 
chatel.  la  fédération  parisienne  et  la  statistique  du  tra- 
vail, circulaire  a  tous  les  correspondants. 

Les  poursuites  dirigées  contre  l'Internationale  lui  portèrent 
un  coup  terrible  ;  son  existence  en  France  en  fut  sérieuse- 
ment menacée.  Une  désorganisation  à  peu  près  complète  s'en- 
suivit, et  sans  les  événements  du  mois  de  juillet  et  plus  tard 
les  désordres  et  l'anarchie  du  mois  de  septembre,  nous  n'au- 
rions jamais  assisté  au  spectacle  humiliant  de  voir  l'Interna- 
tionale maîtresse  de  Paris.  Nous  prouverons  plus  tard  c[ue,  déjà 
puissante  vers  la  fin  de  septembre,  elle  a  fait  le  21  octobre, 
le  22  janvier  et  plus  tard  le  18  mars  ;  que  le  comité  central  a  été 
son  œuvre  et  son  instrument  et  qu'elle  a  été  l'âme  de  l'insur- 
rection. Nous  la  verrons  dès  le  10  septembre,  avec  son  comité 
de  défense  et  ses  comités  de  surveillance  établis  dans  tous  les 


KT    LE    J  ACOinXISMK.  IGO 

arrondissements  pour  cnipêchcr  lu  rcnclion ;  nous  devons  bien 
reconnaître  dès  à  présent,  que  le  choix  des  foncLionnaircs  et 
l'intronisation  de  quelques-uns  de  ses  membres  dans  les 
mairies  et  ailleurs  devaient  singulièrement  faciliter  son  œuvre. 
Mais  n'anticipons  pas  ;  ces  événements  seront  Inentôt  l'objet 
de  notre  étude. 

Seule  de  toutes  les  sections,  la  Fédération  lyonnaise  sem- 
ble avoir  conservé  une  certaine  activité. 

A  l'arrestation  de  ses  principaux  membres  elle  a  ré^jondu 
par  la  nomination  d'une  nouvelle  commission  destinée  à  rem- 
placer, dans  ses  fonctions  et  ses  efforts  de  proi)ag\'!ude,  celle 
qui  vient  d'être  incarcérée. 

Cette  nouvelle  commission  avait  été,  comme  nous  l'avons  déjà 
dit,  nommée  dans  une  réunion  tenue  le  5  mai,  sous  la  présidence 
de  Dumartlieray.  Elle  n'était  que  provisoire  et  se  composait 
de  10  membres  au  nombre  desquels  figuraient  Ubaudi,  sculp- 
teur, rue  de  Fleurieux,  4;  Charvel  *,  tisseur,  rue  du  Bon- 
Pasteur,  31  ;  Tournairc,  tulliste,  rue  Bossuet,  67,  devenu 
au  4  septembre  l'un  des  agents  du  commissaire  central  (]hol. 
On  n'était  admis  dans  cette  réunion  qu'à  l'aide  d'un  mot  d'ordre 
qui  était  pont. 

Le  sculpteur  Ubaudi  était  devenu  l'homme  de  la  situation  ; 
il  était  chargé  de  faire  la  correspondance  et  recevait  mission  de 
distribuer  le  montant  des  souscriptions  recueillies  en  faveur 
des  détenus.  Dans  l'une  des  séances,  il  donnait  communication 
à  l'assemblée  de  la  lettre  d'Eugène  Hins  que  nous  avons  re- 
produite et  qui  invitait  les  travailleurs  lyonnais  à  no  pas  se 
décourager  et  à  continuer  leur  œuvre. 

Dans  la  soirée  du  6  mai,  une  nouvelle  réunion  avait  lieu 
dans  une  salle  du  café  Jacquet,  place  Saint-Michel,  Vingt-cinq 
membres  étaient  présents  ;   trois  membres  de  l'ancienne  com- 


i  Cbarvet,  nommé  quelques  jours  après  secrétaire  correspondant  de  la  sec- 
tion lyonnaise  en  remplacement  do  Richard,  se  trouvait  en  armes,  dans  la 
salle  de  Valentino,  le  20  décembre  1870,  au  moment  de  la  condamnation  à 
mort  du  commandant  Arnaud.  Il  chargeait  le  fusil  du  jeune  lîmile  Boyer, 
l'un  des  assassins,  acquitté  par  le  conseil  de  guerre  comme  ayant  agi  sans 
discernement. 

Charvet,  arrêté  à  la  suite  de  cet  assassinat,  fut  tué  d'un  coup  de  revolver,  au 
moment  où,  conduit  à  la  maison  d'arrêt,  il  essayait  de  s'évader. 


170  L'INTERNATIONALE 

mission,  mis  en  libertô  la  veille,  Arthur  Martin,  Bret  et  PuUiat 

et  la  citoyenne  Virginie  Barbet  assistaient  à  la  séance. 

II  était  procédé  à  la  nomination  d'une  nouvelle  commission. 
Etaient  nommés  Tacussel,  serrurier,  avenue  de  Saxe,  187  (mem- 
bro  de  la  commune  lyonnaise  lors  de  l'insurrection  du  30  avril)  ; 
Penel ,  passementier  ,  cours  Vitton  ;  Bauzin  ,  id  ;  Chan^et , 
tisseur;  Favre,  doreur  sur  bois,  rue  Béchevelin,  01;  Vuitton, 
marbrier,  rue  do  Grillon  ;  Tournaire,  tuUiste,  etc.  Les  nouveaux 
élus  jurèrent   de   marcher  sur  les  traces  de  leurs  devanciers. 

Deux  jours  après,  nouvelle  réunion  dans  le  môme  local  sous 
la  présidence  de  Garnier.  On  agitait  la  ({uestion  de  savoir  quelle 
attitude  devait  prendre  l'Internationale  en  présence  des  pour- 
suites dont  elle  était  l'objet.  Après  une  vive  discussion,  il  était 
décidé  que  l'on  continuerait  l'œuvre  entreprise  par  l'ancienne 
commission.  Un  nouveau  bureau  était  constitué.  Il  se  composait 
de  Charvet ,  secrélaire  correspondant,  Tacussel ,  secrétaire 
général  de  la  commission,  Vuitton,  secrétaire  adjoint,  et 
Garnier,  trésorier.  Une  somme  de  cent  francs,  destinée  aux 
familles  des  individus  arrêtés  pour  affiliation  à  l'Internationale, 
était  remise  au  bureau  par  une  délégation  du  comité  central 
anti-plébiscitaire  du  Rhône. 

La  discussion  du  projet  de  statuts  de  la  fédération  était  re- 
prise. Enfin  il  était  convenu  que  le  citoyen  Ubaudi  et  un  délé- 
gué des  ouvriers  verriers  se  rendraient  le  dimanche  suivant  à 
Givors  oîi  devait  avoir  lieu  une  réunion  de  l'Internationale. 

Le  23  mai,  la  fédération  lyonnaise  tenait  deux  séances  :  la 
première,  à  une  heure  de  l'après-midi,  chez  le  restaurateur  Bon- 
nefond,  aux  Brotteaux,  où  aucune  décision  ne  pouvait  être  prise, 
les  délégués  ne  se  trouvant  pas  en  nombre,  et  la  secondQ,  dans 
la  soirée,  chez  le  cafetier  de  la  place  Saint-Michel.  Blanc  prési- 
dait ;  Tordre  du  jour  portait  :  création  d'une  commission  dé/ini- 
tive  ;  création  d'un  cercle  d'études  sociales  et  économiques. 

Sur  la  proposition  du  citoyen  Doublé,  il  était  décidé  que  la 
commission  définitive  ne  se  composerait  que  de  cinq  membres 
auxquels  viendraient  s'adjoindre  deux  délégués  de  chaque  cor- 
poration adhérente. 

Quant  à  l'organisation  d'un  cercle  d'études  sociales,  elle  de- 
vait être  confiée  à  une  commission  d'initiative  de  cin(i  membres 


ET    LK   JAf'.OBINI^Mi:.  171 

chargés  de  prendre  toutes  les  mesures  nécessaires  pour  la  réa- 
lisation de  ce  projet. 

Les  nominations  de  ces  deux  commissions  étaient  renvoyées 
à  une  prochaine  séance. 

L'arrivée  au  miheu  de  la  réunion  des  trois  internationaux  sté- 
phanois,  sortis  de  prison  depuis  quelques  heures  à  peine,  Du- 
mas, Dupin  et  Délaye,  était  accueillie  par  des  transports  d'enthou- 
siasme. Leur  présence  devenait  le  prétexte  des  récriminations 
les  plus  violentes  contre  les  mesures  réucliunnaircs  et  brutales 
adoptées  par  le  gouvernement  ;  on  y  (lonnail  lecture  d'une  lettre 
rédigée  i)ar  Richard  et  dans  la({uellc  étaient  énumérés  tous  les 
actes  arbitraires  dont  ses  collègues  de  Saint-Etienne  avaient  été 
victimes  de  la  part  des  agents  du  pouvoir  impérial.  Il  était  con- 
venu qu'une  supplique  serait  adressée  au  procureur  général  afin 
d'obtenir  la  mise  en  liberté  des  citoyens  Palix  et  Richard  qui 
«  gémissaient  encore  dans  les  cachots  du  bandit  Bonaparte.  » 

A  l'issue  de  la  réunion,  tous  les  assistants,  au  nombre  d'une 
quarantaine,  se  cotisaient  pour  payer  les  frais  du  voyage  de  leurs 
collègues  stéphanois  et  les  reconduisaient  triomphalement  à  la 
gare.  Le  lendemain,  tous  ces  faits  étaient  perlés  à  la  connaissance 
du  citoyen  Guihaume  de  Neuchâtel;  deux  lettres  lui  élaicnt  écri- 
tes à  ce  sujet  par  le  secrétaire  correspondant  ^ 

On  voit  qu'en  dépit  des  poursuites  dirigées  contre  elle,  la 
fédération  lyonnaise  n'en  persistait  pas  moins  à  poursuivre  son 
œuvre.  La  commission  fédérative  était  défmitivement  nommée 
le  28  mai  :  elle  se  composait  de  Tacussel,  Charvet,  Favre,  Des- 
borde et  Tournaire. 

Le  même  jour,  Richard,  Palix,  Doublé,  Blanc,  Poncet,  Placet 
et  Busqué  recevaient  mission  de  s'occuper  de  l'organisation  du 
cercle  d'études  sociales  dont  la  création  avait  été  adoptée  dans 
une  précédente  réunion. 

Les  séances  suivantes  et  notamment  celle  du  16  juin  étaient 
consacrées  à  l'examen  des  mesures  à  concerter  pour  la  défense 
commune  des  membres  poursuivis.  Dans  la  séance  du  17  juin 
(café  Brochier,  place  Kléber) ,  la  commission  fédérative  et  la 
commission  d'initiative  pour  la  création  du  cercle  d'études  so- 

1  Ces  lettres  figurent  parmi  les  Documents  justificatifs  (Pièce  f). 


\l-2  L  ' I  N  T E R  N  A T  I  0  N  A  LE 

oiales  ôlaiont  réunies.  Au  noml)rc  des  assistants  ^  iiquraicnt  Ri- 
chani,  *  I\ilix,  *  Martin,  *  Placot,  *  Dupuis,  *  Bret,  Cormier, 
Pinel,  '  Cliarvet,  Desljordcs,  *  Tacusscl,  Favre,  Tournaire,  *  Pi- 
cliot,  *  Pulliat,  *  Dumartlieray,  Adenot,  '  Régipas,  Valois, 

Ricliard  donnait  communication  à  l'assemblée  d'une  lettre  de 
Bastelica,  alors  réfugié  à  Barcelone  et  qui  sollicitait  un  mandat 
de  délégation  poiu*  représenter  la  section  lyonnaise  au  congrès 
qui  devait  s'ouvrir  dans  cette  ville  vers  la  fin  du  mois  de  juin. 
Le  secrétaire  était  chargé  de  l'envoi  de  ce  mandat. 

Après  une  courte  discussion,  les  statuts  de  la  fédération  étaient 
définitivement  adoptés. 

Enhardis  par  les  retards  que  subissait  leur  jugement  et  croyant 
à  un  abandon  qu'ils  regardaient  comme  possible  des  poursuites, 
dirigées  contre  eux,  les  internationaux  lyonnais  avaient  songé  à 
signifier  par  lettre  au  procureur  général  qu'ils  regardaient  l'ac- 
cusation portée  contre  eux  comme  abandonnée  et  que,  si  dans  un 
délai  de  huit  jours,  aucun  avis  contraire  ne  leur  était  donné,  ils 
se  croiraient  autorisés  légalement  à  reprendre  leur  œuvre.  Ce 
projet  dont  l'initiative  appartient  à  Richard  ne  fut  pas,  il  est  vrai, 
misa  exécution,  les  condamnations  «  des  frères  et  amis  de  Paris  » 
étant  venues  quehjues  jours  plus  tard  déranger  tous  leurs  calculs. 

En  attendant,  Ubaudi  et  Martin  parcouraient  le  bassin  houiller 
de  la  Loire  :  des  sections  étaient  organisées  à  Rive  de  Gier  et 
Givors  parmi  les  ouvriers  verriers  de  ces  deux  localités. 

On  songeait  à  convoquer  une  assemblée  générale  de  tous  les 
adhérents  lyonnais.  Cette  question  agitée,  le  22  juin,  fut  de  nou- 
veau discutée  dans  la  réunion  privée  tenue  le  27  juin,  salle  du 
restaurant  Guillerme  aux  Brotteaux.  Sur  la  proposition  de  Ri- 
chard, il  était  convenu  qu'un  appel  serait  adressé  par  la  voie  du 
jounml  le  Progrès  à  toutes  les  corporations  ouvrières  afin  de 
les  inviter  à  hâter  l'envoi  de  leur  acte  d'adhésion  et  qu'une  réu- 
nion générale  serait  annoncée  pour  le  10  juillet  -. 


<  Les  noms   précédés  d'un  astérisque  sont  ceux  des  individus  compris  dans 
les  poursuites. 

■■2  Une  demande  d'autorisation  devait  être  adressée  à  la  préfecture  relie 
devait  être  signée  par  Tacussel,  Penel  (Claude),  passementier,  cours  Vitton,42, 
Bauzin,  rue  Robert,  o3,  Scliild  (Jean\  chemin  des  Culattes,  7,  Favre  (Fran- 
cisque), doreur  sur  bois,  rue  Madame,  98. 


i:t  lk  jacoiîinismi-:.  mv, 

Des  rcmercîinoals  élaient  votés  aux  membres  do  i'ariciiHi  co- 
mité anti-plébiscilairo  pour  les  secours  f{u'ils  avaient  donnés  aux 
familles  des  citoyens  mis  en  état  d'arrestation. 

Il  était  ensuite  procédé  à  la  réception  des  actes  d'adhésion  de 
quatre  nouvelles  corporations  :  Jcs  pnsscmontiors^  les  verriers, 
les  apprôtciirs  sur  iiiUes  et  les  serruriers.  Les  membres  pré- 
sents à  la  séance  étaient  Régipas,  président,  Kicliard,  L.  Martin, 
Foncet,  Pidliat,  Duuiartheray,  Brot,  Grinand,  (lonnard,  Sciiild, 
Tacussol,  Favre,  Cliarvet,  Desbordes,  Toiirnairt^  Cormier,  Fenel 
et  Bausin. 

Juscpi'ici  la  section  lyonnaise  a  agi  dans  l'ombre,  elle  a  dis- 
simulé son  action  :  tous  ses  actes  ont  été  accomplis  dans  le  se- 
cret le  plus  absolu.  Elle  a  su  faire  le  silence  autour  d'elle  et 
n'étaient  les  récits  d'un  affilié,  nous  n'aurions  jamais  su  si  elle 
avait  tenu  des  réunions  et  quelles  décisions  y  avaient  été  prises. 
ilais  bientôt,  se  croyant  à  l'abri  de  tout  danger,  elle  affirme  de 
nouveau  son  existence  par  plusiciu-s  déclarations  rendues  publi- 
ques. Voici  ces  documents  : 

I 

Fédération  ouvrière  lyomiaise. 

«  La  commission  fédérale  ouvrière  lyonnaise  prévient  les  so- 
ciétés et  corporations  ouvrières  adhérentes  aux  principes  de 
l'Association  ir.ternationale  des  travailleurs,  que  le  long  et  labo- 
rieux travail  d'organisation  de  la  fédération  est  complètement 
achevé  dans  sa  partie  fondamentale.  Dix  sociétés  ont  déjà  en- 
voyé à  la  commission  fédérale  leur  ;,:dhèsion  ofliciclle  et  délîni- 
tive.  11  est  temps  que  celles  qui  sont  en  retard  sur  ce  point  se 
hâtent  d'aider  la  commission  à  rassembler  et  à  coordonner  les 
forces  immenses  jusqu'alors  isolées  du  prolétariat. 

«  Nous  devons  rester  calmes  en  présence  des  excitations  de 
nos  ennemis,  les  partisans  de  l'organisation  sociale  actuelle  ; 
nous  devons  repousser  les  suggestions  téméraires  de  la  colère 
et  de  la  passion  ;  mais  il  est  de  notre  devoir  de  poursuivre  avec 
une  froide  énergie  l'accomplissemont  de  l'oeuvre  que  nous  avons 
entreprise. 


174  L'INTERNATIONALE 

«  Une  assemblée  générale  des  adhérents  à  la  fédération  aura 
lieu  prochainement. 

«  La  commission  fédérale  y  fera  un  rapport  sur  ses  travaux  et 
l'on  étudiera  ces  principes  et  ces  idées  socialistes  sur  lesquels 
notre  fc'd(''ration  s'appuie  et  que  nos  adversaires  chercheront  en 
vain  à  dénaturer. 

«  Pour  la  commission  fédérale, 

«  GARNIER;  Louis  MARTIN;  Fiunçois 
DUMARTHERAY.  » 


II 


Aux  citoyens  qui  ont  fait  partie  du  comité  central 
antiplébiscitaire  à  Lyon. 

(i  Citoyens  , 

«  Les  inculpés  dans  l'affaire  de  l'Association  internationale 
des  travailleurs  et  les  membres  de  la  commission  fédérale  ou- 
vrière lyonnaise  tiennent  à  vous  donner  un  témoignage  pubUc 
d'estime  et  de  sympathie  bien  mérité  par  votre  conduite  digne  et 
fraternelle  pendant  le  cours  de  la  détention  préventive  d'un  cer- 
tain nombre  d'entre  eux. 

«  Vous  avez  joint  vos  cotisations  à  celles  des  membres  de  l'In- 
ternationale pour  venir  en  aide  aux  prisonniers  et  à  leurs  fa- 
milles, vous  souvenant  alors  que,  malgré  les  divergences  qui 
peuvent  se  manifester  dans  les  actes  et  dans  les  opinions  de 
ceux  qui  composent  la  grande  armée  des  amis  de  la  liberté  et  de 
l'égalité,  il  y  a  des  sentiments  et  des  devoirs  qui  leur  sont  com- 
muns à  tous. 

a  Vous  avez  donné  un  exemple  que  nous  n'oubherons  pas,  et 
qui  sera  certainement  suivi  dans  d'autres  circonstances.  Pour  le 
moment,  nous  sommes  heureux  de  constater  que  les  intrigues, 
les  déceptions,  les  palinodies  qui  ont  si  souvent  jeté  le  désarroi 
dans  le  camp  de  la  révolution,  n'ont  encore  pu  arriver  à  briser 
la  solidarité  démocratique  universelle.  Que  cette  certitude  soit 
pour  nous  le  sijne  précurseur  du  triomphe  prochain  de  nos 
idées. 


ET    LE    JACOBINISME  175 

«  Nous  VOUS  donnons  une  poignûo  de  main  fraternelle.  ' 
a  François    DUMARTHERAY  ;    GARNIER  ;    GHARVET  ; 

Aldert    richard  ;   FAVRE  ;    BRET  ;    TAGUSSEL  ; 

ALATERNE;  L.  MARTIN;  TOURNA YRE;  GORNIER  ; 

PONGET;    RÉGIRAS;    P.     J.    PULLIAT  ;    PENEL  ; 

BAUZIN  ;   L.   PALIX.  :o 

III 
Fédération  ouvrière  Lyonnaise. 

Lyon,  le  18  juillet  1870. 

€  La  constitution  de  la  Fédération  étant  complètement  ache- 
vée, la  commission  fédérale  fait  savoir  à  tous  les  adhérents 
qu'elle  a  installé  son  bureau  central,  siège  officiel  de  la  Fédéra- 
tion, dans  un  local  adjacent  à  la  salle  du  théâtre  des  Folies-Lyon- 
naises, rue  Basse-du-Port-au-Bois,  n°  11,  à  la  Guillotière. 

«  Tous  les  mardis  et  jeudis,  de  huit  heures  à  neuf  heures  et 
demie  du  soir,  deux  membres  de  la  commission  fédérale  se  trou- 
veront au  bureau  à  la  disposition  des  corporations  et  des  ci- 
toyens qui  désireraient  des  renseig-nements. 

«  Des  exemplaires  des  statuts  de  la  Fédération  seront  vendus 
au  prix  de  10  centimes. 

«  Lyon,  le  8  juillet  1870. 

Pour  la  commission  fédérale, 
«B.  PLAGET;  PENEL;  GHARVET.  » 

IV 

a  La  Fédération  ouvrière  lyonnaise  a  annoncé  que  le  local  de  la 
commission  était  fixé  dans  une  salle  des  Folies-Lyonnaises,  rue 
Basse-du-Port-au-Bois.  Aujourd'hui  ce  local  lui  est  refusé  par 
le  propriétaire.  On  ne  sait  quelle  influence  a  pu  changer  d'un 
jour  à  l'autre  les  idées  de  celui-ci  ;  mais  quoi  qu'il  en  soit,  le  nou- 
veau local  sera  annoncé  incessamment  par  la  voie  du  Prorjrès. 


176  L  '  I  N  T  1-:  lî  NATION  A  L  E 

La  Fédùi'alion  ne  pouiTa  pas  alors  clro  taxée  de  société  secrète, 

à  l'instar  de  ce  qui  a  été  fait  pour  l'Internationale  *. 

«  En  attendant,  les  renseignements  relatifs  à  la  Fédération  se- 
ront donnés  par  les  citoyens  dont  les  noms  suivent  : 

«  Tacussel,  avenue  do  Saxe,  187;  ïournayre,  vuo  Uos- 
suet,  67;  Gharvet,  rue  du  Bon-Pasteur,  31.  » 

«  TACUSSEL  ;  Eaule  BARDEY  ;  PENEL  ;  GHARVET  ; 
François  DUMARTHERAY;  SGHILD  JEAN;  GOR- 
NIER  ;  J.  PREMILLIEUX  ;  A.  GUILLERMET.  » 

La  nouvelle  des  condamnations  prononcées  contre  les  inter- 
nationaux parisiens  jeta  le  désarroi  le  plus  complet  dans  le 
camp  des  Lyonnais.  Les  plus  comi)romis  furent  effrayés  de  la 
sévérité  du  tribunal  de  la  Seine.  En  homme  prudent,  Albert  Ri- 
chard fut  le  premier  à  se  mettre  en  lieu  sûr  et  à  se  réfugier  à 
Neuchâtel.  Du  fond  de  sa  retraite  il  exphquait  à  ses  amis  de 
Lyon,  que  condamna  d'avance  et  ne  pouvant  se  défendre,  il  s'é- 
s'était  mis  en  lieu  sûr  pour  délibérer  plus  mûrement  siw  les  vé- 
solulions  ultérieures  qu'il  aurait  éprendre. 

Ses  amis  d'ailleurs  n'étaient  guère  plus  rassurés  qne  lui; 
l'autorité  administrative  ayant  refusé  de  leur  accorder  l'autorisa- 
tion de  tenir  une  assemblée  générale  le  10  juillet,  ils  se  conten- 
tèrent de  protester  timidement  contre  ce  veto. 

L'agitation  provoquée  par  les  bruits  de  guerre  qui  prenaient 
chaque  jour  une  nouvelle  consistance  vint  ranimer  leurs  espé- 
rances. Ils  en  prenaient  prétexte  pour  protester  contre  la  guerre  ^. 
Dans  une  réunion  tenue,  le  17  juillet,  chez  le  sculpteur  Ubaudi 
et  oîi  assistaient  Blanc,  Tacussel,  Gharvet,  Busqué,  Ghol, 
A.  Martin,  Premillieux,  Fax,  Gennerel  et  une  vingtaine  d'ou- 
vriers tisseurs  de  la  Croix-Rousse,  il  était  convenu  (ju'une  mani- 
festation publique  aurait  lieu  le  jeudi  suivant  à  6  heures  du  soir, 
«ur  la  place  des  Terreaux;  que  tous  les  membres  de  l'Iuternatio- 
nale  y  seraient  convoqués,  que  l'on  protesterait  contre  la  guerre 
et  qu'une   délégation   serait  nonmiée  sur  la  place  même  pour 


1  11  n'y  a  jamais  ou  aucune  ùlHivoncc  enireVInlernalioiiaîe  et  la  Fédération. 

2  Nous  les  trouverons  plus   lard  à  la  Rotonde,  au  mois  de  septembre,  prê- 
chant la  ievoo  en  niasse  et  la  guerre  à  oulranre. 


ET  LE  JACOBINISME  177 

mettre  en  demeure  le  préfet  de  fournir  les  motifs  pour  lesquels 
il  refusait  à  l'Internationale  le  droit  de  se  réunir. 

L'assemblée  votait  par  acclamation  l'envoi  d'une  adresse  aux 
sections  prussiennes  pour  assurer  les  travailleurs  allemands  des 
sympathies  de  la  nation  française.  Il  était  décidé  qu'en  dépit 
du  veto  administratif,  le  cercle  d'études  d'économie  sociale  serait 
ouvert,  mais  que  pour  dérouter  les  recherches  de  la  police,  on  lui 
donnerait  le  nom  de  cercle  des  tisseurs  et  des  corporations  adhé- 
rentes et  qu'on  chargerait  du  soin  de  T organiser  vingt-cinq  tis- 
seurs des  moins  connus  comme  membres  de  V Internationale. 

La  manifestation  projetée  avorta  :  ses  promoteurs  furent  ar- 
rêtés la  veille  du  jour  oùelle  devait  se  produire.  Il  est  bon  de  rap- 
procher cette  manifestation  organisée  sous  l'inspiration  avouée  de 
T  Internationale  des  scènes  de  désordre  qui  éclatèrent  à  cette  épo- 
que à  Lyon .  Nous  voulons  parler  de  ces  promenades  dans  les  rues, 
drapeau  rouge  en  tête,  de  bandes  d'individus  en  blouse  vociférant  : 
A  bas  la  France  !  Vive  la  Prusse  !  Nous  avons  lieu  de  supposer  que 
les  menées  de  l'Internationale  n'y  furent  pas  étrangères,  avec  d'au- 
tant plus  de  raison  que  parmi  les  inculpés  figuraient  des  membres 
de  cette  société  et  que  c'est  l'Internationale  qui  avait  pris  l'initia- 
tive d'une  première  démonstration  en  faveur  du  maintien  de  la 
paix. 

Mise  de  nouveau  en  éveil  par  l'arrestation  de  quelques-uns  de 
ses  membres  ,  la  section  lyonnaise  s'occupa  désormais  des 
moyens  à  concerter  pour  correspondre  sûrement  avec  Paris  et 
les  autres  sections  de  l'Internationale  :  la  plupart  de  ses  séances 
furent  consacrées  à  cette  discussion.  Elle  avait  d'ailleurs  à  songer 
à  son  procès  dont  les  débats  venaient  d'être  fixés  au  8  août  *. 

Nous  avons  déjà  eu  l'occasion  d'expliquer  par  suite  de  (juel 
heureux  concours  de  circonstances  ce  procès  n'avait  jamais 
reçu  de  solution. 

Ces  délais,  ces  renvois  d'audience  à  audience  faisaient,  on  le 

i  II  avait  éié  convenu  dans  une  réunion  tenue  le  3  août  par  les  membres 
poursuivis  :  l»  que  Richard  serait  chargé  de  la  défense  collective  des  prin- 
cipes de  l'Internationale,  de  son  but  et  de  ses  moyens  d'aclion  ;  2"  que 
Me  Chenel  défendrait  l'ensemble  des  faits  incriminés;  3°  que  le  citoyen  Deauvoir 
présenterait  la  défense  collective.  On  devait  surtout  se  prévaloir  de  ce  faivque 
l'adhésion  de  la  fédération  lyonnaise  à  V Internationale  ne  pouvait  avoir 
qu'une  valeur  morale,  la  fédération  ayant  conservé  sa  complète  autonomie. 

12 


t78  L'INTERNATIONALE 

comprend,  le  bonheur  de  nos  internationaux  lyonnais  ;  ils  ne 
se  di.ssiniulaicnt  nullement  tout  l'effroi  que  leur  attitude  parais- 
sait inspirer  au  pouvoir  dans  les  circonstances  criti({ues  oii  le  pla- 
çaient les  événements  et  plus  encore  l'éloignement  de  l'armée.  Ils 
insistaient  pour  être  jugés  :  ils  en  appelaient  au  ministre  de  la 
justice  et  cherchaient  par  tous  les  moyens  possibles  à  amener 
des  complications  qu'il  était  prudent  d'éviter. 

Bientôt  leur  audace  ne  connaîtra  plus  de  bornes  ;  elle  gran- 
dira avec  les  malheurs  de  la  patrie  :  In  levée  en  masse  va  devenir 
leur  mot  de  ralliement  ;  les  cris  «  A  la  trahison  et  à  l'incapacité  !  » 
leur  moyen  d'action.  Us  attendent  une  occasion  favorable  :  ils 
ont  multiplié  leurs  conciliabules,  arrêté  les  mesures  à  prendre  au 
lendemain  d'un  nouveau  désastre  dont  ils  entrevoient  la  possi- 
biUté.  Aussi  les  retrouverons-nous  le  4  septembre  à  la  tête  des 
envahisseurs  de  l'hôtel  de  ville  décrétant  l'armement  delà  nation. 

Pendant  que  la  fédération  lyonnaise  déployait  autant  d'activité, 
les  fédérations mai'seillaise  et  rouennaise,  privées  de  leurs  chefs, 
ne  donnaient  plus  signe  de  vie.  Une  protestation  contre  la  guerre, 
voilà  tout  le  bilan  des  actes  accomphs  par  ces  deux  sièges  au- 
trefois si  importants  de  l'Internationale.  Il  faut  arriver  jusqu'au 
mois  de  septembre  pour  retrouver  sur  la  brèche  les  Bastelica, 
les  Combe,  les  Aubry  et  autres  champions  naguère  si  ardents 
des  idées  socialistes. 

La  situation  des  sections  parisiennes  n'était  guère  plus  bril- 
lante :  le  mouvement  de  propagande  était  complètement  arrêté. 
Une  seule  commission  fonctionnait  encore  :  elle  était  chargée  de 
la  répartition  des  secours  recueillis  en  faveur  des  détenus  et  de 
leurs  familles.  Quelques  rares  corporations  osaient  élever  la 
voix  en  faveur  de  l'Internationale  et  protester  contre  l'accusa- 
tion de  société  secrète  dirigée  contre  elle  ;  témoin  cette  décla- 
ration de  la  commission  administrative  de  la  Société  des  reheurs  : 

a  Nous  soussignés,  membres  de  la  commission  de  la  Société  de 

C'était  lathése  qu'avait  développée  quelques  mois  auparavant  le  citoyen  Gaspard 
Blanc,  devant  un  groupe  de  tisseur.'?. 

«  Il  y  a,  disait-il,  en  France,  une  difficulté  au  développemenl  de  l'Interna- 
tionale, c'est  un  petit  article  de  loi  qui,  je  l'espère,  disparaîtra  bientôt  de  nos 
Codes  et  qui  ne  permet  pas  son  orj^'anisation,  mais  cette  difficulté  a  été  tournéf!, 
et  les  travailleurs  français  en  se  déclarant  non  pas  mernbres  de  l'Internatio- 
nale, viais  seulement  adhérents  à  sfs  iirincipcs,  ne  tombent  pas  sous  ie  coup 
de  cette  loi  impopulaire .  » 


ET  LE  JACOBINISME.  179 

solidarilô  des  ouvriers  relieurs  de  Paris,  déclarons  que  l'Associa- 
tion internationale,  dont  nous  faisons  partie,  n'a  jamais  été  une 
société  secrète,ses  statuts  généraux  s'y  opposant  fornielleinent. 
t  Nous  protestons  énorgiquement  contre  cette  accusation, 
f  Au  nom  de  la  société, 

a  La  commission  administrative, 
«  H.   BELAZ,  P.   ROUDIER,  E.  BOGENVAL,  A.   CHAIL- 
LOU,  DUMONT,  DUREL,  FROEREISEN,  LANGELIN, 
MOULLAND,  PUREN,  SAGRÉ,  SCHOTT,  STERGKVAL, 
STAUBER.  . 

Vers  le  20  juillet,  une  commission  de  statistique  entrait  en 
fonctions  :  elle  avait  pour  mission  de  recueillir  les  éléments  d'une 
statistique  générale  du  travail  conformément  aux  résolutions  vo- 
tées par  le  congrès  de  Genève  au  mois  de  septembre  1866  *. 
Voici  la  circulaire  que  cette  commission  adressait  à  toutes  les 
sections,  avec  la  série  des  questions  sur  lesquelles  ces  der- 
nières étaient  appelées  à  fournir  des  renseignements  ;  ce  docu- 
ment mérite  d'être  connu,  il  offre  une  certaine  importance  : 

ce  Paris,  juillet  1870. 
«  Giloyens  ! 

a  Nous  vous  adressons  une  série  de  questions  sur  les  points 
de  statistique  qu'il  est  utile  aux  travailleurs  de  connaître. 

tt  Nous  fûmes,  il  y  a  quelque  temps,  nommes  par  le  conseil 
fédéral  parisien  de  l'Association  internationale  des  travailleurs 
pour  remplir  ce  devoir  imposé  par  le  congrès. 

«  Aujourd'hui,  après  la  dissolution  légale  de  l'Internationale, 
nous  continuons  cette  œuvre  en  notre  nom  personnel  jusqu'au 
moment  où  il  redeviendra  possible  de  rendre  compte  à  ceux  qui 
nous  avaient  nommés. 

a  Nous  comptons  quand  même  sur  votre  concours  actif.  Nous 
vous  prions  d'écrire  sur  cet  imprimé  la  réponse  auxquestions,  et 
de  nous  faire  demander  des  imprimés  semblables  pour  les  grou- 
pes déjà  constitués  ou  en  voie  déformation,  auxquels  nous  nous 

1  Cette  statistique  faisait  l'objet  de  l'une  d's  questions  comprises  dans  le 
programme  du  congrès  qui  devait  se  tenir  en  1870,  à  Paris  d'ibord,  à  Mayencc 
ensuite,  et  dont  les  événements  n'ont  pas  permis  la  réunion. 


180  L'INTERNATIONALE 

empresserons  d'en  envoyer,  sur  la  promesse  formelle  de  nous 
les  renvoyer,  remplis  cl  sous  enveloppe^  A  l'une  des  adresses 
ci-dessous. 

«  Salut  et  solidarité. 

«  PAUL  ROBIN,  rue  Monge,  95;  HENRY  BAGHRUCH, 
rue  de  l'Echiquier,  13;  MANGOLD,  rue  des  Partants,  49; 
E.  LANGEVIN,  rue  de  l'Église,  60;  Charles  KELLER, 
rue  Tournefort,  M. 


QUESTIONS. 

1°  —  Localité? 
2»  —  Profession? 

3°  —  Nombre  approché  des  ouvriers 
de  la  profession  ? 

4° —  Nombre  approché  des  ouvrières 
de  la  profession? 

50  —  Durée  du  travail  quotidien  en 
moyenne? 

6«  —  Durée  du  travail  quotidien  au 
maximum? 

7°  —  Si  le  travail  est    à  la  journée, 
quel  est  le  tarif  à  l'heure,  en  moyenne? 
8°  —  Si  le  travail  est  à   la  journée, 
quel  est  le  tarif  h  P heure,  au  maxi- 
mum ? 

Qo  —  Fait-on  beaucoup  d'heures  sup- 
plémentaires? 

10°  —  Quelle  est  l'augmentation  de 
salaire  pour  les  hem-es  supplémen- 
taires? 

llo  —  Quel  est  le  prix  de  l'heure  du 
travail  du  dimanche  ? 

12°  —  Si  le  travail  est  aux  pièces, 
indiquer  les  principaux  prix  ? 

13°  —  Que  représentent  ces  prix  par 
heure,  en  moyenne? 

14°  —  Que  représentent-ils  par 
heure,  au  maximum? 

15°  —  Quels  sont  les  salaires  des 
apprentis  aux  diverses  époques? 


REPONSES. 


ET   LE    JACOBINISME. 


181 


QUESTIONS. 

16°  —  Quelle  est  la  durée  moyenne 
de  l'apprentissage? 
17°  —  De  quel  Age  à  quel  âge? 
180  —   Commencement    du    travail 
quotidien  aux  diverses  époques? 

19°  —  Quelles    sont    les    heures  de 
repos  ? 
20°  —  Y  a-t-il  des  chômages? 
21°  —  Quelle  en  est  la  durée? 
22°  —  Que  font  les  ouvriers  pendant 
le  chômage? 

23°  —  Quelle  est  la  dépense  néces- 
saire pour  les  outils  ? 

24°  —  Quelles  sont    les    autres  dé- 
penses spéciales  à  la  profession? 

25"  —  Y   a-t-il    des    pénalités    aux- 
quelles les  ouvriers  sont  soumis? 

26°  —  Quelle  est  la  nature  des  vète- 
menls? 
27°  —  Quelle  est  leur  usure  ? 
28°  —  Jusqu'à    quel    âge    l'ouvrier 
est-il  capable  d'exercer  cette  profession 
en  moyenne? 

29°  —  Quel  est  l'âge  moyen  auquel 
parviennent  les  ouvriei's  de  la  pro- 
fession ?  (Pour  cela  donnez  l'âge  des 
décès  du  plus  grand  nombre  possible 
de  travailleurs.  Les  sociétés  qui  en- 
terrent leurs  membres  décédés  pour- 
ront sans  inconvénient  faire  ce  tra- 
vail.) 

30°  —  Jusqu'à  quel  âge  l'ouvrier 
est-il  capable  d'exercer  cette  profession 
au  maximum? 

31°  —  A  quelle  maladie,  à  quels  ac- 
cidents les  ouvriers  de  la  profession 
sont-ils  particulièrement  exposés? 

(Les  sociétés  organisées  en  pré- 
voyance, secours  mutuels,  au  lieu  de 
donner  une  simple  appréciation  con- 
sulteront leurs  registres  et  en  extrairont 
des  renseignements  précis.) 

32»  _  Quel  est  l'état  de  la  ventilation, 


REPONSES. 


482 


L'INTERNATIONALE 


QUESTIONS, 

de  l'éclnirago,  de  la  propreté  chez  les 
grands  et  chez  les  petits  patrons? 

330  —  Si  le  travail  se  fait  en  atelier, 
quel  est  le  nombre  ordinaii'e  des  ou- 
vriers ? 

340  —  Quel  est  l'espace  accordé  à 
chacun  d'eux  dans  les  ateliers? 

35°  —  La  profession  est-elle  exposée 
à  la  concurrence  étrangère  ? 

36"  —  Quel  est  l'état  d'instruction 
des  travailleurs  de  la  profession  ? 

37"  —  Observations  diverses. 


REPONSES. 


«  Sous  ce  titre  nous  prions  nos  correspondants  de  nous  adres- 
ser tous  les  autres  renseignements  qu'ils  jugeraient  de  nature  à 
intéresser  les  travailleurs  *.  » 

(Signatures  des  correspondants;  leurs  noms  et  adresses.) 

Si  l'Internationale,  fidèle  à  son  programme,  s'était  toujours  bor- 
née à  l'étude  de  questions  de  cette  nature,  nous  n'aurions  jamais 
eu  à  signaler  ses  menées  subversives  et  ses  projets  de  destruc- 
tion de  tout  ordre  social. 

Examinons  maintenant  les  actes  accomplis  pendant  cette 
période  par  le  conseil  général  de  Londres  et  les  sections 
étrangères. 

1  Ce  questionnaire  avait  été  rédigé  d'après  les  instructions  données  par  Je 
conseil  général  de  Londres,  iors  du  congrès  de  Genève.  Il  avait  elé  en  effet 
décidé  à  celte  époque  que  l'enquête  devait  porter  sur  l'espèce  d'industrie, 
l'âge  et  le  sexe  des  ouvriers,  les  salaires  et  gages,  les  heures  de  travail,  la 
description  de  l'atelier  cl  du  travail,  les  conditions  morales,  la  description 
de  l'industrie,  etc.,  etc. 


ET   LE   JAGOIHNISME.  188 


CHAPITRE  VI 


LE  S  AGISSEMENTS  DU  CONSEIL  GENERAL  —  DESIGNATION  D  UN  NOU- 
VEAU LIEU  DE  RÉUNION  POUR  LE  PROCHAIN  CONGRES RESOLUTIONS 

'  PRISES  PAR  LE  CONSEIL  GÉNÉRAL  AU  SUJET  DU  SIÈGE  DU  COJIITÉ 
FÉDÉRAL   ROMAND  —  PROGRAMME  DU  CINQUIÈME  CONGRES. 

Nous  savons  quelle  fut  l'attitude  du  grand  conseil  au  lende- 
main des  poursuites  dirigées  contre  les  membres  de  l'Interna- 
tionale par  le  gouvernement  français. 

11  vit  dans  un  événement  aussi  imprévu  une  question  de  vie 
ou  de  mort  pour  l'existence  de  l'association  en  France.  Com- 
prenant l'impossibilité  matérielle  pour  le  prochain  congrès  de 
se  réunir  à  Paris  et  ne  voulant  pas  laisser  péricliter  l'œuvre,  il 
décida  que  les  assises  du  travail  seraient  tenues  à  Mayence. 
Cette  résolution,  adoptée  dans  la  séance  du  17  mai,  était  portée  à 
la  connaissance  de  toutes  les  sections  par  la  voie  des  journaux 
de  l'Internationale.  Voici  dans  quels  termes  elle  était  conçue  : 

tt  Le  conseil  général, 

«  Considérant  :  que  par  le  congrès  de  Bâle,  Paris  a  été  dési- 
gné comme  lieu  de  réunion  du  congrès  de  l'Association  inter- 
nationale des  travailleurs  pour  l'année  1870  ; 

«  Que  tant  que  durera  le  régime  actuel  en  France,  le  congrès 
ne  pourra  se  réunir  en  France  ; 

«  Que  néanmoins  les  préparatifs  pour  la  réunion  du  congrès 
rendent  une  solution  immédiate  nécessaire  ; 

«  Que  l'article  3  de  nos  statuts  oblige  le  conseil  général  à 
changer,  en  cas  de  besoin,  le  lieu  fixé  par  le  congrès  pour  la 
réunion  du  nouveau  congrès  ; 


184  L'INTERNATIONALE 

c  Que  le  comité  central  du  parti  prolétaire  démocratique 
social  allemand  *  a  invité  le  conseil  général,  de  l'Association 
inlernalionale  à  transférer  son  congrès  en  Allemagne  ; 

a  Le  conseil  général,  dans  sa  séance  du  17  mai  1870, 
a  unanimement  résolu  que  le  congrès  (jui  doit  s'ouvrir  le 
5  septembre  prochain,  se  réunirait  à  Mayence  -.  » 

(Suivent  les  signatures  des  membres  du  Conseil  général.) 

Dans  notre  premier  travail  sur  l'Internationale,  nous  avons  eu 
soin  de  signaler  la  scission  qui  s'était  produite  au  congrès  de  la 
Chaux-de-Fonds  (avril  1870)  au  sujet  de  l'admission  des 
délégués  de  la  section  de  FalHance  de  Genève.  Le  conseil 
général  jugea  nécessaire  d'intervenir  dans  ce  conflit  et  de 
rendre  un  arrêt  aux  termes  duquel  le  comité  fédéral  romand 
siégeant  à  Genève  devait  conserver  son  titre,  et  celui  installé 
à  la  Chaux-de-Fonds  par  la  minorité  scissionnaire  adopter 
tel  autre  titre  local  qui  lui  plairait.  (Documents  justificatifs» 
pièce  /.) 

Cette  décision  mécontenta  vivement  la  Solidarité  de  Neu- 
châtel.  -James  Guillaume,  son  rédacteur,  contesta  au  conseil 
général  le  droit  d'imposer  ainsi  sa  volonté  à  la  fédération 
romande.  Il  déclarait  que  le  conseil  général  avait  manqué  à  tous 
ses  devoirs  en  intervenant  pour  donner  tort  ou  raison  à  une 
majorité  ou  à  une  minorité.  Il  ajoutait  qu'une  telle  manière 
d'agir  et  d'imposer  son  autorité  dans  des  choses  qui  ne  con- 
cernaient absolument  que  les  groupes  intéressés  était  tout  à 
fait  incompatible  avec  les  principes  de  l'Internationale. 

Il  est  assez  curieux  de  voir  des  énergumènes  comme 
Guillaume  vouloir  faire  acte  d'indépendance  vis-à-vis  du  conseil 
général  :  ne  résulte-t-il  pas  surabondamment  de  tous  les  faits 
que  nous  connaissons,  des  écrits  des  membres  de  l'Interna- 
tionale, des  lettres  d'Eugène  Dupont,  des  déclarations  mêmes 
de  la  presse   internationale,    que   le    conseil    général   dirige 

1  Nous  reproduisons  aux  Documents  justificatifs  le  programme  du  parti  social 
démocratique  allemand  (voir  pièce  h). 

2  Dans  la  même  séance,  le  conseil  général  prononçait  la  radiation  comme 
organe  officiel  de  l'Association  du  journal  le  Beehive,  parce  qu'il  était  devenu 
l'organe  de  la  clique  capitaliste  {Egalité,  28  mai  1870). 


ET   LE    JACOBINISME.  18ô 

toutes  les  aflaires,  que  sa  volonté  est  souveraine  et  ({ue  tous 
les  affiliés  sont,  quoi  qu'ils  veuillent  en  dire, ses  lirs-hiiinhlcs ser- 
viteurs. Nous  en  trouverions  au  besoin  une  preuve  suffisante  clans 
les  récriminations  de  Guillaume  qui  essaye  de  se  roidir  contre 
une  autorité  dont  il  est  en  mesure  mieux  que  personne  d'appré- 
cier toute  la  puissance,  et  qui  s'exci'ce  sans  contrôle.  A  quelle 
époque  en  effet  avons-nous  vu  le  congrès  ou  les  sections  infli- 
ger un  blâme  au  conseil  général  ?  toutes  les  résolutions  prises 
par  lui  en  dehors  du  congrès  n'ont-elles  pas  toujours  été  exécu- 
tées servilement  et  sans  soulever  la  plus  légère  protestation? 
Cet  état  de  choses  n'est  certes  pas  nouveau  :  dès  1867  le  bureau 
de  Paris,  dont  la  gestion  avait  sans  doute  à  souffrir  des  allures 
autoritaires  du  conseil  général,  se  récriait  contre  un  pareil 
despotisme  ;  l'un  de  ses  membres,  Cliémélé,  allait  jusqu'à  repro- 
cher à  Dupont  de  constituer  à  Londres  un  petit  gouverne- 
ment *. 

Le  12  juillet,  le  progranmie  du  prochain  congrès  était  arrêté, 
dans  une  assemblée  tenue  par  le  conseil  général  ;  les  questions 
qui  devaient  être  soumises  à  ses  discussions  ont  une  significa- 
tion qui  n'échappera  à  personne  :  l'abolition  de  la  dette  publique 
figure  au  premier  rang.  Voici  ce  programme  tel  que  nous  le 
trouvons  reproduit  dans  une  communication  faite  par  Eugène 
Dupont  au  correspondant  lyonnais  : 

I.  De  la  nécessité  d" abolir  la  dette  publique.  Discussion  sur 
le  droit  d'indemnité  à  accorder. 

IL  Des  rapports  entre  l'action  politique  et  le  mouvement 
social  de  la  classe  ouvrière. 

III.  Des  moyens  pratiques  pour  convertir  la  propriété  fon- 
cière en  propriété  sociale. 

IV.  De  la  conversion  des  banques  de  circulation  en  banques 
nationales. 

V.  Condition  de  la  production  coopérative  sur  une  échelle 
naturelle. 

VI.  De  la  nécessité  pour  la  classe  ouvrière  de  faire  la  statisti- 


«  a.  Vous  venez  nous  jeter  cette  insulte,  lui  écrivait  Dupont,  le  20  août  1867, 

de  nous  croire  un  petit  gouvernement Qui  donc  peut  être  accusé   de 

gouvernement,  est-ce  Paris  ou  Londres? » 


186  L'INTERNATIONALE 

que  générale  du  travail  *  conformément  aux  résolutions  du  con- 
grès de  Genève  de  1866. 

VII.  Nouvel  examen  de  la  question  sur  les  moyens  de  suppri- 
mer la  guerre. 

VIII.  (Question  proposée  par  le  conseil  rfônôral  belge.) 
Des  moyens  pratiques  de  constituer  des  sections  agricoles  au 

sein  de  l'Internationale,  et  d'établir  la  solidarité  entre  les  prolé- 
taires de  l'agriculture  et  les  prolétaires  des  autres  industries. 
11  est  inutile  d'ajouter  que  les  complications  politiques  sur- 
venues en  Europe  quelques  jours  après  ne  permirent  pas  la  dis- 
cussion de  ces  questions  ;  il  fut  décidé  que  la  convocation  du 
congrès  général  serait  renvoyée  à  une  époque  plus  favorable. 


II 


LA  DÉCLARATION  DE  GUERRE  ET  l'aTTITUDE  DE  l'iNTERXATIONALE. 
—  MANIFESTE  DU  CONSEIL  GENERAL  ET  DES  SECTIONS.  —  MEE- 
TINGS  ET    RÉUNIONS    POPULAIRES. 

La  déclaration  de  guerre  fut  une  bonne  fortune  pour  l'Inter- 
nationale :  elle  en  prit  prétexte  pour  s'affirmer  hautement  et  se 
répandre  en  récriminations  violentes  contre  le  despotisme  césa- 
rien.  Elle  essaya  de  dissimuler  sous  le  couvert  de  bruyantes 
protestations  la  Joie  qu'elle  ressentait  intérieurement  de  voir 
r ennemi  commun  :  «  l'empire  »  aux  prises  avec  de  nouvelles  dif- 
ficultés qu'il  avait  eu  l'imprudence  coupable  de  ne  pas  aplanir. 
C'était  le  moment  ou  jamais  de  recourir  à  cette  grève  générale 
votée  au  congrès  de  Bruxelles  pour  le  cas  où  la  guerre  vien- 
drait à  éclater. 

a  Nous  ne  sommes  pas  encore  prêts,  avouait  F  Egalité  de  Ge- 
nève (27  juillet  1870)  ;  malheureusement  nous  ne  sommes  pas 
encore  assez  organisés  ni  assez  nombreux  pour  pouvoir  faire  la 
grève  générale,  car,  si  nous  l'étions,  nous  l'aurions  faite  depuis 
longtemps,  sachant  bien  qu'une  pareille  grève  équivaut  au  der- 
nier acte  de  la  révolution  sociale  qui  s'accomplit  en  ce  moment. 

»  Nous  avons  déj.à  vu  que  quelques  membres  de  l'ancienne  fédération  pari- 
sienne s'étaient  mis  en  mesure  d'exécuter  cette  partie  du  programme. 


ET    LE    JACOIilNISME.  l>il 

Les  internationaux  soupirent  déjà  après  le  jour  probable  où 
les  malheurs  de  la  patrie  leur  fourniront  l'occasion  de  renverser 
«  rédUlco  bariolé  de  la  tyrannie.  »  Albert  Rir-liard,  l'une  des  lu- 
mières de  rintornationale,  trahit  lui-même  le  secret  de  ses  espé- 
rances dans  un  article  que  nous  recommandons  à  la  mé- 
ditation de  nos  lecteurs,  et  qui  a  i)Our  titre  :  F  Internationale  et  ht 
Guerre.  Il  donne  la  mesure  exacte  du  patriotisme  de  son  au- 
teur, que  nous  verrons  plus  tai*d  se  laisser  condamner  à  six 
mois  de  prison  pour  insoumission  au  service  mihtaire  !  !  ! 

«  L'Internationale,  écrit-il,  traverse  en  ce  moment  une  crise  ter- 
rible dont  le  dénoùment  ne  se  fera  pas  attendre.  Au  moment 
où  elle  prenait  en  France  un  développement  prodigieux  qui  éta- 
blissait enfin  sa  supériorité  sur  tous  les  partis  et  sur  toutes  les 
coteries  pohtiques,  au  moment  oii  elle  se  répandait  et  se  conso- 
lidait enfin  dans  tous  les  pays  de  l'Europe  à  la  fois,  alors  que 
les  masses  ouvrières  avaient  partout  déjà  reconnu  en  elle  la  ré- 
demptrice de  notre  société,  elle  a  été  poursuivie  en  France  et 
en  Autriche  avec  acharnement. 

Π Et.  maintenant  que  ces  poursuites  ne  sont  pas  encore  termi- 
nées, voici  qu'un  événement  inouï  vient  préoccuper  presque 
exclusivement  tous  les  esprits. 

«  Les  haines  nationales  se  réveilleront-elles?  Le  patriotisme 
des  Français  et  des  Allemands  dominera-t-il  en  eux  tout  autre 
sentiment?  Question  terrible,  question  de  vie  ou  de  nicrl,  que 
les  gouvernements  français  et  allemand  ont  voulu  poser  aux 
peuples  avant  que  la  révolution  soit  assez  forte  et  assez  bien 
organisée  pour  y  répondre.. 

a  Nos  adversaires  se  seront  peut-être  trompés  dans  leur 
calcul  machiavéUque. 

a  Dans  toute  l'Internationale,  dans  tous  les  grands  centres  in- 
dustriels, on  sait  que  ce  prétendu  intérêt  national  au  nom  du- 
quel se  font  toutes  les  guerres  n'existe  que  pour  une  intime 
minorité  de  tyrans  et  d'exploiteurs  qui,  à  l'aide  de  la  centra- 
lisation politique,  réussissent  à  inoculer  au  peuple  leurs  idées 
malsaines,  comme  la  puissante  organisation  théocratique  réussit 
à  entraver  de  ses  dogmes  et  de  ses  superstitions  la  marche 
progressive  de  l'humanité.  On  sait  et  c'est  là  surtout  le  carac- 
tère distinctif,  le  hoc  sir/no  vinces  de  notre  génération,  que  la 


18s  L'INTERNATIONALE 

double  tyi'aniiio  morale  et  inaLénclle,  lhùuci';iti({ue  et  politique 
est  la  consécration  nécessaire,  la  garantie  naturelle  et  indispen- 
sable de  l'organisation  sociale  actuelle. 

«  Là  oîi  la  loi  du  plus  fort  est  la  première  de  toutes,  là  où  les 
hommes  sont  insolidaires,  là  uii  cette  insolidarité  est  coiislam- 
menl  accrue  par  VhêrêdiLô,  par  Faliénation  du  sol  et  de  toute 
la  2-ichesse  sociale  au  profit  dos  uns  et  au  détriment  des  autres, 
là  où  des  hommes  se  tordent  dans  les  angoisses  de  la  misère 
tandis  que  leurs  semblables  nagent  repus  et  insensibles  dans  le 
bien-être  et  dans  l'opulence,  —  là  il  faut  qu'il  y  ait  des  hommes 
qui  se  fassent  un  devoir,  une  mission  de  conserver  et  d'entre- 
tenir la  souffrance,  de  protéger  la  ruse,  l'égoïsme  et  rop])res- 
sion. 

(£  Et  c'est  quand  de  tels  hommes  viennent  nous  parler  à  nous 
les  victimes,  les  exploités,  les  danmés  de  cet  enfer  qu'on  appelle 
la  civilisation  européenne,  c'est  quand  de  tels  Iwmmes  viennent 
nous  parler  d'honneur,  de  gloire  et  de  patrie,  que  nous  senti- 
rions vibrer  nos  cœurs  et  que  jious  mettrions  au  service  de  ces 
chimùves  notre  courage  et  notre  intelligence!  Qu'y  a-t-il  de 
commun  entre  eux  et  nous,  entre  T honnêteté  et  Finfamie,  entre 
la  justice  et  rinic/uité,  entre  le  travail  et  F  oppression? 

«  On  ose  venir  nous  parler  au  milieu  de  toutes  nos  préoccu- 
pations économiques,  malg-ré  les  aspirations  de  tous  les  travail- 
leurs vers  une  société  où  le  droit  de  tous  soit  reconnu  dans  la 
paix  et  dans  la  fraternité  universelles  ;  on  ose  venir  nous  parler 
de  Français  et  de  Prussiens,  d'intérêts  nationaux,  et  l'on  pousse 
à  se  massacrer,  non-seulement  deux  peuples  qui  s'estiment  et  se 
respectent,  mais  des  travailleurs  qui  ont  absolument  les  mômes 
intérêts,  qui  souffrent  des  mêmes  maux,  qui  ont  les  mêmes  en- 
nemis à  combattre  et  les  mêmes  droits  à  revendiquer I 

«  La  conscience  se  révolte  devant  de  pareils  faits. 

oc  Bien  des  gens  se  croient  engagés  par  le  sentiment  de  la  di- 
gnité nationale,  c'est-à-dire  par  un  intérêt  moral.  Ceci  est  du 
fanatisme  pur  et  simple.  11  n'y  a  pas  de  dignité  nationale,  il  y  a 
la  dignité  humaine  qui  nous  commande  à  tous  de  nous  respec- 
ter les  uns  les  autres,  et  il  y  a  la  dignité  des  travailleurs  qui 
leur  prescrit  de  s'organiser  pour  résister  aux  prétentions  et  aux 
privilèges  des  bourgeois. 


KT    LE   JACOIilNISME.  189 

«  En  1867,  lorsque  h\  guerre  monaraiL  d'éclater  entre  la  France 
et  la  Prusse,  de  nombreuses  i)rolostations  des  ouvriers  français, 
allemands,  belles  cl  suisses  parurent  dans  les  journaux  :  un 
immense  mouvement  se  fit  dans  louto  l'Europe  contre  la  p,uerre. 
a  Cette  fois  on  nous  a  à  peine  laissé  le  temps  de  manifester 
nos  sentiments;  la  g'uerrc  est  tombée  sur  nous  comme  un  coup 
de  foudre.  Cette  tacti({ue  ne  prévaudra  pas,  nous  l'espérons, 
coniro  l'expérience  du  peuple  et  contre  des  faits  tels  que  le  mé- 
contentement général  des  soldats  français  et  prussiens,  le  vote 
de  cinquante  mille  soldats  contre  l'empire  qui  les  mène  à  la  ])0U- 
cherie,  et  cela  malgré  la  pression  des  colonels  entre  les  mains 
desquels  tous  les  bulletins  de  vote  devaient  passer, 

«  Le  despotisme  veut  se  retremper  dans  le  carnage  !  C'est 
bon  signe.  Malheur  à  ceux  (jui  ne  s'appuient  (|ue  sur  la  force  ma- 
térielle, car  dans  une  épociue  comme  la  nôtre,  la  dernière  vic- 
toire doit  appartenir  à  la  force  morale,  Aprrs  les  halaillons  de 
la  Franco  et  de  la  Prusse,  l'armre  de  In  révolution  sociale  en- 
trera en  lice,  un  cri  de  justice  sortira  de  toutes  les  poitrines,  et 
l'ennemi  qui  sera  vaincu  alors  n  appartiendra  à  aucune  natio- 
nalité, ce  sera  cet  ennemi  séculaire  de  tous  les  hommes  et  de 
tous  les  peuples  qu'on  appelle  le  droit  du  plus  fort  et  l'insoli- 
darité. 

«  En  Franco  où  ces  idées  sont  déjà  devenues  prépondérantes, 
les  travailleurs  anxieux  regardent  vers  P Allemagne,  pi'éf s  à  s'u- 
nir avec  leurs  frèi'cs  contre  rennenii  commun.  Le  moment  est 
suprême  ! 

«  Que  les  travailleurs  allcjnands  et  français  se  serrent  les  uns 
contre  les  autres.  Nous  ne  sommes  plus  aujourd'hui  au  temps  do 
Napoléon  l*""  et  il  faudrait  désespérer  de  notre  génération  si 
elle  ne  savait  pas  profiter  de  cette  occasion  pour  affirmer  ses 
principes  et  ses  intentions.  » 

Voilà  les  intentions  de  l'Internationale  clairement  dévoilées  ; 
désormais  le  patriotisme  de  ses  membres  est  jugé  :  profiter  de 
foccasion  pour  s'unir  avec  les  travailleurs  allemands  contre 
y  ennemi  commun.  Le  moment  est  suprême. 

Ces  déclarations  d'Albert  Richard  sont  de  nature  à  nous  édifier 
sur  la  valeur  de  toutes  ces  protestations  contre  la  guerre  publiées 
à  cette  époque  par  tous  les  groupes  internationaux,  et  qui  devaient 


190  L'INTERNATIONALE 

contraster  si  étrangement  avec  leur  attitude  au  mois  de  septem- 
bre. Car,  il  faut  bien  ([u'on  le  sache  (et  nous  le  démontrerons  par 
desdociunents  irrécusables),  Jn  lulleà  outrance n'eulT^as  déplus 
chauds  partisans  que  les  internationaux.  La  salle  de  la  Rotonde, 
à  Lyon,  retentit  encore  dos  discours  belli(iueux  des  Richard, 
des  Bastehca,  des  Saignes  et  autres  recrues  qui,  les  Jours  d'é- 
meute et  d'insurrection ,  se  cachent  prudennnent,  après  avoir 
jeté  dans  la  rue  quelques  misérables  comparses.  Le  mot  de 
ralliement  avait  été  changé  pour  les  besoins  de  la  cause  :  au  lieu 
de  protester  une  fois  de  plus  contre  la  guerre  et  d'appeler  de 
tous  leurs  vœux  la  conclusion  de  la  paix,  il  n'était  plus  question 
alors  que  de  levée  en  masse,  d'appel  aux  armes,  d'enrôlement 
de  volontaires,  etc. 

Les  internationaux  parisiens  furent  les  premiers  à  protester 
contre  cette  nouvelle  levée  de  boucliers  :  ils  rom})aient  ainsi  le 
silence  qu'ils  avaient  si  prudemment  gardé  depuis  le  mois  de 
mai.  Leurs  nombreuses  protestations  figurent  dans  notre  pre- 
mier ouvrage  sur  l'Internationale  ;  nous  nous  bornerons  donc 
à  en  faire  mention  sans  les  reproduire  de  nouveau.  Qu'on  nous 
permette  cependant  une  oliservation.  Nous  avons  prétendu  que 
les  sections  de  Paris  avaient  été  complètement  désorganisées 
par  l'arrestation  de  leurs  membres  :  nous  maintenons  le  fait.  Les 
protestations  dont  il  s'agit  sont  l'œuvre  d'internationaux  agissant 
individuellement  ;  il  n'y  avait  plus  à  cette  époque  de  sections 
constituées  ;  et  si  quelques-unes  de  ces  protestations  sont  indi- 
quées comme  émanant  de  telle  ou  telle  section,  cette  désigna- 
tion n'a  aucune  valeur.  Elle  a  été  employée  pour  donner  plus  de 
poids  à  la  protestation  qui  paraissait  ainsi  être  le  fait  de  tout 
un  groupe,  alors  qu'en  réalité  ce  n'étaient  que  quelques  adhé- 
rents qui  en  avaient  pris  l'initiative.  Pour  ne  citer  qu'un  exem- 
ple, la  section  des  Gobelins  existait  si  peu  à  cette  époque  que 
nous  trouvons  au  mois  de  mars  1871  dans  le  Cri  du  peuple  un 
appel  adressé  à  ses  anciens  membres  pour  les  inviter  à  travailler 
à  se  reconstituer.  Ah  uno  disce  omnes.  Nous  avons  (pielque  rai- 
son de  croire  que  ce  n'est  pas  pendant  le  siège  de  Paris  qu'elle 
avait  été  désorganisée. 

L'exemple  donné  par  les  internationaux  parisiens  ne  devait 
pas  tarder  à  trouver  des  imitateurs. 


ET    LE   JACOBINISME.  194 

Dans  toutes  les  sections  les  protestations  contre  la  guerre 
étaient  à  l'ordre  du  Jour,  à  Bàle,  Barcelone,  Rouen,  lîi-uxelles, 
Leipsick,  Lyon,  etc.,  etc.  Ce  n'étaient  partout  ({ue  manifestes 
et  adresses  de  la  classe  ouvrière.  Nous  ne  pouvons  résister  au 
plaisir  de  reproduire  ici  queltpies  échantillons  do  cette  littérature 
sortie  des  oflicines  de  l'Iuternationalc  :  on  jugera  combien  le 
ton  en  est  pacifique  et  rassurant. 

La  section  bruxelloise  ouvre  la  marche  par  un  appel  à  la  guerre 
sociale 

«  Vous,  ouvriers,  les  grands  souffre-douleur  ,  les  parias, 
non-seulement  vous  fournirez  la  chair  à  canon,  non-seulement 
on  vous  forcera  de  par  la  discipline  à  égorger  vos  frères  sous 
prétexte  qu'ils  parlent  une  autre  langue  que  la  vôtre,  mais  le 
travail,  votre  unique  ressource,  venant  à  cesser  subitement, 
vous  n'aurez  plus  qu'à  opter  entre  la  mort  par  la  faim  ou  la 
mort  par  le  plomb. 

«  Voulez-vous  sérieusement  la  paix,  voulez-vous  l'assurer  à 
tout  jamais  !  eh  bien  1  sachez  vouloir  ce  qui  peut  seul  assurer  la 
paix,  aidez-nous  à  détruire  le  régime  social  actuel,  seule  cause 
de  tous  nos  maux. 

«  Travailleurs,  frères  de  tous  les  pays,  courage,  la  délivrance 
approche  :  de  l'excès  même  de  nos  maux  sortira  la  délivrance. 
Faisons  tout  poui'  empêcher  le  sang  de  couler,  mais  que  tout  le 
sang  qui  coulera  retombe  sur  la  tête  des  auteurs  directs  et  in- 
directs du  massacre,  et  que  les  martyrs  de  la  guerre  qui  débute 
soient  nos  derniers  martyrs. 

«  N'oubliez  pas,  quand  sonnera  T heure,  votre  héroïque  c/e- 
vise  : 

«  Vivre  en  travaillantou  mourir  en  combattant.  » 

Le  manifeste  des  sections  espagnoles  et  celui  de  la  fédération 
rouennaise  expriment  les  mêmes  sentiments  dans  des  termes 
aussi  violents  contre  V omnipotence  du  capital.  En  voici  quelques 
extraits  : 

œAu  nom  de  la  solidarité  qui  unit  tous  les  travailleurs  de  notre 
grande  et  vaste  Association, 

«  La  fédération  ouvrière  rouennaise  croit  qu'il  est  de  son  de- 
voir de  protester  contre  l'emploi  des  armées  pour  résoudre  les 
conflits  européens. 


192  L'INTERNATIONALE 

«  Elle  proteste  de  toute  son  énergie  contre  les  procédés  de  la 
vieille  politique  qui,  sans  respect  pour  la  tranquillité  des  fa- 
milles, va  jeter,  sans  avoir  consulté  les  peuples,  des  milliers 
d'ouvriers  les  uns  contre  les  autres. 

<(  Appartenant  à  la  même  Association  qui  ne  connaît  de  dis- 
tinction, ni  (le  race,  ni  do  couleur,  ni  de  nationalité,  qui  partout 
ne  voit  que  dos  frères  courbés  sous  le  joug  du  même  despotisme, 
romnijw lance  du  capital,  intéressés  à  combattre  les  abus  parle 
développement  de  la  solidarité,  nous  vous  prions,  chers  compa- 
gnons qui  composez  les  ai'mées  de  tous  les  pays,  de  croire  à 
toutes  nos  sympathies. 

a  La  fédération  ouvrière  rouennaise  proclame  bien  haut 
qu'elle  ne  connaît  de  guerre  juste  que  celle  qui  a  pour  but  de 
résoudre  le  grand  problème  à  l'ordre  du  jour,  V abolition  du  ser- 
vage moderne. 

«  Rouen,  li  juillet  1870.  » 


a  C'est  au  moment  oià,nous,  ouvriers,  réunissons  tout  ce  que 
nous  avons  d'idées,  deforces,  d'aspirations,  dans  une  vaste  Asso- 
ciation internationale,  c'est  à  l'instant  où.  nous  déclarons  que 
la  fraternité  est  la  loi  suprême  de  l'humanité,  que  des  hommes 
aveugles,  derniers  restes  des  races  sauvages  et  barbares,  en- 
treprenent  audacieusement  d'entretenir  et  d'éterniser  entre  nous 
des  germes  de  division  et  de  haines  nationales 

«  Aujourd'hui  plus  que  jamais,  devant  la  destruction  nous  re- 
présentons Vcdiûcation  ;  nous  sommes  la  vie,  en  face  de  ceux 
qui  sont  la  mort;  nous  symbolisons  le  droit  et  la  paix,  eux 
n'ont  jamais  été,  ne  seront  jamais  autre  chose  que  la  gnerre  et 
l'injustice. 

(Manifeste  des  sections  espagnoles  de  Barcelone,  17  juillet 
1870.) 

Le  16  juillet,  un  meeting  considérable  des  ouvriers  de  Bruns- 
wick exprimait  sa  parfaite  harmonie  avec  les  sentiments  pro- 
clamés par  les  sections  françaises  et  repoussait  toute  idée  d'en- 
tagonisme  national  contre  la  France.  ^ 


ET    LK    J  ACOniNI^MK.  193 

Le  17  juillet,  une  grande  assemblée  composée  «le  plus  de 
60,000  travailleurs  était  tenue  à  Cliemuit/.  (Saxo)  sous  les 
auspices  de  Bebel  et  de  Liebknecht  ;  la  résolution  suivante  y 
était  unanimement  adoptée  : 

«  Au  nom  de  la  démocratie  allemande,  et  spécialement  au 
nom  des  travailleurs  du  i)arti  démocrate  socialiste  allemand, 
nous  déclarons  la  guerre  actuelle  purement  dynastique.  Nous 
ne  nous  y  mêlerons  pas  plus  que  les  démocrates  français,  et 
spécialement  les  travailleurs  du  parti  démocrate  socialiste 
français.  Nous  touchons  avec  bonheur  la  main  fraternelle  que 
les  travailleurs  français  nous  tendent  dans  leur  adresse  pu- 
bliée dans  le  Réveil  du  12  juillet.  Enfin,  nous  rappelons  la  de- 
vise de  l'Association  internationale  des  travailleurs  :  Prolétaires 
de  tous  les  pays,  unissez  vous  ;  nous  n'oublierons  jamais  que  les 
travailleurs  de  tous  les  pays  sont  nos  amis,  que  les  despotes  de 
tous  les  i)ays  sont  nos  ennemis. 

«  Dites  encore  aux  travailleurs  français  qu'à  Leipzig  et  d'au- 
tres villes  allemandes,  des  assemblées  populaires  seront  convo- 
quées pour  prendre  des  résolutions  pareilles.  Le  comité  central  du 
parti  socialiste  allemand,  siégeant  à  Brunswick- Wollénbuttel, 
fera  en  outre  une  réponse  officielle,  au  nom  du  parti  démocrate 
socialiste  qu'il  représente,  à  Tadi'esse  des  travailleurs  français  '. 

«  Au  nom  des  travailleurs  saxons. 
«  Salut  fraternel. 
a  BEBEL,  LIEBKNECHT,  EKSTEIN,  DEMLER.  » 

A  la  même  époque,  la  ville  de  Aladrid  était  le  théâtre  de  mani- 
festations populaires  contre  la  guerre.  Des  colonnes  de  milliers 
il'ouvriers  parcouraient  les  rues  ])récédées  d'iui  drapeau  rouge 
sur  lequel  étaient  écrits  ces  mots  :  Le  peuple  a  faim. 

On  se  rappelle  encore,  la  mort  dans  l'àme,  avec  quel  enthou- 
siasme frénétique  fut  accueillie  par  toute  la  population  la  décla- 
ration de  guerre  à  la  Prusse:  on  n'a  pas  perdu  le  souvenir  de  ces 
démonstrations  belhqueuses  qui  se  produisirent  alors  à  Paris  et 


1  Nous  avons  reproduit  cette  adresse  officielle  dans  notre  premier  ouvrage. 
(7«  édition,  page  284.) 

13 


194  L  '  I  X  T  E  R  X  A  T I  0  X  A  L  E 

ailleurs.  Les  cris  A  liei'lin!  Au  Rhin!  retentissent  encore  flon- 
lourensement  ù  nos  oreilles. 

L'Internationale  ne  vit  dans  toutes  ces  manifestations  ({Wune 
manœuvre  de  police ,  que  le  fait  de  quelques  bandes  d'individus  en 
relations  plus  ou  moins  intimes  avec  la  police  impériale  (La  So- 
lidarité, numéro  du  28  juillet  1870). 

Le  conseil  général  élevait  à  son  tour  la  ^■nix  pour  flétrir 
la  conduite  de  Bismark  et  de  Bonaparte.  Voici  le  inanifeste 
qu'il  adressait  à  toutes  les  sections  d'Europe  et  des  États-Unis  ; 
les  injures  les  j)lus  grossières,  les  calomnies  les  plus  odieuses 
et  les  attaqiu^s  les  plus  violentes  s'y  trouvent  réunies  : 


MANIFESTE 

DU  CONSEIL  GÉNÉRAL  DE  l'aSS0CL\TI0N  INTERNATIONALE  DES  TR.W AIL- 
LEURS AUX  MEMBRES  DE  l' ASSOCIATION  INTERNATIONALE  DES  TRA- 
VAILLEURS EN  EUROPE  ET  AUX  ETATS-UNIS. 

«  Dans  le  manifeste  d'inauguration  de  l'Association  internatio- 
nale des  travailleurs,  publié  en  novembre  1864,  nous  disions  : 
a  Si  l'émancipation  des  classes  ouvrières  requiert  leur  fraternel 
concours,  comment  pourront-elles  remplir  cette  grande  mission 
avec  une  politique  étrangère  à  la  poursuite  de  desseins  crimi- 
nels, exjjloitant  les  préjugés  nationaux  et  prodiguant  en  guerres 
de  pirates  le  sang  et  les  trésors  du  peuple  ?  s 

a  Nous  définissions  la  politique  étrangère  à  laquelle  Vlnterua- 
tionale  aspii'e,  en  ces  termes  :  «  Revendiquer  les  simples  lois 
de  morale  et  de  justice  qui  devraient  présider  aux  relations  en- 
tre les  individus,  comme  devant  régir  souverainement  les  rap- 
ports entre  nations.  » 

(c  Quoi  d'étonnant  que  Louis  Bonaparte  ait,  dès  le  premier  mo- 
ment ,  traité  V Internationale  en  ennemi  dangereux  ,  lui  qui 
usurpa  le  pouvoir  par  l'exploitation  de  la  guerre  des  classes  en 
France  et  le  maintenait  par  des  guerres  périodiques  au  dehors  ? 

«  A  la  veille  du  plébiscite,  il  ordonna  des  razzias  contre  les 
comités  administratifs  de  l'Asi^ociation  dans  toute  la  France,  à 
Paris,  Lyon,  Marseille,  Rouen,  Brest,  etc.,  sous  prétexte  que 


KT    L1-:  JACOBINISME.  1«R 

V Internationale  étnit  une  société  secrète,  pataugeant  dans  un 
complot  poui'  son  assassinat,  prétexte  (|iii  lut  bientôt  exposé 
dans  toute  son  absurdité  par  ses  juges  à  lui. 

a  Quel  était  le  véritable  crime  des  sections  françaises  de 
V Internationale^ Elles  avertissaient  le  peuple  irançais,  publique- 
ment et  à  voix  baute,  (jue  voter  le  plébiscite,  c'était  voter  le 
despotisme  au  dedans  et  la  guerre  au  dehors.  En  réablé,  c'était 
l'œuvre  de  nos  sections  françaises  cpie,  dans  toutes  les  grandes 
villes,  dans  tous  les  centres  industriels  de  France,  la  classe  ou- 
vrière s'est  levée  comme  un  seul  homme  pour  rejeter  le  plébis- 
cite. Malheureusement,  la  lourde  ignorance  des  campagnes  a  fait 
tourner  la  balance  ^  La  bourse,  les  cabinets,  les  classes  gou- 
vernantes et  toute  la  presse  d'Europe  ont  célébré  le  plébiscite 
conune  une  victoire  signalée  remportée  par  l'empereur  fran- 
çais sur  la  classe  ouvrière  française,  et  ce  fut  le  signal  d'un  as- 
sassinat, non  d'un  individu,  mais  de  nations. 

«  La  guerre,  ourdie  en  juillet  1870,  n'est  qu'une  édition  revue 
et  corrigée  du  coup  d'Etat  de  décembre  1851.  Tout  d'abord  cette 
guerre  parut  si  aljsurde  ({ue  la  France  n'y  voulut  pas  croire.  Elle 
croyait  plutôt  à  la  parole  du  député  qui  dénonça  les  discours 
guerriers  du  ministère  comme  un  tripotage  de  bourse.  Lorsque, 
à  la  fin,  la  guerre  fut  officiellement  annoncée,  le  15  juillet,  au 
Corps  législatif,  l'opposition  en  masse  refusa  les  premiers  sub- 
sides préliminaires  d'une  guerre  que  Thiers  môme  stigmatisa 
de  détestable  ;  tous  les  journaux  indépendants  de  Paris  la  con- 
damnèrent et,  chose  étonnante,  la  presse  provinciale  s'y  joignit 
presque  à  l'unanùnité. 

«  Sur  ces  entrefaites,  les  membres  parisiens  de  V Internationale 
s'étaient  remis  à  l'œuvre.  Dans  le  Réveil  du  12  juillet,  ils  pu- 
blièrent leur  manifeste  «  aux  ouvriers  de  toutes  les  nations  », 
duquel  nous  extrayons  les  passages  suivants  : 

€  Une  fois  encore,  sous  prétexte  d'équilibre  européen,  d'hon- 
neur national,  des  ambitions  pohtiques  menacent  la  paLx  du 
monde.  Travailleurs  français,  allemands,  espagnols,  que  nos  voix 
s'unissent  dans  un  cri  de  réprobation  contre  la  guerre... 

»  Voir  aux.  Documents  justiflcatifs  (pièce  i)  un  article  du  journal  ['Egalité, 
sur  la  propagande  dans  les  campagnes  el  le  résultat  du  plébiscite. 


196  L'INTERNATIONALE 

«  Nous  protestons  contre  le  sang-  répandu  pour  la  satisfaction 
odieuse  de  vanités,  d'amours-propres,  d'ambitions  monarclii- 
({ues,  froissées  ou  inassouvies. 

«  Oui,  de  toute  notre  énergie,  nous  protestons  contre  la  guerre, 
comme  hommes,  comme  citoyens,  comme  travailleurs... 

(c  Frères  d'Allemagne,  nos  divisions  n'amèneraient,  des  doux 
côtés  du  Rhin,  que  le  triomphe  complet  du  despotisme... 

ce  Travailleurs  de  tous  les  pays,  quoi  qu'il  arrive  de  nos  efforts 
communs,  nous,  membres  de  l'Association  internationale  des 
travailleurs,  qui  ne  connaissons  plus  de  frontières,  nous  vous 
adressons  comme  un  gage  de  solidarité  indissoluble  les  vœux 
et  le  salut  des  travailleurs  de  France.  » 

ce  Ce  manifeste  des  sections  de  Paris  fut  suivi  de  nombreuses 
adresses  françaises  semblables,  dont  nous  ne  pouvons  citer  ici 
(jue  celle  de  Neuilly-sur-Seine,  publiée  par  la  Marseillaise  du 
22  juillet  :  «  La  guerre  est-elle  juste  ?  —  Non  !  La  guerre  est- 
elle  nationale?  —  Non!  Elle  est  purement  dynastique.  Au  nom 
de  l'humanité,  de  la  démocratie,  des  véritables  intérêts  de  la 
France,  nous  adhérons  complètement  et  énergiquement  à  la  pro- 
testation de  l'Internationale  contre  la  guerre.  » 

ce  Un  curieux  incident  vint  bientôt  montrer  que  ces  protestations 
exprimaient  les  vrais  sentiments  des  travailleurs  français.  La 
hande  du  10  décembre,  que  Louis  Bonaparte  organisa  à  l'époque 
de  sa  présidence^  ayant  été  déguisée  en  blouses  et  lâchée  dans 
les  rues  de  Pai'is  pour  y  simuler  les  contorsions  de  la  fièvre 
ffuerrière,  les  vrais  ouvriers  des  faubourgs  iirent  des  démons- 
trations tellement  imposantes  en  faveur  de  la  paix,  que  le  pré- 
fet de  police  Piétri  jugea  prudent  d'interdire  sans  retard  la  po- 
litique des  rues,  sous  prétexte  que  la  féale  population  parisienne 
avait  donné  un  cours  suffisant  à  son  patriotisme  comprimé  et  à 
son  enthousiasme  échevelé  pour  la  guerre.  — •  Quels  que  puis- 
sent être  les  incidents  de  la  guerre  de  Louis  Bonaparte  contre 
la  Prusse,  le  glas  funèbre  du  second  empire  a  déjà  sonné  à 
Paris.  Il  finira  comme  il  a  commencé  —  par  une  parodie.  Tou- 
tefois n'oublions  pas  que  ce  sont  les  gouvernants  de  l'Europe 
qui  ont  mis  à  même  Louis  Bonaparte  de  jouer  pendant  dix-huit 
ans  la  farce  féroce  de  V empire  restauré. 

«  Du  côté  allemand,  cette  guerre  est  une  guerre  défensive.  Mais 


ET    LE    JACOLUNISME.  197 

(jui  a  mis  rAll('iniii,'no  dans  la  nécessité  do  so  dclendre?  Qui  a 
Iburni  à  I3t)iiai)arto  l'occasion  do  lui  faire  la  guei-ro?  Lti  Prusse. 
C'est  Bismark  qui  conspirait  avoc  le  mémo  Louis  Jiona])arte, 
afin  d'écraser  l'opposition  populaire  à  l'intérieur  et  d'annexer 
l'AUemag-ne  à  la  dynastie  des  IlohonzoUorn.  S'il  avait  perdu 
la  bataille  de  Sadowa,  au  lieu  de  l'avoir  gagnée,  des  batail- 
lons français  auraient  envahi  l'Allemagne  comme  alliés  de  la 
Prusse. 

«  Après  sa  victoire,  le  gouvernement  prussien  songea- t-il  un 
instant  à  opposer  une  Allemagne  libre  à  une  France  esclave?  Au 
contraire.  Tout  eu  prescrivant  soigneusement  les  beautés  innées 
de  son  ancien  système,  il  y  ajouta  tous  les  trucs  du  second  em- 
pire, son  despotisme  réel  et  son  pseudo-démocratisme,  ses 
fourberies  politiques  et  ses  tripotages  financiers,  son  langage 
ampoulé  et  ses  vils  tours  de  main.  Le  régime  bonapartiste,  qui 
jusqu'alors  ne  florissait  (]ue  d'un  côté  du  Rhin,  avait  trouvé  sa 
contrefaçon  de  l'autre  côté.  D'un  tel  état  de  choses,  que  pouvait- 
il  résulter  sinon  la  f/iu}ri'o  ? 

«  Si  la  classe  ouvrière  allemande  souffre  que  la  guerre  actuelle 
perde  son  caractère  strictement  délensif  et  dégénère  en  une 
guerre  contre  le  peuple  français,  la  victoire  ou  la  défaite  seront 
pour  elle  également  désastreuses.  Tous  les  maux  qui  ont  accablé 
l'Allemagne  après  sa  guerre  de  l'indépendance  revi\ront  avec 
plus  d'intensité. 

«  Néanmoins  les  principes  de  l'Internationale  sont  trop  grande- 
ment répandus  et  trop  profondément  enracinés  au  sein  de  la 
classe  ouvrière  allemande,  pour  que  nous  ayons  à  craindre  la 
réalisation  d'un  tel  malheur.  La  voix  des  travailleurs  français  a 
rencontré  un  écho  en  Allemagne ,  Un  immense  meeting  d'ouvriers 
tenu  à  Brunswick  le  16  juillet  a  exprimé  son  adhésion  complète 
au  manifeste  de  Paris,  a  repoussé  avec  indignation  l'idée  d'un 
antagonisme  national  contre  la  France  et  a  résumé  ainsi  ses 
résolutions  : 

«  Nous  sommes  ennemis  de  toutes  guerres,  mais  surtout  des 

guerres  dynastiques c'est  avec  une  profonde  tristesse  que 

nous  nous  voyons  forcés  de  soutenir  une  guerre  défensive 
comme  un  mal  inévitable;  mais  nous  faisons,  en  même  temps, 
appel  à  toute  la  classe  ouvrière  allemande,  pour  rendre  le  retour 


198  L'INTERNATIONALE 

d'un  aussi  épouvantable  malheur  social  impossible,  en  revendi- 
quant pour  les  peuples  eux-mêmes  le  droit  de  décider  de  la  paix 
et  de  la  guerre  et  en  les  rendant  maîtres  de  leurs  propres  des- 
tinées. » 

«  A  Chemnitz,  une  réunion  de  déléf^ués  représentant  50,000 
ouvriers  saxons  a  adopté  à  l'unanimité  une  résolution  à  cet  effet  : 

<t  Au  nom  de  la  démocratie  allemande,  et  spécialement  des  ou- 
vriers formant  le  parti  démocrate-socialiste,  nous  déclarons  la 
guerre  présente  exclusivement  dynastique...  Nous  sommes 
heureux  de  serrer  la  main  fraternelle  qui  nous  est  tendue  par 

les  travailleurs  de  France Nous  rappelant  le  mot  d'ordre  de 

l'Association  internationale  des  travailleurs  :  Prolétaires  de 
tous  les  pays,  unissez-vous,  nous  n'oublierons  jamais  que  les 
travailleurs  de  /o?;s  les  pays  sont  nos  amis,  et  que  les  despotes 
de  tous  les  pays  sont  nos  ennemis.  » 

«  La  section  de  Berlin  de  l'Internationale  a  également  répondu 
au  manifeste  de  Paris  : 

«  Nous  nous  associons  de  tout  cœur  à  votre  protestation 

solennellement  nous  vous  promettons  que  ni  le  bruit  des  tam- 
bours, ni  le  tonnerre  des  canons,  ni  victoire,  ni  défaite  ne  nous 
détourneront  de  notre  travail  poiu*  l'union  des  prolétaires  de  tous 
les  pays.  » 

«  Qu'il  en  soit  ainsi. 

a  A  l'ombre  de  cette  lutte  homicide  se  dresse  la  sinistre  figure 
de  la  Russie.  C'est  un  signe  de  mauvais  augure  que  le  signal  de  la 
guerre  ait  été  donné  au  moment  même  où  le  gouvernement  mos- 
covite venait  de  finir  ses  lignes  stratégiques  de  chemin  de  fer  et 
concentrait  déjà  ses  troupes  sur  le  Pruth.  Quelle  que  soit  la 
sympathie  que  les  Allemands  peuvent  réclamer  dans  une  guerre 
de  défense  contre  l'agression  bonapartiste,  ils  se  l'aliéneraient 
en  permettant  au  gouvernement  prussien  de  demander  ou  d'ac- 
cepter l'aide  du  cosaque.  Qu'ils  se  souviennent  qu'après  leur 
guerre  de  l'indépendance  contre  le  premier  Napoléon,  l'Allema- 
gne est  restée,  durant  des  générations,  abattue  aux  pieds  du 
czar. 

«  La  classe  ouvrière  anglaise  tend  une  main  fraternelle  aux  tra- 
vailleurs français  et  allemands.  Elle  est  intimement  convaincue 
que,  quels  que  puissent  être  les  résultats  de  cette  horrible 


ET   LE    JACOBINISME.  l09 

L,'uerre,  l'alliance  des  classes  ouvrières  de  tous  les  pays  finira  par 
tuer  la  guerre.  Le  fait  seul  que,  pendant  que  la  France  et  l'Alle- 
magne officielles  se  précipitent  dans  une  lutte  fratricide,  les  ou- 
vriers de  France  et  d'Allemagne  échangent  des  messages  de 
paix  et  de  fraternité,  —  ce  grand  fait,  sans  parallèle  dans  l'his- 
toire du  passé,  nous  fait  entrevoir  un  avenir  meilleur.  Il  esl.  la 
preuve  qu'en  opposition  à  la  vieille  société  avec  ses  misères 
économiques  et  son  délire  polili(iue,  une  nouvelle  société  surgit 
dont  la  règle  internationale  sera  \apaix,  parce  que  le  régulateui' 
national  sera  partout  le  même  —  7e  travail.  Le  pionnier  de  cette 
société  nouvelle  est  Y  Association  internationido  des  travail- 
leurs. 

Le  Conseil  général  : 

«  Robert  APPLEGAfiTlI  ;  Martin  J.  BOON  ;  Fréd.  BRAD- 
NIOK;CowELL  STEPNEY;  John  HALES;  William  HA- 
LES  ;  George  HARRIS  ;  Fréd.  LESSNER  ;  W.  LINTERN , 
LE(  iREULIER  ;  Maurice  ZEVY  ;  George  MILNER  ;  Thomas 
MOïTEllSHEAD;  Charles  MURRAY  ;  George  ODGER  , 
James  PARNELL  ;  PFANDER  ;  RUHL  ;  Joseph  STE- 
PIIERD  ;  STOLL  ;  SCHMITZ  ;  W.  TOWNSHEND. 

Secrétaires   correspondants  : 

«  Eugène  DUPOxNT,  pour  la  France;  Karl  MARX,  pour 
l'Allemagne  ;  A.  SERRAILLIER,  pour  la  Belgique,  la 
lande  et  l'Espagne  ;  Herman  YUNG,  pour  la  Suisse  ;  Gio- 
vanni BORA,  pour  l'Italie  ;  Antoine  ZABIZKI,  pour  la  Po- 
logne ;  James  COHEN,  pour  le  Danemark  ;  J.-G.  EGCARIUS, 
pour  les  États-Unis  ^ . 

«  Benjamin  LUCRAFT,  président  de  la  séance. 

«  John  WESTON,  trésorier. 

ft   J.  Georges   EGCARIUS,  secrétaire  général. 

«  Londres,  le  23  juillet  1870. 

«  Bureau  :  256,  High  Ilolborn,  W.  G.  » 
Les  arrêtés  d'expulsion  rendus  par  le  gouvernement  français 
•    Georges  Eccarius  est  d'origine  allemande  ;  Yung,    d'origine  suisse. 


200  L'INTERNATIONALE 

contre  les  Allemands  résidant  en  France  ne  pouvaient  manquer 
de  soulever  les  récriminations  de  l'Inlei-nalionale.  De  pareilles 
mesures  lui  parurent  odieuses  et  dignes  des  temps  les 
plus  bar])ares.  Le  Volks/aaf  s'empressa  de  déclarer,  on  réponse 
à  certaines  accusations  portées  contre  l'attitude  en  cette  circon- 
stance des  ouvriers  français,  que  ceux-ci,  en  tant  qu'ils  appar- 
tiennent à  T Internationale,  considèrent  les  ouvriei^s  allemands 
comme  leurs  freines,  et  que  c'étaient  les  membres  français  de 
l'Association  internationale  qui,  seuls,  pouvaient  mener  à  bonne 
lin  la  chute  de  l'empire  sans  dnnrjor  pour  la  liberté  de  la  France 
et  deïAUemaffne. 

Cette  déclaration  nous  édifie  sur  le  véritable  Lut  que  poursui- 
vait l'Internationale  en  France,  pendant  que  l'ennemi  en  souillait 
déjà  le  sol. 

Nous  devons  ajouter  que  les  inculpés  dans  l'alTaire  du  com- 
])lot,  par  une  déclaration  rendue  publique,  adhérèrent  à  la  protes- 
tation pacifique  de  l'Internationale.  Voici  cette  déclaration;  elle  est 
sous  la  date  du  14  juillet  : 

«  Quatre-vingt-unième  anniversaire  de  la  prise  de  la  Bastille  par 
le  peuple  souverain  et  jour  de  notre  départ  pour  Blois. 

«  Nous,  républicains,  internés  à  Mazas  depuis  cinq  mois  révo- 
lus, par  ordre  du  ministère  Ollivier,  —  nous  qui  sommes  pour  la 
fraternité  des  peuples  contre  l'alliance  des  rois,  —  déclarons 
complètement  adhérer  à  la  protestation  pacifique  de  l'Associa- 
tion internationale  des  travailleurs. 

«  DUPONT,  J.  FONTAINE,  GARREAU,  M.-A.  GROMIER, 
A.  JOLY,  PELERIN,  H.  SAPPIA.  » 


III 


LE     GOUVERNEMENT     AUTRICHIEN    ET     LA    DISSOLUTION    DE    TOUTES      LES 
SOCIÉTÉS  OUVRIÈRES.  CONGRES  DE  BARCELONE. 

Nous  avons  déjà  vu  que  le  gouvernement  autrichien  était  loin 
de  professer  une  très-grande  sympathie  à  l'endroit  des  doctrines 
de  l'Internationale  et  qu'il  poursuivait  avec  acharnement  tous 
les  propagateurs  des  idées  socialistes. 


KT    Lie    JACOHlMSMi:.  201 

Drs  le  mois  d'août  il  procédailà  lîi  confiscation  du  join-nal  le 

Volkswvillo  (volonté  du  peuple),  organe  de  la  section  de  Vienne. 

Tous  les   clubs   ouvriers  et  les  vingts-cinq  trade's-unions    de 

Vienne  étaient  supprimés  à  cause  de  leur  tendance  socia/is/o  et 

(hwfjcreuso pour  l'FAat. 
Voici  les  noms  de  ces  trade's-unions  : 
Société  des  maçons  et  tailleurs  do  pierres  ; 

—  des  teinturiers  et  bronzier  ; 

—  des  apprcteurs  ; 

—  des  potiers  ; 

—  des  selliers,  corroyeurs,    liandagistes,  couverturiers, 

faiseurs  de  malles; 

—  des  boulangers  ; 

Union  des   relieurs,  laiseurs   d'éluis,    cartouuiers,    peintres 
de  cartes  à  jouer  et  autres  brandies  semblables  ; 

Société  des  pelletiers,  des  faiseurs  de  casquettes,    teininriers 
en  peau  et  pelleterie  ; 

—  des  fondeurs  en  métaux  et  potiers  d'élain  ; 

—  des  tailleurs  ; 

—  des  ouvriers  en  fer  ; 

—  des  teinturiers  en  soie,  laine  et  coton  ; 

—  des  menuisiers  et  ébénistes  ; 

—  des  tourneurs,  ouvriers  sur  l'écume  de  fer  et  sur  l'nm- 

br©  et  boutonniers  ; 

—  des  lithographes  et  imprimeurs  lithographes  ; 

—  de  tous  les  faiseurs  d'instruments  de  musique  ; 

—  des  doreurs,  peintres  et  vernisseurs  ; 

—  des  charrons  ; 

—  des  bijoutiers,  orfèvres  et  joailliers  ; 

—  des  ouvriers  cotonniers,  tisserands,   ruJjannieis,  ou- 

vriers sur  la  soie,  passementiers,  ouvriers  sur  les 
cordonnets,  lacets  et  galons  ; 

—  des  compagnons  cordonniers  ; 

—  des  armuriers  ; 

—  des  chapeliers; 

—  des  vitriers,  marchands  de  verres,  polisseurs  el  tail- 

leurs de  glaces  ; 
Cette  dissolution  était  qualifiée   de  barbare  i)ar  tous  les  or- 


202  L'INTERNATIONALE 

ganes  de  l'Internationale,  qui  poussaient  à  cette  occasion  les 
hauts  cris  de  l'indig'nation  et  de  la  veng-eance. 

La  réaction  Irionipho,  s'écriait  le  Volkslvillc,  mais  nous  n'a- 
^'ons  pas  peui'  de  cette  réaction  :  elle  passera,  et  notre  temps  ne 
tardera  pas  à  venir. 

Le  langage  du  Volsktaat  de  Leipsick  et  de  V Egalité  de  (ienève 
était  encore  plus  explicite  : 

«  En  Autriche  comme  dans  toute  l'Allemagne,  les  travailleurs 
n'ont  jamais  séparé  les  deux  questions  politique  et  sociale,  dans 
leurs  aspirations  :  c'est  ce  qui  permet  d'espérer  que  si,  d'un 
côté,  la  guerre  bonapartiste  a  eu  son  contre-coup  à  Vienne  dans 
la  dissolution  des  associations,  d'un  autre  côté,  si  la  ruine  de 
la  France,  la  dévastation  et  tous  les  revers  de  la  guerre  brisent 
enfin  la  patience  trop  magnanime  du  peuple  français  et  l'amènent 
à  se  lever  unanimement  contre  l'oppression  insupportable,  la 
révolution  française  aura  aussi  son  contre-coup  à  Vienne.  » 
(Égalité,  10  août  1870.) 

«  Nous  remercions  bien  les  ministres  d'État  autrichiens  :  ils 
prennent  bien  soin  pour  c[ue  le  tonnerre  do  la  révolution  fran- 
çaise trouve  son  écho  sur  le  Danube.  »  {Volskstaat,  10  août  1870.) 

Nous  devons  ajouter  que  cette  dissolution  fut  accompagnée 
de  quelques  scènes  de  désordre  et  que  même  des  collisions  san- 
glantes se  produisirent  à  Vienne  et  à  Gratz.  Il  y  eut  quelques 
morts  et  plusieurs  blessés. 

Comme  on  peut  en  juger,  le  gouvernement  français  n'avait  pas 
été  le  seul  à  sévir  contre  l'Internationale  :  il  est  juste  cependant 
de  reconnaître  qu'il  ne  fut  pas  aussi  loin  dans  cette  voie  que  l'Au- 
triche et  qu'il  ne  recourut  jamais  à  des  mesures  aussi  extrêmes. 

Si  l'Internationale  perdait  du  terrain  en  Autriche,  il  n'en  était 
pas  de  même  en  Espagne.  Le  congrès  de  Barcelone  venait  im- 
primer une  nouvelle  impulsion  au  mouvement  socialiste  dans  la 
Péninsule.  De  toutes  parts  les  ouvriers  se  groupaient,  se  fédé- 
raient et  envoyaient  leur  adhésion  à  l'Internationale.  La  fédéra- 
tion de  Barcelone  était  définitivement  constituée,  avec  un  effectif 
d'une  cinquantaine  de  sociétés  formant  un  total  de  quinze 
mille  membres.  La  fédération  espagnole,  dirigée  par  des  hom- 
mes énergiques  et  résolus,  allait  devenir  une  des  plus  actives  et 
des  plus  importantes  de  rintcrnationale. 


ET   LE    JACOBINISME.  203 


CHAPITRE    VII 


LES  PREMIÈRES  TENTATIVES    DE    LA.   DEMAGOGIE.  —  TROUBLES    A  LYON 

ET  A  MARSEILLE.  —  PILLAGE  d'aRMES  A    SAINT-ETIENNE.    AFFAIRE 

DES    POMPIERS    DE     LA     VILLETTE.    —    AGITATION    A     COSNE     ET    AU 
GREUZOT. 

Pendant  que  l'Inlernationale  levait  si  audacicusement  l'éten- 
dard de  la  guerre  sociale  et  proclamait  qu'elle  aurait  hienlôl  son 
Jour,  la  démagogie,  dont  le  concours  lui  était  depuis  longtemxjs 
assuré,  faisait  ses  premières  armes. 

Nous  n'avons  pas  à  apprécier  ici  à  quelles  inspirations  elle 
obéissait  ;  mais  ce  que  nous  tenons  à  proclamer  bien  haut,  c'est 
que  ces  tentatives  étaient  doublement  criminelles  et  qu'elle  a 
assumé  devant  l'histoire  une  partie  de  la  responsabilité  de  nos 
désastres.  Il  est  vrai  que,  pour  elle  comme  pour  sa  digne  sœur, 
Vlnternatioi^le,  la  patrie  n'est  qu'un  vain  mot  :  le  désordre, 
l'anarchie,  voilà  sa  seule  devise. 

Son  réveil  commence  avec  l'agitation  plébiscitaire  :  elle  es- 
saya pour  la  première  fois  ses  forces  dans  les  réunions  tenues  à 
cette  époque  et  put  compter  ses  membres. 

Au  mois  de  juillet  nous  la  retrouvons  sur  la  brèche,  plus  forte 
et  plus  ardente  que  jamais.  Le  temps  des  théories  et  dos  dis- 
cours est  passé  :  le  moment  de  l'action  paraît  venu. 

Lyon  donne  le  signal  :  durant  plusieurs  jours  des  scènes  tu- 
multueuses s'y  produisent  ;  des  bandes  d'individus,  drapeau 
rouge  en  tête,  parcourent  les  rues  en  vociférant  :  A  bas  la  France! 
Vive  la  Prusse!  Des  attroupements  stationnent  en  permanence 
sur  les  places  publiques  et,  dispersés  sur  un  point,  vont  aussitôt 
se  reformer  sur  un  autre. 

Les  établissements  religieux  et  notamment  le  couvent  des  je 


gO-i  L'INTERNATIONALE 

suites,  rue  Sainte-Hélène,  sont  envahis  et  saccagés,  les  vitres  en 
sont  brisées  ;  les  agents  de  l'autorité  sont  assaillis  à  coups  de 
pierres.  On  entend  des  gens  exprimer  publiquement  l'espoir  que 
la  France  sera  vaincue.  Nous  pourrions  citer  tel  négociant  de  Ta- 
rare, qui,  de  ce  chef,  a  été  condamné  à  trois  mois  de  prison.  On 
aperçoit,  comme  aux  plus  mauvais  jours,  des  figurés  sinistres,  co- 
horte habituelle  des  émeutes.  Au  lendemain  do  notre  première  dé- 
faite, les  mômes  excitations  sont  mises  en  œuvre;  le  sang  coule 
à  la  suite  d'une  échauffourée  aussi  ridicule  qu'insensée,  provo- 
quée par  le  notaire  Lcntillon  '  dont  le  4  septembre  devait  abréger 
la  captivité  et  faire  un  membre  du  comité  do  sid/it  public.  Nous 
démontrerons  plus  tard  qu'il  s'y  trouvait  en  bonne  compagnie 
et  que  la  révolution  devait  trouver  à  Lyon  un  terrain  tout  préparé. 

Les  démagogues  stéphanois  tenaient  à  honneur  de  se  montrer 
dignes  de  leurs  voisina  :  ils  ouvraient  la  campagne  par  un  pil- 
lage d'armes.  Un  pareil  début  promettait  pour  l'avenir  :  le  -4  sep- 
tembre ouvrait  aux  pillards  les  portes  de  la  prison  et  rendait 
à  la  société  ces  victimes  politiques. 

Au  Greuzot,  le  drapeau  rouge  était  promené  dans  les  rues; 
quelques  cris  de  Vive  la  Prusse  !  étaient  proférés.  Et  quel  était 
l'auteur  de  celte  démonstration?  Un  certain  Supplissiz,  devenu 
plus  tard  commissaire  de  police  au  Greuzot,  et  compromis  dans 
les  troubles  dont  cette  ville  fut  lo  théâtre,  les  26  février,  26  et 
27  mars  1871. 

Bientôt  l'agitation  révolutionnaire  et  démagogique  gagnait  la 
Nièvre,  Sous  la  haute  direction  du  célèbre  Gamboni,une  tentative 
de  soulèvement,  aussitôt  réprimée ,  avait  lieu  à  Arquian  et  à 
Neuvy,  dans  les  environs  de  Gosne,  le  21  août  1870.  Le  tocsin 
était  sonné,  et  les  cris  :  Aux  armes  !  poussés  dans  les  rues.  Au 
nombre  des  instigateurs  figuraient,  entre  autres,  RoberE,  Malar- 
dier  et  deux  membres  de  l'Internationale  ^  que  nous  retrouverons 

1  Le  citui'on  Lentillon,  notaire  à  Tliurins  (Rhône),  fut  condamné,  le  3  sep- 
tembre, à  un  an  de  prison  par  le  2^  conseil  de  guerre  de  la  8«  division  militaire. 
Mis  en  liberté  le  lendemain,  il  a  eu  le  triste  courage  de  rechercher  la  défense 
de  Deloclie,  l'un  des  inculpés  de  l'affaire  d'Arnaud,  et  de  venir  à  l'audienco 
essayer  la  réhabilitation  du  plus  lâche  des  assassins. 

-  Les  citoyens  Fournier  et  RigoUet.  (le  dernier  était  secrétaire  do  la  section 
de  Cosne.  11  était  porteur,  au  momenlde  son  arreslalion,  d'une  lettre  d'Eugène 
Dupont,  lui  conférant  ce  titre. 


HT    LE    JACOIHMSME  20y 

plus  tard  à  la  tôte  do  rémcule  conunmirirdr  t[\ù    so  jjrodiiisil  à 
Gosnc  dans  la  journée  du  17  avril  dernier. 

Marseille  no  pouvait  rester  en  arrière  dans  une  voie  si  bi'il- 
lammenl  inaug-urée.  A  la  lu'cmière  nouvelle  des  dés.istres  de 
ReisciiolTcn,  des  bandes  s'ori^-anisaient  et,  grossies  jjur  les  cu- 
rieux et  les  désœuvrés,  se  rendaient  sur  la  place  do  la  Préfec- 
ture où,  à  g'rands  cris,    elles  demandaient  des  armes  sous  le 
prétexte  de  courir  à  la  frontière.  Cette  manifestation,  qui  n'eût  eu 
rien  que  de  louable  si  elle  avait  éLé    dit'tée  par  un  sonlimont  j);:- 
triolique,  n'avait  d'autre  but  que  d'augmenter  l'agitation  du  pays, 
d'enlrclcnir  une  iiKpiiètudo  regi-ettable  et  d'aggraver  par  des 
trouijles  intérieurs  la   situation  déjà  si  critique  de  la  P>ance. 
Le  8  août,  les  mêmes  scènes  se  renouvelaient  à  l'instigation  du 
comilc  répnblicnhi  socialislc  dont  nous  avons  reproduit  une 
proclamation  à  l'armée.  «  Les  amis  et  frères  »  étaient  convoqués 
au  cours  du  Giiapitre  et,  de  là,  se  portaient  de  nouveau  sur  la 
place  de  la  Préfecture  où,  comme  la  veille,  des  armes  étaient  ré- 
clamées. Sur  la  réponse  faite  par  l'autorité  que  des  armes  ne  se- 
raient délivrées  qu'aux  enrôlés  volontaires,  un  certain  nombre  de 
membres  du  comité  socialiste  se  réunissaient  aussitôt  dans  leur 
salle  habituelle,  rue  Vacon.  Il  était  décidé  qu'on  se  rendrait  à 
l'hôtel  de  ville  pour  y  rédiger  une  pétition.   Cette  déclaration 
était  communiquée  à  la  foule,  qui  se  pressait  à  la  porte  de  la 
salle,  et  accueiUie  par  de  frénétiques  applaudissements.  On  se 
mettait  bientôt  en  route  :  les  membres  du  comité  marchaient  en 
tête,  drapeau  déployé.  Quelques  minutes  après  la  mairie  était 
envahie  par  une  populace  sans  cesse  grossissante  et  qui  se  ruail 
dans  le  vestibule.  Un  agent  de  police,  ayant  été  reconnu  par  la 
foule  au  moment  où  elle  se  précipitait  dans  l'escalier,  fut  frappé 
et  renversé  ;  ses  vêtements  furent  mis  en  lambeaux.  Pendant  ce 
temps  les  membres  du  comité  s'installaient  dans  la  grande  salle  et 
y  rédigeaient  une  pétition  pour  demander  au  préfet  l'autorisation 
d'établir  un  comité  d'enrôlement.  La  plupart  d'entre  eux  étaient 
porteurs  d'armes  prohibées  :  les  uns  étaient  armésde  poignards  ; 
les  autres  de  revolvers  ou  de  pistolets  ;  quelques-uns  portaient 
des  cannes  à  épée,  de  gros  bâtons  pouvant  servir  d'assommoirs. 
Sur  ces  entrefaites,  la  force  armée,  accourue  en  toute  liâte, 
dégageait  les   abords  de  l'hôtel  de  ville,   cernait  cet  établis- 


^06  L'INTERNATIONAIJ': 

sèment  et  ne  tardait  pas  à  s'emi)arer  des  quarante  individus 

<[ui  s'étaient  constitués  en  comité  d'initiative  privée. 

Pendant  (jue  ce  comité  rédij^'-cait  sa  pétition,  des  coups  île 
pistolet  partis  de  la  foule  qui  s'agitait  au  dehors  fin-ent  sur  le 
point  d'allumer  la  g-uerre  civile  et  de  devenir  le  signal  d'une 
collision  sanglante.  Le  bruit  de  ces  détonations  avait  produit  un 
tumulte  indescriptible  et  il  l'allut  toute  la  présence  d'esprit  des 
chefs  de  la  force  armée,  tout  le  calme  et  la  prudence  des 
hommes  placés  sous  leurs  ordi'es,  pour  conjurer  l'orage. 

Mais  qui  trouvons -nous  à  la  tête  de  cette  démonstration  soi- 
disnnt  pnipioliqiic  ?  Les  mêmes  individus  que  nous  verrons  plus 
tard  proclamer  la  commune  révolutionnaire  ou  s'associer  à  son 
œuvre  :  ces  socialistes  dangereux,  ces  (jeus  déclassés,  ces  ambi- 
tieux politi(jues  dont  les  récents  conseils  de  guerre  de  Mai'- 
seille  viennent  de  débarrasser  la  société.  Il  est  intéressant  de 
constater  que  sous  tous  les  régimes  l'émeute  et  la  guerre  civile 
retrouvent  toujours  les  mêmes  artisans;  que,  conspirateurs 
hier,  ils  le  sont  aujourd'hui,  ils  le  seront  demain  et  toutes  les 
fois  que  l'occasion  leur  en  sera  donnée. 

Nous  tenons  à  indiquer  les  noms  des  individus  qui  se  trou- 
vaient dans  la  salle  de  l'hôlel  de  ville  au  moment  où  la  police 
y  pénétra.  C'étaient  :  Grémieux,  Giraud,  Sorbier,  Maviel,  Alerini, 
Tardif,  Onkelinx,  Holkinson,  Blanqui,  Bordes,  Fonteneau, 
Hentz,  Gombes,  Hayand,  Pillard,  Castagne  i,  Matheron  (Cé- 
lestin),  Armand,  Gilbert,  Barthélémy,  Maurel,  Bosc,  Gonteville, 
Lafage,  Icard,  Ismael,  Verdier,  Matheron  (Emile),  Lapierre, 
Blanc,  Delon,  Anthelme,  Vieux,  Gros,  Lombard,  Gérard,  Ro- 
main, Giraud,  Fossat,  Carenca. 

Parmi  ces  individus  figurent  de  nombreuses  recrues  de  l'In- 
ternationale, et  de  ce  nombre,  Combes,  Alerini,  Maviel,  Pillard, 
Vieux,  etc.  Sept  d'entre  eux  ont  fait  partie  de  la  commune  révo- 
lutionnaire installée  à  Marseille  le  l^""  novembre  :  Sorbier,  Gon- 
teville, Castagne,  Maviel,  Combes,  Bordes,  Bosc.  On  n'a  pas 


I  Castagne,  devenu  garde  civique  au  4  septembre  et  plus  tard  membre  de  la 

commune  révolutionnaire,  était  signalé  par  l'opinion  publique  comme  l'auteur 

de  i'attenlat   commis   sur    la  personne   du  préfet    Cent  au  moment   de   son 

arrivée  à  Marseille.  Arrêté  à  la  suite  de  ce  fait,  il  a  été  remis  en  liberté,  l'ins- 

ruction  n'ayant  relevé  aucune  charge  sérieuse  contre  lui. 


ET   LE   JACOBINISME.  207 

oublié* le  rôle  joué  dans  l'émeute  du  mois  d'avril  par  Sorbier, 
Crémieux,  Matheron  et  autres.  Nous  no  faisons  ici  ((u'indiquer 
ces  fails;  nous  aurons  bientôt  l'occasion  de  les  étudier  dans 
tous  leurs  détails. 

Tous  les  membres  du  comité  républicain  socialiste  arrêtés 
dans  la  salle  de  l'hôtel  de  ville  ne  furent  pas  poursuivis  :  une 
ordonnance  de  non-lieu  fut  rendue  en  faveur  de  quelques-uns 
d'entre  eux. 

Quinze  seulement  furent  traduits  devant  le  !•"■  conseil  de 
guerre  de  Marseille  (audiences  des  27  et  28  août  1870)  et  con- 
damnés, savoir  : 

Gaston  Crémieux,  avocat,  à  6  mois  de  prison  ; 

Paul  Giraud,  avocat,  à  1  mois; 

Sorbier  (Auguste),  journaliste,  à  6  mois  ; 

Tardif  (Joseph),  employé,  à  1  mois; 

Maviel  (Joseph),  cordonnier,  à  1  an  ; 

Bernard  (Pierre),  cordonnier,  à  i  mois  *  ; 

Combe  (Etienne),  vernisseur,  à  6  mois  : 

Bosc  (Victor),  maçon,  à  G  mois; 

Frédéric  Bordes,  peintre,  à  8  mois; 

Conteville  (Auguste),  ajusteur,  à  1  an  ; 

Philibert  Gilbert,  tailleur,  à  1  an; 

Eugène  Barthélémy,  employé,  à  1  mois  ; 

Esprit  Tourniaire,  maçon,  à  3  mois  ; 

Félix  Debray,  entrepreneur,  à  1  an  de  prison  et  4,000  francs 
d'amende  -. 

Quelques  jours  plus  tard,  des  faits  d'une  plus  haute  gravité 
se  produisaient  à  Paris  :  nous  voulons  parler  de  la  scène  de 
tumulte  et  d'agression  de  la  caserne  de  la  Villette  et  des  assas- 
sinats commis  sur  la  personne  des  pompiers  qui  l'occupaient. 
Le  dimanche,  14  août,  vers  3  heures  du  soir,  une  bande  de 
60  à  80  individus,  tous  armés  de  revolvers  et  de  poignards,  ar- 
rivant du  haut  de  la  Villette,  attaquaient  le  poste  de  la  caserne  des 

ï  Bernard  (Pierre)  était  le  délégué  de  la  corporation  des  cordonniers  au  sein  de 
la  chambre  fédérale  ;  Combes,  celui  des  vernisseurs  ;  Bordes,  celui  des  peintres. 

-  Deliray  était  l'auteur  des  six  coups  de  revolver  tirés  dans  la  foule  ;  il  était 
accusé  de  violence  et  voies  do  fait,  et  d'avoir  crié  Vive  la  Prwse  !  en  passant 
sur  le  trottoir  du  café-Glacier. 


208  L  '  I  NT  E  R  N  A  T I  0  N  A  L  E 

pom))iers  située  sur  le  boulevard  du  même  nom.  Aous  voulons, 
avait  dit  le  chef  de  la  bande  au  lieutenant  du  poste,  procliinior  lu 
république.  Donnez-nous  vos  fusils  cl  marchez  avec  nous  au 
Corps  législatif.  Sur  le  refus  de  ce  dernier  d'obtempérer  à 
d'aussi  brutales  injonctions,  ces  forcenés  se  ruaient  sur  le  fac- 
tionàaire  et  le  renversaient  d'un  coup  de  revolver.  Le  poste  était 
envahi  :  plusieurs  pompiers  étaient  grièvement  blessés,  et 
quelques  fusils  enlevés  par  les  émeuliers. 

Les  sergents  de  ville  de  la  rue  de  Tanger,  prévenus  de  ce  qui  se 
passait,  accouraient  en  toute  liàte'  :  ils  essuyaient  à  leur  tour  une 
violente  décharge  et  l'un  d'eux  tombait  mortellement  frappé.  A 
quelques  pas  du  lieu  de  la  scùne,  une  petite  tille  de  cinq  ans 
recevait  une  balle  en  pleine  poitrine.  Pendant  un  instant  la  lutte 
fut  des  plus  acharnées  et  la  mêlée  devint  générale.  Cependant  les 
émeutiers,  déconcertés  par  l'attitude  hostile  de  la  foule  et  vigou- 
reusement attaqués  par  les  sergents  de  ville,  commencent  à 
reculer,  et,  au  bout  d'une  heure,  l'ordre  était  rétabli  par  la 
police,  puissamment  secondée  par  la  population.  De  nombreuses 
arrestations  étaient  opérées. 

Démagogie,  voilà  de  tes  coups  !  Tu  peux  à  ton  aisecouvrir  de 
ta  responsabihté  ces  assassins  qui  tirent  sur  des  hommes  dé- 
sarmés, ces  misérables  qui  tuent  des  enfants  ! 

L'Internationale  n'a-t-elle  pris  aucune  part  à  ce  complot  contre 
la  sûreté  de  l'État?  Certes,  en  dépit  de  la  protestation  des  sec- 
tions parisiennes,  il  est  bien  permis  de  penser  le  contraire, 
surtout  lorsqu'on  retrouve  à  la  tête  de  la  bande  l'un  des  adeptes 
les  plus  fervents  de  l'Internationale,  le  citoyen  Eudes.  C'est  lui 
qui  a  tout  préparé, qui,  armé  jusqu'aux  dents,  dirige  l'attaque  et 
■  somme  le  lieutenant  du  poste  de  lui  livrer  ses  armes  et  de  le 
suiwe  au  Corps  législatif.  Il  est  encore  un  autre  fait  qui  a  son 
éloquence  :  c'est  que  ce  même  jour  une  réunion  de  l'Internatio- 
iiale  devait  être  tenue  à  2  heures  rue  de  Flandres,  et,  qu'au 
moment  où  les  frères  et  amis  se  rendaient  à  cette  séance,  ils 
étaient  prévenus  qu'elle  ne  pouvait  avoir  lieu.  On  devine  le 
motif  d'une  décision  aussi  subite  :  il  fallait  à  tout  prix  assurer 
le  succès  de  l'émeute  qui  allait  éclater,  et  ne  pas  jeter  les  uns  dans 
la  rue  pendant  que  les  autres    délibéreraient.  Tous   ces  inter- 


KT    LK    JACOB  IN  ISMK.  20» 

uatioiiaiix  convoqués  à  dessein  une  heure  avant  que  le  mouve- 
ment n'éclate  à  quehiuospas  du  terrain  de  la  lutte  étaient  des- 
tinés à  venir  grossir  le  nombre  des  émcutiers  et  à  leur  prêter  le 
concours  le  plus  efficace.  Leur  présence  dans  les  rangs  des 
insurgés  ne  saurait  être  mise  en  doute,  puisque  parmi  les  in- 
culpés nous  retrouvons  certains  membres  do  l'Interuatioualc, 
et  iiolanmient  un  sieur  Périn,  l'un  des  invités  de  la  réunion  de 
la  rue  de  Flandres. 

Il  était  réservé  à  la  citoyenne  André  Léo,  qui  vient  de  faire, 
il  y  a  quelques  jours,  les  déliées  du  congrès  de  Lausanne,  de 
découvrir  dans  l'affaire  delà  Villette  une  manœuvre  de  la  police, 
un  complot  contre  l'Internationale.  Voici  dans  quels  termes 
grotesques  elle  raconte  les  faits  : 

«  On  a  demandé,  dit-elle,  le  grand  jour  sur  les  faits  qui  se 
sont  produits  à  la  Villette.  Il  ne  se  fera  probablement  pas.  Mais 
voici  ce  que  je  sais,  ce  que  j'ai  compris  dans  le  premier  mo- 
ment, et  ce  que  sont  venues  contirmer  les  calomnies  des  feuilles 
officieuses.  Il  y  a  effectivement  un  complot  dans  l'affaire  de  la 
Villette,  un  complot  contre  l'Internationale,  une  manœuvre 
indigne. 

«  Dimanche  dernier,  une  réunion  de  l'Internationale  devait 
avoir  lieu,  rue  de  Flandres,  à  deux  heures.  Les  menaces  du 
commissaire  de  police  au  concierge  de  la  salle  empêchè- 
rent cette  réunion  au  dernier  moment,  en  sorte  qu'un  grand 
nombre  de  personnes  venues  pour  y  assister  se  trouvaient 
de  trois  à  quatre  heures,  sur  le  boulevard  à  l'issue  de  la  rue 
de  Flandres.  C'étaient  des  groupes  paisibles ,  calmes.  On 
s'y  entretenait  des  malheurs  publics.  De  quel  autre  sujet 
parler  ? 

«  Je  quittai  ce  point  vers  trois  heures  et  demie,  peu  avant 
l'événement  que  j'appris  seulement  le  soir  par  plusieurs  amis 
Ils  en  éprouvaient  comme  moi  une  stupéfaction  douloureuse. 
Ils  en  avaient  été  témoins,  puisque  les  nôtres  à  cette  heure 
remj)lissaient  le  boulevard.  Cette  coïncidence  nous  frappa  r 
nous  pensâmes  qu'on  avait  voulu  compromettre  l'Internationale. 
Qui  ?  Nous  ne  savions  ;  mais  nous  nous  rappelâmes  le  dicton  : 
à  qui  la  chose  doit- elle  profiter? 

«  Mai'di,  on  lit  dans  le  petit  Moniteur  :  «  Le  chef  de  l'attaque  do 

14 


210  L'INTERNATIONALE 

«  la  Villette  parait  être  un  nommé  Périn,  un  des  chefs  de  l'in- 
<  ternationale,  » 

a  L'Internationale  n'a  pas  de  chefs.  Et  Périn  ne  figure  nulle- 
ment sur  la  hstc  des  gens  arrêtés  *. 

(c  Et  maintenant  la  Gazette  dos  Tribunaux  vient  de  nous 
apprendre  l'existence  de  poignards  dits  de  l' Internationale  ^ 
donnant  ainsi  l'apparence  d'un  fait  constaté  à  une  invention 
infâme. 

«  L'Internationale  n'a  pas  de  poignards.  Elle  n'a  pas  pris  part 
à  l'attaque  de  la  Villette  ;  elle  a  cru  seulement  y  reconnaître 
Guérin  échappé  de  Blois. 

«Mais  quoi!  l'occasion  est  si  belle  pour  les  feuilles  officieuses 
d'accuser  toute  une  association,  tout  un  parti  !  Honnêtes  gens  ! 
Regardez  donc  un  peu  où  vous  êtes  et  ce  qui  se  passe  autour 
de  vous;  regardez  donc  la  France  envahie,  saignante,  épuisée. 
N'essayez  plus  de  jouer  au  spectre  rouge.  Que  pourrait-on 
craindre  désormais?  De  la  sécurité,  de  la  fortune  du  pays,  que 
reste-t-il?  » 

a  André  LEO.  » 

Ainsi,  d'après  le  récit  de  cette  aimable  citoyenne,  la  police 
a  profité  de  la  présence  des  internationaux  sur  le  boulevard  de 
la  Villette  pour  faire  une  émeute  et  compromettre  V Internatio- 
nale. C'est  assez  instructif. 

Les  internationaux  parisiens  n'osèrent  pas  aller  jusque-là  : 
ils  se  bornèrent  à  protester  timidement  contre  les  prétendues 
calomnies  prodiguées  à  leur  mère,  l'Internationale,  par  la  presse 
bourgeoise.  Voici  cette  protestation  : 

a  Tandis  qu'en  Prusse,  Bismark  et  Guillaume  poursuivent  et 
proscrivent  V Association  internationale,  ici  d'infâmes  calomnies 
la  signalent  comme  l'agent  du  despotisme  prussien. 

ff  Nous,  soussignés,  membres  français  de  cette  association, 
nous  mettons  publiquement  au  défi  les  misérables  calomniateurs 
d'avouer  les  sources  oh  ils  puisent  ces  ignobles  accusations. 

i  Double  mensonge.  Personne  aujoui'd'hui  ne  peut  douter  que  Vlnternatio- 
nale  n'ait  des  chefs  et  de  véritables  chefs.  Quant  à  Périn,  il  figurait  si  bien 
parmi  les  acteurs  du  drame  de  la  Villette,  qu'il  fut  condamné  par  le  1"  conseil 
de  guerre  de  Paris  (audience  du  31  août)  à  la  peine  do  cinq  années  de  détention 
pour  complot  contre  la  sûreté  de  l'Etat. 


ET    LK    JACOlilNlSME.  211 

Et  nous  en  appelons  à  l'oxpérience  publùjuo  pour  qualifier  cet 
odieux  système  de  dénonciation  anonyme  qui  ne  peut  avoir  (ju'un 
])ut  :  nous  rendre  suspects  à  nos  concitoyens,  parce  (pie  depuis 
longtemps  nous  avons  affirmé  en  même  temps  les  ilroits  du 
travail  et  l'amour  de  la  liljerté. 

«  Henri  TOLAIN;  Emile  LANDRIX;  DEMAY;  PEHHA- 
CHON  ;  CAMÉLINAT  ;  SAINT-SIMON  ;  GÉRARD;  MER- 
VILLE;  MOREL  ;  Léon  LANDRIN  ;  DUDAGH  ;  LAMPÉ- 
RIÈRE.  » 

Nous  devons  ajouter  (pi'à  la  même  époque  retentissaient  dans 
les  rues  de  Paris  des  cris,  isolés  il  est  vrai,  de  Vive  In  Prusse! 
A  bas  la  France  !  et  que  plusieurs  fois  le  tribunal  cori'eotionnel 
eut  à  juger  les  individus  cjui  les  avaient  proférés. 


■  1  '  J,    IN'J  KRNATIONALK 


CHAPITRE  VIII 


LE  4   SEPTEMBRE.   —  LES  COMITES   DE  SALUT  PUBLIC,    DE  SUUETÉ  GÉNÉ- 
RAL,  DU   SALUT  DE     LA    FRANCE    ET    LE  COMITÉ    CENTRAL    FÉDÉRATIF 

A  LYON.  —  LEUR    COMPOSITION.    —   LEURS  ATTRIBUTIONS,  LEURS 

EXPLOITS.  —  LA  POLICE  LYONNAISE  AUX  MAINS  DE  l'inTERNATIO- 
NALE.  —  CHOL  COMMISSAIRE  CENTRAL.  —  OFFICIERS  DE  PAIX  ET 
GARDES   URBAINS. 

Nous  n'avons  nullement  la  prétention  de  raconter  ici  tous  les 
événements  qui  se  sont  accomplis  le  -4  septembre,  à  Lyon, 
Marseille,  Paris  et  autres  villes  ;  nous  nous  bornerons  à  re- 
later les  faits  où  s'est  montrée  l'action  de  l'Internationale  et  du 
jacobinisme,  qui  dès  ce  jour  se  sont  donné  ouvertement  la 
main  sur  le  terrain  de  Li  révolution  sociale. 

Nous  suivrons  les  membres  de  l'Internationale  dans  les 
fonctions  publiques  oi!i  vient  de  les  appeler  l'acclamation  popu- 
laire. Nous  étudierons  leurs  actes,  leurs  décisions  ;  nous  si- 
gnalerons les  manœuvres  coupables  auxquelles  ils  se  livraient 
pendant  que  la  France  agonisait  sous  les  étreintes  d'une  horde 
de  barbares.  Nous  les  verrons  dans  les  clubs  révolutionnaires 
prêcher  à  l'ombre  du  drapeau  rouge  la  guerre  civile,  le  pillage, 
voire  même  l'assassinat  ;  nous  mettrons  sous  les  yeux  de  nos 
lecteurs  les  placards  et  manifestes  incendiaires  répandus  à 
profusion  par  leurs  soins.  En  un  mot  nous  dévoilerons  leurs 
agissements  ;  nous  indiquerons  comment  de  concert  avec  le 
jacobinisme  ils  préludaient  à  l'œuvre  du  18  mars.  Nous  allons 
d'abord  nous  occuper  de  Lyon. 

Lyon  peut  à  juste  titre  revendiquer  la  plus  large  part  dans 
l'œuvre  révolutionnaire  qui  a  préparé  la  Commune.  Dès 
le  4  septembre,  l'Internationale  y  prend  possesion  de  l'hôtel  de 


ET    LE    JACOBINISME,  alS 

ville  et  de  tous  les  services  publics.  Le  citoyen  Beauvoir,  l'ur 
de  ses  coryphées,  proclame  du  haut  du  balcon  de  l'holel  de  ville 
la  déchéance  de  l'empire  et  l'armement  de  la  nation  ;  un  co- 
mité de  salut  public  est  installé.  Nous  en  indiquerons  tout  à 
l'heure  la  composition. 

Pendant  tpie  toutes  les  mairies  sont  envahies,  que  les  Conc- 
tionnaires,  les  magistrats  sont  décrétés  d'arrestation  par  une 
tourbe  de  voleurs,  de  repris  de  Justice,  de  gens  tarés,  que 
quelques  soldats  improvisés  lèvent  la  crosse  en  l'air  et  frater- 
nisent avec  le  peuple,  les  Dumartheray,  les  Codex  et  autres 
membres  de  l'Internationale  volent  à  la  prison  où  do  nobles  vic- 
times (lu  despotisme  césarien  attendent  l'heure  de  la  délivrance. 
Les  portes  en  sont  brisées  à  coup  de  marteau  ;  un  commissaire 
de  police,  accouru  où  l'appelle  son  devoir,  n'échappe  que  mira- 
culeusement à  une  mort  presque  certaine  et  à  une  noyade  dans 
le  Rhône  ;  les  prisonniers  sont  arrachés  et  conduits  triomphale- 
ment devant  le  comité  de  salut  public  dont  ils  sont  proclamés 
membres.  Les  arsenaux  sont  pillés  ;  le  drapeau  rouge  do  l'In- 
ternationale, «  ce  ûer  étendard  de  la  patrie  en  danger,  »  flotta 
sur  tous  les  édifices  publics  ». 

L'Internationale  triomphe  :  ses  membres  siègent  à  l'hôtel  de 
ville  ;  la  police  est  sous  ses  ordres.  C'est  elle  qui  va  présider 
désormais  aux  destinées  de  Lyon.  Les  beaux  jours  de  la  Ro- 
tonde et  de  Valentino  vont  renaître. 

Il  importe  en  cette  matière  de  préciser  les  faits,  alin 
qu'aucun  doute  ne  puisse  surgir  dans  l'esprit  de  personne  sur  la 
situation  désastreuse  où  les  menées  de  l'Internationale  et  de  la 
démagogie  ont  plongé  la  ville  de  Lyon  pendant  plusieurs  mois. 

Esquissons  d'abord  à  grands  traits  la  physionomie  de  ce  fa- 
meux comité  de  salut  public  qui  venait  ainsi  de  par  la  volonté 
du  peuple  souverain  s'imposer  à  toute  une  cité.  On  y  trouvait 
réunies  les  personnalités  les  plus  étranges  :  l'élément  canut  y 
dominait  ;  les  comptables  et  teneui's  de  livres  y  étaient  large- 
ment représentés  ;  quelques  coryphées  de  la  démagogie,  plu- 
sieurs internationaux,  et  deux    ou  trois  orateurs  des   réunions 


>    Proclainaiiou    du    conseil     municipal    de    Lyon   :   -2i    septembre  ;1870 
^▼oir  Pièce)!. 


214  L'INTERNATIONALE 

publiques  venaient  tempérer  agréablement  les  allures  par  trop 
réactionnaires  de  nos  canuts. 

D'ailleurs,  il  faut  bien  le  reconnaître,  le  nombre  de  ses  mem- 
bres allait  s'aiigmentant  chaque  jonr.  Ils  n'avaient  été  que  13 
pour  proclamer  la  république,  mais  au  15  septembre  on  en 
comptait  déjà  plus  de  100.  Il  n'est  pas  sans  intérêt  d'indiquer 
leurs  noms  :  cette  désignation  aura  plus  tai'd  son  importance, 
quand  nous  étudierons  les  mouvements  insurrectionnels 
des  28  septembre ,  4  novembre  ,  20  décembre ,  22  mars 
et  30  avril. 

Le  comité  provisoire  de  salut  public  installé  à  l'hôtel  de  ville 
dans  la  matinée  du  i  septembre  se  composait  de  13  individus 
dont  les  noms  figurent  au  bas  de  l'affiche  officielle  apposée  sur 
les  murs  de  la  ville  quelques  heures  après  l'envahissement  de 
l'hôtel  de  ville.  C'étaient  : 

Ghai'les  Beauvoir ,  membre  de  l'Internationale ,  rue  d'Al- 
gérie, 15; 

Lombail,  idem  ; 

Gordelet  (Jean-Marie),  89  ans,  représentant  de  commerce, 
rue  du  Commerce,  6; 

Louis  Ghaverot,  48  ans,  peintre-plâtrier,  rue  Mercière,  82  ; 

Moussy  (Jacc[ues),  51  ans,  commis,  rue  deSaint-Cyr,  3; 

Em.  Vollot,  29  ans,  pharmacien,  Grande-Côte,  9  ; 

Reignier. 

Gros  (Polidore),42  ans,  commis,  quai  de  Serin,  40; 

Griffe  (Louis),  40  ans,  employé,  cours  du  Midi,  36; 

Tarre; 

Soubrat  (Denis),  33  ans,  dessinateur,  place  des  Tapis,  6; 

Bonnet  ; 

Fournier  (Léonard),  mécanicien. 

Quelques  jours  après,  une  liste  définitive  était  arrêtée  :  elle 
comprenait  soixante-dix-huit  membres.  Voici  leurs  noms  avec 
leurs  attributions  et  l'indication  des  fonctions  qu'ils  occupent 
actuellement  *  : 


1  Nous  devons  rappeler  que  plusieurs  semaines  avant  le  4  septembre,  on 
comité  central  avait  été  établi  à  la  Croix-Rousse;  des  sections  avaient  été  orga- 
nisées dans  chaque  quartier,  en  vue  de  nommer  des  délégués  chargés  de  gérer 
les  affaires publiques,qaind  l'heure  regardée  comme  prochaine  en  serait  venae. 


ET     LE    JAGOniNISME.  215 

Présidents. 

Chépié  (Jean-Baptiste),  35  ans,  tisseur,  rue  Sainte-Blandine,  9  ; 
Ghaverot,  i)làtrier,  ruo  ^lercière,  82  ; 

Perret  (Jean-Marie),  00  ans,  comptable,  rue  Vilieroi,  21,  ac- 
tuellement membre  du  conseil  général  du  Rhône  ; 

Scci'vlnires. 

Maynard  (Louis- Séraphin),  teneur  de  livres,  cours  des  Char- 
treux, 29; 

Vallier  (Germain),  49  ans,  comptable,  rue  Jean-de-Tournes,  15; 

Despeignes  (Nicolas),  37  ans,  comptable,  rue  du  Pont  de  la 
Gare,  20,  à  Vaise  ; 

Garel  (Louis),  30  ans,  homme  de  lettres,  rue  de  Créqui  44  (ré- 
cemment condamné  à  la  déportation  dans  une  enceinte  for- 
liliée  pour  avoir  pris  une  part  active  aux  événements  du 
23  mars)  ; 

Sous-comilé  des  finances. 

Grinand  (Jean-Baptiste),  56  ans,  commis  voyageur,  rue  du  Bon- 
Pasteur,  3; 

Rossigneux  (Auguste),  31  ans,   comptable,  rue  Lafayette,  26; 

Garlod  (Pierre-Alexandre),  47  ans,  marchand  de  nouveautés, 
place  de  la  Groix-Rousse,  11; 

Durand  (Pierre-Sébastien) ,  55  ans ,  officier  de  santé ,  rue 
Neuve,  30  ; 

Roux  ; 

Bruyat  (Jean-Pierre),  52  ans,  balancier,  rue  de  Marseille,  65 
(affaire  Arnaud)  ; 

Lentillon,  notaire  à  Thurins  (en  prison  au  4  septembre,  affaire 
du  sergent  de  ville  Garican)  ; 

Soubrat  (Denis),  33  ans,  dessinateur,  place  des  Tapis,  6  ; 

Sous-comité  de  la  guerre. 

Président.  —  Ganguet  PieiTe),  42  ans,  maître  tisseur,  rue  Ri- 
vet, 10,  actuellement  encore  en  fonctions  ; 


•216  L'INTERNATIONALE 

Favier  (Antoine),  60  ans,  relieur,  rue  Saint-Joseph,  19,  ex-direc- 
teur  du    fameux  cercle  de  la  rue  Orolce  ; 

Andrieux  (Louis),  81  ans  actuellement  procureur  de  la  Répu- 
blique, à  Lyon; 

Barodet  (Désiré),  47  ans,  ex-instituteur,  rue  de  la  Barre,  5; 

Velay  (Benoît),  58  ans,  ouvrier  tuUiste,  membre  de  l'Internatio- 
nale (réfugié  à  Genève,  compromis  dans  l'insurrection  du 
30  avril)  ; 

Bonnet  (Jean),  51  ans,  tisseur,  rue  de  la  Madeleine,  10; 

Beauvoir  (Charles-François),  58  ans,  représentant  de  commerce, 
rue  d'Algérie,  15; 

Hénon  (Jacques),  71  ans,  médecin,  cours  ^lorand,  56; 

Marinier  (Jean-Baptiste),  2o  ans,  tisseur,  cours  Vitton  pro- 
longé, 42; 

Tissot  (Alphonse-Pierre),  42  ans,  tisseur,  Grande-Côte,  22,  ré- 
cemment condamné  à  la  déportation  dans  une  enceinte  for- 
tifiée ; 

Doublé  (Jean-Baptiste),  46  ans,  membre  de  l'Internationale, 
concierge  du  cimetière  de  Loyasse  ; 

Borel  (Jean-Claude),  71  ans,  cordonnier,  place  Louis  XIV,  16; 

Fournier  (Léonard),  mécanicien,  employé  dans  le  mouvement  in- 
surrectionnel du  30  avril  ; 

Sous-coniitê  des  intéi'êts  publics. 

Baudy  (François),  39  ans,  cordonnier,  rue  Madame,  162  ; 

Garnier  Barthélémy,  50  ans,  tisseur,  rue  des  Gloriettes,  9; 

Maire  (César- Auguste),  50  ans,  tisseur,  grande  place  de  la  Croix- 
Rousse,  3  ; 

Jacques  (François-Paulin),  44  ans,  plus  tard  commissaire  de 
police,  aujourd'hui  révoqué; 

Guillerme  (Jean-Charles),  48  ans,  restaurateui',  rue  Gari- 
baldi,  108  ; 

Grosbois  (Pierre),  42  ans,  fabricant  de  formes,  passage  de 
l'Hôtel-Dieu,  11; 

Michaud  (Claude),  48  ans,  lissevu',  rue  du  Mail,  28; 

Josserand  (Nicolas),  39  ans,  parqueteur,  route  de  Bourgo- 
gne, 13; 


KT    LE     JA(;:Oin.NISMK.  217 

Fournier  (Edouard-Philibert),  48  ans,  horloger  ; 

Verrière  (Guillaume-François),  60  ans,  horloger,  quai  Saint-An- 
toine, 2; 

Vérat  (Gaspard-Auguste),  58  ans,  courtier  en  charbons,  i-iic 
Vauban,  19,  actuellemont  conservateur  des  théâtres  de  Lyon  ; 

Garnier  (Pierre),  apprcteur  do  tulles,  rue  Bugeaud,  15i  (In- 
ternat.) ; 

Placet,  graveur,  rue  Masséna,  58  (Internat.),  décédé. 

Ghanoz  (Jean-Baptiste),  i2  ans  lluternal.),  tisseur,  rue  des 
Fantasques,  8  *  ; 

Didier  (Jean),  34  ans,  rue  Tramassac,  22,  sculpteur,  membre 
de  l'Internationale; 

Archivistes. 

Ghapitet  (Jean),  47  ans,  teneur  de  livres,  place  du  Perron,  1, 
compromis  dans  l'affaire  du  23  mars,  actuellement  conseil- 
ler d'arrondissement  (rue  Grolée)  ; 

Gharavey  ; 

Membres  sans  attribution  spéciale. 

Langiade,  pharmacien,  rue  Thomasin,8; 

Vincent  (Guillaume)  ; 

Gros  (Polydore),  42  ans,  commis,  quai  de  Serin,  40; 

Duguerry  (Louis-Marie),  62  ans,  tisseur,  montée  Rey,  5; 

Vaille   (Pierre-Emmanuel),  savetier,  60  ans,  rue  Pailleron,  15  ; 

Laurent,  tisseur,  montée  du  Gourguillon,  31  ; 

Gannet,  (Ennemond),  39  ans,  tisseur,  rue  du  Pavillon; 

Ghol  (Guillaume-Jean-Marie)  ,   40   ans  (Internat.),  cordon -liér, 

condamné  à  la  déportation  [affaire  Arnaud)  ; 
Cler  (Pierre-Etienne- Jean),  63    ans,  homme  de  lettres,  chemin 

des  Pins,  32  ; 
Gomte  ;ELienne),  68  ans  (Internat.),  fabricant  de  navettes,   rue 

d'Austerlitz,  17  ; 


'  C'est  à  Chanoz  que  revient  l'iionneur  d'avoir  conduit  en  prison  l'ex-préfet 
du  Kliône,  M.  Sencier,  et  d'avoir  signé  le  registre  d'écrou.  Cet  individu  --e 
trouve  impliqué  dans  l'iasurreclion  de  la  Guillotière. 


218  L'INTERNATIONALE 

Michaloud  (Jean-Marie),  42  ans,  tisseui',  rue  de  Sèze,  126  ; 

Henry  (Louis),  54  ans,  tisseur,  montée  Saint-Barthélémy,  34  ; 

Ohanal  (François),  42  ans,  papetier,  rue  Lafont,  18  ; 

Gastanier  (Jacques),  45  ans,  mécanicien,  rue  de  Gondé,  33  ; 

Grestin  (Melchior-François),  58  ans,  médecm,  £?rande  rue  de  la 
Guillotière,  113  ; 

Bouvatier  (Aimé),  44  ans,  rue  des  Trôis-Pierres,  78; 

Gandy  (Pierre),  50  ans,  chauffeur  mécanicien ,  cours  La- 
fayette,  131  ; 

Ychalelte  ; 

Bergeron  (Joseph),  48  ans,  tisseur,  rue  de  la  Terrasse,  4,  l'un 
des  émeutiers  du  30  avril  ; 

Vendry  (Internat.); 

Montfouilloux   (Etienne),    54  ans,  tisseur,   rue  Bossuet,   110; 

Rafin  (Etienne),  37  ans,  tisseur,  montée  de  Garillan,  11  ; 

Belon  (Jean-Marie),  40  ans,  ouvrier  ajusteur,  rue  de  Gondé,  10; 

Gottin  (Pierre),  40  ans,  tourneur  sur  cuivre,  rue  Saint-Geor- 
ges, 41; 

Ghavant  (Jean),  59  ans,  relieur,  rue  Sainte-Catherine,  15  ; 

Jeanin  (Emmanuel),  37  ans,  peintre -plâtrier,  rue  Sainte-Elisa- 
beth, 214  ; 

Vollot  (Emile),  29  ans,  pharmacien,  Grande-Gôte,  9  ; 

Fouillât  ; 

Varambon  (Francisque),  40  ans,  actuellement  procureur  général 
à  Besançon  ; 

Gharvet  (François-Noël),  44  ans  (Internat.),  tisseur,  ruû  du 
Bon-Pasteur,  31,  imphqué  dans  l'affaire  Arnaud  ; 

Pahx  (Louis),  42  ans,  tailleur  d'habits,  com's  Vitton,  41  (In- 
ternat.), l'un  des  héros  du  28  septembre. 

Tacussel  (Louis-Joseph),  34  ans,  serrurier,  avenue  de  Saxe,  187 
(Internat.),  membre  de  la  commune  révolutionnaire  installée 
à  la  Guillotière  le  30  avril,  a  lait  partie  de  la  Ligue  du  Midi  ; 

Lombail  (Internat.). 


ET    LE    JACOBINISME.  Sl'J 


APPENDICE. 

Il  nous  a  paru  nécessaire  de  compléter  par  des  renseigne- 
ments supplémentaires  les  quelques  indications  que  nous  avons 
déjà  données  sur  le  nombre,  la  situation  et  l'importance  des  di- 
verses sections  de  l'Internationale  établies  en  France. 

Nous  allons  passer  en  revue  les  différentes  villes  où  l'Inter- 
nationale avait  réussi  à  s'implanter  et  dont  il  n'a  pas  été  ques- 
tion dans  notre  premier  ouvrage. 

CASTELNAUDARY. 

Dès  le  mois  de  mai  1867,  un  certain  Nègre,  se  disant  profes- 
seur en  congé,  et  domicilié  place  du  Collège,  entrait  en  rela- 
tion avec  le  bureau  de  Paris.  Le  14  mai,  il  écrivait  à  Chémalé  : 

«  Nous  sommes  ici  quelques  hommes  qui,  désirant  prendre  une 
part  active  à  l'évolution  qui,  dans  les  deux  mondes,  porte  1^ 
classe  ouvrière  vers  la  conquête  légitime  de  ses  droits,  avons 
formé  le  dessein  de  nous  constituer  en  section  de  la  société  In- 
lernationale.  Ayant  écrit  dans  ce  but,  nous  avons  reçu  de  Lon- 
dres, de  M.  Eugène  Dupont,  secrétaire  pour  la  France,  une 
réponse  par  laquelle  il  nous  conseille  do  prendre  le  titre  de 
Société  de  crédit  mutuel  et  nous  engage  à  nous  adresser  à  vous 
pour  avoir  les  statuts  et  règlements  des  sociétés  qui,  sous  ce 
titre,  fonctionnent  à  Paris  depuis  trois  ans. 

«  Nous  vous  serons  bien  obligés  de  nous  aider  de  vos  conseils 
et  de  vos  renseignements  sui'  le  mode  le  plus  efficace  et  le  plus 
légal  de  constituer  notre  section.  Nous  vivons  au  sein  d'une 
population  très-arriérée,  très-réfractaire  à  toute  idée  de  progrès 
et  de  civilisation,  très-dominée  par  le  fanatisme  et  l'ignorance. 
Dans  un  tel  milieu,  il  est  de  grande  importance  que  nous  trou- 
vions moyen  d'avoir  les  apparences  de  la  dégalité 

«  Pour  le  groupe  de  première  formalion. 

«  Signé  NÈGRE.  » 


•220  L  '  1  M-  K I  {  N  A  T 1 0  N  A  L  E 

Quelques  jours  auparavant  une  lettre  conçue  dans  des  termes 
identiques  avait  été  adressée  au  citoyen  Beslay.,  rédacteur  du 
Courrier  Français.  Elle  portait  les  signatures  suivantes  :  Nègre, 
professeur,  Connac,  Gaubcrt  Jean,  Busson. 

Enfin,  le  22  mai  suivant,  Eugène  Dupont  portait  à  la  con- 
naissance do  la  section  de  Paris  qu'un  bureau  venait  d'être 
formé  à  Gasteinaudary  (Lettre  du  22  mai  1(S67  au  citoyen  Ghé- 
malé).  Il  était  donné  lecture  au  Congrès  de  Lausanne  (séance 
du  7  septembre)  d'une  lettre  du  professeur  Nègre  exprimant  des 
vœux  pour  le  succès  de  l'œuvre  entreprise  par  l'Internationale. 

KUVEAU  (Bouclies-du-Rhône). 

Nous  avons  déjà  fait  connaître  qu'une  section  avait  été  orga- 
nisée, en  18G7;  dans  celte  localité  par  le  citoyen  Vasseur,  de  Mar- 
seille, et  que  ce  résultat  avait  été  obtenu  à  la  suite  de  deux  grèves 
successives  qui  avaient  éclaté  parmi  les  ouvriers  mineurs.  Le 
bureau  de  Paris,  représenté  par  ses  correspondants,  Varlin,  To- 
lain  et  Fribourg,  en  avait  profité  pour  réclamer  en  leur  faveur 
l'appui  moral  et  matériel  des  membres  de  l'Internationale 
et  porter  l'existence  de  cette  grève  à  la  connaissance  de  toutes 
les  sections  de  l'Association.  Voici  en  effet  l'appel  qui  était  pu- 
blié à  cette  occasion  par  le  Courrier  Français,  l'organe  spécial 
de  l'Internationale  à  Paris,  dans  son  numéro  du  21   avril  1867, 

Association  internationaie  des   travailleurs. 

(Bureau    de  Paris.) 

«  Deux  grèves  successives  ont  éclaté  parmi  les  charbonniers- 
mineurs  de  Fuveau  (Bouches-du-Rhône). 

s  11  ne  s'agitpoint  d'une  augmentation  de  salaire;  ici  encore, 
c'est  une  question  de  règlement  non  débattu  et  que  la  compa- 
gnie veut  imposer. 

«  Une  première  fois,  un  changement  dans  les  heures  du  tra- 
vail de  nuit  avait  amené  la  grève.  Quoique  ce  changement  dimi- 
nuât le  temps  du  repos,  les  mineurs  avaient  été  obligés  de  s'y 
soumettre. 


ET     I.P:     JACOniNlSMK.  22* 

«  Un  nouvel  article  ajouté  à  ce  règlement,  en  aggravant  encore 
leur  situation  déjà  si  pénible,  a  causé  une  seconde  fois  la  ces- 
sation des  travaux. 

«  Quatre  cents  mineurs  sont  en  grève  depuis  trois  semaines. 
Dans  cette  crise  douloureuse,  les  ouvriers  de  Fuveau  ont  donné 
l'exemple  du  plus  grand  calme,  et  prouvé  ainsi  (Qu'ils  avaient 
conscience  de  leurs  devoirs  et  de  leurs  droits  d'hommes  et  do 
citoyens. 

«  En  conséquence, 

«  \'u  le  paragraphe  du  pacte  constitutif: 

«  L'association  considère  comme  un  devoir  de  réclamer, 
«  non- seulement  pour  ses  membres  les  droits  d'homme  et  de 
«  citoyen,  mais  encore  pour  quiconque  accomplit  ses  devoirs,  j> 

Œ  Le  bureau  de  Paris  porte  le  fait  à  la  connaissance  des  bu- 
reaux de  l'Association,  avec  la  confiance  que  l'appui  matériel 
et  moral  des  membres  de  ladite  association  est  acquis  désor- 
mais aux  mineurs  de  Fuveau. 

oc  Pour  la  commission  parisienne,  les  correspondants, 
«  VARLIN,  TOLALN,  FRIBOURG.» 

Le  4  août  1867,  le  bureau  de  Fuveau  était  définitivement  cons- 
titué ;  son  secrétaire  correspondant,  Antoine  Barthélémy,  écri- 
vait au  citoyen  Tolain  la  lettre  suivante  pour  lui  faire  connaître 
les  noms  des  membres  de  ce  bureau. 


Association  internationale  des  travaileurs. 

(Bureau  de  Fuveau.} 

Fuveau,  4  août  1867. 

«  Monsieur  Tolain, 

«Nous  avons  l'honne  urde  vous  annoncer  que  le  bureau  de 
l'Association  des  travailleurs  vient  d'être  ouvert  à  Fuveau  ; 
depuis  longtemps  nous  luttions  et  nous  venons  d'atteindre  ce 
but.  Au  moment  où  nous  écrivons  ces  lignes,  notre  secrétaire 
Barthélémy  vient  de  recevoir  de  Londres    l'appel  du  conseil 


!222  L  '  I  N  T  VA{  N  AT  1  0  N  A  L  E 

général  au  congrès  de  Lausanne  Nous  espérons  y  avoir  un  dé- 
légué. 

«  Voici  les  noms  des  inemljres  du  bureau  de  Fuveau  : 

a  Secrétaire  correspondant  :  Antoine  Barthélémy  ; 

a  Trésorier  correspondant  :  Mathieu  Richaud  ; 

«  Président  :  Gervais  Vidal.  » 

Quchpies  jours  plus  tard,  Kugrne  Dui)ont  informait  Chémalé, 
de  Paris,  que  rinternationalc  comptait  300  membres  à  Fuveau. 
Chémalé  s'empressait  aussitôt  de  leur  adresser  des  carnets  de 
l'Internationale.  Cette  section  avait  nommé  un  délégué  au  con- 
grès de  Lausanne,  le  citoyen  Barthélémy;  mais  ce  dernier,  faute 
de  fonds,  ne  put  se  rendre  à  ce  congrès  et  remit  son  mandat  à 
Vasseur,  de  Marseille,  qui  fut  ainsi  chargé  de  représenter  et  la 
section  de  Marseille  et  celle  de  Fuveau.  Voici  dans  quels  termes 
Barthélémy  expliquait  cette  détermination  au  correspondant  du 
bureau  de  Paris,  Chémalé  : 

«  Fuveau,  30  août  1867. 

Vous   me  parlez  d'un  délégué 

au  congrès  de  Lausanne  :  c'est  moi  (pii  ai  été  nommé,  mais 
comme  le  bureau  était  formé  nouvellement,  et  que  les  fonds 
nous  manquent,  nous  avons  envoyé  notre  mandat  par  le  délé- 
gué de  Marseille,  Fuveau...  L'année  prochaine  nous  serons  or- 
ganisés pour  faire  nous-mêmes  la  corvée.  J'ai  reçu  les  350  car- 
nets, 

«  Pour  la  commission. 

«  Sir/iié  :  A.  BARTHELEMY.  » 

coNDÉ-suR-NOiREAU  (Calvados). 

Cette  section  était  représentée  au  congrès  de  Lausanne  par  le 
citoyen  Longuet,  délégué  plus  tard  à  la  rédaction  du  Journal 
officiel  de  la  Commune. 

Toussaint,  l'un  des  membres  de  cette  section,  portait  ce  fait  à 
la  connaissance  du  bureau  de  Paris  par  une  lettre  écrite  à  Fri- 


ET     LK    JACOBINISME.  2I8 

boui'p:,  l'un  de  ses  correspondants,  le  20  août  1867.  Nous  en 
extrayons  les  })assag'es  les  pins  saillants  : 

«  Nous  serons  représentés  cette  année  au  congrès,  avec  Caen, 
})ar  M.  Charles  Longuet,  ancien  secrétaire  i)0ur  la  Belgique 
près  le  conseil  conti'al  de  Londres. 

«  i\I.  Ch.  Limousin  lait-il  encore  partie  de  notre  association  ? 
J'ai  vu  avec  peine  son  nom  figurer  parmi  les  rédacteurs  du  Sid- 
clc,  ce  journal  nous  étant  hostile,  je  crois. 

«  Notre  association  a  fait  peu  de  progrès  dans  notre  localité, 
mais  maintenant,  avec  l'appui  du  Courrier  français,  j'espère, 
en  le  propageant  ,  faire  de  nouvelles  recrues. 

«  Siffné  :  TOUSSAINT.  . 

viK.NAE  (Isère). 

Pour  compléter  ce  que  nous  avons  déjà  dit  sur  l'origine  de 
cette  section,  nous  devons  signaler  que  c'est  à  l'instigation  des 
ouvriers  lyonnais  et  par  leur  intermédiaire  qu'elle  fut  organisée 
au  mois  d'août  1867. 

Cette  section  comprenait  5  à  600  membres  divisés  par  groupe 
de  20  membres  ;  chaque  groupe  avait  une  caisse  particulière. 
La  cotisation  mensuelle  était  do  30  centimes  :  chaque  socié- 
taire était  tenu  le  jour  de  sa  réception  de  verser  1  fr.  25  cent, 
comme  droit  d'entrée.  Elle  était  administrée  par  un  comité  di- 
recteur élu  et  composé  de  18  membres.  Ailloud  en  avait  été 
nommé  président;  Vaganey,  trésorier,  et  Marcheval,  tisseur, 
(juai  de  Gère,  5,  secrétaire  correspondant. 

Cette  section  était  en  fréquentes  relations  avec  le  bureau  de 
Paris. 

AMIENS. 

Les  débuts  de  la  section  d'Amiens  furent  assez  laborieux. 
Dès  le  12  mars  1867,  un  certain  Frédéric  Petit  se  mettait  en 
rapport  avec  le  bureau  de  Paris  et  lui  adressait  la  lettre  sui- 
vante :  «  Quatre  ou  cinq  travailleurs  qui  désireraient  s'affdier  à 
V Association  internalionalo  m'ont  chargé  de  prendre  les  ren- 
seignements nécessaires  pour  cela. 


284  L'INTERNATIONALE 

«  Le  Courrier  ïi'onf^'iiis,  à  qui  J'avais  écrit,  me  priedem'adres- 
ser  au  bureau  de  Paris. 

«  Quelle  serait  la  situation  de  ces  travailleurs  isolés  par  rap- 
port à  l'Association  ?  Quels  liens  les  y  rattacheraient?  Quelles 
communications  recevraient-ils  des  travaux  de  l'Association?  A 
quel  groupe  auraient-ils  à  se  rattacher,  et  quelle  part  pourraient- 
ils  prendre  dans  leur  isolement  aux  délil)érations  des  adhérents 
français  de  l'Association?  A  qui  enfin  devraient-ils  adresser  leur^ 
cotisations  et  quelle  en  est  l'importance?  j> 

Le  correspondant  du  bureau  de  Paris  s'empressa  de  lui 
adresser  avec  les  renseignements  demandés  plusieurs  exemplai- 
res des  statuts  de  l'Association.  Le  citoyen  Petit  se  mit  aussitôt 
à  l'œuvre  et  lit  de  pressantes  démarches  auprès  de  plusieurs 
corporations  d'Amiens,  notamment  celle  des  typographes,  pour 
les  entraîner  dans  l'Internationale.  Mais  ses  tentatives  échouè- 
rent en  partie,  et  le  21  avril,  il  n'avait  encore  recruté  que  neuf 
adhérents.  Il  était  convenu  qu'en  attendant  que  le  premier 
groupe  amiénois  fût  assez  nombreux  et  eût  réuni  des  éléments, 
assez  lettrés  pour  organiser  avec  fruit  un  bureau  de  correspon- 
dance, les  adhésions  et  cotisations  seraient  envoyées  au  bu- 
reau de  Paris,  et  qu'Amiens  serait  une  annexe  de  ce  bureau 
(Lettre  de  Petit  à  Chémalé,  7  avril  1867). 

Quelques  jours  plus  tard;  paraissait  dans  le  Courrier  fran- 
çais l'acte  d'adhésion  de  ces  neuf  adhérents.  Voici  cette  pièce 
qui  offre  au  point  de  vue  de  l'histoire  de  l'Internationale  en  France 
un  certain  intérêt. 

Atts   membres  de  l'Association  internationale  formant  le  bureau 

de  Paris. 

(Les  Iravailleurs  soussignés  résidant  à  Amiens.) 
a  Ghers  citoyens, 

a  Paul  Caruelle,  ajusteur,  rue  des  Corroyers,  141  ; 

<r  Raoul  Caruelle,  mouleur,       id.  id.  ; 

a.  Firmin  Sinet,  cardier,  rue  du  Béguinage,  3  ; 

a  Auguste  Vimeux,  peigneur,  rue  Neuve-de-Gouty,  23  ; 

«  Léopold  Durier,  liquoriste,  rue  Septenville,  25  ; 


1  :  T     L  !•;    .1  A  C  U  It  I  \  1  <  M  E.  22r> 

«  Airwible  Maicliiiiid,  inoiiloui',  routu   d'Albert,  ÏJ2  ; 

«  J.  B.  Tassencourt,  iiié^issier,  rue  de  l'Union,  27; 

«  Lucien  Boulanger,  impasse  Sans-Boutons,  29  ; 

«  Alphonse  Lngan,  ébéniste,  rue  du  Lycée,  30. 

«  Voulant  al'lii'nier  la  solidarité  qui  les  unit  à  tous  les  li-avail- 
leurs,  sans  distinction  de  profession  ou  de  nationalité,  et  con- 
courir d'une  manière  orfective  au  mouvoment  d'émancipation 
économique  et  sociale  qui  doit  relever  les  ouvriers  d'un  servage 
séculaire. 

«[  Adhèrent  à  la  déclaration  de  principes  du  congrès  de  Ge- 
nève du  3  septembre  1866,  et  aux  statuts  et  règlements  élabo- 
rés par  les  délégués  au  congrès. 

«  Ils  demandent  en  conséquence  à  être  admis  à  titre  de  colla- 
borateurs par  le  bureau  de  Paris,  aucfuelils  désirent  se  ratta- 
cher par  des  liens  fraternels,  en  attendant  que  les  travailleurs 
aniiénois,  éclairés  sur  leurs  véritables  intérêts,  répondent  à  leur 
appel,  et  se  ralliant  à  leur  initiative,  permettent  d'organiser  le 
bureau  particulier  delà  section  d'Amiens. 

«  Amiens,  le  Hl  avril  1867.  ^ 

«  Ont  signé:  R.  CARUELLE;  P.  CAHUELLE  ;  F.  SINEÏ  ; 
AiMALLE  MARCHAND  ;  Auguste  VIMEUX  ;  BOULANGER; 
A.  LUGAN  ;  DURIER  ;  TASSENCOURT.  « 

tt  Le  siège  de  correspondance  est  provisoirement  établi  chez 
M.  Frédéric  Petit  fils,  à  Amiens,  47,  rue  du  L^'cée.  » 

Ce  dernier  avait  eu  soin  d'expliquer  à  Chémalé  que  les  adhé- 
rents auraient  été  plus  nombreux,  si  l'on  avait  voulu  accepter  les 
cotisations  de  ceux  qui  refusaient  de  donner  leur  signature  de 
peur  de  se  compromettre  ;  mais  il  avait  cru  ne  devoir  admettre 
que  ceux  qui  avaient  eu  le  courage  de  montrer  leur  visage. 
(Lettre  de  Petit  à  Chémalé,  25  avril  1867.) 

Le  5  mai,  les  adhérents  amiénois,  imitant  l'exemple  de  leurs 
frères  de  Paris,  élevaient  la  voix  pour  protester  contre  les  exci- 
tations belliqueuses  d'un  chauvinisme  arriéré.  Nous  reprodui- 
sons celte  )iroLestation. 

•ir. 


.Ittô  1.  '  1  N  l'  1^  l\  N  A  1"  1  (  >  N  A  L  E 

Association  internationale  des  travailleurs. 

Section     il'Aiiiifiis. 

«  Amiens,  5  mai  18bT. 

«  Los  travailleurs  aiaiénois,  membres  de  l'Association  inter- 
nationale, saluent  avec  joie  les  espérances  et  les  manifestations 
pacitiques  qui  s'aflinnent  chacjue  jour  davantage. 

<t  Comme  leurs  frères  de  Paris  et  de  Berlin,  ils  s'élèvent  avec 
énergie  contre  les  horreurs  que  ferait  surgir  une  guerre  entre 
la  France  et  l'Allemagne.  Ils  savent  que  c'est  du  meilleur  sang 
des  travailleurs  que  s'arrosent  les  champs  de  bataille,  sur  les- 
quels ne  croît  jamais  que  le  droit  du  plus  fort,  et  préfèrent  au.K 
lauriers  stériles  d'une  gloire  douteuse  et  inhumaine,  les  fruits 
féconds  de  la  paix. 

«  La  guerre,  cet  apanage  des  temps  barbares,  aurait,  aujour- 
d'hui surtout,  les  conséquences  les  plus  funestes.  Elle  ne  ferait 
«{n'apporter  une  diversion  fâcheuse  aux  problèmes  économiques 
et  sociaux  que  les  peuples  cherchent  avec  ardeur  à  résoudre,  et 
reculer  pour  longtemps  peut-être  une  solution  qui  s'impose  aux 
classes  laborieuses  de  toutes  les  nations  dont  les  intérêts  sont 
partout  solidaires. 

«  Les  travailleurs  soussignés  ont  conscience  de  faire  acte 
de  patriotisme  et  d'humanité  en  opposant  aux  excitations  bel- 
liqueuses d'un  chauvinisme  arriéré  une  énergique  protesta- 
tion. 

a  Paul  GAHUELLE,  ajusteur  ;  R\oul  GARUELLE,  mou- 
leur ;  A.  LUGAN,  ébéniste;  J.-B.  TASSENGOURT,  mé- 
gissier;  A.  MARGHAND,  mouleur;  0.  ROHANT,  mé- 
gissier  ;  E.  SLNET,  cordier  ;  J01JRDAL\,  mégissier  ; 
VIMEUX,  peigneur.  » 

En  dépit  de  toutes  ces  déclarations,  la  situation  de  la  section 
d'Amiens  était  des  plus  précaires  :  témoin  la  lettre  écrite 
le  7  mai,  par  son  secrétaire-correspondant,  où  nous  trouvons 
ce  passage  signiticatif  : 


KT     LE    JACOBlNlb.MK.  2i'- 

K  Le  bureau  d'Amiens  a  bien  de  la  peine  à  se  constituer  [tar 
suite  du  petit  nombre,  de  l'insuflisance  des  éléments  et  du  peu 
de  zèle  de  cpielques-uns.  » 

Il  ajoutait  :  «  Les  jours  '1^  réunion  ont  cependant  été  lixés  ; 
le  règlement  particulier  du  bureau  de  Paris  a  été  adopté.  Le 
chiffre  ou  droit  d'admission  et  de  la  cotisation  hebdomadaire  est 
le  même  que  celui  qui  avait  été  spontanément  adopté. ..  Vous 
avez  reçu  une  adresse  en  faveur  de  la  paix  émanant  du  bureau 
d'Amiens.  J'ai  cru  ({u'il  était  l>on  que  lapj'ise  de  possession  d'A- 
miens par  Vlntovnnliunah'  lut  al'lliniée  ouvertement  et  avec  un 
certain  éclat.  Ne  l'audrail-il  pas  que  le  Courrior  français  el  les 
autres  publications  à  notre  disposition  reproduisent  cette  mani- 
festation? Notre  bureau  ne  compte  encore  que  douze  adhérents; 
prochainement  aura  lieu  le  choix  définitif  de  la  commission  et 
des  correspondants.  » 

Désormais  l'activité  de  ce  bureau  ne  se  révèle  plus  (jue  par 
quelques  actes  isolés,  tels  que  :  adhésion  au  banquet  commémo- 
ratif  organisé ,  le  14  juillet  1867,  par  la  section  de  Paris,  demande 
de  statuts,  appel  en  faveur  de  la  g'rève  des  ouvriers  teinturiers  en 
coton  d'Amiens. 

Il  ne  put  se  l'aire  représenter  au  congrès  do  Lausanne  :  son 
organisateur,  le  citoyen  Petit,  était  forcé  d'avouer  dans  deux  let- 
tres successives  écrites  à  Ghémalé  (22  août  et  4  décembre  1867) 
que  le  bureau  d'Amiens  n'avait  pris  aucun  développement,  et 
qu'il  serait  difficile  qu'il  se  recrute  parmi  la  population  ouvrière 
de  cette  ville,  a  l' abrutissement,  l'ivrognerie  générale  des 
travailleurs  rendant  le  progrès  des  idées  très-lent,  pour  ne  pas 
dire  impossible.  » 

Plus  tard  ses  membres  songèrent  à  organiser  une  société  coo- 
pérative de  boulangerie  et  un  cercle  du  Progrès  social;  mais  par 
suite  du  veto  administratif,ce  projet  ne  put  être  mis  à  exécution, 
et  les  poursuites  exercées  contre  le  bureau  de  Paris  vim-ent  com- 
pléter la  désorganisation  d'une  section  qui  ne  fut  jamais  d'un 
puissant  secours  pour  propager  les  idées  et  les  doctrines  de  l'In- 
ternationale '. 


1  Dès  le  mois  de  juin.  Paul  Caruelle  avait  été  nommé  secrétaire  correspondant 
du  bureau  d'Amiens. 


226  L  '  1 N  T  E 1 V  N  A  1  1 U  N  A  L  K 


NEUFCHATEAU. 

La  section  de  Neulchâteau  est  toujours  restée  stationnaire. 
Constituée  dans  les  premiers  jours  de  1867  à  l'instigation 
du  citoyen  Emile  Lefebvre,  elle  n'a  jamais  compté  que  huit 
membres  dont  les  cotisations  étaient  adressées  au  bureau  de 
Paris,  chargé  de  les  faire  parvenir  au  conseil  central  de  Lon- 
dres. 

CHOLLET  (Mahie-et-Loire). 

Des  tentatives  d'affiliation  à  l'Internationale  avaient  eu  lieu 
dans  cette  ville  par  les  soins  du  nommé  Barré,  secrétaire  de  la 
société  d'épargne  et  de  crédit  des  ouvriers  tisserands  ;  le  nou)- 
bre  des  adhérents  recrutés  dut  être  des  plus  insignifiants,  la 
soction  de  GhoUet  n'ayant  jamais  donné  signe  de  vie. 

LisiEUx  ((^alvados), 

La  ville  de  Lisieux,  qui  compte  six  mille  ouvriers  environ, 
a  toujours  été  un  des  centres  les  plus  actifs  de  l'Internatio- 
nale. En  1866,  elle  était  parvenue  à  y  étabhr  une  section  dont  le 
citoyen  Duhamel  avait  été  nommé  secrétaire  correspondant.  Le 
bureau  de  Paris  avait  été  chargé  de  donner  à  ce  dernier  tous  les 
renseignements  nécessaires  pour  l'organisation  de  ce  nouveau 
groupe.  A  chaque  adhérent,  écrivait  Fribourg  à  Duhamel,  vous 
demanderez  son  nom,  sa  profession,  sa  demeure,  et  vous  le  por- 
tere  sur  un  livret  spécial  ainsi  que  le  numéro  matricule  de  la 
carte,  et  sur  la  carte  vous  n'aurez  qu'à  mettre  le  nom  de  l'adhé- 
rent ainsi  que  la  somme  qu'il  a  versée. 

La  section  de  Lisieux  échangeait  à  cette  époque  une  corres- 
pondance des  plus  actives  avec  Eugène  Dupont.  En  1867,  Duha- 
mel adressait  au  Conseil  général  un  état  sommaire  de  la  situation 
et  des  ressources  pécuniaires  de  la  section. 

Elle  périclita  après  les  poursuites  dirigées  contre  les  interna- 
tionaux parisiens,  mais  rintcrnationnlp  n'en  a   pas  jnoins  ton- 


i;r   m:   ,iA<;r)i!i  n  i  s  mh  :;-2'' 

jours  (^oas(M'V('  (l(^  iiciinhi'ouscs  raiiiilications  dans  (•elle  villi'  iii- 
(lusli'icllo,  ot  aujourd'hui  oucoi'e  elle  y  coiuijIo  des  adliôrenls  par 
centaines. 

Nous  devons  ajouter  qu'au  mois  d'avril  1871  l'inteiiiatioualc 
a  essayé  de  provoquer  des  soulèvements  parmi  la  population  ou- 
vrière de  Lisieux  ;  que  la  présence  de  ses  agents  y  a  été  constalôe, 
mais  (lue  tous  les  efforts  faits  par  eux  pour  y  faire  proclamor 
une  commune  révolutioiuiaire  sont  demeurés  sans  résultat. 


CAEN. 

Pendant  longtemps  l'Internationale  a  été  représentée  à  Oaon 
par  le  citoyen  Edouard  Talbot,  devenu  au  mois  de  février  1871 
rédacteur  du  journal  le  Franc-Parleur  do  Caen  el  condamné 
récemment  pour  délit  de  presse  à  une  année  d'emjn'isonne- 
ment. 

Nommé  secrétaire  correspondant  de  la  section  de  Caon,  il 
écrivait,  en  1867,  à  Duhamel,  de  Lisieux,  une  lettre  où  l'on  re- 
marque ce  passage  : 

<c  M.  Fribourg,  graveur  à  Paris,  m'a  fait  savoir  que  vous  êtes 
correspondant  de  l'Internationale  à  Lisieux  comme  je  le  suis 
moi-même  à  Caen Si  vo^.^  manquiez  de  cartes  de  sociétai- 
res, je  suis  à  même  de  vous  en  envoyer.  » 

ce  <Si'^;2é;  TALBOT.  » 

NEUVILLE-SUR- SAONE    (RhÔnc). 

L'Internationale  s'était  implantée  à  Neuville  dès  les  premiers 
jours  de  l'année  1866  ;  elle  y  avait  étabh  une  section  forte  de 
six  cents  membres  ;  Eugène  Benière  en  avait  été  nommé  secré- 
taire correspondant  \  C'est  en  cette  qualité  qu'il  écrivait, 
le  14  juin  1867,  au  citoyen  Ghémalé  de  Paris  pour  lui  annoncer 
qu'une  section  de  l'Internationale  venait  d'être  constituée  à  Tour- 
non  (Ardèche).  Plus  tard,  le  4  décembre  1869,  Varlin  lui  notifiait 
officiellement  la  constitution  de  la  fédération  parisienne  et  la  no- 
mination de  ses  secrétaires  correspondants. 

Nous  retrouvons  le  citoyen  Eugèno    Benière  dans  une  réunion  publique 


i:<0  l.'INTF.rîN  AT[O\■.\Î.F 


FLEURIEU-S(;R-SA0NE  (Rhône). 

L'Internationale  comptait  encore  des  adhérents  à  Flenrien,  pe- 
tite commune  des  environs  de  Neuville  :  elle  y  était  représentée 
f/jciellement  par  Louis  Baudrand. 

TOUR  NON  (Ardèche). 

La  section  de  Tournon  a  été  organisée,  le  10  juin  1867,  par 
deux  délégués  de  Lyon  et  Neuville,  Albert  Richard  et  Benière. 
Elle  comprenait  un  noyau  de  quarante-cinq  membres,  tous  ou- 
vriers imprimeurs  sur  étoffes. 

Baudrand  et  Benière  s'empressaient  de  télégraphier  ce  résul- 
tat au  bureau  de  Paris;  ils  réclamaient  l'envoi  de  carnets  afm  de 
pouvoir  remettre  à  ces  nouveaux  sociétaires  une  pièce  niithonti- 
que  établissant  leur  titre  d'adhérents  à  l'Internationale. 

«  Par  notre  active  propagande,  écrivait  Baudrand  à  Varlin, 
le  15  juin  1867,  et  les  connaissances  que  nous  faisons  tous 
les  jours  nous  sommes  invités  par  une  quarantaine  d'amis  de 
Tournon  à  les  former  en  section  de  l'Association  interna- 
tionale le  10  juin.  Etant  dépourvus  de  tout  titre  international, 
je  viens  vous  demander  l'envoi  de  50  carnets  de  l'Interna- 
tionale. 

«  Salut  et  fraternité, 

a  Louis  BAUDRAND  » 

Le  14  juin  suivant,  Benière  rendait  compte  en  ces  termes  à 
Chémalé  de  son  voyage  à  Tournon  : 

a  Nous  avons   réussi  à  jeter  les  premiers  fondements   de 


électorale  tenue,  le  "l  avril  1870,  à  Neuville,  traitant  la  question  de  l'organisation 
dans  l'agriculture  du  crédit  mutuel  et  liLre  pour  li^s  travailleurs  pauvres  afin  de 
leur  permettre  d'acquérir  l'outillage.  [1  ajoutait  que,  dans  tout  programme  poli- 
tique, il  est  certaines  questions  dont  la  solution  ne  peut  être  l'œuvre  que  des 
intéressés,  telles  que  l'organisation  du  travail,  ses  rapports  avec  le  capital,  le 
libre  échange,  ainsi  que  le  fonctionn-îment  du  crédit  et  de  la  mutualité  parmi 
les  travailleurs  {Progrès  de  Lyon,  6  avril  I870u 


Kl      LK     ,IAt:OUINlSM  i;.  231 

notre  œuvre  avec  un  succès  au-dessus  de  nos  espérances,  eu 
égard  aux  mœurs  et  à  l'état  des  esprits  de  ce  pays. 

alla  été  formé  un  conseil  qui  nous  donne  la  certitude,  par  sa 
composition  comme  hommes,  d'une  grande  extension  de  nos 
principes,  dans  un  avenir  très-prochain. 

«  Nous  leur  avons  remis  des  cartes  d'adhésion  de  la  section 
lyonnaise  dont  les  délégués  avaient  eu  le  soin  de  se  pourvoir  à 
cet  effet. 

«    Pour  la  section  de  Neuville, 

-c  Eugène  BENIÈRE 
«  Secrétaire  correspondant.  >< 

Quelques  jours  plus  tard,  Baudrand  adressait  à  Chémalé  une 
lettre  du  président  de  la  section  de  Tournon,  avec  prière  de  la 
faire  insérer  dans  le  Courrier  français,  en  évitant  toiitetois  d'- 
compromettre  le  président.  % 

Il  recommandait  à  Chémalé  d'écrire  à  ce  dernier  une  lettre 
bien  assaisonnée  d'énergie . 

Nous  devons  ajouter  qu'au  congrès  de  Lausanne  (séance 
du  7  septembre),  une  protestation  contre  un  acte  arbitraire  de 
la  police  de  Tonrnon  était  déposée  sur  le  bureau  du  congrès 
])ar  les  délégués  Palix  et  Schettel  de  Lyon,  Chassin,  de  Ville- 
i'ranche,  Rnbaud,  de  Neuville-sur-Saône  et  AHIoud,  de  Vienne. 
Voici  les  termes  de  cette  protestation  : 

«  La  section  de  Lyon  a  a  se  plaindre  d'un  abus  de  pouvoir 
de  la  part  d'un  commissau'e  de    police  de  Tournon  (Ardèche). 

■i  Ce  monsieur,  ayant  appris  qu'une  section  se  formait  dans 
cette  localité  par  l'intermediau'e  de  la  section  de  Lyon  et  des 
sections  voisines,  s'est  permis  de  faire  arrêter  le  citoyen 
Richard^  délégué  lyonrjais.  Mais  après  diverses  explications 
fournies  par  ce  dernier,  le  commissaire  a  pourtant  eu  la  cour- 
toisie de  le  relâcher.  Ouehpies  jours  après,  il  faisait  compa- 
raître devant  lui  les  adhérents  de  Tournon  et  leur  faisait 
déposer  leurs  cartes.  Donc,  abus  de  pouvoir. 

«  C'est  pour  ce  motif  que  le  délégué  Palix  et  ses  cosigna- 
taires réclament  du  congrès  ime  protestation  énergique  con- 
tre   un  employé   d'administration    qui,    en  outre-passant    son 


2S2  L'IXTF.RNATIONALK 

mandat,  a  paralysé  l'initiative  individuelle  et  les  intérêts  mo- 
raux et  matériels  d'un  nombre  important  de  citoyens.  » 

Le  Congrès,  à  l'unanimité,  déclare  se  joindre  à  la  protestation 
formulée  dans  cette  pièce. 

ROUBAIX. 

En  1867 ,  loi-S  de  la  grève  des  ouvriers  roubaisiers, 
Charles  Lécluse,  demeurant  à  cette  époque,  rue  de  Beaunard, 
au  Grenadier-Français  s'occupait  activement  de  la  constitution 
d'un  comité.  Quelques  extraits  des  lettres  qu'il  adressait  à  cette 
époque  aux  membres  du  bureaju  de  Paris  ne  peuvent  laisser 
aucun  doute  à  cet  égard. 

Ainsi,  dans  les  premiers  jours  d'avril,  il  faisait  connaître  à 
Chémalé  son  intention  d'organiser  à  Roubaix  une  section  de 
l'Internationale. 

tt  Nous  avons  l'intention,  écrivait-il,  de  fonder  une  association 
ici  ;  depuis  dix-huit  mois  une  petite  réunion  d'amis  a  lieu  sous 
le  titre  Association  bibliophile  ;  nous  avons  pour  prétexte 
une  bibliothèque  en  cas  de  malheur.  J'ai  proposé  aux  amis 
qui  font  partie  de  celte  réunion  d'établir  une  section,  d'adopter 
votre  règlement,  suivre  vos  principes  de  solidarité  et  de  nous 
tenir  la  main  en  toutes  circonstances.  Nous  ne  recevrons  dans 
notre  association  que  des  amis  de  notre  sentiment.  La  liberté 
et  la  solidarité,  voilà  notre  devise... 

a  Votre  frère, 

«  LÉCLUSE.  » 

«  15  avril  1867. 

(i  Nous  sommes  en  train  de  constituer  un  comité,  mais  comme 
nous  ne  sommes  pas  très  au  courant  de  ces  sortes  de  choses, 
nous  voudrions  que  vous  nous  fassiez  parvenir  immédiate- 
ment les  renseignements  nécessaires,  ainsi  que  vos  statuts  et 
règlements. 

«  Je  suis  allé  à  Lille  voir  des  amis  qui  m'ont  aussi  promis 
leur  aide. 


l'.T     l.!:     ,1  \  (;<>i:i\lS  M  !•:.  233 

Cl  J'ai  vu  M.  Ma/urc,  l'édaclt'ui-  en  clu'l'dii  l'i-oiji-rs  du  .'S'ord, 
qui  m'a  promis  toute  sa  satisfaction  à  cet  égard,  s 

Le  20  avril,  ilinibrmeChémalé  ({u'aussitôtlo  comilô  constitué, 
il  enverra  les  noms  et  adresses  des  amis  qui  en  font  partie.  Il 
ajoute  qu'il  fera  tous  seseffoi'ts  pour  les  faire  abonner  au  (lour- 
l'iev  français,  afin  (//l'ils  piiisscjif  /jrondrc  avis  dos  Ijcanx  ar- 
ticles qu'on  y  rencontra  souvent  et  (/u'on  a  tant  de  plaisir  à  lire, 
principalement  ceux  de  MM.  Vermorel  et  Duchêne  {sic). 

Le  21,  il  lui  réclame  instamment  l'envoi  de  statuts  jwo«7' /;o//- 
Yoir  organiser  leur  association  sur  la  même  échelle  c/ue  la  leur. 
Beaucoup  d'amis  de  Lille  et  do  Rouhaix,  lui  écrit-il,  sont  très- 
contents  de  faire  une  association. 

Le  4  mai,  il  lui  annonce  que  le  ministre  de  l'intérieur  vient 
d'appeler  sur  lui  l'attention  du  préfet  du  Nord  et  que  le  com- 
missaire central  de  Roubaix  a  été  cliargé  de  procéder  à  une  en- 
quête sur  son  compte. 

Il  ajoute  :  «  Quant  aux  carnets,  règlements  et  statuts  que 
vous  m'avez  envoyés,  je  n'ai  rien  reçu.  Vandal  aura  sans  doute 
agi  en  cette  circonstance;  car  c'est  de  là  le  rapport  du  ministre  ; 

nous  reprendrons  notre  revanche  un  jour,  Vandal sois-en 

sûr nous  ne   t'oublierons  pas.   -> 

Les  11,  22  et  28  juin,  nouvelles  lettres  de  Lécluse 

à  Chémalé  pour  lui  rendre  compte  du  résultat  de  ses  efforts  et 
de  sa  propagande. 

«  1 1  juin  1S67. 


«  Dimanche,  9  courant,  j'ai  été  voir  de  nouveau  M.  Mazure;  il 
est  enthousiasmé  de  l'Association  internationale.  Je  crois  qu'il 
se  décidera  à  former  un  bureau  à  Lille.   » 


«  2^2  juin  1867. 

«  Notre  petit  comité  s'organise  très-bien  ;  j'espère  que  nous 
réussirons  à  établir  une  section  à  Roubaix.  Ces  messieurs  de 


2S4  L'INTERXATIONA  L  F, 

Lille  sont,  d'avis  de  commencer,  je  leur  ai  remis  un  carnel  et 
des  statuts.  Je  crois  que  M.  Mazure  s'en  occupera  ;  il  est  pos- 
sesseur de  la  lettre  par  laquelle  vous  demandez  de  nous  rrunir, 
les  villes  de  Lille,  Tourr.oins:  el,  Houbaix. 

•<  -18  juin  1867. 

«  M.  Mazure  m'a  promis  d'insérer  toutes  les  correspondances 
qu'on  voudrait  bien  lui  envoyer  ;  vous  pouvez  expédier  de  nou- 
veaux carnets. 

"  Nous  sommes  une  douzaine  pour  le  comité.  Adressez  les 
carnets  chez  notre  secrétaire  Philippe  Paul,  48,  rue  de  Tour- 
coing. 

«  Pour  le  comité, 

"  LÉCLURE.   . 


LE    HAVHK. 

Au  mois  d'avril  1867,  un  ouvrier  de  l'imprimerie  Fournier,  le 
nommé  Lefebvre,  signalait  aux  membres  correspondants  du  bu- 
reau de  Paris,  la  présence  au  Havre  d'un  groupe  d'ouvriers  dis- 
posés à  adhérer  à  l'Internationale.  Il  demandait  l'envoi  de  sta- 
tuts et  la  marche  à  suivre  pour  constituer  une  section.  Nous  ne 
pouvons  indiquer  si  ce  projet  a  été  réellement  mis  à  exécution. 


ANNEXES 


PIÈCES  ET    DOCUMENTS  J[JSTIFICATIFS 


Toutes  oes  pièces  ont  été  classées  en  suivant  l'ordre  dans  lequel 
elles  ont  été  citées  dans  l'ouvrage. 


ANNEXES 
PIÈCES    IT    DOCUMEINTS  JUSTIFICATIFS 

PIÈCE  A. 


LIGUE     INTEKNATIONALE     DU     UESAHMEMENT, 


ha.  cause  première  de  la  guerre, 
c'est  l'armée. 

u  Considérant  : 

«  Que  l'axiome  :  Si  vis  paccin,  pnvn  bolhnii  (Si  vous  voulez  la 
paix,  préparez  la  guerre)  a  jusqu'ici  reçu  des  événements  le  plus 
complet  démenti; 

«  Que  les  armées  permanentes,  loin  d'être  un  gage  de  sécurité 
pour  chaque  nation,  sont,  au  contraire,  devenues,  par  suite  de  la 
surexcitation  belliqueuse  qu'elles  développent  chez  l'homme  enrégi- 
menté, une  occasion  de  conflit,  un  défi  continuel  jeté  aux  nations 
voisines; 

«  Que  ce  système  d'armement  tend  à  faire  prévaloir  l'idée  de 
/b/'ce  sur  l'idée  de  (iroiY; 

«  Qu'au  point  de  vue  politique,  la  paix  armée,  fausse  dans  son 
principe,  funeste  dans  ses  résultats,  a  pour  conséquence  immédiate 
de  déterminer  chez  tous  les  peuples  un  armement  excessif  ; 

«  Que,  d'une  part,  un  tel  ordre  de  faits  ne  pouvant  se  continuer 
sans  amener  la  ruine  des  peuples,  et  que  d'autre  part,  ces  efforts 
ayant  trop  coûté  aux  nations  pour  qu'on  puisse  les  déclarer  inutiles, 
la  conquête  devient  l'idéal  de  chaque  armée  ; 

«  Qu'au  point  de  vue  économique,  l'homme  arraché  violemment 
à  la  vie  sociale,  aux  habitudes  du  travail,  livré  sans  réserve  au 
culte  de  la  force,  revient  difiicilement  à  sou  premier  état  ; 


038  L'INTERNATION  ALL: 

«  Qu'ainsi,  uou-seulcmcat  ce  système  arrête  la  production  dans 
le  présent,  mais  encore  l'entrave  dans  l'avenir; 

('  Considérant,  en  outre,  que  si,  dans  l'état  actuel  de  l'Europe,  il 
est  des  circonstances  où  la  justice,  la  liberté,  la  dignité  et  l'indé- 
pendance nationales  ne  peuvent  trouver  de  sanction  que  par  les 
armes,  les  milices  nationales  offriraient  en  cas  d'agression,  par  la 
levée  en  masse  et  l'élan  spontané  des  citoyens,  plus  de  garanties 
jiour  la  sécurité  des  peuples  que  le  militarisme  professionnel,  (pjii 
consomme  en  pure  perte  les  ressources  de  la  nation, 

«  Les  soussignés  déclarent  : 

((  Réprouver  énergiquement  le  système  actuel  d'armement  qui, 
faisant  de  la  guerre  un  métier,  rend  la  guerre  inévitable; 

«  Protester  contre  les  armées  permanentes  et  réclamer,  comme 
moyen  transitoire,  l'organisation  des  milices  nationales,  moyen  le 
plus  eflicace  de  détruire  à  tout  jamais  la  prépondérance  de  la  force 
brutale  sur  la  puissance  intellectuelle  et  morale  des  peuples. 

«  Désarmement  général,  organisation  des  milices.  Telle  est  la 
devise  inscrite  sur  notre  drapeau.  » 


COMMISSION    h  INIllATIVK. 

France.  —  MM.  Ch.  Beslay,  propriétaire,  11,  rue  Oberkampf; 
—  E.  Fribourg,  graveur-décorateur,  44,  rue  des  Gravilliers;  —  E. 
Chémalé,  dessinateur,  64,  rue  de  l'Ouest  ;  —  H.  Tolain,  ciseleur, 
24,  rue  Saint-Lazaie  ;  —  P.  Gautier,  bijoutier-employé;  4,  rue 
Sainte-Opportune;   —   G.  Laplanche,    sellier-carrossier,    1,    rue 

Gauthey. 

Allemagne.  —  MM.  Schily,  avocat,  4,  rue  Saint-Quentin;  ~- 
Hugo  Rothschild,  négociant,  54,  rue  Lafayette. 

Angleterre.  —  M.  Cowell  Stepney,  6,  Witton  Terrace,  Palace 
Rood,  London. 

Belgique.  —  M.  Louis  Debock,  typographe,  5,  rue  Vincent. 

Hongrie.  —  MM.  Pompéry,  41,  rue  des  Acacias  ;  —  Karoly  Dras- 
kulcs,  47,  rue  des  Acacias. 

Danemark.  —  M.  L.  Petersen,  fourreur. 

Russie.  —  iNL  Reinfeld,  ébéniste,  18,  rue  d'Aval. 

Suède.  —  M.  Wollin,  tailleur,  14,  rue  d'Argenteuil. 

Suisse.  —  M.  Antoine  Muller,  Zurich. 

Les  souscriptions,  ainsi  que  les  listes  d'adhésion,  sont  provi- 
soii'ement  reçues,  54,  rue  Lafayette,  chez  M.  Hugo  Rothschild. 

Lé  versement  minimum  unique  est  iixé  à  10  centimes  *. 


'  Celte  ligue  u'était  que  la  mise  en  pratique  des   résolutions  adoptées   contre  le? 
armées  permanentes  par  le  congrès  de  Genève. 


ET     LF.     .lACOBINISME.  239 


il 


AS  SOCIATION    INTERNATIÛNALB   DES   TRAVAILLEUnS 

(Bureau  de    Paris.) 

«  26  avril  18b7. 
«  Ouvriers  de  Berlin, 

<'  Nous  avons  reçu  avec  joie  votre  salut  pacifique;  comme  vous, 
nous  ne  voulons  que  la  paix  et  la  liberté. 

"  Comme  citoyens,  sans  doute,  nous  aimons  la  mère-patrie  ; 
mais  quand  l'esprit  du  passé  essaye  d'éterniser  les  préjugés,  quand 
les  adorateurs  de  la  force  veulent  réveiller  les  haines  nationales, 
ouvriers,  nous  n'oublierons  jamais  que  le  travail  qui  nous  fait  tous 
solidaires  ne  peut  se  développer  que  par  la  paix  et  la  liberté.   • 

a  11  ne  s'agit  point  de  décider  par  les  armes  la  nationalité  d'un  lam- 
beau de  territoire,  mais  bien  de  réunir  nos  efforts  pour  y  faire 
régner  l'équité. 

«  N'avons-nous  pas  à  combattre  assez  de  causes  de  misères,  de 
souffrances,  assez  de  malheurs  immérités,  sans  aller  de  nos  pro- 
pres mains  détruire  et  dévaster  ;  laissant  le  champ  on  friche,  la 
machine  inerte. 

«  Vainqueurs  ou  vaincus  nous  n'en    serons  pas   moins    victimes. 

«  Le  travail,  c'est  le  devoir  et  le  droit.  C'est  la  loi  de  l'homme 
moderne. 

a  La  guerre  entre  peuples  ne  peut  être  considérée  que  comme 
une  guerre  civile,  un  recul  de  la  civilisation. 

«  Ouvriers  d'Allemagne  ou  de  France,  nous  n'avons  pas  trop  d(! 
toutes  nos  forces  et  de  toutes  nos  énergies  pour  nous  organiser  en 
vue  dli  travail  et  de  l'échange. 

«  Nous  voulons  la  paix  et  la  liberté. 

«  La  paix!  pour  produire,  échanger  ensemble. 

«  La  liberté!  pour  établir  entre  nous  des  relations  toujours  plus 
intimes,  plus  pacifiques;  car  à  mesure  que  nous  nous  connaissons 
mieux,  nous  nous  estimons  davantage. 

«  Frères  de  Berlin,  frères  d'Allemagne  !  C'est  au  nom  de  la  soli- 
darité universelle,  invoquée  par  ÏAssocialiou  iniernulionale,  que 
nous  échangeons  avec  vous  le  salut  pacifique  qui  cimentera  à  nou- 
veau l'alliance  indissoluble  des  travailleurs  ! 

«  Pour  la  commission  parisienne  . 
«  Les  covresporiclatits  :  TOLAIN»  FRIBOURG,  VARLIN.  » 


-240  L  '  1  N  T  !•:  1  ;  N  A  T 1 1  >  N  A  L,  L 


III 


LES   SECTIONS   DE   LYON    ET   DES     ENVIRONS ,    DE     L  ASSOCIATION    INTERNA- 
NATIONALE,    AUX   TRAVAILLEURS    DE   RERLIN    ET   d'aLLEMAGNE. 

«  Frères! 

«  Encore  une  fois,  l'Europe  s'ag-ite  épouvantée  dans  la  crainte 
d'une  guerre  entre  deux  des  peuples  les  plus  puissants  et  les  plus 
avancés  de  la  terre.  De  l'un  et  de  l'autre  côté  du  Rhin,  des  cris  de 
cannibales  se  font  entendre  ;  on  cherche  à  réveiller  ces  vieilles  et 
absurdes  rancunes  nationales  qui  ont  toujours  fait  le  malheur 
des  peuples.  Jusq\i'à  quand  donc  serons-nous  les  jouets  du  pré- 
jugé? jusqu'à  quand  donc  laisserons-nous  nos  fils  et  nos  frères 
aller  engraisser  de  leur  sang  et  de  leurs  os  le  terrain  des  champs 
de  bataille,  pour  y  faire  germer  le  despotisme  et  la  misère? 

«  Elevons  nos  voix  et  nos  cœurs,  travailleurs  d'Allemagne  qui 
souffrez  des  mêmes  maux  et  réclamez  les  mêmes  droits  que  nous  ; 
que  le  monde  entier  sache  bien  que  ce  n'est  pas  nous,  nous  la  por- 
tion la  plus  nombreuse  et  la  plus  utile  de  la  population,  qui  vou- 
lons la  guerre.  Et  par-dessus  les  ambitions  des  grands,  les  colères 
des  lâches  et  le  fanatisme  des  ignoi'ants,  tendons-nous  la  main  en 
jetant  un  cri  de  réprobation  qui  soit  un  jour  notre  signal  de  rallie- 
ment dans  le  champ  fertile  de  la  solidarité. 

«  Albert  UICHAIID  ;    Louis FAURE;  A.-P.  BLANC;  SCHET- 

TEL;   Louis    PALIX;  DOUBLÉ;  BENIÈRE  »;  BAUDRAND  ; 

MARCHEVAL  °-.  » 


PIEGE  B. 

ASSOCIATION    internationale    DES     TRAVAILLEURS. 

(Branche  française  de  Londres.) 

"  Aux  révolutionnaires  ! 

('  Le  meeting  commémoratif  des  glorieuses  journées  des  i2-2,  28 
et  U  février  1848  aura  lieu  le  lundi,  24  février  1868,  à  Cheveland 
Street,  Fitzroy  square,  à  huit  heures  du  soir. 

'  Butiiére  remplissait  les  fonctions  de  secrétaire  correspondant  de  la  section  de 
-Neiiviile-sur-Saône. 

-  Uaudrand  était  secrétaire  correspondant  de  celle  de  Ileurieu-sur-Saùne,  Mar- 
cheval,  tisseur,  quai  de  Gère,  iJ,  de  celle  de  Vienne  (Isère). 


KT     l.K     .1  ATOI!  IM  SMK.  241 

[>es  riloyciis  de  tous  pays,  nmis  de  la  l'évolution,  sont  invités  à 
y  .issister.  —  Entrée  libro. 

..  Si;j„r  :  KudKNK  DUPONT.  BKSSON, 
LE  l.UBEZ,  etc.,  etc.  » 

l'IÈGE    C. 

PROTESTATION    DU   (illOljl'K     (■F;m;vOIS     CONTUK     I,KS    JUr.KMEXT'ï   PF.c.   DF.IX 
PHEMIÈRES   COMMISSIONS  I)i:    HUREAU   UK  PAIllS. 

"  Ouvriers  ! 

'(  Le  lu  juin,  les  membres  du  bureau  de  l'Association  interna- 
tionale de  Paris  ont  vu  confirmer  le  jugement  du  20  mars,  qui  les 
condamne  définitivement  à  trois  mois  de  prison  et  100  francs  d'a- 
mende, pour  avoir  aidé  et  secouru  leurs  frères,  les  ouvriers  de 
Genève,  en  temps  de  grève,  et,  comme  le  dit  l'arrêt  de  la  Cour, 
pour  avoir  eu  pour  but  l'amélioration  de  la  condition  de  tous  les  ou- 
vriers, sans  distinction  de  nationalité,  par  la  coopéi'ation,  la  pro- 
duction et  le  crédit. 

«  Cet  arrêt  est  une  déclaration  de  guerre  aux  idées  sociales  et 
aux  principes  de  la  Révolution  de  89,  comme  l'ont  très-bien  dit 
les  accusés  Varlin  et  Combault  dans  leur  défense. 

«  Apparemment,  on  ne  se  gène  plus!  On  a  jeté  le  masque  et  l'on 
nous  dit  franchement  :  Nous  vous  croyons  sincères,  moraux,  sé- 
rieux ;  mais  nous  ne  pouvons  admettre  que  vous  preniez  en  main 
le  maniement  de  vos  affaires,  que  vous  étudiiez  votre  position 
et  que  vous  aspiriez  à  la  solution  du  grand  problème  :  l'établisse- 
ment de  l'ordre,  de  la  justice,  de  l'égalité  et  de  la  fraternité  dans 
l'humanité. 

X  Cet  arrêt  monstrueux ,  qui  s'appuie  sur  une  loi  tombée  en 
désuétude,  n'a  rien  qui  doive  nous  étonner  de  la  part  de  gens  qui 
se  sont  agenouillés  devant  tous  les  pouvoirs  ;  aussi  nous  di- 
sent-ils : 

«  Vous  autres  ouvriei's ,  vous  êtes  esclaves  et  vous  i-esterez 
esclaves;  car  tel  est  notre  bon  plaisir.  C'est  une  loi  naturelle  que 
le  riche  exploite  le  pauvre,  ({u'il  vive  à  ses  dépens.  » 

«  Ouvriers, 

«  En  face  de  tels  procédés,  quel  est  notre  devoir? 

«  Certes,  d'invoquer  d'abord  contre  les  actes  d'une  telle  magis- 
trature  l'indignation  publique,  d'en  appeler  à  tous  les  hommes  hon- 
nêtes, sans  exception  de  parti  ,  puis  de  prouver,  par  un  surcroit 
d'énergie,  ijuc     nous  ne  sommes    pas  les  indignes   confrères   de 

16 


-'42  1/ 1 N  T  E  H  X  A  T 1 0  N  A  L  E 

ces  défenseurs  héroiqurs  de  la  cause  du  iicuplc,  et  .[iie  iiou .^  nu  les 
laisserons  pos  seuls  sur  la  Jjrèchc.  Noti-e  honneur,  surtoul  à  nous 
ouvriers  de  Genève,  est  enyagé  :  monlrons  par  l'action  que  la 
fraternité  chez  nous  n'est  pas  une  vaine  parole,  et  que  nous 
sommes  dignes  d'appartenir  au  grand  parti  social,  au  parti  de  la 
régénération  de  l'humanité. 

*  Au  nom  du   comité  central  des  sections  de  la  Suisse  Homandc. 
e  Le  présidcul  :  GRAGLIA  (François)  ;  * 

«  Le  sccfcUtirc  r/éncral  :  PERHET  (Henri). 
«  Genève,  o  juillel  18U8.  5> 


PIECE   L). 
I 

J.ES  RÉUmONS  FLBMOUES  de    18l3'J  appréciées   far  les  l.NTEKNAilONAUX. 

(CovrespondHucc  pnrticuliève  do  7'Egalité.) 

«  Paris,  le  9  février  1869. 

«  Le  mouvement  social  prend  chaque  jour  plus  d'extension  et  plus 
d'intensité  parmi  notre  population  ouvrière.  Les  réunions  publiques 
pour  la  discussion  des  questions  économiques  augmentent  en 
nombre  de  jour  en  jour  et  sont  de  plus  en  plus  fréquentées,  en 
même  temps  que  le  besoin  de  groupement  qui,  chaque  jour,  se  fait 
sentir  davantage  chez  les  travailleurs,  entraîne  la  formation  de 
nouvelles  sociétés  dans  toutes  les  professions  qui  jusqu'alors  n'a- 
vaient pas  encore  songé  à  se  solidariser. 

«  En  présence  de  ce  mouvement  presque  magique  qui  s'empare 
des  masses  pour  les  porter  en  avant  vers  la  recherche  des  améliora- 
tions sociales,  les  socialistes  sentent  s'affermir  leurs  espérances  et 
redoublent  d'efforts  pour  satisfaire  à  leur  mission  régénératrice. 

«  Les  orateurs  doivent  se  multiplier  pour  satisfaire  aux  discus- 
sions des  plus  intéressantes,  mais  des  plus  ardues  que  l'on  ne 
craint  pas  de  mettre  brusquement  à  l'ordre  du  jour,  sans  se  pré- 
occuper de  savoir  s'il  se  trouve  dans  le  public  des  hommes  assez 
instruits  et  assez  dévoués  aux  intérêts  du  peuple  pour  apporter  à 
la  tribune  des  renseignements  suffisamment  complets  sur  la  situa- 
tion, et  des  propositions  de  solution  aux  vices  de  l'organisation 
économique  qui  pèse  sur  nous. 

K  La  génération  actuelle,  élevée  sous  un  régime  d'obscurantisme 
complet,  est  avide  d'apprendre,  et  la  gravité  des  circonstances  qu 


HT     l.K     .1  AC.Oin.NlSMK.  243 

se  préparent  fait  (ju'elle  veut  savoir  de  suite.  Aussi,  voyons-nous 
poser  simullanémcut  à  l'ordre  du  jour  presque  toutes  les  cpiestions 
économiques  qui,  dans  leur  cnsemMe,  oonstituent  la  ({uesfiou 
sociale. 

«  Il  suffit,  pour  montrer  l'importance  de  ce  mouvement,  d'indiquer 
les  principaux  ordres  du  jour  des   réunions  publiques.  Les    voici  : 

«  Des  privilèges;  de  l'hérédidé  ;  des  chômages;  des  monopoles  ; 
salariat  et  paupérisme  ;  des  patentes  ;  de  la  société  de  Jésus, 
considérée  comme  corps  enseignant  ;  de  l'éducation  et  de  l'instruc- 
tion ;  des  chambres  syndicales  ouvrières;  de  l'inlérèt  du  capital; 
communisme  et  mutualité  ;  du  paupérisme  ;  de  l'assistance  publi- 
que ;  de  la  lutte  de  l'homme  dans  la  nature  et  des  moyens  de  la 
continuer  ;  salariat  et  propriété  ;  droits  et  devoirs  des  individus 
dans  la  société  moderne,  etc. 

«  Malgré  les  restrictions  de  la  loi  sur  les  réunions  et  la  présence, 
dans  chacune  d'elles,  de  l'autorité  sous  la  figure  d'un  commissaire 
de  police,  accompagné  d'un  secrétaire  et  d'un  sténographe,  les 
orateurs,  soutenus  d'ailleurs  par  le  sentiment  des  assemblées, 
n'ont  pas  hésité  à  porter  la  discussion  sur  son  véritable  terrain, 
c'est-à-dire  n'ont  pas  craint  d'examiner  la  (Question  sociale  dans 
son  ensemble  et  d'attaquer  les  principes  constitutifs  de  l'organisa- 
tion actuelle. 

«  Il  est  vrai  que  leur  audace  a  déjà  valu  à  plusieurs  l'avantarjc 
d'aller  soutenir  leurs  doctrines  devant  la  correctionnelle,  pour  de 
là  aller  prendre  quelques  mois  de  repos  à  Sainte-Pélagie  ;  mais  en 
somme  le  résultat  obtenu  est  satisfaisant,  la  loi  s'avachit,  et  le  pu- 
blic prend  goût  à  la  libre  parole. 

«  Les  oreilles  des  commissaires  commencent  à  s'habituer  à  toutes 
ces  théories  malsaines,  à  toutes  ces  idées  subversives  de  liberté, 
d'égalité,  de  mutualité,  de  fraternité,  de  communauté,  etc.,  qui  tout 
d'abord  déchiraient  le  tympan,    et  ^naturellement  ils    se  relâchent. 

«  Mais  si  les  commissaires,  obligés  d'entendre  répéter  ces  choses 
tous  les  jours,  ont  pu  s'y  habituer,  il  n'en  est  pas  de  même  de  nos 
lionorables  du  Corps  législatif,  qui  n'en  ont  entendu  que  les  échos 
répercutés  par  le  Pays,  des  Cassagnacs.  Aussi,  se  sont-ils  empres- 
sés, aussitôt  l'ouverture  de  leur  réunion  publique,  de  demander  à 
interpeller  le  gouvernement  sur  l'application  de  leur  loi. 

«  L'affaire  promettait  d'être  grave;  on  s'attendait  à  de  nombreuses 
récriminations  de  la  part  de  nos  députés  satisfaits  ;  on  croyait  même 
qu'il  serait  question  du  retrait  de  la  loi.  Il  n'en  a  rien  été.  Les  au- 
teurs de  l'interpellation  ont  simplement  demandé  que  l'on  fût  plus 
rigide  envers  les  orateurs  des  réunions  ;  le  ministre  de  la  justice 
a  promis  des  sévéï'ités,  et  la  gauche  démocratique  et  libérale,  par 
la  voix  de  M.  Pelletan,  a  fait  cette  déclaration  :  «  On  a  demandé  au 
gouvernement  des  poursuites  plus  fréquentes  ;   le  gouvernement 


24  'i  T.  '  I  N  T  !•;  H  N  A  T  I  ()  N  A  L  li 

les  a  promises.  La  question  ainsi  i)Osée  ne  regarde  pas  le  parti  de 
la  liberté.  » 

«  Nous  ne  nous  attendions  pas  à  mieux  de  la  part  de  nos  députés 
i-épublicains.  Bourgeois  de  la  gauche  ou  de  la  droite  se  valent, 
nous  le  savons  depuis  longtemps  :  lorsqu'il  s'agit  de  leurs  per- 
sonnalités, lorsqu'il  s'agit  d'avoir  la  direction  des  affaires  publi- 
ques, ils  se  font  la  grande  guerre;  mais  dès  qu'il  y.  a  des  socia- 
listes à  condamner,  ils  sont  d'accord. 

i<  P.-S.  Dans  quelques  jours  je  vous  enverrai  une  lettre  sur  les 
sociétés  ouvrières.  » 

(Autre  conespumlance. j  • 

«  Paris,  le  10  février  1869. 

«  Depuis  que  VEgalitê  nous  a  l'ait  connaître  la  grève  de  Bàle,  nous 
nous  sommes  occupés  d'organiser  une  vaste  souscription  pour  ve- 
nir en  aide  à  nos  frères  bâlois,  frappés  parla  vindicte  des  patrons. 
D'ici  quelques  jours  nous  espérons  commencer  à  leur  envoyer 
quelques  secours,  et  nous  continuerons  à  les  soutenir  tant  qu'ils 
auront  besoin  de  notre  aj)pui. 

«  Hier,  lundi,  à  la  réunion  publique  de  13elle\^lle,  le  citoyen  Héli- 
gon,  membre  de  l'Association  internationale,  a  porté  à  la  connais- 
sance de  l'assemblée  la  grève  des  ouvriers  de  Bàle  et  tous  les  faits 
y  relatifs. 

c  L'assemblée  a  appris  avec  autant  de  surprise  que  d'indignation 
la  conduite  inique  des  patrons,  car,  jusqu'alors,  nos  nombreux 
journaux,  qui  tous  prétendent,  plus  ou  moins,  s'occuper  des  inté- 
rêts du  peuple,  s'étaient  bien  abstenus  de  mentionner  cette  grève, 
sans  doute  pour  ne  pas  avoir  à  signaler  le  rôle  odieux  que  les  pa- 
trons y  ont  rempli. 

<'  Après  l'appel  chaleureux  du  citoyen  Hcligon,  il  a  été  fait  immé- 
diatement une  collecte  qui  a  produit  135  francs  ;  il  a  été  en  outre  con- 
venu qu'à  chaque  réunion  on  lecevrait  des  cotisations  tant  que  du- 
rerait la  grève.  f> 

KÉîtalUé.  1.3  février  1869.) 

I 

LE   RÉSULTA  r   DES    ELECTIONS    DE    1869,  AP1>RÉC1É     PAR    LES   LXTERN.VriO- 
NAUX.  —  RÉCIT    DES    TROUBLES    QUI    ÉGLATKHEXT    A     CETTE    ÉPOQUE    A 

PARIS. 

«  Paris,  le  1^  juin  1869. 

«  Le  résultat  du  premier  tour  de  scrutin  électoral  avait  surpris 
tout  le  monde  en  France.  La  majorité  écrasante  donnée  au  radica- 


KT.     \.K     .l.\  C.  Oni  NISMK.  2^1  :. 

lisme  à  Paris  et  dans  les  villes  eu  môme  k'iniis  ([ue  l'éiîliec  pres- 
que général  des  libéraux,  accusait  très-nettement  la  situation  :  d'un 
côté  les  irréconciliables,  la  révolution  ;  de  l'autre,  les  conserva- 
teurs, le  stutii  quo.  Toutes  les  nuances  intermédiaires,  tous  ces 
hommes  à  trempe  modérée,  tous  ces  politiques  aux  i)etits  moyens 
qui  veulent  concilier  l'eau  et  le  feu,  la  paix  et  la  guerre,  la  liberté 
cl  l'autorité,  la  souveraineté  du  peuple  et  l'empire  eniin,  tous  ou 
presque  tous  avaient  échoué. 

«  Ce  résultat  aussi  stupéfiant  qu'imprévu  a  pu  effrayer  bien  des 
gens;  pour  nous,  socialistes  et  radicaux,  amis  des  situations  net- 
tes, il  nous  satisfaisait  grandement. 

«  Mais  il  restait  un  assez  grand  nombre  de  sci'ulius  de  ballottage 
4  faire,  soixante  environ  pour  toute  la  France.  La  lutte  recommence 
aussitôt.  Cette  fois  la  situation  s'accentue  encore,  à  Paris  surtout. 
Les  candidats  officiels  arrivés  troisièmes  et  quatrièmes  au  pre- 
mier tour  s'effacent  et  la  lutte  s'engage  entre  républicains  modérés 
et  républicains- radicaux.  Le  gouvernement  se  trouve  dans  cette 
piteuse  alternative,  ou  d'abandonner  complètement  la  lutte  et  de 
laisser  ses  ennemis  s'entre-dévorer,  ou  de  prendre  fait  et  cause 
pour  les  moins  dangereux. 

«  Le  gouvernement  n'hésite  pas,  il  fait  voter  tous  ses  amis,  ses 
employés,  ses  sergents  de  ville  et  municipaux  pour  Jules  Favre  el 
Garnier-Pagès,  les  chefs  de  l'opposition  démocratique  au  derniei" 
Corps  législatif ,  que  la  population  parisienne  veut  repousser 
maintenant  comme  trop  doux  et  que  les  socialistes  combattent  a 
outrance  à  cause  de  leur  haine  bien  connue  pour  le  socialisme. 

'«  Grâce  à  la  coalition  officielle,  cléricale  et  libérale,  les  radicaux 
sont  battus  sur  toute  la  ligne  à  Paris,  mais  ce  n'est  pas  sans  réunir 
d'imposantes  minorités.  L'ancienne  opposition  rentre  triomphante 
au  Corps  législatif.  En  somme  le  gouvernement  est  toujours  le 
plus  battu. 

«  Dans  les  départements,  on  avait  espéré  que  tous  les  ballottages 
seraient  à  l'avantage  de  l'opposition;  il  n'en  est  rien.  Le  gouverne- 
ment est  tellement  tombé  dans  la  déconsidération  publique,  il  est 
tellement  avéré  que  l'empire  est  usé  et  qu'il  va  s'écrouler  d'un  mo- 
ment à  l'autre,  que  les  partis  politiques  au  lieu  de  se  liguer  contre 
lui,  comme  en  1863,  préfèrent  se  disputer  l'honneur  de  lui  porter  les 
derniers  coups  et  cherchent  à  prendre  position  pour  profiter  de  la 
débâcle.  Aussi,  de  même  qu'à  Paris,  le  gouvernement  battu  au 
premier  tour  avait  appuyé  les  libéraux  contre  les  radicaux  au 
deuxième,  de  même  dans  plusieurs  départements  les  libéraux  ont 
fait  cause  commune  avec  le  gouvernement  contre  les  radicaux. 
Malgré  tout ,  plus  de  trente  députés  opposants  sont  nommés  au 
deuxième  tour  de  scrutin. 

«  Pour    nous  l'important    n'est    pas    tant  d'avoir   beaucoup    de 


o'iC,  L'INTERNATIONALE 

dépulés  ojjposants,  mais  bien  d'avoir  des  opposants  qui  nous  repré- 
sentent, ou  tout  au  moins  ne  soient  pas  nos  ennemis.  Les  gens  do 
l'union  libérale  sont  pour  nous  aiissi  dangereux  que  l'empire  ;  nous 
les  avons  vus  à  l'œuvre  après  juin  en  48.  Nous  devons  les  com- 
battre par  avance,  il  vaut  mieux  retarder  un  peu  la  chute  de  l'em- 
pire et  que  du  mémo  coup  nous  puissions  abattre  toutes  les  préten- 
tions monarchistes  et  parlemcntaristes. 

«  Maintenant  que  je  vous  ai  parlé  des  manifestations  légales  et  ré- 
gulières, passons  aux  événements  singuliers  dont  Paris  a  été  le 
théâtre  cette  semaine. 

«  Quelques  jours  avant  le  scrutin  de  ballottage,  le  bruit  s'était  déjà 
répandu  que  le  7  juin,  au  soir,  la  police  se  proposait  de  profiter  de 
l'émotion  que  le  résultat  du  scrutin,  bon  ou  mauvais,  ne  pouvait 
jnanquer  de  produire  pour  tenter  un  coup,  provoquer  les  citoyens, 
frapper  et  disperser  violemment  les  groupes  et  procéder  à  des  ar- 
restations. 

«  Quelques  journaux  s'étaient  fait  l'écho  de  ce  bruit  et  avaient  en- 
gagé les  citoyens  à  éviter  tout  rassemblement  et  surtout  toute  colli- 
sion. 

«  L'avis  passa  presque  inaperçu.  Les  citoyens  ne  pouvaient  croire 
à  de  pareilles  manœuvres.  Cependant  au  comité  Rpchefort,  aux 
bureaux  du  Rappel  et  dans  divers  endroits  où  la  foiile  se  pressait 
pour  connaître  le  résultat  du  scrutin,  des  bandes  do  sergents  de 
ville  armés  de  coup  de  poing  et  massés  par  cinquante,  par  cent  et 
quelquefois  plus,  se  précipitaient  sur  la  foule  inoffensive,  frappant, 
bousculant,  et  arrêtant  les  citoyens  qui  faisaient  mine  de  résister 
ou  qui  poussaient  quelques  cris.  Plusieurs  membres  du  comité 
Rochefort  qui  se  trouvaient  parmi  la  foule  pour  annoncer  le  ré- 
sultat ont  été  aussi  arrêtés. 

«  L'émotion  était  grande  dans  Paris  ce  soir-là.  ]\|ais  c'était  une 
émotion  triste.  Le  résultat  du  scrutin  défavorable  aux  radicaux  et 
avec  cej^  les  bousculades  des  sergents  de  ville  et  les  ari^estations 
avaient  semé  la  contrariété  sur  toutes  les  figures. 

«  Le^  rues,  les  boulevards,  les  faubourgs  retentissaient  des  cris 
s^ns  cesse  répétés  de  :  Vive  Rochefort  !  Vive  Raspail  !  Vive  7a  Lan- 
terne! Plusieurs  cafés  où  ces  cris  étaient  également  répétés  furent 
envahis  pqr  les  sergents  de  ville,  mais  non  sans  l'ésistance  de  la  part 
des  consommateurs,  qui  brisèrent  les  choppes,  les  canettes  et  les 
tasses  sur  la  tète  des  agents.  Là  de  nombreuses  arrestations  furent 
encore  opérées. 

«  La  provocation  de  la  police  était  flagrante.  Tous  les  hommes 
sérieux  regrettaient  cette  attitude  et  évitaient  de  se  trouver  dans 
les  mêlées,  sentant  trop  bien  où  on  voulait  en  venir. 

«  Après  cette  soirée  passée  on  pensait  que  te  calme  allait  se  réta- 
blir en    mémo    temps  que    l'émotion    disparaîtrait.    C'est    ainsi    on 


RT     LE     JACOFJINISMi:.  5'i7 

clïel  qu'il  aurait  dû    en  cMre,  Oui,  mais  on  complail  sans   la  police. 

u  Le  lendemain  et  les  jours  suivants  un  spcelacle  bien  plus  étiange 
étaif  réservé  aux  Parisiens. 

«  Après  la  journéo  tranquillement  passée,  le  soir,  des  Landes  d'in- 
dividus, sortis  on  ne  sait  d'où,  parcouraient  certains  quartiers, 
chantant  la  Marseillaise  et  criant  Vive  Rochefort!  Vivo  /;/  Lanlcvno! 
Le  public  badaud  avait  bientôt  transformé  ces  groupes  en  masses 
compactes  et  un  grand  nomljre  de  jeunes  gens  naïfs  augmcntaien< 
vite  le  nombi'C  des  tapageurs.  Puis  revenaient  les  bris  de  vitre,  de 
becs  de  ga?  et  de  devantures  de  boutiques,  les  renv.ersements  de 
kiosques  et  même  des  tentatives  de  barricades  faites  sur  le  boule- 
vard Montmartre  avec  deux  ou  trois  kiosques  renversés  et  quelques 
bancs.  Enfin  la  police  arrivait. 

«  Chose  étrange,  les  sergents  de  ville  et  les  municipaux  à  pied  et 
à  cheval  se  trouvaient  justement  massés  bien  avant  l'heure  de 
l'émeute  dans  les  quartiers  où  elle  devait  se  produire.  Ils  se  te- 
naient cachés  dans  la  cour  d'une  mairie,  dans  les  postes  ou  autres 
lieux  et  sortaient  justement  quand  les  dégâts  étaient  accomplis  pour 
rétablir  l'ordre  et  arrêter  nombre  de  citoyens  attirés  par  la  curiosité 
ou  môme  entraînés  par  le  bruit. 

«  Comme  plusieurs  journaux  s'étaient  plaints  de  ce  que  les  agents, 
dans  leur  brutalité,  négligeaient  les  sommations  légales  avant  de  dis- 
pei'ser  les  groupes,  on  voulut  nous  donner  la  comédie  complète. 
Alors,  des  commissaires  ceints  de  leur  écharpe  et  précédant  les 
gardes  de  Paris,  à  pied  et  à  cheval,  vinrent  faire  les  sommations 
légales,  d'avoir  à  se  disperser,  aux  foules  compactes  attirées  par  la 
curiosité. 

«  En  présence  des  sommations,  les  foules  s'écoulaient  par  les  rues 
adjacentes  et  revenaient  ensuite,  derrière  la  troupe  qui,  après  avoir 
parcouru  quelques  hectomètres  de  distance,  ne  trouvait  plus  per- 
sonne devant  elle  et  devait  faire  volte-face  pour  recommencer  la 
cérémonie. 

«  Nous  n'aurions  qu'à  rire  de  la  déconvenue  de  la  police  dans  cette 
.affaire  si,  s'apercevant  qu'aucun  des  hommes  d'action  ne  tombait 
dans  ses  embûches,  elle  ne  s'était  décidée  à  les  arrêter  chez  eux. 
C'est  ainsi  que  le  jeudi  10  juin,  entre  2  et  i  heures,  une  vingtaine 
de  citoyens  connus  par  leur  activité  et  leur  énergie  ont  été  enlevés 
à  leur  famille  et  à  leurs  occupations  ordinaires  après  perquisitions 
faites  à  leur  iloinicile. ..  On  les  accuse  de  complot  contre  la  sûreté 
de  l'État. 

«  Parmi  les  citoyens  arrêtés  se  trouvent  deux  membres  de  l'Asso- 
ciation iuleruationale,  Héligon  et  Murât,  les  membres  du  comité 
Uaspail,  deux  candidats  socialistes,  Briosne  et  Lefrançais,  quatre 
rédacteurs  du  Béveil,  deux  du  Rappel  et  quelques  autres  citoyens. 

u  Le  soir  et  le  lendemain  de  ces  arrestations  le  déploienient  de 
forces  devenait  plus  imposant  encore.  Cette  fois,  c'étaient  les  csea- 


o/,s  I.'IN  IKUNATION  AL  F. 

lirons  de  ruirassiers  ci  de  chasseurs  i[ui  (tiiargérenl  dans  les  rues 
et  sur  les  boulevards  où  grondait  l'émeute.  .Mais,  dérision  amère, 
personne  ne  résistait  et  les  calèches  et  voitures  découvertes  rem- 
plies de  dames  du  monde  suivaient  les  escadrons  pour  voir  de  près 
cette  révolution  de  fantaisie. 

«  Heureusement  l'opinion  publique  n'a  pas  été  dupe  de  cette  odieuse 
manœuvre.  Les  citoyens  n'ont  pas  pris  les  armes,  ils  n'ont  pas 
fourni  au  gouvernement  l'occasion  qu'il  demandait  de  sauver  encore 
une  fois  la  société,  le  prétexte  qu'il  cherchait  pour  remettre  en  vi- 
gueur la  loi  de  sûreté  générale  qui  lui  aurait  permis  de  déporter 
sans  jugement  les  citoyens  qui  le  gênent. 

«  Aujourd'hui  le  gouvernement  est  tout  déconfit,  tout  honteux  de 
l'insuccès  de  sa  tentative  ;  et  le  résultat  de  cette  triste  cérémonie, 
qui  a  fait  mettre  en  état  d'arrestation  douze  à  quinze  cents  personnes 
actuellement  entassées  pour  la  plupart  dans  les  casemates  du  fort  de 
Bicêtre,  se  tourne  complètement  contre  lui  :  les  gens  les  plus  pai- 
sibles, les  plus  modérés  sont  indignés  de  ces  odieuses  manœuvi'es. 

«  Depuis  deux  jours  la  tranquillité  est  complètement  rétablie.  Les 
soldats,  qui  étaient  restés  consignés  dans  leurs^casernes  pendant 
huit  jours,  peuvent  sortir;  les  rues  reprennent  leur  aspect  ordi- 
naire. 

«  Le  Corps  législatif  est  convoqué  pour  la  fin  du  mois,  nous  ver- 
rons comment  le  gouvernement  expliquera  les  derniers  événe- 
ments. > 

{Correspondance  pai'ticulière  de  7'Egalité.) 


«   Lyon,  le  8  juin  1869. 

K  Nos  élections  sont  terminées  ;  le  second  tour  de  scrutin  n'a  point 
affirmé  à  Paris  une  tendance  aussi  radicale  que  le  premier  :  Jules 
Favre,  Thiers  et  Garnier-Paj,.  -  ont  passé.  Considérée  dans  son 
ensemble,  examinée  sous  toutes  les  formes,  la  situation  générale,  au 
point  de  vue  démocratique  et  socialiste,  est  bien  meilleure  qu'elle 
n'était  en  1863.  Les  esprits  ardents  qui  devancent  leur  époque  sans 
tenir  compte  des  obstacles  de  tout  genre  qu'il  faut  renverser,  se 
montrent  eux-mêmes  satisfaits. 

«  Mais,  il  ne  faut  pas  s'illusionner,  l'action  du  suffrage  univei"sel 
ne  peut  pas  avoir  l'efficacité  qui  semble  lui  être  inhérente,  dans  le 
milieu  ambiant  où  nous  vivons.  Un  de  nos  amis  de  Maiseiile  nous 
l'écrivait  :  «  Le  suffrage  universel  qui  lit  la  Révolution  n'est  pas 
celui  qui  fit  l'Empire.  »  Que  prouvent  ces  déplorables  fluctuations? 
Ellles  prouvent  que  :  1"  dans  un  pays  centralisé  le  suffrage  uni- 
versel n'est  pas  libre,  parce  que  à  l'aide  d'innombrables  fonction- 
naires on  l'influence  de  toutes  les  façons;  2"  que  là  où  le  droit  des 
minorités,  même  les  plus  imposantes,   n'est  pas  respecté,  le  pays 


KT     I.K     JACDI'.lNl  SMi:.  249 

l'st  mal  représt'uté  ;  8"  que  là  ou  hi  (itioslioii  sotîiale  u'cst  pas  if^solue 
OU  tout  au  moins  poussée  vers  sa  solution,  lédutratiou  et  l'iustruc- 
tion  du  peuple  sont  encore  à  faire  après  quatre-vingts  ans  de  révo- 
lutions presque  continuelles. 

€  C'est  là  un  enseignement  i»récieu\  ;  les  révolutionnaires,  qui 
(l'une  part  ont  malgré  tout  l'ait  l'aire  un  pas  en  avant  a  la  question 
sociale,  profitent  de  l'autorité  que  leur  donne  ce  succès  pour  faire 
ressortir  aux  yeux  de  tous  les  hommes  d<;  progrès  un  tel  ensei- 
gnement. 

«  Et  c'est  avec  plaisir  qu'on  voit  ceux  t[ui  pensent  s'arrêter  à  cette 
conclusion  :  Dans  le  système  politique  et  surtout  dans  le  système 
économique  actuel,  le  suffrai^e  universel  est  un  anachronisme,  et 
comme  tel,  il  est  très-surprenant  qu'il  donne  quelques  bons  ré- 
sultats. 

«  A  Lyon,  l'élection  de  Baneel  et  de  Raspail  nous  a  valu  un  im- 
mense avantage  entre  toiis,  celui  de  nous  avoir  débarrassés  d'une 
puissante  coterie  bourgeoise  qui  depuis  de  longues  années  nous 
faisait  avaler  son  généreux  libéralisme  et  ses  candidats.  Des  ambi- 
tieux qui  espéraient  se  faire  céder  une  circonscription  par  les  ma- 
tamores de  la  démocratie  sociale  ont  été  impitoyablement  écartés 
en  même  temps  que  leurs  patrons.  Dans  la  3'»«=  circonscription  du 
Rhône,  aux  portes  de  Lyon,  Alphonse  Esquiros  a  réuni  plus  de 
10,000  voix  et  le  candidat  ofUcicl  14,000;  Esquiros  eût  évidemment 
passé  sans  les  manoeuvres  du  fonctionnarisme.  En  tout  cas,  une 
pareille  manifestation  faite  par  des  paysans  a  une  réelle  valeur. 
Cette  manifestation  ne  sera  pas  la  dernière  :  à  Lyon  et  dans  les 
environs,  les  libres  penseurs  s'agitent  beaucoup,  on  fonde  des 
journaux,  on  fait  des  conférences,  on  se  réunit.  Au  lieu  de  s'ar- 
rêter à  la  négation  comme  autrefois,  on  commence  à  affirmer  des 
principes  nouveaux;  on  attaque  le  déisme,  le  mysticisme  des  francs- 
maçons  :  de  là  au  socialisme,  il  n'y  pas  loin.  Les  socialistes  n'ont 
qu'à  bien  s'unir  en  dépit  des  divergences  de  vues  qui  pourraient 
les  séparer,  et  ils  auront  bientôt  de  grandes  satisfactions. 

M  Un  dernier  mot  à  ceux  qui  nous  reprochent  de  n'avoir  pas,  malgré 
toutes  les  entraves  et  toutes  les  considérations,  posé  des  candida- 
tures ouvrières  comme  à  Rouen  et  dans  une  circonscription  de  la 
Seine.  Tant  que  la  masse  sera  plongée  dans  une  ignorance  l'elative, 
c'est-à-dire,  tant  que  la  question  sociale  ne  sera  pas  résolue,  il  y 
aura  de  raines  hommes  dont  le  rôle  sera  beaucoup  plus  actif  et 
beaucoup  plus  important  que  celui  des  autres.  On  a  le  plus  grand 
besoin  de  ces  hommes-là.  Mais  comme  la  masse  est  assez  intelli- 
gente pour  exiger  des  garanties  de  ceux  auxquels  elle  confie  un 
mandat,  ce  n'est  que  quand  les  socialistes  pourront  lui  présenter 
des  personnalités  remarquables  qu'elle  votera  avec  eux.  Même 
pour  diriger  un  mouvement  sérieux  dans  le  même  sens,  mais  d'une 


250  L'INTERNATIONAI.E 

autre  innnière,  il  faut  de  telles  personnalités.  Les  sooialistes  qui 
veulent  les  empêcher  de  surgir  commettent  donc  la  faute  la  plus 
dangereut^e  :  il  est  temps  qu'ils  s'en  aperçoivent. 

«  AuiERT    lUCIlAlU)    .. 

PIÈGE  E. 


I.KS     1>1:TITES    injures  de  ces  messieurs.  —  INCIDENT   TOLAIN,  YESIXIER, 
FRIBOURC.  ET    AUTRES. 

«  Paris,  10  février  1866. 
«  A  Monsieur  le  directeur  du  Journal  /'Espiègle. 

«  Mieux  vaut  lard  que  jamais.  » 

t  Mousieuv, 

«  Peut-être  trouverez-vous  qu'il  est  un  peu  tard  pour  vous  adresser 
une  réponse  à  un  de  vos  articles  publié  dans  votre  journal  du  29 
octobre  1865  ;  néanmoins  ne  vous  hâtez  pas  de  nous  juger  :  nous 
aurions  répondu  de  suite,  «li  de  suite  ce  pamphlet  idiot  nous  avnit 
été  communiqué. 

«  Mais  à  chaque  jour  suffit  sa  peine  et  nous  espérons,  Monsieur, 
qu'il  n'y  aura  pas  de  prescription  pour  notre  réclamation. 

tt  Ceci  dit,  permettez-nous  d'entrer  dans  le  vif  du  sujet. 

«  A  peine  votre  brave  correspondant  anonyme,  M.   V ,  nous 

a-t-il  nommés  —  que  disons  nous?  il  ne  nous  a  encore  qu'indiqués 
—  qu'il  nous  accole  une  épithète  aussi  injurieuse  pour  nous  que 
pour  le  conseil  central  dont  il  fait  partie  ;  —  cette  calomnie  si 
niaise  est  même  le  fond  et  le  but  de  son  article,  il  n'y  en  a  pas 
d'autre,  et  la  preuve  en  est  que,  sans  utilité  pour  ce  qu'il  avance,  il  la 
répète  et  répète  encore  à  satiété,  et  pour  les  seuls  besoins  de  sa 
diatribe  ;  ne  lui  demandez  plus  d'être  un  homme,  ce  serait  inutile. 
Pourquoi?  Il  a  voulu  convaincre  une  assemblée  et  n'a  pas  réussi  : 
cela  suffit  pour  déterminer  chez  lui  un  accès  de  rage  folle  ;  il  lui 
faut  à  tout  prix  des   victimes.  Les  prendra-t-il   près  de  lui?  Que 

nenni  ;    pas    si  simple  le  V :   il   descend  en   droite  ligne  de 

Tartuffe  et  Bazile  :  il  choisira  ceux  qui  sont  (lésarmés,  ceux  qui, 
même  avertis,  ne  pourront  se  procurer  le  libelle  injurieux,  et  d'ail- 
leurs, pour  plus  de  précaution,  il  prendra  bravement  un  pseudo- 
nyme, ce  qui  lui  permettra  de  nuire  à  ceux  près  desquels  il  reste. 

u  Tout  est  bien  calculé  :  il  est  à  Londres,  il  écrit  en  Belgique  une 
calomnie  sur  des  Français.  o\  cette  calomnie  esl  de  celles  ((u'il  sait 


F-rr     LE     JAtJolUNIBMlK.  2DI 

ne  pouvoir  être  rf^levéo  sans  danyi-r  ;  il  se  dit  :  «  Us  auront  peur 
d'un  éi'lat  qui  rejaillirait  sur  l'Association,  ils  se  taii-ont  et  je  pren- 
drai acte  de  leur  silence.  »  N'avious-nous  pas  besoin  de  vanter  la 

bravoure   do  cet  excellent  et  honorable  M.  V ? 

€  Kh  bien  !  iM.  V se  trompe,  nous  relevons  ici  la  calomnie  et 

la  combattons  publitjueniLMit.  IVun,  non,  nous  ne  somnjcs  pus  des 
honupurtislcs,  ol  nous  wo/tODs  au  ilufi  quiconque  d'inlirmer  notre 
dire,  non  par  des  paroles  en  l'air,  mais  par  des  faits  ;  quo  celui 
d'enlrc  nous  sur  lequel  on  pourrait  fournir  ou  un  mot,  ou  une  lettre, 
OU  un  acte  authentique,  soit  démasqué,  nous  le  voulons,  nols  lk 
DEMANDONS  ;   mais  jusqu'à   ce    moment,  jusqu'aux   preuves,    nous 

crierons  à  tous  les  V du  monde  :  Vous  èles  des  lâches  et  des 

Itii])uissants. 

.  C.  LIMOUSIN,  II.  ÏOLAIX,  E.  VAHLIN,  FRIBOIJRG.  » 


«  Messieurs  Tolain,  Fribourg,  Limousin  et  Varlin, 

«  M.  le  rédacteur  en  chef  de  Y  Espiègle  a  bien  voulu  me  communi- 
quer la  lettre  me  concernant  que  vous  lui  avez  adressée. 

«  Il  parait  que  mon  «  pamphlet  idiot  »  ne  l'est  pas  autant  que  vous 
voudriez  le  faire  croire,  puisqu'il  vous  a  mis  dans  une  si  grande 
fureur. 

«  Mon  article,  publié  dans  l'Espiègle  du  29  octobre  dernier,  n'était 
pas  anonyme,  j'avais  eu  soin  de  signer  le  manuscrit  ;  c'est  la  per- 
sonne à  laquelle  je  l'avais  adressé  pour  le  remettre  à  Y  Espiègle 
qui  a  jugé  à  propos  de  le  faire  suivre  d'un  pseudonyme.  Vous  pou- 
vez vous  assurer  de  la  vérité  de  ce  fait,  en  vous  adressant  à  la  ré- 
daction du  journal  ci-dessus  cité. 

«  Il  entrait  si  peu  dans  ma  pensée  de  ne  pas  avouer  publique- 
ment mon  article  et  de  ne  pas  vous  avertir  de  sa  publication  que 
j'ai  dit  à  tous  ceux  qui  ont  voulu  l'entendre  que  j'en  étais  l'auteur, 
et  particulièrement  à  un  de  vos  amis  et  à  un  membre  du  conseil 
central  de  l'Association  internationale,  afin  qu'ils  pussent  en  infor- 
mer les  personnes  qu'il  intéressait.  Et  enfin,  pour  que  vous  n'en 
ignoriez,  je  vous  l'ai  adressé,  avec  ma  signature  au  bas,  par  la 
poste  sous  pli  cacheté,  à  Paris. 

«  Vous  conviendrez  que  pour  un  «  descendant  en  droite  ligne  de 
Tartuffe  et  de  Bazile  »,  tout  cela  aurait  été  très-maladroit  si  j'avais 
voulu  garder  bravement  l'anonyme. 

«  Voyons  maintenant  si  je  me  suis  conduit  en  lâche  : 

«  L'article  en  question  est  le  compte  rendu  exact  d'un  incident 
des  conférences  de  Londres  de  la  Société  internationale. 

«  L'acrusation  de  hoiiapnrtiswe,  qwi  soulève  bien  tardivement  votre 


252  I .  '  I N'  1"  K  R  N  A  T I  0  N  A  L  E 

courroux,  je  vous  l'iii  portée  alors  eu  face,  et  vous  ne  ui'eu  avez 
pas  ilcmaudù  raison.  Ne  seriez-vous  courageux  qu'à  distance  et 
seulement  après  quatre  mois  de  réllexion  ? 

«  Je  maintiens  tout  ce  que  je  vous  ai  dit,  et  tout  ce  que  contient 
mon  article  du  29  octobre  dernier,  me  réservant  d'en  prouver  bien- 
tôt l'exactitude,  le  temps  indispensable  pour  le  faire  me  manquant 
aujourd'hui. 

«  Je  désire,  avant  tout,  ne  pas  rester  une  heure  sans  vous  répondre 
sous  le  coup  des  injures  que  vous  me  prodiguez.  Ne  pouvant,  pour 
cause  politique,  aller  à  Paris  vous  infliger  le  châtiment  physique 
que  mérite  l'outrage  qui  termine  votre  lettre,  je  vous  en  demande 
réparation.  Je  vous  attendrai  à  l'adresse  où  vous  avez  envoyé  votre 
lettre  précédente. 

a  Le  15  mars  iSHK. 

..  VÉSINIER.  .. 

La  réponse  de  Tolain,  Varlin,  Fribourg,  et  Limousin  ne  fut  pas 
insérée  dans  le  journal  V Espiègle  :  le  rédacteur,  l'ayant  trouvé  trop 
injurieuse,  se  borna  à  leur  faire  remai'quer  que  les  gros  mots  n'étaient 
pas  des  arguments  et  qu'injurier  ce  n  était  pas  répondre.  Cet  inci- 
dent fut  terminé  à  la  suite  de  la  lettre  suivante"  de  Vésiaier  en 
réponse  aux  injures  de  ses  adversaires  : 

«  Messieurs  Tolain,  Fi-ibourg,  Limousin  et  Varlin, 

«  Après  m'avoir  outragé,  vous  me  refusez  réparation.  Vous  m'in- 
sultez de  nouveau  et  joignez  la  menace  à  vos  injures. 

«  Je  constate  cette  conduite  que  tous  les  hommes  de  cœur  appré- 
cieront et  je  cesse  tout  rapport  avec  des  gens  de  votre  espèce. 

«  VÉSINIER.  » 


m'  ij:  j  \(,(h:i.msmi;.  25s 


l'IKOE    K. 

r.ANDIDATUnE  IVKMII>K  AL'IîRY.  —  i-hogrammk  dks  comm-ks  cor- 
poratifs DK  ROUEN.    MAMFKSTK  KLKCTORAT.  DU  CF.RCI,K  DKS  ÉTUDK!^ 

ÉCONOMIQUES    DK    L'aRRONDISSEMKNT  I)K  ROUK.N.  —  PROFKSSION  DO  FOI 
d'émii.k  ATHRY. 

Élections  générales  de  1869  pour  le  renouvellement  du  Corps  lé- 
gislatif. —  Emile  Aubry,  candidat  ouvrier. 

MANIFESTE    ÉLECTORAL    DU    CERCLE     ÉCONOMIQUE     DE 
L'ARRONDISSEMENT  DE  ROUEN. 

Aux  ouvriers  des  i"'*"  c/  "^e  rirconscri/itioiis  de  la    Sciuo-Iiil'érioiire. 

'•  Si  les  ouvriers,  en  1S69,  votent  «iiL-Dro  iiour  Imirs  pn- 
Irons  politiques,  ils  retardent  leur  iiffranchissemenl  de 
«Inquante  uns.  »  l'.-j.  PROUDHO.N.  Des  Capaciirx  po 
Utiqucs  (le  la  classr  ouvrière.) 

<  Chei-s  camarades, 

<  Dans  ({uelques  jours,  la  Fram-e  sera  appelée  à  renouveler  le 
mandat  de  ses  représentants  au  Corps  législatif. 

"  Industriels,  négoeiants,  banquiers,  commerçants,  hommes  de 
lettres,  professeurs,  prêtres,  avocats,  propriétaires  et  fonction- 
naires, chacun  dans  son  organisation  respective,  s'agitent  et  se 
concertent  pour  proposer  ti  la  masse  des  éleeteui's  le  candidat  de 
leur  choix  appelé  à  défendre  les  inti^rêts  généraux  qu'il  sera  chargé 
de  représenter. 

t  Seuls  les  ouvriers  des  champs  et  de  l'industrie,  ainsi  que  la 
petite  bourgeoisie,  cette  distributrice  de  la  production  nationale, 
restent  indifférents  à  l'organisation  de  la  solidarité  de  leurs  inté- 
rêts, et,  par  cette  absence  d'ordre  sérieux,  n'ont  pu  jusqu'à  présent 
être  représentés. 

«  En  effet,  depuis  l'immortelle  révolution  de  89,  qui  proclama 
l'égalité  civile  et  politique  des  citoyens,  jamais  un  ouvrier,  jamais 
un  petit  commerçant  ne  sont  entrés  directement  dans  les  corps 
délibérants  pour  représenter  et  défendre  les  intérêts  de  la  classe  à 
laquelle  ils  appartienneni  ;  et  cependant,  nous  sommes  la  majorité  : 
c'est  par  nous  que  les  fortunes  s'élèvent,  que  la  richesse  nationale 
se  crée  et  s'accroît;  enlin,  sans  notre  labeur,  la  nation  ne  serait 
qu'un  grand  corps  sans  vie,  qui  se  décomposerait  rapidement. 

«  Les  causes  de  cette  anomalie  ne  sont  autres  que  la  persistance  des 
préjugés  politiques,  qui  faii^iiienl  croiie  ;nix  classes  déshéritées  (ju'ou 


25'i  [-'INTERNATIONALE 

dehors  ries  préoccupations  exclusivement  politiques,  l'émancipation 
du  travail  ne  pouvait  avoir  lieu;  de  là  ces  troubles  périodiques  qui 
ont  ensanglanté  notre  nialheui-cux  pays,  en  le  faisant  passer  par 
différentes  formes  gouvernementales,  sans  jamais  donner  satisfac- 
tion aux  nombreux  intérêts  de  notre  classe, 

«  Depuis  quatre-vingts  ans,  nous  nous  plaignons  constamment  : 
tantôt  nous  nous  attaquons  à  l'énormité  des  impôts  dont  nul  autre 
que  nous  ne  supporte  le  poids,  malgré  les  tièdes  protestalions  du 
privilège  ;  tantôt  nous  accusons  la  forme  politique  d'être  la  cause 
directe  do  nos  misères,  sans  nous  apercevoir  qu'outre  le  septième 
de  la  production-  enlevé  par  l'Etat,  deux  autres  septièmes  et  demi 
sont  adroitement  soulevés  par  le  monopole  iinancier,  bancôcratique, 
terrien  ou  industriel,  à  l'aide  d'engins  économiques,  dont  le  prin- 
cipal est  la  prélibation  de  la  ceniralisation  financière  sur  la  force 
vive  du  pays  :  le  travail,  quelle  que  soit  l'opinion  politique  qui 
le  mette  en  mouvement. 

«  Oui,  chers  concitoyens,  les  partis  politiques,  en  désaccord 
sur  ce  qu'ils  appellent  leurs  principes,  sont  tous  partisans  de  con- 
sidérer le  travail  et  sa  distribution  comme  la  bète  de  somme  qui 
doit  supporter  le  fardeau  de  toutes  les  innovations  fiscales,  impôt 
de  l'État  et  impôt  du  monopole  capitaliste,  divisées  de  façon  à  pou- 
voir échapper  à  notre  observation,  en  employant  pour  l'Etat  comme 
pour  le  capital  la  contribution  indirecte;  c'est-à-dire  qu'à  l'aide  de 
cette  forme,  tous  les  produits,  quels  qu'ils  soient,  renferment  dans 
leur  prix  de  vente  le  salaire  du  fonctionnaire  et  du  capitaliste  :  ven- 
dus à  des  doses  infinitésimales,  ils  se  payent  sans  que  nous  nous  en 
apercevions,  et  dérobent,  à  chaque «nstant,  à  notre  jugement  les 
véritables  causes  de  nos  misères. 

«  Piien  de  surprenant  que  jusqu'alors  les  choses  se  soient  passées 
ainsi.  Malgré  les  aspirations  quelquefois  généreuses  des  gouver- 
nants, force  leur  a  toujours  été  de  s'incliner  devant  la  majorité  des 
représentants  envoyés  par  la  nation,  qui  toujours  étaient  pris  dans 
la  classe  ayant  des  intérêts  opposés  aux  nôtres,  et  dont  la  consé- 
quence a  été  constamment  les  sacrifices  du  plus  grand  nombre. 
Plus  préoccupés  de  la  forme  que  du  but,  nous  nous  sommes, 
jusqu'à  ce  jour,  laissé  abuser  par  les  promesses  des  solliciteurs 
de  suffrages. 

«  Il  est  temps  de  rompre  avec  une  si  funeste  habitude  de  confier 
nos  inlérêts  sans  raisonnement  plus  perspicace.  Nous  devons  bien 
nouspénétrer  que  l'époque  actuelle  est  beaucoup  plus  économique  que 
politique  ;  cependant,  cette  dernière  doit  continuellement  se  mettre 
à  l'unisson  des  besoins  du  jour,  et  s'incliner  devant  les  impérieuses 
nécessités  de  la  première':  quelle  que  soit  sa  forme,  son  devoir  est 
de  revêtir  le  caractère  propre  à  satisfaire  les  exigences  écono- 
miques de  la  société,  qui  est,  en  majorité,  composée  de  travailleurs 


K T     L  E     ,1  A  C  0  H  1  N  I  5  M  hi.  256 

agricoles  ot  industriels,  dirigeant  leurs  travaux  il'après   les  décou- 
vertes suci^essivcs  de  la  science. 

«  L'économie  sociale  prime  tellement  la  politi(}ae  depuis  quatre- 
vingts  ans,  que  le  despotisme  d'Efat  n'a  pas  d'autre  cause  que  la 
tyrannie  du  capital.  Qui,  depuis  quehjues  années,  a  le  plus  élevé  de 
protestations  contre  les  droits  économiques  qui  ont  été  accordés  aux 
ouvriers?  Le  capital,  aujourd'hui  centralisé  entre  quelques  mains, 
faisant  à  son  gré  l'abondance  et  la  disette,  l'avilisseinent  et  la 
cherté  des  prix  des  subsistances,  suivant  les  besoins  de  l'agio.  Gela 
est  tellement  vrai,  que  les  traités  de  commerce,  qui  devaient  avoir 
pour  conséquence  logique  une  diminution  de  la  valeur  de  beaucoup 
de  produits,  ont,  au  contraire,  déterminé  une  hausse  générale.  Les 
politiquants  quand  môme  oseraient-ils  soutenir  que  l'effet  de  cette 
contradiction  est  dûcntièrement  à  l'absence  des  libertés  politiques? 
Alors  qu'ils  étaient  au  pouvoir,  ils  confiaient  aux  juifs  de  la  liuance 
les  intérêts  économiques  des  masses,  et  écrasaient  celles-ci  d'impôts 
pour  relever  le  cours  de  la  rente,  et  cependant,  à  cette  époque,  les 
libertés  politiques  fleurisaient  ;  malgré  cela, île  travail  dépérissait, 
et  la  nation  atteignait  à  peine,  dans  cette  année  de  phraséologie 
révolutionnaire,  la  moitié  du  chiffre  de  la  production  générale  en 
temps  ordinaire,  conséquence  logique  de  l'ineptie  des  gouvernants 
pour  tout  ce  qui  regardait  l'économie  sociale,  malgré  les  avertisse- 
ments et  les  conseils  qui  leur  étaient  donnés.  Ce  qui  prouve  qu'un 
peuple  qui  n'a  que  le  droit  de  contrôler  ses  gouvernants  apparents, 
sans  avoir  celui  de  rechercher  les  causes  qui  créent  et  tuent  la 
richesse  générale,  ressemble  beaucoup  à  des  marionnettes,  qui 
ignorent  complètement  l'existence  des  fils  qui  les  font  mouvoir. 
Voilà  pourquoi  la  démocratie  devient  la  plus  souvent  de  la  pure 
démagogie,  malgré  la  bonne  foi  de  ceux  qui  sont  chargés  de  la 
représenter. 

«  Le  cercle  d'études  économiques  do  l'arrondissement,  fondé  pour 
la  propagation  des  idées  appelées  à  transformer  le  vieux  monde 
économique  qui  n'a  donné  au  'travail  aucune  satisfaction  ,  fait 
appel  au  bon  sens  de  tous  ceux  qui  ont  hâte  de  donner  à  leur  vote 
la  signification  qu'il  doit  avoir,  et  qui  doit  être  l'affranchissement 
du  travail  et  des  échanges  de  toutes  les  entraves  fiscales,  bancocra- 
tiques  et  bourgeoises  qui  les  tiennent  en  lisière  depuis  tant  d'années 
et  les  empêchent  de  développer  la  civilisation  à  la  hauteur  réclamée 
par  le  siècle  actuel. 

e  Ne  voulant,  en  aucune  façon,  procéder  comme  nos  adversaires, 
nous  ne  voulons  pour  représentants  que  ceux  choisis  par  le  tra- 
vail, c'est-à-dire  par  les  corporations  ouvrières  de  Tarrondissement, 
et  encore  ne  le  seront-ils  qu'à  la  condition  de  se  conformer  au  pro- 
gramme ci-dessous,  arrêté  préalablement  par  les  ditï(^rent3  comités 
des  sociétés  ouvrières  orti'anisèes. 


2r>(;  l.'INTKlt  NAI'  10  .\  ALK 

I.  Nous  voulons  d'abord  que  tous  ceux  qui  seront  jugés  dignes  île 
d( -fendre  nos  intérêts  déclarent  accepter  un  mandat  impératif. 

*  Nous  repoussons  l'institution  du  mandat  à  terme,  qui  permet  au 
mandataire  inlidèle  do  mettre  sa  conscience  à  l'enchère,  se  re])osanl 
sur  la  durée  déterminée  de  la  délégation,  qui  force  les  électeurs  à 
su|)porter,  sans  mot  dire,  la  trahison  de  leui"  représentant. 

«  En  conséquence,  les  comités  corporatifs,  qui  ont  élaboré  le  pré- 
sent manifeste,  sont  invités  à  le  soumettre  de  nouveau  à  la  discus- 
sion dans  leurs  sociétés  respectives,  pour,  dans  la  quinzaine  ((ui 
suit,  les  inviter  à  faire  connaître  leur  appréciation,  et  à  désigner 
le  CANDIDAT  OUVRIER  qui  acceptera  la  rude  lâche  de  défendre  les 
intérêts  des  travailleui-s  des  deux  circonscriptions,  devant  les  huit 
millions  d<:  prolétaires  qui  enrichissent  et  défondent  la  France, 
avec  le  mandat  conçu  ainsi  qu'il  suit  : 

MAJ^JDAT  IMPÉRATIF. 

«  1"  -le,  soussigné,  représentant  agrée  par  la  fédération  ouvrière 
de    la  circonscription    électorale    de   la    Seine-Inférieure  , 

m'engage  à  défendre  l'esprit  du  programme  d'icelle,  et  à  en  référer 
auprès  d'elle  chaque  fois  qu'une  question  imj)révue  par  ledit  pro- 
gramme surgira  dans  le  cours  de  lu  session  législative,  et  à  la 
juger  d'api'ès  la  décision  de  la  fédération,  à  la  condition  qu'elle 
réunisse  au  moins  2,000  voix.  Dans  le  cas  où  les  électeurs  se  par- 
tageraient sur  le  sort  de  la  question  soumise  à  leur  jugement,  je  dé- 
clarerais le  mien  insuffisamment  celaii'é,  et  m'abstiendrais  dans 
mon  vote. 

«  2o  Je  m'engage  aussi  par  le  présent,  que  je  signerai  en  autant  de 
copies  qu'il  me  sera  piésenté,  d'être  le  fidèle  exécuteur  des  vo- 
lontés de  mes  mandants  ;  de  môme,  je  déclare  être  déchu  de  mon 
mandat  le  jour  où  je  n'exécuterais  pas,  non-seulement  une  partie, 
mais  le  programme  entier  auquel  j'adhère  complètement  de  cœur 
et  d'esprit  ;  et,  par  le  fait,  m'engage  à  donner  ma  démission  lors- 
qu'elle me  sera  signifiée  par  la  moitié  plus  un  des  électeui's  qui 
m'auront  nommé,  soit  pour  pourvoir  à  mon  remplacement,  soit  pour 
des  motifs  de  dignité  politique,  économique  et  sociale  qui  me 
seront  commandés  par  la  circonscription  qui  m'aura  élu. 

«  3°  Egalement,  je  m'engage,  en  acceptant  la  candidature,  à  me 
présenter  dans  toutes  les  réunions  qui  me  seront  désignées  par  le 
comité  électoral  ouvrier,  pour  répondre  à  toutes  les  questions  et 
observations  qui  me  seront  soumises,  tant  au  point  de  vue  poli- 
tique qu'économique,  excepté  celles  qui  auraient  pour  but  de  com- 
promettre inutilement  ma  personne,  comme,  par  exemple,  de  la 
ffirrne  politique,  présente  et  à  venir,  de  l'Etal. 

"  Voilà,  chei's  camai-ades,  le  mode  nouveau  (rélection  que  propose 


ET     LE    JACOBINISME.  257 

le  cercle  d'études  écononiitincs  do  raiTondissemont  aux.  ouvriers  et 
petits  liourg-eois  de  la  i)rcmiùi'e  et  de  la  iloiixième  circonscription. 

Ce  fait,  sans  précédent  dans  l'hisloirc  des  peuples,  fera  réfléchir 
ceux  qui  jusqu'alors  ont  l'habitude  de  solliciter  nos  suffrages,  sans 
tenir  compte  de  leurs  promesses  ;  de  celte  façon  la  rhétorique  dis- 
paraît de  la  lutte  électorale,  et  fait  place  au  bon  sens  des  électeurs 
et  à  la  bonne  foi  de  l'élu,  qui  est  forcé  de  connaître  à  fond  les 
questions  du  programme  qu'il  doit  défendre  au  Corps  législatif, 
après  l'avoir  préalablement  défendu  dans  les  réunions,  soit  pu- 
bliques, soit  de  comités. 

V^oici  maintenant  le  programme  que  nous  soumettons  aux  élec- 
teurs de  notre  classe  qui  n'ont  pu  assister  aux  séances  des  comités 
et  des  corporations  ouvrières  de  la  circonscription,  ainsi  qu'aux 
électeurs  de  la  petite  bourgeoisie,  qui  doivent  comprendre,  api'ès 
la  dure  et  rude  expérience  que  nous  avons  faite  ensemble,  que  leur 
cause  et  leurs  intérêts  sont  identiquement  semblables  aux  nôtres. 


PROGRAMME 

KLABORÉ   PAn    LES    COMITÉS    CORPORATIFS    ET   ADOPXK   APRES     DISCUSSION 
PAR     LES    SOCIKTÉS    ORGANISÉES    DE    l'.^RRONDISSMEENT. 

l»  Décentralisation  politique,  avec  retour  aux  communes  de 
toutes  les  franchises  municipales,  sans  autre  injonction  que  l'obli- 
gation de  contribuer  aux  frais  généraux  de  la  nation,  d'après  le 
nombre  des  habitants  ; 

2o  Liberté  individuelle,  garantie  par  la  responsabilité  permanente 
de  tous  les  fonctionnaires,  quel  que  soit  leur  rang  ; 

3°  Réforme  générale  delà  législation  ;  élection  de  la  magistrature 
par  le  suffrage  universel,  avec  mandat  révocable  ;  établissement  du 
jury  pour  toutes  les  affaires  civiles  et  criminelles;  tous  les  citoyens 
admis  à  en  faire  partie;  renouvellement  par  tiers  tous  les  trois 
mois,  appliqué  à  toutes  les  juridictions  ; 

i°  Abolition  de  toutes  les  entraves  administratives  s'opposant 
aux  droits  de  réunion  et  d'association  ;  liberté  complète  de  se 
réunir  et  de  s'associer,  sans  autre  forme  préalable  que  la  déclara- 
tion simple,  sur  papier  libre,  à  l'administration  communale  ; 

5»  Abolition  du  cautionnement  et  du  timbre  ;  liberté  complète  de 
publier  tout  ce  qui  concerne  la  pensée,  le  commerce,  le  travail 
agricole  et  industriel,  soit  par  la  voix  des  journaux,  soit  par  la  bro- 
chure, sans  autre    formalité  que   le  simple  dépôt  par  l'imprimeur  ; 

6o  Abolition  du  monopole  de  l'université  ;  liberté  entière  de  l'en- 
seignement, sans  formalité  autre  que  le  dépôt  du  programme  ; 

7°  Instruction,  aux  frais  de  la  circonscription  communale,  laïque 

17 


258  L'INTERNATIONALE 

obligatoire,  la  même  pour  tous  et  accessible  à  tous,  à  tous  les  de- 
grés ;  concours  publics  entre  les  élèves  jugés  les  plus  capables 
pour  la  continuation  des  études  spéciales;  sommes  suffisantes 
accordées  aux  concurrents  admis  pour  terminer  ces  études  ;  in- 
demnité transitoire  aux.  élèves,  proportionnée  à  leurs  progrès,  le 
tout  fixé  par  le  conseil   communal  ; 

Diplômes  délivrés  par  un  conseil  fédéral  élu  chaque  année  par 
tous  les  membres  du  corps  Guseignanl  ; 

8°  Liberté  des  banques  avec  faculté  d'émettre  du  papier-crédit, 
sans  autre  formalité  que  la  publication  très-étendue  et  exigée  des 
manières  d'opérer  ; 

9«  Abolition  du  monopole  de  la  banque  de  Fi-ance  ; 

10°  Liberté  des  cultes  et  des  croyances,  sans  formalité  autre  que 
leur  diffusion  en  plein  jour  ; 

H"  Suppression  du  budget  et  du  ministère  des  cultes  ;  séparation 
absolue  de  toutes  les  Eglises  et  de  l'Etat  ; 

12°  Abolition  de  tous  les  monopoles  industriels,  y  compris  ceux 
exercés  par  l'État  ;  liberté  entière  de  toutes  les  industries  ; 

13''  Abolition  de  la  conscription  et  suppression  des  armées  per- 
manentes, remplacées  par  une  institution  déclarant  tous  les  citoyens 
aptes  à  la  défense  du  tex'ritoire  national  ; 

14»  vVbolition  des  impôts  indirects,  tels  que  douanes,  octrois,  etc., 
remplacés  par  l'impôt  unique  individuel  et  proportionnel; 

15»  Abolition  des  emprunts  extraordinaires,  remplacés  par  une 
élévation  consentie  et  temporaire  de  l'impôt  unique  proporlionnel 
et  individuel  ; 

16«»  Abolition  de  tous  les  monopoles  politiques  et  économiques, 
tels  que  cumuls,  subventions,  chemins  de  fer,  canaux,  mines,  sels, 
tabacs,  théâtres,  etc.  ; 

17°  Extinction  de  la  dette  publique  par  la  suppression  de  la  rente, 
cette  dernière  représentant  l'annuité  du  taux  de  remboursement  ; 

18°  Les  colonies  s'administrant  comme  la  métropole,  et  représen- 
tées, dans  tous  leui^s  intérêts,  par  des  mandataires  élus,  au  même 
titre  que  ceux  représentant  la  nation. 

Le  cercle  d'études  économiques  de  l'arrondissement  de  Rouen 
est  convaincu  que  la  réalisation  de  ce  programme  tTansformerail 
rapidement  l'organisation  économique  de  la  société,  sans  jeter  la 
perturbation  dans  les  relations  sociales, 

11  croit  que  tous  les.  ouvriers  à  qui  il  s'adresse  comprendront 
l'importance  qu'il  y  aurait  de  faire  entrer  au  Corps  législatif  un 
camarade,  faisant  entendre  nos  griefs  et  nos  plaintes,  et  que  cela 
ayant  lieu,  toutes  les  sphères  de  l'activité  sociale  seraieni  ouvertes 
et  accessibles  aux  travailleurs;  conséquemment  la  disparition  suc- 
cessive de  la  misère  et  de  l'ignorance,  par  le  développement  de  la 
solidarité,  nullement  enlravco  par  les  exigences  du  monopole  ûnan- 


ET     L1-:    JACOBINISME.  u59 

cior  qui  nous  défend  do  nous  créditer  sans  payer  une  rodevance  au 
privilccjc  do  la  Banque  do  Franco,  aurait  iudubilal)lomciit  lieu  dans 
une  très-courte  période. 

Les  temps  sout  arrivés  où  le  travail  doit  s'aflirincr  sérieusement 
et  dire  à  la  bourgeoisie  :  Je  veux  être  libre,  et  j'exige  la  suppres- 
sion complète  des  entraves  politiques  et  économiques  qui  m'ont 
empêché,  depuis  quatre-vingts  ans,  de  m'élever  au  niveau  de  mon 
aînée  ;  au  nom  de  ma  dignité,  si  méconnue  par  le  monopole  du 
capital,  je  demande  à  être  considéré  suivant  la  place  que  j'occupe 
dans  l'échelle  sociale,  qui  est  celle  de  créateur  de  toutes  les  richesses 
nationales;  je  n'exige  point  que  l'on  se  mette  ù  genoux  devant 
moi,  mais  je  proteste,  avec  énergie,  contre  le  rôle  de  valet  de  la 
production  que  me  font  remplir,  depuis  89,  les  privilèges  écono- 
miques de  la  bourgeoisie. 

Tel  est  le  langage,  cliers  camarades,  que  désoi'mais  le  travail 
doit  tenir  à  ceux  qui  refuseraient  de  reconnaître  qu'un  89  social 
s'accomplit  en  ce  moment  au  fond  de  nos  consciences. 


DECISION  DES  COMITES  CORPORATIFS», 

RÉUNIS  EN  ASSEMBLÉE  GENERALE  LE  25  AVRIL  1869. 

Les  soussignés,  invités  à  se  réunir  pour  discuter  le  manifeste  et 
le  programme ci-dessus,  déclarentlesavoir  adoptés  tels  qu'ils  sont,  et 
proposent  comme  candidat  au  suffrage  des  électeurs  des  1"  et  2« 
circonscriptions  de  la  Seine-Inférieure,  pour  représenter  les  inté- 
rêts politiques  et  économiques  de  la  classe  ouvrière,  le  camarade 

1  11  est  nécessaire,  pour  l'intelligence  du  lecteur,  d'expliquer  quelle  est  l'organi- 
sation des  comités  corporatifs  de  Uouen,  Elljeuf  et  des  environs. 

Cette  organisation  comprend  dix  sociétés  corporatives  :  i"  lithographes  ;  2"  fileurs 
de  laine  de  Darnetal;  3"  fileurs  de  laine  d'Elbeuf  ;  4°  tisseurs  de  calicot  ;  y  tis- 
seurs de  bretelle;  6°  /Heurs  de  colon;  1"  les  charpentiers  ;  8°  les  menui.iierx  ;  Q°  les 
teinturiers  ;  10"  les  fondeurs.  Ces  différentes  sociétés  comprennent  environ  l,l0Oad, 
hérents,  dont  250  à  Darnetal,  350  aElbœuf  et  les  500  autres  répartis  entre  Uouen, 
Sotteville,  Uissel,  le  grand  et  le  petit  Quevelly.  Elles  aboutissent  à  une  société 
Centrale,  composée  de  délégués  de  toutes  les  corporations,  à  raison  de  un  délégué 
par  fraction  de  50  membres,  et  qui  se  nomme  la  Fédération  rouennaise,  laquelle  re- 
lève immédiatement  du  conseil  général  de  Londres  par  l'intermédiaire  de  son  se- 
crétaire correspondant,  et  se  rattaclie  à  ï Internationale  par  une  cotisation  annuelle, 
de  dix  centimes. 

Chaque  société  corporative  s'administre  par  un  comité  de  douze  membres  élus. 
Quelquefois  la  corporation  se  subdivise  en  branches;  ainsi,  la  corporation  des  tis- 
seurs est  partagée  en  tisseurs  de  bretelles  et  tisseurs  de  calicot  :  dans  ce  cas,  la 
subdivision  s'administre  aussi  par  un  comité  élu  de  douze  membres. 

Mais  la  caisse  spéciale,  alimentée  par  la  subdivision,  se  centralise  tous  les  mois 
dans  celle  de  la  corporation. 

Les  fileurs  de  coton,  étant  très-nombreux  dans  le  département,  sont  subdivisés 
en  commissions  cantonales. 

Toute  cette  hiérarchie  s'alimente  par  des  cotisations  heldomadaires  ou  de  quin- 
zaine qui  vont  à  la  caisse  de  chaque  comilé  spécial,  et  sur  lesquelles  s'opère  un 
prélèvement  destiné  au  comité  supérieur. 


260  L'INTERNATIONALE 

Emile  Audry,  ouvrier  lithographe,  dôlégnc  de  Rouen  aux  congrès 
des  travailleurs  de  (icnève,  Lausanne  et  Hruxelles. 

Le  dévouement  que  ce  camarade  a  constamment  apporté  dans  la 
défense  des  intérêts  de  la  classe  à  laquelle  il  n'a  jamais  cessé  d'ap- 
partenir, ainsi  que  son  acceptation  du  mandat  impératif  ci-dessus 
transcrit  et  qu'il  a  signé  en  autant  de  copies  qu'il  existe  de  comités 
corporatifs,  nous  faisait  un  devoir  de  l'honoi'cr  de  notre  confiance  ; 
pei'suadés  que  nous  sommes  qu'il  ne  cessera  de  s'en  rendre  digne, 
son  passé  étant  la  meilleure  garantie  de  sa  conduite  avenir.  Dans 
le  cas  contraire,  nous  déclarons  publiquement  que  nous  mettrons  à 
exécution  les  clauses  du  contrat,  en  faisant  apprécier  sa  manière 
d'agir  par  toutes  les  corporations  réunies.  Tel  est,  à  notre  avis,  le 
meilleur  mode  que  nous  puissions  employer  pour  flétrir  les  manda- 
taires infidèles. 

Convaincus  que  tous  nos  camarades  sauront  apprécier  le  choix 
que  nous  avons  fait,  nous  comptons  sur  leur  bon  sens  pour  lui 
donner  leur  voix,  afin  de  déclarer  solennellement  à  la  bourgeoisie 
que  nous  n'acceptons  plus  sa  tutelle  et  que  désormais  nous  défen- 
drons nos  intérêts  nous-mêmes,  l'expérience  de  quatre-vingts  an- 
nées nous  ayant  démontré  que  jusqu'alors  elle  ne  s'en  était  pas 
inquiétée. 

Pour  le  Comité  du  cercle  : 

Le  secrétaire    de  correspondance,  Emile  AUBRY  ;'  le   secré- 
taire du  bureau,  MARQUES  ;  le  caissier,  Pierre  JULIEN^ 

Pour  le  Comité  électoral  ouvrier  d'Elbeuf  : 
COURONNÉ,  PIÉTON,   DEPERNEY,  Alfred  DURÉ,  PAR- 
MENTIER  ; 

Pour  les   Comités  : 

Les  présidents,  fileurs  de  /a/fles  ;  FERRET,  PELTIER  (Dar- 
nétal)  ;  Alfred  DUPRÉ  (Elbeuf).Fi7e?/rs  decoton  .-CREUSOT 
(Rouen)  ;  HÉNAULT  (Darnétal).  Tisseurs  calicot  :  Jean 
STÉPHAN,  SAVALLE,  ROUSSEAU  (Sotteville).  Tisseurs 
bretelles  :  LAURENT,  DESCANIÈRE,  CAPPON,  VIMONT 
fils  (Rouen).  Imprimeurs  lithograpbes  :  E.  AUBRY,  GLAS- 
SON,  DELAHAYE,  BOULARD,  HARDY,  A.  SÉGARD, 
GOUPIL.  Imprimeurs  sur  indienne  :  MERCIER.  (Darnétal). 
Teinturiers  grand  Leint  :  BARTHÉLÉMY,  GOUELLAIN, 
HALLOT  et  Jules  TUYÉE  {Idem).  Teinturiers  petit  teint  : 
JAJOU  {Id.].  Chauffeurs  :  FLEUTRY  (Id.).  Charpentiers  : 
JULLIEN  (Id.).  Mécaniciens  :  WELHELLE,  STÉPHAN  {Id. 
Plombiers:  Henri  BERROUX  {Id.). 


i;t    lk   j Ac:oi;iNiSME.  261 

AUX  ÉLECTEURS  DES  1«  ET  2»  CIRCONSCRIPTIONS 

UE  L\  SEINE-INFÉRIEURE 

ouvniEUS    i;t  petits    commerçants. 

Chers  compagnons  de  lutte, 

Cédant  à  l'invitation,  faite  par  irois  mille  camarades,  de  vouloir 
bien  arcopter  la  rude  mission  de  planter,  dans  les  deux,  circonscrip- 
tions du  département,  le  drapeau  de  la  dcmocvalie  ouvrière ie  viens 
faire  appel  au  désir,  maintes  fois  exprimé,  de  prouver  à  la  bour- 
geoisie que,  désormais,  nous  prendrons  en  main  la  défense  de  nos 
intérêts. 

Las  de  toujours  servir  d'appoint  dans  les  luttes  que  se  livrent  nos 
adversaires  depuis  quatre-vingts  ans,  sans  jamais  en  avoir  obtenu 
que  déceptions  de  toutes  sortes,  aggravation  de  charges,  et  finale- 
ment misère  progressive,  nous  devons  déclarer  à  notre  aînée,  qu'à 
l'avenir,  nous  ne  nous  mêlerons  plus  de  ses  querelles  politiques 
dont  nous  avons  toujours  été  les  dupes. 

Payant  de  notre  sang,  sacrifiant  l'existence  de  nos  familles  pour 
des  intérêts  qui  n'étaient  point  les  nôtres,  nous  devons  déclarer 
solennellement  que  maintenant  nous  ne  ferons  de  sacrifices  que 
pour  nous  seuls. 

L'heure  de  la  revendication  do  nos  droits  politiques  et  l'conomiques 
est  arrivée  ;  il  est  temps  de  mettre  en  pratique  l'adage  des  philoso- 
phes anciens  :  «  Fais  ce  que  tu  dois,  advienne  que  pourra.  >  Quels  que 
soient  les  obstacles  qui  s'opposent  à  notre  affranchissement,  notre 
devoir  est  de  les  briser  ;  nous  possédons  une  conquête  chèrement 
acquise  qui,  dirigée  habilement  par  les  travailleurs,  pourra  renver- 
ser facilement  les  digues  savamment  construites  par  le  monopole 
pour  arrêter  noire  développement  économique.  Nous  avons  le 
suffrage  universel  !  nous  avons  le  droit  d'organiser  les  forces  ré- 
volutionnaires du  travail  par  la  solidarité  des  métiers  :  avec  cette 
organisation,  tout  doit  se  transformer;  puisque  nous  avons  le 
nombre,  nous  serions  coupables  de  ne  pas  le  mettre  au  service  de 
nos  intérêts,  et  ce  serait  trahir  notre  cause. 

Le  moment  est  favorable.  La  discorde  règne  dans  le  camp  de 
nos  adversaires;  laissons-les  débattre  leurs  affaires,  elles  ne  doi- 
vent nullement  nous  préoccuper. 

Nous  sommes  le  travail,  la  production  ! 

Us  sont  le  capital,  la  non-production  ! 

Les  intérêts  sont  diamétralement  opposés.  Notre  rôle,  dans  cette 
grande  lutte  électorale,  est  de  peser  de  tout  notre  poids  dans  le 
plateau  de  la  balance  contenant  la  production,  pour  le  faire  pencher 

enotre  côté. 


262  L'INTERNATIONALE 

Ce  n'est  pas  à  vous,  chers  camarades,  qu'il  est  besoin  de  dire 
que,  jusqu'alors,  nous  avons  été  traités  en  parias  par  la  société 
moderne. 

Qui  de  vous  ignore  que  le  monopole,  il  y  a  peu  de  temps  de  cela, 
osait  dire  que  nous  ne  pourrions  jamais  rien  faire  sans  son  con- 
sentement? N'allait-il  pas  jusqu'à  avancer  que,  sans  lui,  nous  ne 
pourrions  manger?  Nous,  les  créaleurs  de  la  richesse  ! 

Il  est  vrai  qu'en  cette  époque  de  fièvre  électorale,  tous  les  can- 
didats bourgois  s'évertuent  à  nous  démontrer  qu'ils  sont  les  vrais 
représentants  des  intérêts  généraux  du  travail  ;  malheureusement 
pour  eux,  ils  oublient  que,  depuis  vingt  ans,  nous  sommes  habi- 
tués à  ce  langage.  Il  est  temps  que  cette  rhétorique  de  circonstance 
se  termine. 

Je  me  permets,  camarades,  de  supposer  chez  vous  une  inten- 
tion bien  arrêtée  de  ne  plus  servir  d'instruments  à  tous  ces  solli- 
citeurs :  les  pièges  qu'ils  vous  tendent  sont  vieillis  par  un  usage 
trop  prolongé.  J'ai  la  certitude  que  tous  ceux  qui  vivent  du  travail 
auront  à  cœur  de  prouver  à  la  bourgeoisie  qu'il  n'y  a  plus  possibi- 
lité de  compter  sur  nos  voix  pour  satisfaire  ses  rivalités,  et  que 
vous  n'hésiterez  nullement  à  les  donner  au  candidat  désigné  par 
trois  mille  ouvriers  organisés  corporativement,  qui  mettent  leur 
confiance  dans  le  bon  sens  de  tous  ceux  qui  ont  hâte  d'en  finir  avef 
l'exploitation  du  monopole  financier,  agricole  et  industriel. 

Mon  nom  ne  représente  pas  une  personnalité,  c'est  une  protesta- 
tion vivante  contre  l'organisation  économique  d'une  société  qui 
nous  refuse  :  propriété,  bien-être,  instruction,  liberté,  justice  ! 

Ainsi  que  le  mentionne  le  manifeste  du  Cercle  d'études  économi- 
ques de  l'arrondissement  de  Rouen,  j'adhère  de  cœur  et  d'esprit  au 
programme  ;  si  vous  m'honorez  de  votre  confiance,  je  m'engage  à 
le  soutenir  énergiqucment  en  acceptant  le  mandat  impératif,  sau- 
vegarde des  électeurs  et  garantie  du  mandataire. 

Dans  cet  espoir,  croyez,  chers  compagnons  de  lutte,  au  dévoue- 
ment de  votre  camarade, 

E.  AUBRY, 

Ouvrier  litliographe,  secrétaire  de  correspondance  du  cer- 
cle délégué  de  Rouen  aux  congrès  des  travailleurs  de 
Genève,  Lausanne  et  Bruxelles. 


ET     LK     JACOBINISME. 


«68 


PIECE  G. 

LE  SOCIALISME. 

A  propos    dos     élections  JcgisJ ulives. 


Le  sort  commun  de 
toute  vérité  nouvelle  qui 
surgit  est  d'effrayer  au 
lieu  de  séduire,  de  bles- 
ser au  lieu  de  convain- 
cre; c'est  qu'elle  s'élan- 
ce avec  d'autant  plus  de 
force  qu'elle  a  été  plus 
longtemps  comprimée  ; 
c'est  qu'ayant  des  ol)sta- 
cles  à  vaincre,  il  faut 
qu'elle  lutte  et  qu'elle 
renverse,  jusqu'à  ce  que 
comprise  et  adoptée  par 
la  généralité,  elle  de- 
vienne la  base  d'iN  nou- 
vel ORDRE   SOCIAL. 

L.-N.  BONAPARTE. 


DE  1869. 


PAR 

ALBERT  RICHARD 

Ex-dôlégué 
des  ouvriers  lyonnais  aux  con- 
grès de  Bruxelles  et 
de  Berne  en  septembre  1868. 


Ce  ne  sont  |i;:s  les  mi- 
sérables qui  ''ii\l  des 
épargnes;  car  qui  n'a 
pas  de  quoi  vi ,  re  nu  met 
guère    de  côté.  C'est  \ 

LEURS     DÉPICNS    C'L'E     LES 
Kl'AUGNF.S      SdNT     FAITES. 

J'en  conclus  :  que 
quoiqu'il  y  ait  incontes- 
tablement, dans  tous  les 
Etats  d'Europe,  des  pro- 
duits épargnés  chaque 
année,  cette  épargne  ne 
porte  pas  en  général  sur 
les  consommations  inu- 
tiles, ainsi  que  le  vou- 
draient la  jiulilique  et 
l'humanité,  mais  sur  des 
besoin-s-  véritables  :  ce 
qui  accuse  le  système 
politique  et  économique 
de  beaucoup  de  gouver- 
nements. 

J.-B.  8AY. 


PAS  DE  DROITS  SANS  DEVOIRS.  —  PAS  DE  DEVOIRS 
SANS   DROITS. 


I 


Bien  que  l'Association  internationale  des  travailleurs  ait  été  dis- 
soute en  France,  l'oeuvre  qu'elle  y  avait  inaugurée  avec  un  certain 
éclat  dès  1865  n'a  pas  laissé  que  d'y  faire  des  progrès  qui  déjà  sont 
assez  apparents  pour  que  personne  ne  puisse  plus  les  nier. 

Il  est  vrai  que  les  socialistes  de  Paris,  de  Lyon,  de  Marseille  et 
d'autres  villes  de  France,  qui  adhèrent  aux  principes  de  l'Associa- 
tion internationale,  ne  se  sont  point  manifestés  dans  les  dernières 
élections  avec  cet  ensemble  et  cette  spontanéité  qu'on  aurait  pu 
attendre  d'eux. 


264  L'INTERNATIONALE. 

Cependant,  ils  ont  agi  comme  la  force  des  choses  et  la  nature 
des  circonstances  leur  ont  jiermis  de  le  faire. 

Et,  somme  toute,  ils  ne  sont  par  mécontents  du  résultat  obtenu. 

A  Paris,  des  programmes  socialistes  franchement  radicaux  ont 
été  publiés,  et  plusieurs  ont  réuni  des  milliers  d'adhésions.  Des 
candidatures  socialistes  s'y  sont  produites  dans  plusieui-s  circons- 
criptions. 

Enfin,  l'honmie  du  15  mai,  le  prisonnier  de  Vincennes,  le  dévoué 
Kaspail  a  triomphé  à  Pains  et  à  Lyon.  Or,  l'arrivée  de  Raspail  à 
la  Chambre,  c'est  l'avénemcnt  du  vieux  socialisme  de  I80O  et  de  1848, 
préparant  l'avènement  du  nouveau  socialisme,  qui  se  développe  et 
s'organise  sous  le  drapeau  de  l'Internationale. 

Nous  ne  voulons  pas  mettre  au  nombre  de  nos  succès  les  nom- 
breuses protestations  de  dévouement  à  la  classe  ouvrière  dont  un 
grand  noml)re  de  candidats  démocrates,  et  même  de  candidats  con- 
servateurs, ont  chargé  leur  programme  :  c'est  là  cependant  un  signe 
du  temps. 

Quant  à  la  rude  leçon  infligée  à  M.  Jules  Favre,  l'un  des  plus 
grands  adversaires  du  socialisme,  c'est  un  indice  certain  de  la  ten- 
dance de  plus  en  plus  accentuée  des  esprits  à  suivre  le  mouvement 
dont  les  socialistes  forment  l'avant-garde. 

Mais,  qu'on  y  fasse  bien  attention  :  si  les  socialistes,  mettant  de 
côté  toute  considération  subjective,  n'avaient  vu  que  l'objectif  qui 
leur  est  propre,  ils  auraient  pu  s'affirmer  envers  et  contre  tous,  et 
cette  résolution  aurait  pesé  d'un  certain  poids  dans  la  balance. 

Pourquoi  ne  l'ont-ils  pas  fait? 

Voilà  ce  que  nous  voulons  apprendre  à  nos  concitoyens,  et  no- 
tamment aux  électeurs  de  la  2''  circonscription  du  Rhône,  à  laquelle 
nous  appartenons. 

De  nombreux  socialistes  de  cette  circonscription  avaient  depuis 
longtemps  formé  le  projet  de  poser  aux  élections  de  1869  la  candi- 
dature d'un  démocrate  socialiste.  Plusieurs  réunions  privées  avaient 
eu  lieu  à  cet  effet,  quand  tout  à  coup  est  apparue,  avec  l'auréole 
d'une  immense  popularité ,  la  candidature  du  citoyen  Baneel. 
L'apparition  de  cette  candidature,  concordant  avec  le  réveil  général 
de  la  France  à  la  vie  politique,  dut  nécessairement  modifier  les 
intentions  des  socialistes;  car  après  s'être  demandé  s'ils  ne  devaient 
tenir  aucun  compte  de  ce  grand  mouvement  politique  et  l'entraver 
au  besoin  pour  marcher  directement  à  leur  but,  l'affranchissement 
du  travail,  ils  se  firent  une  réponse  négative. 

Les    obstacles  politiques  sont  en  France   tellement    obstruants, 

tellement  pénibles  à  supporter,  que,  malgré  le  pas  en  avant  fait  par 

le  gouvernement  impérial,  ils  frappent  encore  avant  tous  les  autres 

les  yeux  de  la  masse  intelligente. 

Partout  des  règles,  partout  des  limites,  une  presse  accessible 


ET     LK    JACOniNISMK.  265 

aux   seuls   bourgeois,  une    centrulisatiou    ;il).soibantc,  ilos  budgets 
écrasants. 

La  candidature  Daucel  ('lait  une  prolestaliou  contre  ont  état  de 
choses,  et  les  socialistes  comprirent  que  la  Franco  entière,  cher- 
chant à  se  délivrer  de  l'étreinte  d'un  système  qui  n'a  plus  de  raison 
d'être,  ils  seraient  mal  venus,  quel  que  fût  le  prétexte  qu'ils  pussent 
alléguer,  à  se  mettre  en  travers  d'une  si  grandiose  et  si  légitime 
revendication, 

Il  ne  leur  restait  que  deux  partis  à  prendre  :  ou  s'abstenir,  ou 
voter  pour  le  citoyen  Oancel. 

Un  moment,  l'abstention,  ou  plutôt  le  vote  par  bulletin  blanc, 
sembla  prévaloir. 

Cependant,  il  est  si  dur,  pour  dos  hommes  jouissant  do  leurs 
droits  civiques,  conquis  au  prix  de  tant  d'el'l'orts  de  tout  genre,  de 
ne  pas  on  user  quand  le  cas  se  présente;  de  plus,  il  est  si  difficile 
de  rester  neutre  en  face  des  candidals  officiels  ou  officieux,  qu'au 
dernier  moment  tous  nos  amis  se  décidèrent  à  voter  pour  le  citoyen 
Bancel. 

Du  reste,  les  courageux  vaincus  de  1852  avaient  droit  à  do  tels 
égards.  Nous  en  convenons,  pour  qu'on  ne  nous  accuse  pas  de 
partialité,  quand  nous  rappelons  aux  peuples  d'autres  vaincus  non 
moins  glorieux  et  non  moins  intéressants. 

Peu  de  jours  après  qu'eut  été  prise  la  décision  dont  nous  venons 
de  parler,  un  groujie  de  socialistes  étrangers  à  l'Association  inter- 
nationale, et  qui  ne  s'était  point  concerté  avec  nous,  fit  afficher  une 
invitation  de  voter  par  bulletins  blancs.  Nous  respectons  d'autant 
mieux  les  intentions  de  ces  socialistes,  qu'elles  ont  été  un  instant 
les  nôtres;  mais,  nous  le  répétons,  nous  avons  cru  de  notre  devoir 
de  ne  point  y  persévérer. 


II 


Ceci  posé,  nous  nous  sentons  forts  pour  dire  à  tous  les  démo- 
crates ouvriers  : 

«  Nous  avons  tous  ensemble  revendiqué  énergiquement  nos 
droits  de  citoyens;  conservons  cette  union,  qui  nous  a  donne  la  vic- 
toire, pour  revendiquer  nos  droits  de  travailleurs.  » 

Nous  ne  voulons  pas  profiter  de  la  circonstance  pour  agiter  le 
légendaire  spectre  rouge.  Nous  savons  d'ailleurs  que  la  loi  no 
nous  permet  pas  de  porter  atteinte  au  principe  de  la  propriété,  mais 
nous  voulons  au  moins  expliquer,  une  bonne  fois,  aussi  claire- 
ment que  possible,  et  cela  sans  exaltation,  sans  haine,  sans  colère,. 
ce  que  nous  entendons  par  nos  droits  de  travailleurs. 


266  L'INTERNATIONALE 

Les  membres  de  la  société  actuelle  ont  à  remplir  deux  fonctions 
qui,  bien  que  distinctes,  se  corroborent  l'une  l'autre. 

L'une  est  la  fonction  de  citoyen^  qui  se  rapporte  à  l'ordre  politi- 
que; l'autre  est  la  fonction  de  travailleur,  qui  se  rapporte  à  l'ordre 
économique. 

Pour  agir  et  se  développer,  l'homme,  en  tant  que  citoyen  et 
en  tant  que  travailleur,  a  besoin  de  ce  milieu  salubre,  de  cette  at- 
mosphère légère,  de  cet  horizon  immense  qui  s'appellent  la  Liberté. 

La  liberlé  du  citoyen,  ou  la  liberté  politique,  est  bien  loin  d'être 
suffisante. 

Faut-il  encore  rappeler,  pour  le  prouver,  les  sinistres  souvenirs 
de  juin  1848  ? 

]\îais  regardons  plutôt  les  pays  libres  qui  avoisinent  le  nôtre. 

En  t'uisse,  des  grèves  éclatent  à  chaque  instant,  et  les  ouvriers 
oppressés  ne  savent  comment  se  débarrasser  du  fardeau  qui  les 
écrase.  En  Belgique,  la  misère  est  à  son  comble,  et  les  capitalistes, 
non  contents  de  molester  les  travailleurs,  les  font  fusiller  par  les 
troupes  du  gouvernement. 

Et  l'Angleterre? 

Peut-il  être  une  condition  plus  déplorable  que  celle  de  la 
majeure  partie  des  prolétaires  anglais?  Et  ces  statistiques  offi- 
ciel les  qui  constatent  que  tous  les  ans  des  milliers  d'ouvriers  an- 
glais meurent  de  misère,  ne  sont-elles  pas  une  honte  pour  ce  pays 
delà  liberté  politique,  delà  richesse  et  de  l'égoïsme? 

Les  économistes  nous  disent  :  Avec  la  libeiié  d'association,  les 
travailleurs,  par  leurs  seuls  efforts,  fermeront  peu  à  peu  toutes 
ces  plaies;  le  capital,  bien  loin  de  les  en  empêcher,  les  y  aidera 
au  contraire. 

Nous  avons  beau  faii-e  tous  nos  efforts  pour  arriver  à  partager 
cette  agréable  conviction,  nous  ne  pouvons  y  parvenir. 

Non  la  liberté  d'association,  qui  est  une  liberté  politique,  n'est 
pas  suffisante  ;  et  quand  même  tous  les  travailleurs  seraient  assez 
instruits  et  assez  pénétrés  des  pinncipes  modernes  de  solidarité 
pour  s'associer  tous  ensemble,  pour  organiser  le  crédit  mutuel 
gratuit  sur  une  vaste  échelle,  la  centralisation  capitaliste  les  étouf- 
ferait encore  et  paralyserait  leurs  efforts. 

Car  cette  centralisation  va  toujours  croissant,  à  mesure  que  le 
mouvement  général  delà  production  et  de  la  consommation  se  dé- 
veloppe dans  notre  société.  Et  il  ne  peut  pas  en  être  autrement, 
parce  qu'on  ne  peut  pas  se  passer  du  capital,  et  parce  que  des  as- 
sociations, fondées  avec  des  ressources  insuffisantes,  ne  peuvent  pas 
détourner  ces  grands  canaux  par  lesquels  les  capitalisies  aspii'cnt 
toute  la  richesse  publique,  la  rente  foncière,  l'intcrèt  au  capital,  le 
patronat  et  Pagiotage. 

Proudhon  lui-même  a  cru  à  la  possibilité  d'une  transformation 


ET     LK     JAGOltlNISME.  267 

sociale  opérée  par  les  travailleurs  avec  les  seules  ressources  donl 
le  capital  les  laisse  disposer. 

Nous  admirons  Proudhon,  mais  pas  exclusivement,  et  nous  pen- 
sons qu'il  s'est  trompé  plusieurs  fois,  et  cette  fois-ci  entre  autres, 
qui,  du  reste,  n'est  pas  arrivé  qu'à  lui. 

Que  faut-il  donc  aux  ouvriers  pour  qu'ils  puissent  enfin  travail- 
ler sérieusement  et  efficacement  à  leur  émancipation? 

()n  propose  parfois  des  moyens  radicaux,  et  nous  en  avons  pro- 
posé aux  congrès  de  Bruxelles  et  de  Berne. 

Le  premier  de  ces  congrès  a  reconnu  la  nécessité  de  l'entrée  du 
sol  à  la  propriété  collective. 

Le  second  a  repoussé  le  principe  de  l'égalité  économique  ;  mais 
il  a  étudié  cette  question,  en  a  reconnu  l'importance,  et  notre  dé- 
mission de  membre  de  la  Ligue  de  la  paix,  que  nous  avons  cru 
devoir  présenter,  en  compagnie  de  nos  amis  Bakounine,  Jaclard, 
Elisée  Reclus,  Aristide  Rey,  Fanelli,  etc.,  a  été  une  nouvelle  et  so- 
lennelle affirmation  du  socialisme  radical. 

Mais  les  moyens  préconisés  à  Bruxelles  et  à  Berne  ne  sont  ap- 
plicables que  dans  un  milieu  rendu  favorable  à  leur  action  par  des 
circonstances  toutes  spéciales. 

Outre  que  nous  ne  pouvons  pas  on  parler  sans  imprudence,  nous 
tenons  à  prouver  qpie  les  socialistes  ne  sont  révolutionnaires  qu'au- 
tant qu'on  les  force  de  Vêtre,  et  qu'ils  ne  demanderaient  pas  mieux 
que  de  devenir  de  vrais  amis  de  l'ordre  et  de  chauds  conscrvateui's. 
Il  ne  faudrait  pour  cela  qu'une  simple  reconnaissance  des  droits  du 
travail  par  l'État,  c'est-à-dire  qu'il  faudrait  donner  aux  travailleurs 
ce  que  nous  appellerons  la  liberté  sociale,  corollaire  indispensable 
de  la  liberté  politique. 


III 


Donc,  nous  nous  plaçons  sur  le  terrain  de  la  modération  et  nous 
demandons  ici,  non  pas  des  moyens  radicaux,  non  pas  une  trans- 
formation immédiate,  mais  des  moyens  transitoires,  dont  on  puisse 
se  servir  pacifiquement  et  sans  nuire  à  personne. 

Mais  qu'est-ce  que  la  liberté  sociale? 

La  constitution  de  92  nous  en  donne  la  définition,  en  nous  don- 
nant celle  de  la  liberté  politique. 

De  même  que  la  liberté  politique  est  la  faculté  pour  chaque  ci- 
toyen de  faire  tout  ce  qu'il  veut  jusqu'à  la  limite  de  la  liberté  d'un 
autre  citoyen,  la  liberté  sociale  est  la  faculté  pour  chaque  travailleur 


l'68  L'INTERNATIONAL  F. 

(le  faire  tout  ce  qu'il  veut  jusqu'à  la  liniile  de  la  liberté  d'un  autre 
travailleur. 

Or,  si  la  liberté  politique  n'existe  que  quand  elle  est  délinie,  as- 
surée, garantie  par  des  lois  d'ordre  politique,  la  liberté  sociale  ne 
peut  exister  que  si  elle  est  définie,  assurée,  garaplie  par  des  lois 
d'ordre  social. 

Dans  les  républiques  grecque  et  romaine,  la  liberté  politique 
existait,  mais  la  liberté  sociale  n'existait  pas  :  elles  avaient  des  es- 
claves. 

Le  Brésil  et  l'île  de  (^,uba  nous  présentent  encore  le  même  spec- 
tacle. 

Dans  nos  sociétés  européennes,  la  liberté  politique  existe,  un 
peu  plus  ou  un  peu  moins  développée,  mais  la  liberté  sociale  n'y 
existe  pas  :  elles  ont  des  prolétaires.  La  misère  s'y  montre  à  côté 
de  l'opulence  ;  une  inégalité  choquante  y  divise  les  citoyens  en 
castes  ennemies;  l'anarchie  et  la  confusion  régnent  dans  le  sys- 
tème économique  :  on  n'y  connaît  point  de  droits,  et  la  loi  du  plus 
fort,  qui  est  la  loi  du  plus  riche,  est  la  seule  que  l'on  y  suive. 

Mais  comment  établir  la  liberté  sociale  ? 

Il  faut  pour  cela  trois  grandes  réformes  législatives  bien  sim- 
ples, et  dont  l'application  ne  présentera  de  difficulté  que  pour  ceux 
qu'aveugle  le  préjugé  et  qui  se  rattachent  avec  une  opiniâtreté  in- 
sensée au  débris  d'un  passé  dont  nous  nous  éloignons  avec  tant 
de  rapidité. 

Ces  trois  réformes  sont  celles  pour  lesquelles  nous  avons  demandé 
au  citoyen  Bancel  de  se  prononcer,  dans  la  dernière  réunion  publi- 
que électorale  qui  s'est  tenue  dans  la  salle  du  Trianon,  à  Vaise.  La 
première,  c'est  l'établissement  de  l'impôt  proportionnel  et  progres- 
sif. Quoi  de  plus  juste  qu'un  impôt  de  ce  genre,  substituant  à  la 
multitude  d'impôts  directs  et  indirects,  dont  nous  sommes  accablés  et 
<{ui  pèsent  tous  directement  ou  indirectement  sur  le  travail,  substi- 
tuant à  ces  impôts,  disons-nous,  un  système  qui  ferait  payer  à  cha- 
que citoyen  une  portion  de  charges;  publiques  proportionnée  à  ses 
ressources  personnelles. 

Le  citoyen  Bancel,  sentant  tout  ce  que  cette  idée  a  d'avenir,  a  ad- 
mis la  proportionnalité  de  l'impôt,  mais  il  a  repoussé  la  progression. 

Nous  serions  d'accord  avec  lui,  si  nous  nous  trouvions  en  pi^é- 
sence  d'une  société  vraiment  égalitaire,  c'est-à-dire  où  chacun 
ne  disposerait  que  des  fruits  de  son  travail  ;  mais  la  différence  qui 
existe  actuellement  entre  la  fortune  est  si  grande,  que  la  i^ropor- 
tionnalité  sans  la  progression  ne   serait  plus  la    proportionnalité. 

La  seconde  réforme,  c'est  la  suppression  des  monopoles  d'Etat, 
tels  que  ceux  dont  jouissent  la  Banque  de  France,  des  sociétés 
financières,  des  compagnies  de  chemins  de  fer,  des  compagnies 
d'assurances  et  autres  entreprises. 


ET     LE    JACOIUNISMi;.  26i* 

Il  est  facile  de  comprendre  (juc  ces  sociétés  i)riviléyices,  offrant 
à  la  fois  des  avantages  plus  considérables  et  de  meilleures  garan- 
ties, attirent  à  elles  tous  les  capitaux  disponibles,  qui  deviennent 
ainsi  une  précieuse  ressource  pour  la  centralisation  capitaliste'  et 
un  moyen  de  plus  pour  lui  asservir  le  travail. 

Nous  pouvons  en  donner  une  idée  à  nos  lecteurs  : 

11  n'existe  en  France  que  cinq  milliards  de  francs  eu  numéraire, 
dont  deux  milliards  seulement  sont  en  circulation.  Cependant,  les 
spéculateurs,  à  l'aide  de  leurs  privilèges,  accaparant  le  crédit  public, 
prêtent  une  somme  de  soixante  milliards  de  francs  au  moins,  repré- 
sentée par  des  valeurs  fiduciaires,  c'est-à-dire  par  des  valeurs  fic- 
tives qui  deviennent  ainsi  réelles  à  leur  profit  exclusif. 

Ces  papiers  de  toute  sorte  sont  des  dettes  d'P^tat,  des  dettes  hypo- 
Ihécaii'es,  des  actions,  des  obligations,  valeurs  ohirographaires,  etc. 

Pour  payement  des  frais  qu'ils  provoquent  et  de  leurs  intérêts, 
ils  enlèvent  à  la  production  une  somme  annuelle  de  cinq  milliards 
<|ualre  cents  millions  !  Nous  constatons  avec  plaisir  que  le  citoyen 
Baneel  a  reconnu  la  nécessité  de  supprimer  ces  monopoles. 

La  troisième  de  nos  réformes,  qui  est  la  plus  importante,  parce 
que,  sans  elle,  les  précédentes  qui  pourraient  la  compléter  si  utile- 
ment seraient  faciles  à  éluder  et  ne  serviraient  par  conséquent  de 
rien,  consiste  dans  la  création  de  lois  spéciales  et  de  tribunaux 
spéciaux  pour  régler  dans  un  sens  démocratique  et  égalitaire  les 
rapports  entre  les  capitalistes,  propriétaires  et  patrons  d'une  part, 
et  les  travailleurs  dans  la  plus  vaste  acception  du  mot  d'autre 
liart. 

L'institution  des  prud'hommes  est  déjà  un  tout  petit  pas  fait  dans 
cette  voie. 

Ces  lois  et  ces  tribunaux  économiques  détermineraient  claire- 
ment les  droits  et  les  devoirs  de  tous  les  intéressés  dans  l'ordre 
économique,  fixeraient  la  durée  des  journées  de  travail,  s'inspire- 
raient à  la  fois  des  intérêts  généraux  de  l'industrie,  du  commerce 
et  de  l'agi'iculture,  et  des  intérêts  particuliers  de  tous  les  intéressés 
sans  distinction  aucune.  Ils  s'occuperaient  même  de  coordonner 
dans  la  mesure  du  possible  le  mouvement  de  la  production  et  de  la 
consommation,  celui  de  rimportaliou  et  de  l'exportation,  la  con- 
currence et  l'échange. 

Enfin,  ils  assureraient  du  travail  à  tout  le  monde,  même  aux 
dépens  des  capitalistes,  si  cela  était  nécessaire. 

La  vie  de  l'homme  est  sacrée;  son  indépendance  sociale  et  sa 
dignité,  sans  lesquelles  il  n'est  pas  un  homme,  mais  une  brute^  doi- 
vent l'être  également.  Aucune  [considération  d'aucun  ordre  ne  peul 
primer  celles-là.  Une  société  civilisée  qui  ne  sauvegarde  pas  en- 
vers et  contre  tous  la  vie  de  l'homme,  son  indépendance  sociale  et 
sa  dignité  n'est  pas  digne  du  nom  de  société  civilisée,  et  l'histoire 


270  L'INTERNATIONALE 

est  là  pour  nous  démontrei"  qu'elle  nourrit  le  monstre  qui  doit  la 
dévorer. 

On  parle  sans  cesse  d'initiative  individuelle.  C'est  seulement 
après  l'établissement  des  réfoi^mes  que  nous  venons  d'exposer 
qu'on  pourrait  on  parler  avec  raison,  car  les  membres  de  la 
société,  placés  comme  citoyens  et  comme  travailleurs  sur  le  ter- 
rain solide  du  di'oit,  pourraient  déployer  en  toute  sécurité  et  sans 
porter  préjudicL'  ù  autrui  toute  leur  activité  morale  et  matérielle. 
L'instruction  et  l'association  deviendraient  des  arines  puissantes 
entre  les  mains  des  ouvriers,  et,  le  socialisme  entrant  de  la  phase 
théorique  dans  la  phase  pratique,  cet  abominable  specti'e  rouge 
deviendrait  la  plus  complète  réalisation  du  progrès  dans  la  paix  et 
dans  la  liberté,  par  la  science  et  par  le  travail. 

Sans  l'epousser  directement  une  proposition  si  conforme  à  la  jus- 
tice et  aux  besoins  de  notre  époque,  le  citoyen  Bancel,  s'égaranl 
dans  des  considérations  d'un  ordre  purement  politique,  nous  a  ré- 
pondu en  parlant  de  liberté  et  d'initiative  individuelle. 

Il  n'est  pas  étonnant  qu'il  ne  nous  ait  pas  compris;  prévenu 
depuis  longtemps  contre  les  théoriciens,  il  croit  qu'ils  sont  encore 
possibles  maintenant  et  il  se  tient  sur  ses  gardes. 


IV 


Nous  convenons  sans  peine  qu'il  ne  manque  pas  d'objections  à 
faire  à  notre  troisième  proposition,  mais  nous  défions  nos  adver- 
saires d'en  trouver  une  seule  qui  soit  irréfutable. 

La  plus  forte  est  celle  qui  repousse  l'intervention  de  l'Etat  dans 
le  système  économique.  C'est  aussi  la  moins  solide. 

Car,  qu'est-ce  que  l'Etat  dans  le  sens  le  plus  légitime  du  mot  ? 
L'Iîltat,  c'est  la  société,  c'est  nous,  citoyens  et  travailleurs.  Nous 
avons  donc  le  droit  de  faire  des  lois  et  d'intervenir  dans  nos  pro-- 
près  affaires,  au  point  de  vue  économique  comme  au  point  de  vue 
politique. 

Voici  une  autre  objection  : 

En  détruisant  le  chômage  et  la  misère,  en  améliorant  d'une  ma- 
nière si  sensible  la  condition  des  travailleurs,  nous  dit-on,  on  pro- 
voquera une  augmentation  considérable  du  prix  des  objets  de  con- 
sommation, et  en  dépit  de  tout  la  situation  redeviendra  la  même 
qu'auparavant. 

Nous  répondons  que  cela  est  impossible  parce  que  l'augmenta- 
tion de  la  production  concordera  uécessaircment  avec  l'augmenta- 
tion de  la  consommation. 


RT    LE    JACOBINISME.  371 

On  pouiTu  dire  encore  :  Mais  la  moyenne  des  revenus  et  salaires 
est  en  France  de  dix-huit  sous  par  jour  pour  chaque  personne..  Si 
les  uns  gagnent  beaucoup  plus,  il  faut  nécessairement  f[u'il  y  ail 
des  mallieureux. 

Nous  ne  voulons  pas  discuter  le  chiffre  de  dix-huit  sous;  il  y  a 
tant  d'ouvriers  qui  ne  gagnent  guère  plus  el  qui  ont  une  femme  et 
des  enfants  ! 

Mais  nous  ferons  observer  qu'il  semble  que  ce  soit  très-peu 
parce  qu'on  ne  réfléchit  pas  que  derrière  ces  dix-huit  sous  jour- 
naliers, il  y  a  toute  la  richesse  publique,  propriété  foncière, 
immobilière,  capital  industriel,  monnaie,  etc.,  qui,  si  elle  était 
également  répartie,  rendrait  chaque  individu,  homme  ou  femme, 
enfant  ou  vieillard,  propriétaii'C  d'une  valeur  de  trois  mille 
francs. 

D'ailleurs,  non-seulement  l'impùl  proporlionnel  et  progressif 
remédierait  à  l'inégalité  des  gains,  mais  l'augmentaliou  de  la  pro- 
duction et  de  la  consommation  porterait  le  revenu  général  à  sou 
maximum,  qu'il  est  bien  loin  d'atteindre  aujourd'hui,  tandis  que  nous 
ferions  de  jour  en  jour  des  pas  plus  considérables  dans  le  sens  de 
l'égalité  économique. 

Une  dernière  objection  et  la  plus  digue  d'être  combattue  est  celle 
par  laquelle  on  pourrait  nous  reprocher  de  gêner  la  liberté  indivi- 
duelle. 

Mais,  quand  la  liberté  individuelle  des  uns  dégénère  en  licence, 
c'est-à-dire  quand  elle  porte  atteinte  à  la  liberté  individuelle  des 
autres,  la  société  a  le  droit  et  le  devoir  do  la  gêner. 

Ceux   qui   ne   voient  que   la  liberté    et  l'initiative  individuelles, 
ranavchic  et  le  fédéralisme,  ne  voient  qu'un  seul  côté  de   la  ques- 
tion.   Esl-ce   que  le  droit  d'un  seul   doit  annuler  le  droit  de  tous  ? 
Est-ce  que  le  droit  individuel  doit  annuler  le  droit  social  ? 
Non! 

Pas  plus  que  le  droit  social  ne  doit  absorber  le  droit  individuel. 
Ces  deux  droits  qui   n'eu   font  qu'un   doivent  s'amalgamer,  se 
corroborer.   C'est  la  loi  naturelle  d'attraction  et  do  répulsion  ap- 
pliquée au  système  économique. 

Au  surplus,  nous  n'avons  aucune  prétention  à  l'infaillibilité. 
Non-seulement  nous  ne  redoutons  pas  la   discussion    orale  ou 
écrite,  mais  nous  l'appelons,  nous  la  provoquons.  Si  nous  som- 
mes dans  l'erreur,  qu'on  nous  le  prouve. 

Les  socialistes  d'aujourd'hui  ne  sont  point  des  révélateurs  so- 
ciaux :  au  contraire,  ils  ne  détestent  rien  tant  que  les  prophètes 
et  les  systèmes.  Les  socialistes  sont  purement  et  simplement  des 
travailleurs  qui  veulent  qu'on  respecte  les  droits  imprescriptibles 
qu'ils  tiennent  de  leur  double  qualité  d'hommes  et  de  travailleurs. 
Leur  grand  ennemi,  ce  n'est  pas  la  bourgeoisie,  ce  n'est  pas  la 


Tri  L'INTERNATIONALE 

j-eligion,  ce  n'est  pas  la  propriété,  e'esl  le  mal  social  dans  sa  cause 
passive,  l'ignorance,  et  dans  sa  cause  active,  l'égoïsme. 

Mais,  s'écrie-t-on,  ils  veulent  tout  nivclei*  ;  c'est  là  pour  eux  le 
Lut  messianique! 

Les  socialistes  no  veulent  rien  niveler  du  tout.  Ils  veulent  la 
réalisation  matérielle  de  la  justice  qui  n'est  autre  que  l'égalité 
acclamée  en  92. 

Et  qu'est-ce  que  c'est  que  cette  égalité  ? 

C'est  l'obligation  du  devoir  et  la  reconnaissaince  du  droit  pour 
tous  les  individus  avec  l'équilibre  entre  les  droits  et  les  devoirs  de 
chacun  d'eux. 

Qu'y  a-t-il  là  de  si  effrayant  ? 

Vous  ne  voulez  pas  que  les  paresseux  et  les  débauchés  profitent 
des  peines  des  autres  ? 

Nous  ne  le  voulons  pas  davantage. 

Vous  voulez  qu'on  respecte  la  propriété  qui  a  poui-  origine  le 
travail  ? 

C'est  précisément  celle-là  que  nous  vouions  respecter. 

Vous  voulez  que  les  citoyens  vivent  en  bonne  intelligence  en- 
tre eux? 

Mais,  c'est  absolument  ce  que  nous  vovilons. 

Vous  voulez  que  les  paysans  conservent  leur  morceau  de  ter- 
rain? 

Non-seulement  nous  le  voulons,  mais  nous  voulons  ({ue  ceux 
qui  n'ont  qu'un  terrain  insuffisant  en  aient  un  plus  grand,  que  les 
fermiers  et  les  journaliers  deviennent  propriétaires,  qu'enfin,  per- 
sonne n'ait  plus  lieu  de  se  plaindre,  ni  dans  les  campagnes,  ni  dans 
les  villes. 


Et  cependant,  on  nous  insulte,  on  nous  bafoue,  on  nous  prête 
des  intentions  telles  que  les  traîtres  de  nos  grands  drames  en 
cinq  actes  et  douze  tableaux  ne  nous  en  montrent  point  d'aussi 
terribles  ! 

A  de  certaines  époques,  et  l'époque  des  élections  est  une  de  celles- 
là,  les  journaux  réactionnaires  sont  amusants  au  possible.  D'hon- 
nêtes rédacteurs  transformés  en  croquemilaincs  de  parade  embou- 
chent la  trompette  du  jugement  dernier  pour  jeter,  sur  un  ton 
sépulcral,  ces  avertissements  épouvantables  à  leurs  débonnaires 
lecteurs: 

C'est  la  vengeance,  le  pillage,  les  proscriptions,  dissimulés  à 


ET     LE    JACOBINISME  278 

u  Les  représentants  de  la  justice,  Ollivier,  nernier  et  C'c  vou- 
draient bien  trouver  quelque  chose  ({ui  les  sauvilt  du  ridicule,  et 
peine  sous  le  nom  de  révolution  sociale,  qu'il  faut  aux  radicaux  et 
aux  socialistes.  Ils  ne  veulent  que  satisfaire  par  tous  les  moyens 
leurs  rancunes  et  leurs  convoitises.  » 

Ciel  et  terre  !  Est-il  possible  ? 

Hommes  de  vengeance,  de  pillage  et  de  proscrijjtion,  où  ctes- 
vous  ?  Apparaissez  si  vous  existez.  Mais  nous  ne  voyons  rien  à 
l'horizon,  à  moins  que  ce  ne  soient  les  fameux  points  noirs  en 
question. 

Les  démocrates  libéraux  attaquent  le  socialisme  avec  moins  de 
violence,  mais  avec  autant  d'ardeur.  Défenseurs  de  la  bourgeoisie  et 
de  ses  privilèges,  arrière-garde  attardée  des  générations  qui  ont 
joué  leur  rôle  en  89,  en  1830  et  eu  1848,  ils  sentent  qu'ils  ne  sont 
plus  les  hommes  de  l'avenir  et  qu'à  une  situation  nouvelle  il  faut 
des  hommes  nouveaux.  Mais  leurs  routines,  leui-  ignorance  en  ma- 
tière d'économie  sociale  et  surtout  leurs  craintes  les  jettent  dans 
le  trouble.  Et  ils  pactisent  avec  la  réaction  quand  il  s'agit  de 
nous  jeter  la  pierre.  Qu'ils  y  réfléchissent  désormais  :  cette  alliance 
monstrueuse  a  déjà  coûté  bien  cher  aux  Jules  Favre,  aux  Garnier- 
Pagès,  aux  Marie,  et  ce  ne  sont  pas  là  les  dernières  surprises  qui 
nous  soient  réservées. 

Quant  aux  économistes,  ils  sont  incorrigibles  et  ils  nous  répètent 
comme  toujours  que  «  l'ouvrier  intelligent  et  honnête  sait  bien  que 
par  son  travail  il  peut  arriver  à  être  patron,  qu'il  peut  acquérir 
l'aisance  et  souvent  la  fortune.  » 

Ouvriers  lyonnais  qui  par  votre  travail  acquérez  l'aisanee  et  la 
fortune,  où  étes-vous  ? 

Montrez-vous  ! 

Allez,  messieurs  les  adversaires  du  socialisme,  soyez  tranquilles, 
nous  ne  vous  rendons  pas  la  haine  que  vous  avez  pour  nous. 

Et  savez-vous  pourquoi? 

C'est  parce  que,  de  par  la  loi  suprême  qui  préside  au  développe- 
ment des  sociétés  humaines, l'avenir  nous  appartient. 

Vous  aurez  beau  faire  et  beau  dire,  nous  triompherons  à  notre 
heure. 

Nous  triompherons,  parce  que  notre  devise  est  :  Vérité,  Justice, 
Morale. 

Nous  triompherons,  parce  que  nous  avons  derrière  nous  tout  un 
corps  d'armée,  et  que  ce  corps  d'armée,  c'est  le  peuple,  le  peuple 
qu'on  peut  abuser,  tromper  un  instant,  le  peuple  qui  paye  bien  cher 
les  fautes  qu'il  lui  arrive  de  commettre,  mais  qui  porte  dans  son 
sein  le  germe  de  tous  les  progrès  et  de  toutes  les  grandeurs. 

Lyon,  le  3  juin  1869. 

18 


374  L'INTERNATIONALE 


PIEGE  H. 


PROTESTATION  DES   DELEGUES    DES  SOGIETl»  OUVRtEBES   DE  PARIS  CONTRE 
LE  MASSACRE  d'aUBIN. 

«  Les  délégués  des  sociétés  ouvrières,  réunis  pour  conolure  un 
«  pacte  fédératif,  protestent  de  foute  leur  énergie  contre  les  actes 
«  sanglants  rommis  sur  les    travailleurs  dos   mines  d'Aubin. 

«  En  présence  de  pareils  attentats  contre  la  vie  et  le  droit  du 
«  peuple, 

«  Nous  déclamns  qu'il  nous  est  impossible  de  vivre  sous  un  ré- 
(I  gime  social  où  le  capital  répond  à  des  manifestations,  quelquefois 
«  turbulentes,  mais  toujours  justes,  par  la  fusillade. 

«  Les  travailleurs  savent  ce  qu'ils  ont  à  espérer  de  cette  caste  qui 
«  n'a  exterminé  l'aristocratie  que  pour  hériter  de  ses  injustes 
«  prétentions.  Etait-ce  pour  aboutir  à  de  tels  résultats  que  le  peuple 
c(  scella  de  son  sang  la  proclamation  des  droits  de  l'homme? 

a  Les  faits  accomplis  nous  autorisent  à  affirmer  de  nouveau  que 
«  le  peuple  ne  peut  attendre  que  de  ses  propres  efforts  le  triomphe 
«  de  la  justice. 

«  SYLVESTRE,  imprimeur  en  taille-douce,  rue  St. -Jacques,  187. 
SOLIVEAU,  imprimeur  en  taille-douce,  rue  Lctort,  1 AVRIAL, 
mécanicien,  passage  Raoul,  15.  MARTIN  edouard,  forgeron, 
boulevard  Ronne-Nouvelle,  25.  DROUCHON  Gustave,  mécani- 
cien, rue  Oberkampf,  131.  MARGHAL,  menuisier  en  bâtiment, 
marché  Ste-Catheriiie,  9.  CAPUT,  menuisier  en  bâtiment,  rue 
St-Maur,  140.  ROUILLY,  wagonnier,  rueSte-YIarie,  12.  DAM- 
BRUN,  menuisier  en  sièges,  rue  duFaubourg-St-Antoine,  255. 
FRrVNQUIN,  litbographe,  rue  de  la  Verrerie,  42.  BLON- 
DEUX,  lithographe,  rue  de  Douai,  28.  SAUZET,  tourneur  sur 
métaux,  rue  St-Maur,  195.  VIGNERON,  sculpteur  sur  bois, 
rue  de  la  Villette,  68.  PRUDHOMME,  sculpteur  sur  bois,  rue 
du  Faubourg-du-Temple,  82.  VERONA  richari>,  porcelainier, 
rue  Neuve-Gabi  ielle,  15(Gharenton).  UXRBIER, peintre  en  cé- 
ramique, rue  des 'Chaufourniers,  21.  MEVRE,  peintre  en  cé- 
ramique, rue  Ramponneau,  32.  GASPARD,  ébéniste,  rue  Tra- 
versière,  43.  ANDRÉ,  /c/em,  idem.  RERGON  louis,  tisseur  en 
canevas,  boulevard  Vangirard,  163.  LOTHON,  brossier  pour 
joei/3i(/re,ruedesTrois-Bornes,  ibhis.  PARROT  aîné,  brossivr 
pour  peinture,  rue  de  Reuilly,  67.  PABROT  jeune,  brossier 
pour  peinture,  rue  du  Cloître-St-Merry,  1.  MÉNARD,  brossier 


KT     l.K     JACOBINISME.  275 

pour  peinture,  rue  Beautreillis,  13.  ROUSSEL,  ferhianlier',  rue 
du  Vcrfbois,  22.  I)U(-IION,  ùhni,  rue  Turenno,  62.  ACHARD, 
inégissierpaIissonnciir,v\ie  de  Lourcine,  75.  FOUHCAND,  mà- 
gissirr  palissonncur,  rue  Mouffetard,  269.  DPZLPONT,  tailleur 
de  pierres,  rue  Banville,  8.  PARRY,  tailleur  de  pierres,  rue 
Jean-de-Beauvais,  11.  BERLIOZ, /(/(,7/j.  PAGNERRE,  fcuilla- 
giste,  rue  de  la  Fidélité,  11.  DELORME,  papiers  de  fantaisie, 
rue  des  Pruuiers,  22.  ROUVEYUOL,  orfèvre,  rue  de  Tour- 
telle  23.  BRANSAUU,  idem.  LOREAU,  sculpteur  sur  pierre, 
rue  Oberkampf,  95.  LAGHENE,  rue  La^àlle  (Montmartre). 
ROUILLARD,  cuirs  et  peaux,  rue  du  Four,  25.  IIOUEL,  cor- 
royeur.  JAILLON,  instruments  de  musique,  rue  Prévost,  26. 
DURAND,  bijoutirr.  CHAMPI  (louis),  idem.  BOUVET,  em- 
ployé de  commerce.  LECLERCQ,  idem.  ROLLAND.  MURAT. 
charpentier.  TUEIZ,  bronzior,  rue  de  Jessaint,  12.  LANBRIN 
HU'POLYTEj  bronzier,  rue  deBelleyme,  12.  VARLIN,  relieur, 
rue  Dauphine,  33.  LÉVY  Lazare,  de  la  société  civile  des 
opticiens,  rue  de  Sévigné,  26.  » 

(La  Réforme,  14  oétdbre  1869.)  ' 


PIEGE    I 


LA  FUTURE  REPUBLIQUE  EN  FRANGE. 

Programme  social  et  politique. 

«  Il  y  a  trois  formes  distinctes  de  république  :  l'une  dite  consti- 
tutionnelle, l'autre  despotique  et  la  troisième  socialiste. 

«  La  dernière  doit  être  le  couronnement  de  l'édifice  et  le  but  su- 
prême de  la  révolution. 

«  Sont  arrêtés  et  proclamés  les  points  suivants  : 

«  Banqueroute  de  l'Etat; 

«  Vente  des  propriétés  nationales; 

«  Confiscation  des  biens  acquis  par  les  hauts  fonctionnaires  de 
l'Empire  durant  leur  administration; 

«  Allocation  de  4  à  5  millions  par  an  sur  les  fonds  de  la  nation 
aux  corporations  ouvrières  ; 

«  L'impôt  proportionnel  et  progressif; 

«  L'impôt  sur  le  revenu; 

«  La  suppression  de  l'armée  régulière  et  permanente. 

«  La  terreur  et  le  despotisme,  dès  le  commencement  de  la  répu- 
blique, afin  d'empêcher  toute  réaction. 


i>.H'>  L'INTERNATIONALE 

«  Pas  d'église  catholique. 

«  Exil  —  sinon  la  mort  —  des  prêtres  et  des  religieux. 
«  Un  seul  journal,  la  feuille  officielle  du  gouvernement. 
«  Clubs  en  permanence,  autorisés  pour  les  ouvriers  seulement, 
n  Interdiction  absolue  de  toute  autre  réunion  entre  les  citoyens. 
«  L'armement  de  la  classe  ouvrière,  à  l'exclusion  de  toute  autre 
classe. 

«  L'éducation  des  enfants  et  de  la  jeunesse  gratuite  cl  obliga- 
toire, dans  les  seuls  établissements  de  la  nation. 

«  Suppression  de  tout  culte  chrétien  qu'on  pourra  remplacer  par 
un  culte  national  empi^unté  au  paganisme  des  Grecs  anciens. 
«  Suppression  du  droit  de  propriété. 

«  Le  travail  imposé  à  tout  citoyen  valide,  comme  condition  pour 
recevoir  de  la  république  les  vivres  et  les  autres  choses  néces- 
saires à  l'existence. 

«  Les  pillages,  incendies  et  massacres  pourront  être  ordonnés  dès 
le  commencement  de  la  révolution,  s'ils  sont  jugés  nécessaires 
pour  déblayer  le  terrain  politique. 

c  Un  tribunal  révolutionnaire  secret  est  formé  dès  à  présent. 
(Minière  en  fut  nommé  le  président.  Hustave  Flourens  fut  évincé  de 
la  composition  de  ce  tribunal.)  Les  arrêts  et  sentences  qu'il  portera 
seront  exécutés  par  les  membres  de  l'Internationale'  que  le  sort 
aura  désignés  *. 

Moyens  d'action  et  de  préparation. 

«  Réunions  publiques  ; 

«  Diffusion  des  journaux  socialistes; 

«  Contributions  légères,  mais  hebdomadaires,  des  ouvriers,  ver- 
sées dans  une  caisse  générale,  au  profit  de  la  cause  socialiste; 

«  Grèves  nombreuses  et  fréquentes; 

«  Engagement  pris  par  tous  les  affiliés  d'obéir  fidèlement  aux 
ordres  qui  leur  seront  donnés. 

«  Fait  et  arrêté  à  Paris,  en  janvier  1870.  > 


•  La  personne  de  qui  nous  tenons  ce  canevas  effroyable,  et  dont  le  caractère 
et  la  situation  nous  permettent  d'affirmer,  que  ce  n'est  point  là  un  lugubre  cau- 
chemar, ajoute  ici  en  note  :  «  Deux  mois  après  il  y  eut  à  Paris  plusieurs  person- 
nages jugés  et  désignés  pour  la  mort  par  ce  soi-disant  tribunal,  pour  la  sentence 
être  exécutée  suivant  les  occasions  et  les  circonstances  qui  paraîtraient  les  plus 
favorables.  »  [Note  de  la  rédaction.) 

(Extrait  ûe  Paria-Journal,  6  septembre  1871.) 


Eï     LE    JACOBINISME.  277 


PIEGE    J. 


MA.MFESTK    UES     FEMMES     I.YONNAISES    ADHERENTES  A  l'iNTERNATIONALE, 

pour  engager  les  jeunes  gens  de  1870  à  refuser  le  service  mili- 
taire, adopté  par  une  réunion  privée  tenue,  sallo  Valentino,  à  la 
Croix-Rousse,  le  16  janvier  1810,  et  communiqué  à  toutes  les 
sections  et  comités  de  l'Internationale. 

t  Citoyens, 

«  Dernièrement  un  groupe  de  nos  concitoyennes  ont  adressé  aux 
députés  socialistes,  Raspail  et  Rochefort,  une  protestation  contre 
les  armées  permanentes,  avec  prière  de  la  remettre  au  Corps  légis- 
latif. Protester,  c'est  bien,  mais  de  l'avis  d'un  très-grand  nombre 
d'entre  nous,  ce  n'est  pas  assez.  En  voici  la  raison  :  présentée  à 
une  chambre  composée  en  très-grande  majorité  de  gros  capitalistes, 
de  grands  exploitants  qui  n'ont  rien  moins  en  vue  que  les  intérêts 
des  masses,  cette  réclamation  contre  la  loi  de  l'impôt  du  sang  dont 
ils  sont  les  heureux  privilégiés,  puisque  pour  2,000  francs,  somme 
insignifiante  pour  leur  fortune,  leurs  fils  en  sont  affranchis,  les 
trouvera  récalcitrants  et  passera  comme  tant  d'autres  sans 
succès. 

f  C'est  par  un  acte  révolutionnaire,  celui  du  refus  de  la  cons- 
cription, qu'il  faut  protester  et  non  par  d'inutiles  réclamations.  Car, 
depuis  un  an  que  la  démocratie  radicale  se  morfond  en  protesta- 
tions qu'a-t-elle  obtenu?  Rien.  Confiant  dans  le  dévouement  de 
ses  plats  valets  du  Palais-Bourbon,  l'Empire  se  joue  du  jieuple,  se 
moque  de  ses  doléances,  et  si  nous  continuons  sur  ce  ton,  bientôt 
il  ne  nous  prendra  plus  au  sérieux.  Les  impériaux,  et  avec  eux, 
toute  la  race  des  oppresseurs  du  prolétariat  se  gênent  si  peu  avec 
nous  qu'ils  ne  prennent  môme  plus  la  peine  de  couvrir  leurs  actes 
arbitraires  de  l'apparence  de  la  légalité. 

t  De  turpitudes  en  turpitudes,  de  forfaits  en  forfaits  cette  noble 
engeance  a  comblé  la  mesure  de  la  dégradation  morale.  Elle  nous 
frappe  sans  pudeur  comme  sans  merci.  Eh  bien!  quand  on  a  eu  le 
malheur  de  tomber  sous  la  domination  de  pareilles  gens  et  que  l'on 
veut  s'arracher  à  leur  joug  odieux,  on  ne  perd  pas  son  temps  en 
de  vaines  réclamations,  surtout  on  ne  rabaisse  pas  sa  dignité  d'hnn- 
nète  homme  à  parlementer  avec  eux  :  on  prépare  la  lutte, 
on  fait  appel  à  ses  moyens  et  on  agit.  Mais,  dit-on,  l'Empire  est 
trop  fort  :  quels  que  puissent   être   nos  moyens  d'action,  il  nous 


278  L'INTERNATIONALE 

vaincra.  Telle  n'est  pas  notre  appréciation.  Un  fait  acquis  au  monde 
entier,  c'est  que  le  gouvernement  de  Bonaparte  est  aujourd'hui 
perdu  dans  l'opinion,  et  que  la^France  entière  lui  est  hostile,  sans 
en  excepter  l'armée  qui,  pour  en  donner  une  preuve  éclatante,  n'at- 
tend qu'un  appel  du  périple. 

«  Dans  cette  situation,  l'Empire  se  trouve  sans  appui  moral,  et 
cette  force  que  la  frayeur  nous  montre  si  redoutable  ne  repose  que 
sur  quelques  cent  mille  chassepots  placés  en  des  mains  toutes  dis- 
posées à  en  faire  usage,  non  contre  le  peuple,  mais  contre  ses  op- 
presseurs et  exploiteurs. 

«  La  force  dont  l'Empire  dispose  contre  nous  est  donc  toute  maté- 
rielle, et  qui  la  lui  fournit?  Tous  les  Français,  ses  ennemis.  Pour 
exercer  sa  pression  sur  eux,  il  puise  dans  leurs  forces,  et  ils  se 
laissent  faire.  Si  encore  nous  nous  bornions  à  nous  laisser  dévaliser, 
mais,  ù  comble  de  la  couardise,  les  citoyens  vont  jusqu'à  se  livrer 
en  personne  au  service  de  sa  cause.  Tous  nous  devrions  eu  avoir 
le  rouge  au  front.  Nous  nous  disons  civilisés,  émancipés,  erreur! 
nous  ne  sommes  encoi'e  que  de  misérables  esclaves  et,  ce  qu'il  y  a 
de  plus  triste,  c'est  que  nous  le  sommes  non-seulement  matérielle- 
ment, mais  encore  moralement,  puisque,  sans  nous  révolter,  nous 
sulùssons  la  condition  qui  nous  est  faite.  Quand  donc  compren- 
drons-nous dans  quel  abaissement  on  nous  tient  courbés?  Quand 
donc,  par  un  acte  viril,  nouveaux  Spartacus,  nous  rpdresserons-nous 
contre  la  tyrannie? 

«  Jeunes  citoyens  de  la  classe  de  1870,  vous  faites  partie  de  la 
génération  nouvelle,  par  conséquent  vous  êtes  appelés  à  bénéficier 
les  premiers  des  réformes  issues  de  la  révolution  sociale;  c'est 
donc  à  vous,  à  vous  que  revient  l'honneur  et  le  devoir  d'ouvrir  la 
lutte.  Une  occasion  se  présente  à  vous  de  donner  un  exemple  de 
dignité  humaine,  ne  le  laissez  pas  passer.  Dans  quelques  jours 
l'Empire  vous  appellera  pour  vous  enrôler  sous  les  drapeaux  fran- 
geux,  ne  lui  répondez  pas  ou  plutôt  répondez-lui  ceci  :  nous 
sommes  les  soldats  de  la  France,  nous  ne  sommes  pas  les 
vôtres,  car  enti'e  la  France  d'aujourd'hui  et  vous,  il  n'y  a  rien  de 
commun.  Nous  ne  voulons  pas  servir  dans  votre  armée.  Savez- vous 
pourquoi?  Parce  que,  par  vos  exploits  de  Mentana,  de  Chine,  du 
Mexique,  surtout  par  vos  massacres  de  la  Bicamarie  et  d'Aubin, 
cette  armée  vous  l'avez  déshonorée,  vous  l'avez  avilie. 

»  Faites  cela,  citoyens,  le  monde  entier  vous  applaudira  et  vous 
aurez  bien  mérité  de  la  révolution- Que  craignez-vous?  La  prison? 
Nous,  vos  mères,  vos  soeurs,  vos  amies,  nous  veillerons  sur  vous, 
nous  combattrons  avec  vous.  Aussitôt  que  nous  aurons  appris 
qu'un  ou  plusieurs  d'entre  vous  ont  été  arrêtés,  nous  irons  en 
fo\ile  vous  réclamer  à  l'autorité  compétente,  et  il  faudra  bien  qu'on 
nous  rende  justice. 


ET     LK    ,1AC0BINISME.  279 

«  Mettez-nous  à  l'épreuve,  jeunes  citoyens,  et  l'on  verra  que  les 
l'itovenncs  françaises  n'ont  pas  dégénéré,  qu'elles  sont  susceptibles 
d'autant  d'énergie  et  de  civisme  que  leurs  aïeules  de  1"98. 

€  Cet  appel  à  la  résistance  à  une  loi  civique,  puisqu'elle  ne  frappe 
qu'une  partie  des  citoyens,  a  été  adopté  à  l'unanimité  dans  une 
réunion  privée,  salle  Valcntino,  à  Lyon,  le  16  janvier  1870. 

a  Pour  les  citoyennes  présentes  à  la  réunion  et  par  ordre, 

<(    Virginie  BARBET. 

«  Membre  de  l'Association  inlernalionale  des  travailleurs'.  » 


PIÈCE  K. 


COMPTE  RtiNDU  DU  MEETING  TENU  A  LONDRES,  LE  24  FÉVRIER  i8~0,  PARLA 
BRANCHE  FRANÇAISE  POUR  CÉLÉBRER  LeS2*  ANNIVERSAIRE  DE  LA  PRO- 
CLAMATION DE  LA   RÉPUBLIQUE. 

AssociriUon  jutcriintionalc  des  travailleurs. 

a  L'Association  internationale  des  travailleurs,  branche  française, 
section  fédérale  le  conjointement  avec  la  société  révolutionnaire 
Va  Teutonia  (Allemande)  ont  tenu  un  meeting  public  pour  célébrer 
l'anniversaire  de  la  proclamation  de  la  république,  le  "24  février  1848. 

«  Une  puissance  occulte  nous  ayant  fait  refuser  lu  salle  du  Cleve- 
land-Hall,  la  réunion  a  eu  lieu  au  Bell  Tavern  old  Bailly,  sous  la 
présidence  du  citoyen  Besson, 

«  La  réunion  était  nombreuse  et  enthousiaste.  Les  citoyens  Bes- 
son, Weber,  Paintot,  Prévost ,  Kaufmann,  Denempont,  Lelubez, 
Holtporp  et  Debord  ont  pris  successivement  la  parole,  et  ont 
énergiquement  revendiqué  les  droits  du  peuple  aux  applaudisse- 
'ments  des  auditeurs. 

«  La  proposition  suivante,  présentée  par  les  citoyens  Mouraille, 
Denempont  et  Victor  Gudfin  a  été  votée  a  l'unanimité  avec  le  plus 
grand  enthousiasme  : 

1  Cette  aimable  citoyenne,  qui  était  plus  qu'à  la  hauteur  des  pétroleuses  Pari- 
siennes, tenait  à  cette  époque  un  débit  do  boissons,  rue  Moncey  123.  Elle  a  publié 
dans  le  Progrès  du  Locle  plusieurs  articles  sur  le  déisme  et  l'athéisme  où  le  gro  - 
tesque  le  dispute  à  rodieu> . 

Nous  la  retrouvons  au  Creuzot  le  21  février  1 871,  vociférant  dans  les  clubs  révolu- 
tionnaires organisés  sous  le  patronage  du  citoyen  Dumay,  alors  maire  du  Creuzot 
de  par  la  vûlunlé  du  prcjel  Frédéric  Morin  :  qu'il  ne  fallait  pas  en.  vouloir  aux  Prus- 
tien-i  ;  qu'en  irùlant  et  saccageant  la  France,  ils  avaient  appris  au  peuple  ce  qu'il  fal- 
lait faire  contre  la  réaction  :  que  si  l'on  pouvait  faire  sortir  de  Paris  les  Irav ailleurs, 
elles  pauvret,  elle  terail  heureuse  d  y  mettre  le  feu. 


280  L'INTERNATIONALE. 

K  L'assemblée  proteste  contre  l'arrestation  du  seul  représentant 
«  qui  a  accepté  le  mandat  de  la  souveraineté  permanente  du  peuple, 
«le  mandat  impératif;  elle  engage  le  peuple  à  ne  jamais  accorder 
«  sa  confiance  à  ceux  qui  la  repoussent.  » 

«A  l'issue  de  la  réunion,  une  collecte  a  été  faite  au  profit  des 
«détenus  politiques. 

«On  s'est  séparé  au  chant  de  la  Marseillaise  et  aux  cris  mille  fois 
répétés  de  vive  Rochefort!  vive  la  République  démocratique 
sociale  et  universelle! 

«   Pour  la  branche  française, 

«  Le  secrétaire  : 

«  Signé  :  G.  PÉTRE.  » 

{Marseillaise,  28  février  1870.) 


PIÈGK   L. 


LETTRE    D  EUGENE  DUPONT  A  COMBAULT,  I.  INFORMANT    QU  IL  A  REMPLI     LA 
MISSION    dont!  il  l'avait  GHAnGÉ  AUPRÈS  DE  BESSON  ET  DE  FÉLIX  PYAT. 


Londres....  janvier  1870. 
«  Mon  cher  Combault, 

c  Je  vois  avec  plaisir  que  tu  te  dévoues  toujours  à  la  propagande 
de  notre  chère  association.  Mais  je  ne  comprends  guère  ton  long 
silence,  car  depuis  la  lettre  où  tu  réclamais  l' intervention  dePyat 
et  de  Besson  comme  chose  indispensable  pour  faire  la  révolution  je 
n'ai  rien  reçu  de  toi.  J'avais  cependant  répondu  h  cette  dernière  et 
fait  ta  commission. 

c  Je  t'engage  à  prendre  rendez-vous  avec  Varlin,  Héligon,  Johan- 
aard,  Malon  pour  voir  Murât:  je  lui  envoie  les  pièces  officielles: 
il  y  a  en  outre  une  autre  lettre  qui  vous  concerne  tous. 

«  Je  n'ai  pas  répondu  aussitôt  que  tu  le  désirais,  d'abord  parce 
que  ta  lettre  ne  m'a  été  remise  qu'au  conseil  général  et  qu'en- 
suite je  voulais  savoir  si  dans  cette  dernière  affaire  aucun  de  nos 
amis  n'était  compromis. 


Signé  :  Eugène  DUPONT.  > 


ET     LE    JACOBINISME.  281 


PIEGE  M. 

ADRESSE  I)U  CITOYEN  CLUSERET  AUX  TRAVAILLEURS  AMÉRICAINS  POI'R  LEUR 
NOTIFIER  SA  NOMINATION  AU  I>OSTE  DE  REPRÉSENTANT  VK  LA  ClIAMURE 
FÉDÉRALE  PARISIENNE  EN  AMÉRIQUE. 

Aux  travnillenrs  américains. 

«  Càtoyeiis, 

«  Élu  par  la  chambre  fédérale  des  sociétés  ouvrières  de  Paris 
représentant  des  intérêts  du  travail  français  en  Amérique,  jn  dé- 
sire me  mi'Itre  en  communicalion  immédiate  avec  les  représentants 
des  sociétés  ouvrières  américaines,  afin  de  commencer  ma  mission, 
qui  consiste  à  mettre  en  rapports  constants  et  directs  les  sociétés 
des  deux  pays,  dans  le  but  de  solidariser  les  intérêts  du  travail, 
d'un  bout  du  monde  à  l'autre. 

«  L'émancipation  des  travailleurs  n'est  pas  un  problème  pure- 
ment local  ou  national  ;  au  contraire,  ce  problème  intéresse  toutes 
les  nations  civilisées,  sa  solution  étant  nécessairement  subordonnée 
à  leur  concours    théorique  et  pratique.  {Statuts  de  rinternationale. 

«  Fédérer  et  solidariser  les  sociétés  ouvrières  d'un  centre  comme 
Paris  ou  d'une  nation  comme  la  France,  est  certainement  un  grand 
pas  accompli.  Relier  cette  fédération  à  celles  d'Angleterre,  d'Alle- 
magne, de  Suisse,  de  Belgique  est  plus  encore  ;  mais  ce  n'est  pas 
assez.  L'œuvre  ne  sera  efficace  que  quand  elle  sera  universelle, 
c'est-à-dire  quand  chaque  corporation  -dans  chaque  pays  sera  fé- 
déralisée  avec  les  autres  corporations  des  autres  pays. 

«  Dans  la  lutte  de  plus  en  plus  acharnée  du  travailleur  contre  le 
capitaliste  ',  ce  n'est  pas  trop  des  efforts  combinés  de  tous  les  tra- 
vailleurs contre  la  fédération  si  puissante  des  capitalistes.  Tant 
que  les  deux  termes  de  l'équation  sociale  ne  seront  pas  renversés, 
tant  que  le  travail  ne  commandera  pas  au  capital,  il  n'y  a  ni  sta- 
bilité, ni|  sécurité  possibles  pour  les  sociétés. 

«  Ici  plus  que  partout  ailleurs,  le  problème  est  palpittint  d'actua- 
lité, car  l'Américiue  présente  cette  étrange  anomalie  d'un  travail 
esclave  dans  une  nation  libre.  Libre  politiquement,  le  travailleur  est 
socialement  serf  du  capitaliste,  dont  les  exigences  et  l'influence  gran- 


1  II  est  assez  curieux  de  connaître  comment  on  définit  dans  le  langage  Je  Vliiter- 
nationalc  les  capitalistes  et  les  banquiers.  Nous  trouvons  cette  dc^'finition  dans  le 
journal  l'Internationale ,  (janvier  1870)  ce  sont  des  vautours,  aux  doigts  eroehus,  qui 
planent    au-dessus  du  commerce,  cherchant  un  cadavre  à  dévorer. 


282  L'INTERNATIONALE 

dissent  de  plus  en  plus  ;  à  ce  point  qu'après  avoir  contrôlé  le  marché 
il  contrôle  aujourd'hui  la  politique,  et  malgré  le  vœu  unanime  du 
peuple,  fait  prévaloir  la  politique  de  ses  intérêts  sur  celle  du  pays. 

«  Tant  que  les  salaires  ont  été  assez  élevés  pour  que  le  travailleur 
ne  s'aperçut  pas  de  l'immense  tort  que  lui  faisait  le  capitaliste  dans 
la  répartition  des  richesses,  tout  a  bien  été.  Le  travailleur  peu 
soucieux  de  sa  nature,  vit  au  jour  le  jour.  Et  pourvu  que  le  salaire 
lui  donne  le  bien-être,  il  passe  facilement  condamnation  sur  le 
reste.  Aujourd'hui  les  choses  ont  bien  chanyé.  Tout  a  augmenté. 
Le  salaire  seul  est  resté  stationnaire  pour  les  deux  tiei^s  des  produc- 
teurs; et  tandis  que  l'émigration  fait  la  fortune  du  pays  et  des  ca- 
pitalistes, elle  opère  momentanément  l'abaissement  des  salaires 
par  la  concurrence. 

«  Or,  l'élévation  des  salaires  est  aussi  importante  à  la  grandeur  et 
à  la  prospérité  de  la  république  que  l'accroissement  constant  de 
l'émigration.  Par  l'élévation  des  salaires  on  maintient  le  niveau 
moral  de  la  population  et  l'on  accroît  l'émigration  qui  va  où  le 
bien-être  l'appelle.  Par  l'émigration  on  développe  la  prospérité  ma- 
téx'ielle  du  pays. 

«  L'équation  nationale  américaine  est  celle-ci  :  le  salaire,  ou  part 
dans  la  répartition  des  richesses,  est  à  l'émigration  comme  la  pros- 
périté est  à  la  nation. 

ff  Qui  empêche  de  résoudre  l'équation  ?  Le  capitaliste,  qui  vierit 
s'interposer  entre  le  producteur  et  le  consommateur  et  ne  faisant 
rien,  spécule  sur  tous. 

«  Or,  il  importe  au  bonheur  de  tous,  que  le  parasite  soit  de  plus  en 
plus  réduit  à  l'impuissance  de  nuire. 

«  Car  qu'adviendrait-il  d'une  société  où  les  ouvriers  libres,  de  par 
la  constitution,  déparier,  d'écrire,  de  se  grouper  et  d'agir,  vien- 
draient se  compter  sous  l'influence  de  la  misère? 

«  En  Europe,  le  problème  est  tout  autre.  Le  travailleur  est  à  la 
fois  esclave,  politique  et  social.  Là  on  a  été  logique  et  pour  voler 
le  travail  on  a  commencé  par  lui  mettre  les  menottes. 

tt  Ici  pas  de  millions  de  baïonnettes,  pas  de  police,  ni  de  gen- 
darmes pour  menacer  les  travailleurs  coupables  de  réclamer  ce  qui 
leur  est  dû. 

«  Que  fera  la  société  le  jour  où  après  avoir  pressuré  le  travailleur 
elle  voudra  le  maintenir  sous  sa  dépendance  forcée  ?  Elle  devra 
imiter  l'Europe  et  employer  son  argent  à  payer  des  soldats  et  de 
la  police.  Pour  conserver  une  aristocratie  pernicieuse,  elle  sera 
forcée  de  détruire  les  institutions  qui  ont  fait  la  grandeur  et  le 
bonheur  de  la  nation. 

«  La  guerre  civile  succédera  à  l'union  pacifique,  la  lutte  au  traA'ail, 
la  misère  à  la  richesse  et  le  morcellement  à  l'unité.  Le  système 
monarchique  aura  triomphé. 


ET     I.H     JACOiHMSME  283 

«  H  est  facile  de  voiries  premiers  symiilômcs  de  ce  que  j'avance. 
Ou'est-ce  que  le  mouvement  pour  les  huit  heures  de  travail  et  celui 
contre  la  cotispiracy  law  et  ces  grèves  nombreuses  et  ces  meetings 
où,  sous  une  forme  encore  confuse,  percent  les  mêmes  aspirations, 
se  révèlent  les  mêmes  souffrances  et  se  pioduisent  les  mêmes 
griefs  qu'en  Europe  ?  Tz'availlcurs,  avant  ([u'il  soit  trop  tard,  à 
l'œuvre  1  A  l'œuvre  féconde  et  pacifique  de  la  solidarisation  par 
l'organisation  ! 

«  La  meilleure  de  toulcs  les  révolutions  est  celle  qui  s'accomiilil 
sans  qu'on  s'en  aperçoive.  Etablissons  notre  société  dans  la  so- 
ciété. 

«Quel  exemple  i)Ius  pratique  que  celui  qui  nous  est  offert  par  les 
travailleurs  français? 

«  Il  y  a,  en  ce  moment,  deux  représentants  de  la  France  en  Amé- 
rique :  celui  des  fainéants,  nommé  par  Napoléon,  à  Washington, 
et  celui  des  travailleurs,  élu  par  eux,  à  New-York.  Elst-ce  que  je 
m'inquiète  de  mon  collègue?  Pus  le  moins  du  monde. 

»  Représentants  du  passé  et  de  l'avenir,  nous  fonctionnons  par- 
faitement côte  à  côte,  jusqu'au  jour  où  l'avenir  ayant  absorbé 
le  passé,  et  ses  services  n'étant  plus  rétribués,  il  mettra  la  clef  sur 
la  porte. 

«  Il  en  sera  de  même  petit  à  petit  pour  tous  les  fonctionnaires  de 
l'ancien  ordre  social.  Représentants  du  néant,  ils  fonctioniieront 
dans  le  vide. 

«  Nous  avons  parle  nombre,  le  vote,  c'est-à-dire  l'influence  poli- 
tique ;  par  les  bras,  la  force  productive;  par  le  nombre  encore,  la 
consommation,  c'est-à-dire  le  marché. 

a  Que  nous  manque-t-il  ?  Le  crédit,  pour  organiser  l'échange. 
Par  l'organisation  et  la  solidarité,  nous  pouvons  avoir  le  crédit 
sans  capitalistes.  Travaillons-y. 

«  Il  importe  à  la  grande  république  qui  a  affranchi  l'esclave  noir, 
de  libérer  l'esclave  blanc,  en  lui  assurant  un  lendemain. 

«  Signé  :  CLUSERET.  » 


PIÈCE    N. 

MANIFESTE    DE    I.A    FÉDÉRATION    LYONNAISE   A    l' OCCASION    DU   PLÉBISCITE 

Association  internationale  dos  fravailleui^s. 
(Fédération   ouvrière  Ij'onnaiye.) 

«  La  commission  fédérale  ouvrière  de  Lyon  a  décidé  dans  sa  réu- 
nion du  22   avril  qu'une  assemblée  générale  publique  de  tous  les 


28^  L'INTERNA  T I O  N  A  1  ;  !•: 

udlu'irals  a  nos  principes  et  de  tous  it's  liomnies  de  bouiio  voloiilc 
qui  voudront  nous  ai)porter  leur  concours  aura  lieu  le  dimanche 
8  mai. 

«  Il  a  été  convenu  qu'il  y  aura  un  prix  d'entrée  iixé  à  vingt-cinci 
centimes  par  personne,  et  ([uc  tout  le  bénéfice  de  la  réunion  sera 
exclusivement  réservé  jtonr  les  familles  des  ouvriers  du  Creusof 
condamnés  h  Aulun. 

«  La  commission  fera  connaître  ultérieurement  les  détails  d'orga- 
nisation et  le  programme  de  la  réunion,  ainsi  que  le  lieu  où  elle  se 
tiendra.  Pour  aujourd'hui,  elle  se  contente  d'ajouter  que,  dans  la 
pensée  des  membres  de  l'Internationale,  cette  réunion  ne  sera  pas 
seulement  un  moyen  de  venir  en  aide  aux  ouvriers  du  Creuzot  et 
d'annoncer  officiellement  la  formation  définitive  de  la  Fédération 
ouvrière  lyonnaise,  mais  qu'elle  sera  en  outre  la  protestation  solen- 
nelle et  pacitique  des  ouvriers  lyonnais  contre  la  comédie  plébis- 
cilaire  à  laquelle  on  a  l'audace  de  les  convier,  absolument  comme 
s'il  s'agissait  d'une  chose  qui  les  intéresse. 

ir  La  commission  prolite  de  l'occasion  pour  engager  les  sociétés 
ouvrières  qui  ne  lui  ont  pas  encore  fait  parvenir  leur  adhésion  ré- 
gulière ou  leurs  observations  à  le  faire  autant  que  possible  avant 
l'assemblée  du  8  mai. 

«  Pour  la  commission  : 

«  CHOL,  DUMARTHEUÂY,  BLANC,  DUPUIS,  BUSQUE,  MAI- 
TRE ,  GARNIER  ,  PONGET  ,  GONNARD  ,  YALLOT  ,  SE- 
VELINGE.  » 

[Progrès  de  Lyon,  24  avril  1870.) 

PIÈCE  0. 


LES     DKPKGHES   DU     MINISTRE    OLLIVIEK     LORS     DES   POURSUITES    DIRIGEES 
CONTRE    L'iNTERN.VnONALE    (AVRIL   ET   MAI   1870) 

Ho    1 

Justice  h  Procureur  général,  Aix. 

lor  mai  1870. 

a  A-t-on  saisi  F  Internationale  a  Marseille?  Elle  y  existe  certaine- 
ment. 

«  Emile  OLLIVIER.  . 


KT     LE    JACOIHNISMF..  285 

M"  « 

.*1  Monsioiir  lo  darde  des  sroanx,  In  Procureur  t/rnénil. 

Uoufii,  le  1er  mai  1K70. 

c  11  y  a  à  Houcn  l'un  dos  prinripaux  membres  de  l'Intcinatioualc 
le  France.  Faul-il  l'arrcler  sons  l'inculpation  de  société  secrète  ou 
d'afliliation  au  complot  V  y> 

Hrponso. 

V  Arrètez-le  de  suite,  mais  seulement  sous  inculpation  d'associa- 
tion non  autorisée  ;  puis  nous  verrons, d'après  les  pièces  trouvées 
à  Rouen  ou  ailleurs,  s'il  convient  d'ajouter  d'autres  qualifications. 

«  Emile  OIJ.IVIER.  .) 

M»  3 

Justice  à  tous  les  Procureurs  généraux. 

•     'mai  ]870. 

€  L'Internationale  est  poursuivie  comme  association  illicite  et 
société  secrète.  Elle  a  des  affiliés  dans  toutes  les  grandes  villes. 
Tâchez  de  les  découvrir. 

.   Emile  OLLIYIER.  » 

M"  4 

Justice  n  Procureur  général,  Lyon. 


«  l"  mai. 


'(  Si  parmi  les  papiers  saisis  vous  trouvez  des  indications  utiles 
pour  notre  procédure,  envoyez-les.  Si  vous  trouvez  des  noms 
d'affiliés  dans  les  autres  villes,  transmettez-les  directement  aux 
procureurs  généraux  que  cela  concerne. 


«  Émue  OLLIVIER.  » 


286  L'INTERNATIONALE 

M»  5 

Justice  à  Procureur  général,  Toulouse. 

a  l<=r  niai. 

€  Avez-vous  saisi  l'inicrnatiouale  ?  Elle  existe  à  Toulouse. 

«   Emile  OLLIVIEU.  » 

.     Justice  k  Procureurs  r/cnôraux. 

K  l*»-  mai  1870. 

«  N'oubliez  pas  que  si  l'incuiiiation  de  société  secrète  ou  de  com_ 
plot  contre  l'Internationale  n'était  pas  justifiée  par  les  pièces 
trouvées,  et  si  tout  se  réduisait  au  délit  d'association  non  auto- 
risée, vous  devez  mettre  en  libei^té  dans  les  cinq  jours.  Ne  perdez 
donc  pas  un  instant  de  jour  ni  de  nuit  pour  dépouiller  les  pièces 
saisies  et  pour  savoir  si  l'incrimination  doit  être  seulement  d'as- 
sociation non  autorisée  ou  bien  de  complot  ou  de  société  secrète. 
Correspondez  télégraphiquement  et  sans  mon  intermédiaire  avec 
vos  collègues  soit  pour  donner,  soit  pour  recevoir  des  rensei- 
gnements. 

.  Emile  OLLIVIER.  * 

Justice  à  Procureurs  généraux. 

«  2  mai  1,S70. 

c  A  Paris,  le  Procureur  général  qualifie  la  poursuite  contre  l'In- 
ternationale de  société  secrète.  Faites  de  même  si  vous  poursui- 
vez dans  votre  ressort. 

"  «  Emile  OLLIVIEU.  » 

Mo  S 

Justice  à  Procureur  général  h  Bennes. 

2  mai  1870, 

((  Faites  arrêter,  sous  inculpation  de  société  secrète,  Constant  Le 
Doré,  demeurant  à  Brest,  nie  Kerfautras. 

«   Affaire  de  rinlernationale.  —  Section  de  BresL 
.   Emile  OLLIVIER  » 


KT     l.i:     JACOBINISME.  L87. 

Justice  il  Procureurs  rjrnoruux. 

«  4  mai  1S70. 

«  Si  vous  avez  aiTÔté  des   meneurs  de  l'Internationale,    ne  les 
relâchez  pas.  Uotencz-les  sous  qualification  de  société  secrète. 

«  Emile  OLLIVIER.  » 
{Égalilé,  2  février  1871.) 

PIÈGE  P. 


ACTE  I)  ADllKSION  A  L  INTERNATIO>fALE  DE  LA  CORPORATION  DES  FER- 
BLANTIERS, EN  SIGNE  DE  PROTESTATION  CONTRE  LES  POURSUITES  DIRI- 
GÉES CONTRE   l'internationale. 

«  Paris,  4  mai  1870. 
«  Citoyen  rédacteur, 

«  La  société  de  résistance  des  ouvriers  ferblantiers-tourneurs- 
repousseurs  a  l'honneur  de  vous  informer  que,  par  décision 
unanime  de  l'assemblée  générale,  en  date  du  2  mai,  elle  a  fusionné 
avec   l'Association  internationale. 

«  Pour  la  corporation, 

«  Le  secrétaire  :  A.  DUCHON.  » 

II 

Idem...   DES  tourneurs  sur  métaux. 

«  Paris,  le  4  mai. 

«  La  chamJjre  syndicale  des  tourneurs  sur  métaux,  dans  son 
assemblée  générale  de  ce  jour,  voulant  protester,  au  nom  de  la 
solidarité  ,  contre  les  accusations  portées  contre  l'Association 
internationale   el  les  arrestations  qui   en  ont   été  la  suite,  a  voté 


288  I.  '  1 N  T  K  R  N  A  T I  0  N  A  L  !•: 

«  à  l'unanimité  son  adhésion   aux  principes    de     cette  association. 
«  Au  nom  de  l'assemblée  et  par  délégation, 

<(  Le  socvôlairc  :  Ch.  DE  BUYGER,  46,  rue  Palonceau. 

«  Gustave  MCEUF,   18u,  boulevard    de   la  Villette.  » 


111 


«  Paris,  le  2i  juin  1870. 

«  Nous,  membres  de  la  chambre  syndicale  des  tourneurs  sur 
métaux,  présents  à  notre  assemblée  générale  de  ce  jour,  protes- 
tons énerg'iquement  contre  l'accusation  de  société  secrète  attribuée 
à  l'Association  internationale,  à  laquelle  nous  avons  tous  adhéré 
dans  notre  assemblée  du  i  mai  dernier. 

((  Nous  déclarons  en  outre  que,  quel  que  soit  le  sort  réservé  à 
nos  confrères  poursuivis  en  ce  moment,  nous  n'en  continuerons 
pas  moins  l'œuvre  de  cette  association,  dont  les  principes  sont 
universellemement  connus  et  n'ont  de  secret  pour  personne  ;  tout 
en  déclarant  aussi  que  nous  nous  renfermerons  toujours  dans  les 
strictes  limites  du  droit  et  de  la  justice. 

t  Au  nom  et  par  délégation  de  la  chambre  syndicale, 
«  Les  délégués  :  Ch.  DE  BUYGEH,  H.  SAUZET.  » 


PIÈGE   Q. 

protestation  individuelles  contre  les  poursuites  dirigees  contre 
li'nternationale. 

1°  — Protestation  du  citoyen  Dauthior. 

«  Paris,  5  mai  1870. 

t  Citoyen, 

«  Vous  avez  dû  voir  ma  protestation  dans  le  Réveil  du  3  mai, 
contre  l'arrestation  de  nos  amis  de  l'Internationale,  les  citoyens 
Murât,   Pindy,  Héligon,    Malon,   Theisz,    Flahaut,   Casse,  Avrial, 

Landeck,  Johannard,  etc ,  tous  arrêtés  sous   la  prévention  de 

société  secrète. 


F.T     LM     .lACOniNISMK.  280 

(le  la  icsponsabilité  qu'ils  se  sont  nlliréc  depuis  quelque  temps. 
Ils  no  trouvent  rien  de  mieux  que  d'accuser  de  société  secrète  une 
société  dont  tous  les  actes  sont  rendus  publics  :  de  là  leur  embarras. 
•  Ils  eu  seront  pour  leur  courte  honte.  Nous  ne  sommes  pins 
au  temps  où  les  sociétés  scci'ètes  étaient  possil)les  et  avaient  leur 
raison  d'être  :  autres  temps,  autres  mœurs.  Nous,  républicains 
démocrates  et  socialistes,  nous  cherchons  et  nous  voulons  la  lu- 
mière; nous  devons  éclairer  les  aveugles,  instruire  les  ignorants; 
nous  agissons  au  grand  jour  et  n'avons  pas  J)esoin  de  nous  cacher. 
«  (l'est  une  répétition  de  notre  procès  d'il  y  a  deux  ans  :  en 
sévissant  aujourd'hui,  on  espère  intimider  les  électeurs  dinianche 
prochain.  Erreur!,.. 

t  Les  journaux  policiers  ont  toujours  attaqué,  calomnié  et. dé- 
noncé l'Association  internationale  des  travailleurs,  comme  un 
arsenal  révolutionnaire  :  il  est  vrai  que  c'est  un  arsenal,  mais  sans 
armes  autres  que  le  droit.  .\vcc  cetle  arme,  nous  luttons  contre  l'ex- 
ploitation des  monopoleurs  eapitalisles  qui  n'existent  que  par  suite 
de  l'ignoi'ance  et  de  la  misère,  deux  plaies  qui  garantissent  leurs 
capitaux,  jusqu'au  jour  où  le  prolétaire  aura  pu  s'en  affranchir. 
C'est  cet  affranchissement  qu'ils  redoutent,  aussi  l'Internationale 
est-elle  leur  cauchemar;  parce  qu'ils  savent  qu'un  jour,  ils  devront 
compter  avec  elle  et  ce  jour-là  leur  parasitisme  touchera  à  sa  fin. 
•  Leurs  craintes  sont  justifiées  :  la  cause  qu'ils  servent  est  si 
mauvaise  et  si  injuste  qu'ils  doivent  l'imposer  par  la  force,  la 
soutenir  par  le  ehassepot,  position  peu  tenable  et  surtout  peu  du- 
rable. Notre  cause,  au  contraire,  se  défend  par  sa  justice  même  : 
la  grève  du  Creuzot  a  été  une  preuve  de  plus  de  la  solidarité  des 
travailleurs  de  tous  les  pays.  La  solidarité  des  peuples  apparaît 
donc  comme  l'œuvre  de  l'Internationale,  tandis  que  la  désunion, 
l'iniquité,  la  guerre  sont  dues  à  ses  ennemis,  aux  despotismes  de 
tous  genres, 

«  Qn  cherche  à  nous  rendre  solidaires  d'un  prétendu  complot  : 
ce  '.l'est  pas  avec  ces  armes  mesquines  que  nous  combattons.  Nous 
cherchons  à  réunir  les  prolétaires  de  tous  les  pays;  nous  cherchons 
à  propager  les  idées  de  justice,  les  sentiments  de  droit  et  de  devoir, 
de  façon  à  rendre  les  despotes  impossibles  en  les  privant  de  sujets, 
de  façon  à  ne  faire  qu'un  peuple  libre  de  tous  les  membres  de  la 
grande  famille  humaine. 

«  Salut  et  fraternité. 

«  Irénée  DAUTHIER  ».  » 
{Marseillaise,  .S  mai  1870.  —  Internationale,  S  mai  ISTO.i 


I  Dauthier  (Onésime-Irénee) ,   né  le  S  août  1837,  à   Évergnicourt  (Aisne),  sellier, 
affilié  à  l'Internationale  depuis  le  mois  de  juillet  iS67,  carte  n»  .4,  a  été  compris  dans 

19 


290  L'INTERNATIONALE 

2°  —  ProlosUiliou  de  In   ciloycimc  Paulu  MiiUi  contre  l'arrcsialion 

d'Aubry. 

ot  Paris,  5  mai  1870. 
c  Citoyens  rédacteurs, 

•  J'apprends  à  l'instant,  nvoo  autant  d'étonnement  que  d'indigna- 
tion, l'arrestation  du  citoyen  Emile  Aubry,  secrétaire  de  correspon- 
dance de  la  fédération  ronennaise,  et  je  proteste ,  avec  toute 
l'énergie  de  ma  conscience  révoltée,  conti'e  un  pareil  acte  d'arlii- 
traire. 

«  Emile  Aubry  est  un  paisible  et  bon  père  de  famille,  un  homme 
actif,  intelligent,  d'une  honnêteté  et  d'un  dévouement  à  toute 
épreuve  ;  il  a  été  porté  candidat  ouvrier  aux  dernières  élections  et 
a  obtenu  de  très-nombreuses  voix  (1,000  environ);  renvoyé  pour 
ce  fait  de  l'imprimerie  où  il  travaillait,  il  fonda,  avec  le  concours 
du  comité  rouennais,  un  journal  socialiste  pour  les  intéi'êts  des 
travailleurs  :  La  Reforme  Sociale. 

«  Est-ce  pour  cela  qu'il  a  été  arrêté? 

«  Sans  doute,  comme  pour  nos  frères  de  Paris,  Lyon,  Marseille, 
membres  de  V Internationale,  l'accusation  qui  pèse  sur  lui  est  de 
faire  partie  d'une  société  secrète. 

«  Les  internationaux  affiliés  à  une  société  illicite!  eux  qui  depuis 
plusieurs  années  vivent  au  grand  jour  et  marchent  en  plein  soleil! 
eux  qui  agissent  ouvertement  et  ne  cachent  rien  de  leurs  actes,  ni 
même  de  leurs  pensées  !  eux  dont  le  défaut  est  peut-être  un  excès 
de  franchise  et  de  loyauté  1 

«  INIais  il  fallait  un  prétexte  pour  entraver  à  tout  prix  le  mouve- 
ment sublime  de  fraternité  qui  se  faisait  d'un  bout  de  la  France  à 
l'autre  :  toute  union  est  un  danger  pour  le  despotisme  et  ils  ont  eu 
peur,  nos  tyranneaux  plus  ou  moins  grands  et  officiels. 

«  Mais  quelques  arrestations  ne  sauraient  suffire  à  leur  sécurité  : 
tout  le  monde  conspire  en  ce  moment  contre  les  iniquités  actuelles, 
contre  les  hontes  de  notre  temps,  contre  les  profondes  douleurs 
sociales.  Ils  ne  peiivent  cependant  mettre  sous  les  verrous  tous  les 
memibres  de  cette  sainte  alliance  des  travailleurs  et  des  peuples; 
et,  qu'ils  le  sachent  bien,  nous  sommes  tous  solidaires;  ce  qui 
touche  l'un  atteint  tous  les  autres,  et  tant  qu'un  seul  d'entre  nous 
restera  debout,  nous  ne  cesserons  de  protester  et  de  revendiquer 
nos  droits. 

«  Paule  MINK.  » 

{Internationale,  8  mai  1870.) 

|;i  poursuite  dirigée    contre  la    première  commission    parisienne    et   condamné   j 
100  francs  d'amende  par  arrêt  de  la  cour  impériale  de  Paris  (29  avril  186S). 


ET     LE    JACOBINISME  2')1 

3"  —  Proicsl.ilioii  do  Irt  citoyenne  Aiidn)  Léo  '. 

«  Paris,  le  1er  mai  1^70 

(  Des  personnes  arrôtées  hier  soir,  je  n'en  connais  ({u'une,  Malon  ; 
mais  cette  arrestation  suflit  i^our  que  mon  opinion  soit  faite  sur  le 
prétendu  complot  dont  on  annonce  la  découverte. 

«  Malon  n'est  pas  un  conspirateur,  son  intelligence,  son  caractère, 
ses  convictions  s'y  opposent.  Il  a  compris  à  merveille  le  vrai  ter- 
rain du  combat.  11  fat  bien  mieux  que  Inpolico,  nn  des  pacificateurs 
de  r émeute  dernière  en  février  et  en  toute  rencontre;  il  a  combattu 
la  vieille  routine  révolutionnaire  des  sociétés  secrètes  et  des  com- 
plots, qui,  d'ailleurs,  compte  maintenant  peu  de  dupes. 

<(  Franc,  persuasif,  sympatlùque,  de  conduite  irréprochable,  plein 
de  noblesse  et  de  cœur,  il  organisait  ouvertement  la  ligue  du  pro- 
létariat contre  la  force  sans  contre-poids  du  capital,  c'est-à-dire 
l'Association  internationale  que  calomnient  ceux  gui  n'en  connais- 
sent ni  le  but,  ni  la  légitimité,  ni  l'esprit. 

«  Membre  moi-même  de  cette  ligue  illicite  aux  yeux  de  l'empire, 
ge  proteste  contre  l'arrestation  d'un  de  ses  chefs,  vui  soir  de  com- 
plot. Cette  arrestation  est  une  calomnie  et  un  mensonge. 

■<  Et  j'engage  tous  les  membres  de  l'Inlernalionale  à  Paris  et  en 
province  à  protester  comme  moi.  L'empire  manquera  de  prisons. 

€  Signé  :  André  LÉO.  » 


PIEGE    R. 


LES  POURSUITES  CONTRK  l'iNTERN.VTIONALE  EN  FRANCE,  APPRÉCIÉES  PAR 
l'internationale,  de  BRUXELLES,  l'ÉGALITÉ,  UE  GENEVE  ,  ET  LE 
RÉVEIL,    DE   PARIS. 


w  Le  libéral  Ollivier  tient  à  se  distinguer  :  il  veut  montrer  q  l'il 
est  plus  fort  que  Rouher. 

«  Deux  fois  sons  le  règne  de  ce  dernier,  l'Internationale  a  été 
poursuivie  à  Paris  :  les  membres  du  premier  bureau  ont  été  con- 

1  Pendant  la  Commune,  la  citoyenne  André  Léo  collaborait  au  journal  la  Sociale 


I 


292  L'INTERNATIONALE 

damnés  à  un  mois,  ceux  du  second  bureau  à  tiois  mois  de  prison; 
ils  n'avaient  pas  été  soumis  à  la  détention  préventive. 

«  Dans  le  reste  de  la  France  les  membres  de  l'Internationale 
n'avaient  pas  été  inquiétés. 

«  Il  appartenait  à  un  renégat,  à  un  ex-républicain,  au  iils  d'un 
proscrit,  au  frère  d'un  martyr,  à  M.  Emile  Ollivier,  de  faire  mieux 
que  le  bonapartiste  Rouher. 

«  Bon  nombre  de  nos  amis,  non-seulement  de  Paris,  mais  encore 
de  Lyon  et  d'autres  villes  de  France,  sont  arrêtés,  comme  faisant 
partie  de  l'Internationale,  société  illicite. 

«  En  même  temps,  on  fait  semblant  de  découvrir  un  complot 
contre  la  vie  de  l'Empereur,  et  au  commencement  on  paraissait  avoir 
envie  de  mettre  ledit  complot  sur  le  compte  de  l'Internationale.  Il 
paraît  que  l'on  a  renoncé  à  ce  premier  projet  et  que  nos  amis  ne 
seront  poursuivis  que  pour  chef  d'association  illicite. 

«  Nous  disons  :  il  paraît,  car  il  ne  faut  jurer  de  rien  :  les  magis- 
trats et  les  juges  à  la  solde  de  Bonaparte  sont  prêts  à  tout  faire. 

«  Si  donc  nos  amis  ne  sont  pas  accusés  et  condamnés  pour  avoir 
voulu  tuer  l'empereur,  c'est  qu'Ollivier  n'aui'a  pas  voulu  com- 
mander la  chose  à  ses  juges;  et  nous  devrons  encore  bénir  Ollivier 
pour  sa  grande  bonté. 

«  Et  ces  gens-là  croient  tout  bonnement  qu'on  tue  le  socialisme 
à  coups  de  juges  d'instruction! 

«  Ce  seraient  de  fiers  imbéciles  si  ce  n'étaient  pas  des  gredins. 

<i  Arrêtez,  arrêtez,  messieurs,  vous  n'empêcherez  pas  la  terre  de 
tourner,  le  soleil  d'éclairer,  et  le  socialisme  de  se  développer. 

«  Car  nous  croyons  les  lois  de  la  pensée  humaine  aussi  fatales 
que  les  lois  de  l'ordre  physique. 

«  Il  peut  se  produire  des  oscillations,  des  variations,  des  temps 
d'arrêt  ou  de  recul,  mais  ce  ne  sont  que  des  détails  qui  ne  nuisent 
en  rien  à  l'évolution. 

«  Aussi,  si  nous  ressentons  vivement  les  contrariétés  qui  frappent 
nos  amis,  en  revanche  nous  n'éprouvons  aucune  angoisse  au  sujet 
de  nos  idées,  certains  que  rien  ne  peut  en  empêcher  le  triomphe. 

«  Ces  arrestations  nuiront  sans  doute  à  l'organisation  matérielle 
de  l'œuvre  ;  mais,  en  revanche,  elles  aideront  puissamment  à  la 
propagande  des  idées. 

(  D'abord  la  persécution  permet  de  juger  les  hommes  ;  bien  plus, 
elle  permet  de  juger  la  cause. 

«  Dis-moi  qui  te  persécute,  et  je  te  dirai  qui  tu  es. 
(f  Puis,  les  sections  françaises  se  proposaient  de  tenir  un  con- 
grès   ce    mois-ci  ;    peut-être    aussi  eût  il     été    empêché    par   la 
police. 

«  Et  voilà  qu'on  fournit  à  nos  amis  de  France  l'occasion  de  tenir 
un  congrès,  qui  attirera  l'attention  de  toute  la  France  et  de  toute 


KT     LE    JACOBINISME.  203 

l'Enropp,  dont  tous,  amis  ou  ennemis,  auront  connaissance,  et  sur 
lequel  s'élèveront  des  discussions  passionnées. 

«  On  leur  offre  un  congrès  devant  la  justice  ;  les  juges  seront 
à  pour  servir  de  l'cpoussoir  aux  délégués,  qui  seront  sur  le  pre- 
mier plan. 

«  Ce  sera  réternelle  histoire  dos  voleurs  condamnant  les  volés,  des 
assassins  condamnant  leurs  victimes!  mais  au  moins  ici,  les  vic- 
times peuvent  se  faire  entendre  et  transformer  les  accusés  en  ac- 
cusateurs. 

«  Donc  nous  félicitons  nos  amis  de  l'occasion  qu'on  leur  offre 
de  faire  solennellement  le  procès  à  la  société  actuelle. 

X  Ce  qui  ne  nous  empêche  pas  d'ajouter  ce  nouveau  méfait  au 
dossier  si  chargé  do  ceux  qu'un  beau  Jour  le  peuple  Jugera.   » 

[Internationale,  8  mai  1870.) 


Il 


«  Alors  que  les  milliers  d'adhérents  de  l'Association  internationale 
à  Paris  procédaient  à  leur  organisation  définitive,  à  la  formation 
de  la  grande  fédération  parisienne,  et  que  l'arrogance  cynique  des 
Bonaparte-Ollivier  forçait  les  travailleurs  à  se  prononcer  énei^gi- 
quemenl  contre  tout  contact  impur  avec  le  Deux-Décembre,  voilà 
qu'un  beau  matin,  à  la  veille  de  la  grande  fête,  éclate  le  complot 
Bonaparte-Ollivier-Piétri. 

«  Cette  fois,  rien  ne  manque  à  cet  accessoire  policier  de  tous  les 
moments  tant  soit  peu  critiques  du  second  Empire  :  les  bombes 
orsiniennes  et  de  meilleures  encore,  la  science  est  mise  à  la  sellette 
pour  avoir  inventé  des  matières  explosibles  et  fulminantes,  les 
lettres  et  les  signatures  sont  là,  les  conspirateurs  parlent  comme 
toujours  de  Londres,  vu  que  Bonaparte  a  si  heureusement  préparé 
à  Londres  sa  conspiration  de  Boulogne  :  Bonaparte  étant  le  plus 
grand  conspirateur,  tous  ses  collègues  de  métier  doivent  nécessai- 
rement provenir  de  Londres  !  tout  y  est  donc,  le  morceau  de  lard 
est  remplacé  par  les  lettres  de  Flourens,  aussi  authentiques  que  le 
grand  aigle  alléché  par  ce  lard.  Et  en  plus  le  grand  monstre  siégeant 
au  dehors,  V Internationale  est  décrétée  d'accusation  et  précisément 
le  même  jour  que  la  police  juge  nécessaire  de  découvrir  son  pro- 
pre complot,  les  chefs  (!)  de  l'Internationale  sont  arrêtés  en  masse 
à  Paris,  aussi  bien  qu'à  Lyon. 

«  Nous  ne  nous  amuserons  pas  à  réfuter  les  absurdes  accusations 
lancées  contre  l'Internationale  :  sans  cela  nous  aurions  trop  à  faire 
avec  certains  journaux  parisiens,  dont  s'inspirent  à  leur  tour  les 
correspondants  de  notre  très-cher  Journal  de  Genève.  Il  n'est   pas 


294  L'INTERNATIONALE 

nécessaire  d'entendre  nos  expliratioiiF  pourriio  à  gorge  chaude  ou 
pour  exprimer  le  plus  profond  mépris  lorsqu'on  apprend  que  l'In- 
ternationale est  accusée  en  France  de  former  une  association  illicite, 
une  organisation  occulte  ayant  son  siège  en  dehors  !  Une  associa- 
tion qui  public  tous  les  jours  ses  proclamations  fraternelles  adres- 
sées à  tous  les  fravaillours,  proclamations  malheureusement  tou- 
jours timbrées  par  le  timbre  impérial  ;  une  association  qui  tient 
régulièrement  ses  séances  publiques  ;  une  organisation  qui  publie 
dans  les  journaux  ses  statuts  et  règlements  ;  une  organisation 
dont  les  milliers  de  membres  viennent  de  signer  et  publier  leurs 
noms  dans  les  journaux  en  y  apportant  tous  les  jours  leurs 
cotisations  pour  les  victimes  du  complot  Bonaparte-OUivier,  — 
voilà  ce  qui  s'appelle  une  organisation  occvilte,  et  elle  est  déclarée 
illicite  ! 

«  Pourquoi  donc  les  sieurs  de  l'Empire  ont-ils  toléré  cette  asso- 
ciation durant  plus  d'une  demi-année,  depuis  le  congrès  de  Bâle? 
n'étaient-ils  pas  en  force  suffisante  pour  arrêter  ses  progrès?  et 
cette  force  ne  peuvent-ils  l'obtenir  qu'aidés  de  complots  fantasques? 

<c  Mais,  pour  cette  fois,  ils  se  tromperont  ;  on  est  las  d'être  tou- 
jours dupé,  on  est  las  de  se  voir  insulter  tous  les  jours,  d'être  pris 
pour  un  stupide  badaud  capable  de  croire  à  tous  les  exercices  des 
acrobates  politiques  et  policiers  du  second  Empire.  Que  l'Empire 
tombe  on  qnil  végète^  l'Internationale,  dans  la  personne  de  millions 
de  ses  adhérents^  va  poursuivre  son  but  essentiel  :  V affranchisse- 
ment intégral  des  travailleurs  par  la  révolution  sociale,  —  et  per- 
sonne et  rien  ne  pourra  détourner  l'Internationale  de  sa  voie  toute 
tracée.  Le  travaillevu'  veut  son  émancipation  économique,  et  si  les 
conditions  politiques  d'un  tel  ou  outre  pays  lui  barrent  le  chemin  qui 
mène  à  cette  émancipation,  les  citoyens,  le  peuple  entier  saura 
briser  ces  conditions. 

«  Et,  une  fois  pour  toutes  apprenez  que  le  peuple  ne  pi'ocède 
point  par  des  complots.  J/orsque  la  propagande  aura  pénétré  dans 
tous  les  cœurs  et  dans  tous  les  cerveaux,  et  lorsque  l'organisation 
des  sections  ouvrières  aura  embrassé  les  masses  compactes  et  unies, 
le  peuple  entier  se  lèvera  et  s'emparera  de  ses  droits  usurpés,  et 
alors  ce  ne  sera  plus  par  quelques  bombes  orsiniennes  que  le  peuple 
voudra  châtier  les  fauteurs  de  toutes  ses  misères  et  de  toutes  ses 
souffrances. 

«  Que  la  police  invente  donc  tant  de  complots  qu'elle  le  voudra  : 
que  les  bombes  orsiniennes  se  trouvent  toujours  dans  la  poche  des 
sergents  de  ville,  à  eôté  des  casse-tètes  et  des  poignées  de  fer, 
que  le  second  Empire  emprisonne  tous  les  chefs  de  l'Internatio- 
nale, notre  oeuvre  est  faite,  et  bien  habile  serait  celui  qui  voudrait 
arrêter  la  marche  irrésistible  de  l'Internationale.  » 

[Égalité,  7  mai  1870.) 


ET   Li:   jacûuimsml:  295 


1 1 1 


«  Il  est  bien  amusant  d'entendre,  au  moment  de  ce  procès,  tes 
ignorants  et  les  gens  de  mauvaise  foi  parier  de  VInfernationalc. 

«  C'est  une  société  secrète,  disaient  les  grands  et  les  petits  bour- 
geois, affolés  de  peur.  . 

«  Singulière  société  secrète,  ({ui  public  les  noms  de  ses  délégués, 
qui  annonce  dans  tous  les  journaux  le  lieu  et  le  jour  de  ses  réu- 
nions, l'ordre  du  jour  de  ses  travaux,  etc.,  etc. 

«  Comme  toujours,  hélas!  la  petite  bourgeoisie,  abêtie  de  ter- 
reur, est  venue  grossir  de  sa  masse  inintelligente  le  groupe  des 
grands  exploiteui's,  sans  comprendre  le  rôle  immense,  le  rôle  sau- 
veur que  V Internationale  est  appelée  à  jouer  dans  la  formidable 
bataille  des  intérêts  sociaux. 

"  Sottise  humaine,  où  sont  tes  bornes?  Petits  entri'prcncurs,  pe- 
tits industriels,  petits  fabricants,  petits  marchands,  vous  avez  été 
les  preaaiers  à  dénoncer  cette  Intevnalionale  qui  sera  un  jour  pro- 
chain votre  seule  planche  de  salut. 

«  Sa  puissance  aujourd'hui  est  tellement  formidable,  que  les  per- 
sécutions que  l'on  dirige  contre  elle  ne  sont  pas  franches. 

«  Eh  quoi  !  toutes  ces  arrestations,  eh  quoi  !  ces  formidables  rap- 
ports de  police  publiés  par  la  presse  des  mouchards,  aboutissant  à 
uii  simple  procès  de  correctionnelle  !  Eh  quoi  !  on  ne  sait  pas  en- 
core si  l'on  a  affaire  à  une  société  secrète  ou  à  une  société  purement 
irrégulière  ! 

«  Où  donc  est  la  bravoure  de  M.  (JUivier  ? 

«  C'est  qu'en  effet  il  s'est  passé  un  fait  qui  a  dû  donner  lieu  à  de 
sérieuses  réflexions. 

«  Les  travailleurs  comprennent  qu'en  face  de  ces  effroyables  ab- 
sorptions des  petites  entreprises,  il  faut  présenter  une  union  for- 
midable ;  aussi,  dès  que  les  poursuites  ont  été  annoncées,  une  foule 
de  sociétés  isolées  ont  déclaré  publiquement  qu'à  partir  de  ce  mo- 
ment elles  fusionnaient  avec  \ Internationale. 

«  Aujourd'hui,  c'est  par  millions  que  se  comptent  les  adhérents. 
Il  ne  s'agit  pas  seulement  de  la  France,  de  l'Europe  ;  l'Amérique 
elle-même  y  est  représentée. 

«  C'est  que  c'est  elle  qui  aura  la  gloire,  périlleuse  peut-être,  mais 
a  coup  sûr  immortelle,  de  rédiger  les  cahiers  delà  révolution  future. 

«  Avant  peu,  elle  pourra  parler  au.  nom  de  tous  ceux  qui  travail- 
lent pour  vivre,  ou,  ce  qui  est  plus  vrai,  qui  vivent  pour  travail- 
ler, qu'ils  soient  ouvriers  ou  patrons,  qu'ils  exercent  des  fonctiojis 
ou  des  professions  libérales. 


£90  L'INTERNATIONALE 

«  Résistez  donc  ù  uu  pareil  courant  ! 

«  Le  fleuve  grossit  chaque  jour,  et  ce  n'est  pas  la  petite  person 
nalité  de  M.  Oliivier  qui  l'empêchera  de  passer. 

«  \j  Internationale,  une  société  secrète  ! 

t  liemcrciez  le  ciel,  exploiteurs  de  toute  espèce,  qu'elle  ne  le  soit 
pas  :  il  y  a  lonijtcwjis  que  vous  n'existeriez  plus  ! 

.  Edouard  SIEBECKER.  » 

(Extrait  ilu  Progrès  de  Lyon,  28  juin  1870.) 


PIEGE  S. 

«  11  est  démontré  aujourd'hui  que,  sous  le  second  empire,  la  pré- 
fectui'e  de  police  s'était  transformée  en  un  véritable  laboratoire  de 
complots  conçus,  organisés  ou  provoqués  par  MM.  Layrange  cl 
Piétri. 

«  Sauf  les  attentats  d'Orsini  eî  de  Pianori,  et  le  dernier  mou- 
vement de  la  Villette,  on  retrouve  la  main  de  la  police  impériala 
dans  tous  les  procès  célèbres  qui  ont  tant  servi  à  la  consolidation 
du  régime  déchu. 

«  Vers  1863,  par  exemple,  éclate  le  fameux  complot,  dit  des  quatre 
italiens,  dont  le  principal  instigateur,  nommé  Grecco,  paye  sa  com- 
plicité apparente  par  sa  condamnation  à  la  déportation  perpétuelle. 
Or,  ledit  Grecco,  agent  secret  et  payé  de  M,  Lagrange,  était  nui- 
tamment élargi  par  M.  Lagrange,  mis  en  liberté,  et  recevait  les 
fonds  nécessaii^es  pour  se  rendre  en  Amérique,  et  pendant  de  lon- 
gues années,  le  gouvernement  impérial  lui  a  assuré  une  pension 
annuelle  de  6,000  francs.  Grecco  avait  changé  de  nom,  et  s'appe- 
lait Rulotti  ;  pseudonyme  sous  lequel  il  est  revenu  dans  ces  der- 
niers temps  à  Paris,  seconder  la  police  de  la  préfecture.  Grecco 
est  aujourd'hui  sous  les  verrous  et  a  signé  lui-même  la  déclaration 
de  ses  méfaits. 

«  Avant  ces  événements,  le  même  Lagrange  s'était  rendu  à  Flo- 
rence accompagné  de  plusieurs  de  ses  agents,  parmi  lesquels 
Alexandre,  Laui'et,  Labairet,  Nicque,  Moulins,  etc..  Leur  mission 
avouée  avait  pour  but  l'enlèvement  ou  l'assassinat  de  Mazzini. 
Plusieurs  des  complices  de  cette  tentative  avortée  sont  aussi  enfer- 
més à  la  conciergei-ie.  Leurs  aveux  écrits  feront  foi  devant  la 
justice. 

«  En  1869,  des  agents  de  police,  toujours  sous  les  mêmes  ordres 
et  vêtus  de  blouses  blanches,  brisent  les  kiosques.  L'amnistie  coupa 
court  à  l'instruction,  mais  l'amnistie  n'a  pas  supprimé  les  traces 
de  la  provocation  soudoyée. 


E  r     LK    J  ACOBlNISMIv  2J97 

.  Kii  [HlO,  OH  ce  qui  concerne  les  divers  complots  jugés  récem- 
ment à  Blois,  il  résulte  des  pièces  et  des  révélations,  qu'ils  ont  été 
provoiiués  et  organisés  en  partie  par  MM.  Lagrange,  Tiétri  (préfet 
de  police),  Jules  Itallol,  (iucriu,  Bcaury,  Ueruier  (juge  d'insli'uc- 
tion),  et  plusieurs  autres,  (iuérin  était  depuis  loiiglcini)s  un  agent 
secret;  Ueaury  et  Hallot  le  devinrent  (luelques  mois  avant  le 
complot,  Ballot  n'avait  [las  craint  de  demander  500,000  l'r.,  il  en 
avait  touche  déjà  20,000  ([ui  lui  avaient  servi  à  payer  ses  sous- 
agents. 

«  M.  et  nuuhuue  Hallot  ont  lait  des  aveux  et  ont  signé  leurs  déjjosi- 
tions,  acquises  aujourd'hui  à  l'enquête, 

•  Il  résulte  encore  des  déclarations  de  témoins,  (|ue  ces  divers 
complots  avaient  été  vivement  poussés,  sur  l'ordre  même  de 
M.  Piétri,  pour  favoriser  le  plébiscite. 

«  M.  le  juge  d'instruction  l?ernier,  dans  les  dil'i'éi'cntcs  affaires 
dont  il  s'est  occupé,  a  pris  une  part  imporlante  à  ces  machinations. 
Il  est  certain  notamment  qu'il  faisait  ses  instructions  dans  le  ca- 
binet du  sieur  Lagrange. 

«  Des  arrestations  nombreuses  ont  eu  lieu  déjà,  des  perquisitions 
sont  faites  chez  divei'ses  personnes,  fortement  sou[)ç.onnées.  La 
justice  est  saisie. 

«  Quant  à  certaines  individualités  dont  la  presse  s'est  occupée,  sans 
pouvoir  utilement  nommer  personne,  on  est  en  possession  de  do- 
cuments que  le  préfet  de  police  est  décidé  à  faire  connaître  au  fur 
et  à  mesure  de  la  marche  de  l'instruction,  qui  se  poursuit  rapi- 
dement. » 

(Journal  officiel,  l^''  octobre  1870.) 


PIECE   T. 

I.E  COMPLOT,    RAPPORT  A     l'k.MPEREUU. 

«  Paris,  le  4  mai  1870. 
«  Sire, 

«Il  existe  parmi  nous  un  parti  révolutionnaire.  Son  but  est  d'éta- 
blir la  république  démocratique  et  sociale;  ses  moyens  sont  le 
dénigrement  systématique,  l'outrage,  la  calomnie,  l'émeute,  l'assas- 
sinat. Les  libertés  nouvelles,  loin  de  l'apaiser,  l'ont  surexcité  :  il 
n'y  a  vu  qu'une  facilité  de  plus  de  s'organiser  et  de  s'étendre. 

«  11  ne  prend  pas  la  peine  de  se  cacher.  Dans  ses  journaux,  répandus 
en  grand  nombre,  dans  ses  réunions,  où  nul  contradicteur  ne  peut 
se  faire  entendre,  il  expose  ses  projets  et  il  organise  ses  moyens 


208  L'INTERNATIONALE 

d'action.  Il  suffirait,  pour  prouver  l'attentat  et  ic  complot  qu'on 
lui  impute,  de  reproduire  les  arliclcs  et  les  discoui-s  dans  lesquels 
il  les  raconte  ou  les  annonce,  ("ontre  lui  on  pourrait  n'invoquer 
pour  témoin  que  lui-môme. 

«  Nous  avions  espéré  (fue  la  patience  et  la  douceur  sufliraient  à 
vaincre  des  passions  d'un  autre  temps.  Mais  notre  patience  a  été 
prise  pour  delà  timidité,  et  notre  douceur  pour  delà  faiblesse  ;  nous 
avons  dû  nous  convaincre  qu'une  répression  énergique  étaitle  seul 
moyen  de  rétablir  celle  paix  sociale  et  ce  rcspecl  de  la  loi  sans  les- 
quels l'élablissemcnt  d'institutions  libres  ne  serait  qu'une  témérité. 

«  Lorsque  votre  gouvernement  a  décrété  l'appel  au  peuple,  une 
première  instruction  était  terminée  ;  nous  en  avons  différé  la  conclu- 
sion, afin  qu'une  coïncidence  involontaire  ne  ressemblât  pas  à 
une  manœuvre  électorale.  Mais  les  révolutionnaires  n'ont  pas  été 
arrêtés  par  l'armistice  légal  que  nous  établissions.  Ils  ont  cini  (jue 
supprimer  par  un  crime  le  souverain,  alors  qu'une  constitution 
abandonnée,  l'autre  n'était  pas  encore  votée,  ce  serait  déti'uire  à 
coup  sûr  l'Etat  lui-même,  momentanément  en  dehoi's  de  tout  ordre 
constitutionnel,  et  ils  se  sont  résolus  à  mettre  à  exécution,  avani 
le  8  mai,  des  entreprises  depuis  longtemps  préparées. 

«  Dans  ces  circonstances,  il  est  de  notre  devoir  de  saisir  publi- 
quement la  justice. 

«  J'ai  donc  l'honneur,  sire,  de  vous  soumettre  le  rapport  de  M.  le 
procui'eur  général  près  la  cour  impériale  de  Paris,  et  je  vous  pro- 
pose d'en  adopter  les  conclusions. 

«  Le  nombre  des  inculpés,  la  nature  et  la  gravité  de  l'affaire,  la 
nécessité  de  concentrer  des  renseignements  fouiniis  par  les  divers 
parquets  de  France,  les  exigences  de  l'ordre  public,  motivent  l'at- 
tribution à  la  haute  cour  de  la  procédure  et  du  jugement, 

«  Cette  attribution  ne  privera  pas  les  accusés  de  la  garantie  pré- 
cieuse du  jugement  par  jurés,  elle  l'augmentera  :  au  lieu  d'être  les 
représentants  d'une  ville,  les  jurés  seront  les  représentants  de  la 
France  entière. 

«  J'ai  l'honneur  d'êire,  etc. 

«  Emile  OLLIVIEH.  » 


Ce  rapport  est  suivi  du  décret  suivant  : 

Art.  1er.  La  chambre  des  mises  en  accusation  de  la  haute  cour  de 
justice  est  convoquée  pour  statuer  sur  les  faits  se  rattachant  audit 
complot. 

Art.  2.  M.  le  conseiller  Lascoux  présidera  la  chambre  d'accusation 
de  la  haute  cour.  Les  fonctions  de  procureur  général  près  la  haute 


ET     LE     JACOBINISME.  2y9 

cour  seront  remplies  par  M,  Grandperret,  procureur  général,  as- 
sisté fie  MM.  Duprc-Lasale,  premier  avocat  général,  Bcrgognié  et 
Lepellcticr,  substituts  du  procureur  général. 


Happorl  il  S.  Exe.   le  rjnrdc   des  sceaux,    iniiiislro    de  la  Justice  et 
des  cultes,  par  M.  le  procureur  (jéitrnil  Grandperret. 

Monsieur  le  garde  des  sceaux, 

J'ai  l'honneur  de  pi'oposer  à  Votre  Excellence  la  convocation  de 
la  haute  cuur  de  justice,  pour  la  saisir  de  l'affaire  du  complot,  dont 
une  information  judiciaire  a  réuni  les  éléments  et  les  preuves. 

Je  place  sous  vos  yeux,  monsieur  le  garde  des  sceaux,  un  ex- 
posé sommaire  des  faits  qui  me  paraissent  motiver  impérieuse- 
ment cette  mesure. 

Depuis  longtemps  l'autorité  était  avertie  qu'au  milieu  des  réu- 
nions publiques  les  révolutionnaires  ai*dents  s'étaient  reconnus  et 
rap})rochés  pour  organiser  une  insurrection  et  pi'éparer  uu  attentat 
contre  la  vie  de  l'Empereur. 

Leurs  conciliabules  secrets  furent  constatés;  ils  se  tenaient  habi- 
tuellement chez  les  nommés  Dupont,  Jules  Fontaine,  professeur  de 
matliématiques,  Guérin,  condamné  en  1S48  pour  avoir  pris  part  à 
l'insurrection  de  juin,  et  plus  rarement  chez  les  nommés  Petiau, 
artiste  peintre,  et  Sappia,  correspondant  de  Mazzini.  Là,  s'assem- 
blaient, outre  Dupont,  Jules  B"'ontaine,  Guérin,  Petiau,  Sappia,  les 
nommés  Verdier,  Benel,  Pellerin,  Ruault,  Tony  Moilin,  docteur  en 
médecine;  Godinot,  lieutenant  de  la  garde  mobile;  Mégy,  qui  a  tué 
l'agent  de  police  Mourot,  Cournet,  rédacteur  du  Réveil,  et  beau- 
coup d'autres  connus  par  leur  exaltation  socialiste. 

La  composition,  la  périodicité  de  ces  réunions,  les  précautions 
dont  on  les  entourait,  indiquaient  assez  leur  caractère.  On  ne 
tarda  pas  à  savoir  ce  qui  s'y  passait.  Le  28  janvier  dernier,  l'un 
de  ceux  qui  y  assistaient  habituellement,  Verdier,  se  présenta  à  la 
préfecture  de  police,  et  déclara  qu'affilié  à  un  complot  contre  la 
sûreté  de  l'Etat,  mais  que  repoussant  toute  participation  à  un  as- 
sassinat, il  apportait  des  révélations  sur  des  menées  dont  il  voulait 
se  dégager. 

«  Le  but  primitif  des  réunions  dont  je  faisais  partie,  disait-il, 
était  de  discuter  les  questions  sociales^  Peu  à  peu  leur  caractère 
devint  plus  accentué,  et  alla  ainsi  en  augmentant  jusqu'au  jour  où 
des  bruits  alarmants  sur  la  santé  de  l'Empereur  commencèrent  à 
circuler.  Alors  on  discuta  les  chances,  et  les  moyens  pratiques  de 
faii'e  le  mouvement  révolutionnaire  ;  des  souscriptions  furent  ou- 
vertes dans  tous  les  groupes  pour  des  achats  d'armes  ;  des  dons> 


yoU  L'INTERNATIONALE 

volontaires  faits  par  les  membres  les  plus  aisés.  L'indécision  des 
chefs  fut  l'une  des  causes  principales  que,  le  12  janvier,  il  n'y  eut 
à  Neuilly  aucune  démonstration.  L'opportunité  d'un  mouvement 
révolutionnaire  ayant  été  discutée  la  veille,  Blanqui  répondit  que 
ses  hommes  ne  marcheraient  pas,  ce  qui  n'empêcha  pas  un  grand 
nombre  d'entre  eux  de  venir  à  Neuilly.  Néanmoins,  les  groupes  de 
lîciloville,  la  Chapelle,  Saint-Antoine,  .Ménilmontant,  BatignoUes, 
Vaugirard,  Saint-Marceau,  obéissant  aux  nommés  Dupont,  Fon- 
taine, Tony  Moilin,  Sappia,  Ruault  et  autres,  étaient  décidés  à  se 
battre  et  armés. 

«  Aujourd'hui  il  y  a  fusion  entre  le  parti  Blanqui,  dont  les  re- 
présentants sont  les  frères  Villeneuve ,  Tridan  ,  Gois  ,  Rigault  , 
Jaclard  et  le  parti  cité  plus  haut. 

"  Il  y  a  un  comité  d'action  et  un  comité  central.  Le  but  de  ces 
comités  est  de  faire  coïncider  un  mouvement  révolutionnaire  avec 
un  attentat  contre  la  vie  de  l'Empereur.  Des  versements  d'argent 
ont  été  faits  pour  fabriquer  des  bombes  et  autres  ingrédients  pro- 
pres à  l'accomplissement  de  ce  crime.  » 
Verdier  signa  ces  déclarations. 

Plus  tard,  après  avoir  passé  en  Belgique,  il  adressa  au  journal 
le  Rappel  une  lettre  dans  laquelle  il  nia  l'authenticité  du  document 
qui  précède.  Or,  non-seulement  une  expertise  établissait  que  la 
pièce  émanait  de  lui,  mais  M.  le  secrétaire  général  de  la  préfecture 
de  police  et  M.  le  commissaire  Lagrange,  tous  deux  entendus  dans 
l'instruction,  ont  déclaré  que  Verdier  avait  fait  ses  révélations  de- 
vant eux. 

Au  surplus,  les  avertissements  reçus  furent  bientôt  confirmés 
par  les  troubles  qui,  le  7  février,  suivirent  l'arrestation  de  M.  Ro- 
chefort.  La  présence  de  plusieurs  affiliés  y  fut  signalée.  Le  10  fé- 
vrier, Godinot,  Sappia,  Dupont,  Petiau,  Fontaine  fils,  Gérardin, 
Ramet,  Rousseau,  furent  arrêté  chez  Dupont;  presque  tous  étaient 
armés  de  revolvers.  D'autres  conjui'és  furent  saisis  à  leur  domicile, 
où  l'on  trouva  des  armes,  des  munitions  et  des  correspondances 
significatives.  Lorsque,  en  vertu  de  mandats  judiciaires,  des  agents 
se  présentèrent,  le  H  février  au  matin,  à  la  porte  de  Mégy,  celui-ci 
déchargea  sur  eux  son  pistolet,  et  un  sergent  de  ville  tomba  mor- 
tellement frappé.  «  J'ai  tiré  dans  le  tas  »,  a  dit  plus  tard  Mégy  dans 
un  interrogatoire. 

Les  charges  étaient  déjà  si  graves  que  Godinot,  confronté  avec 
les  agents  qui  avaient  constaté  sa  présence  aux  réunions  clandes- 
tines, entra  dans  la  voie  des  aveux  par  une  lettre  où,  tout  en  cher- 
chant à  diminuer  sa  responsabilité,  il  confirme  et  complète  les  ré- 
vélations de  Verdier.  «  J'appris  chez  Dupont,  dit-il,  les  noms  de 
quelques  habitués;  il  me  conduisit  chez  Petiau;  je  retrouvai  là  à 
peu  près  les  mêmes  hommes,  plus  Sappia,  à  qui  je  fus  présente; 


ET     LE     JACOBINISME.  301 

huit  jours  après,  J'y  rotouniai.  Le  lendemnin  de  la  mouifestalion 
provoquée  par  renterrement  de  Victor  Noir,  nous  nous  trouvâmes 
chez  Dupont. On  déplora  l'avortement  de  la  révolution.  On  maudit 
Rochefort;  on  exalta  Flourens.  Je  fus  seul  à  soutenir  qu'on  avait 
eu  raison  de  no  rien  faire,  que  la  révolution  se  ferait  toute  seule. 
Fontaine,  le  plus  acharné  de  mes  adversaires,  me  dit  que  déeidé- 
ment  je  n'avais  pas  l'étoifo  d'un  révolutionnaire  ;  que  le  peuple  était 
là,  qu'il  était  prêt,  qu'il  avait  des  armes.  —  Quelles  armes,  lui  dis- 
je,  des  revolvers?  —  On  n'avait  pas  que  des  revolvers,  me  répon- 
dit-il ;  on  avait  aussi  des  bombes  orsiniennes  et  des  bouteilles  de 
nitro-glycérine.  On  m'expliqua  alors  les  effets  de  cet  engin  meur- 
trier. » 

Godinot  exposait  ensuite  ce  qui  s'était  passé,  suivant  lui,  dans 
les  réunions  auxquelles  il  avait  assisté. 

Lorsqu'on  fit  connaître  ces  aveux  àGuérin,  qui  jusqu'alors  avait 
tout  nié,  il  s'écria  que  puisqu'il  était  dénoncé  par  un  honnne  qui 
cherchait  à  se  tirer  d'embarras  en  perdant  les  autres,  il  dirait  la 
vérité  tout  entière.  Son  interrogatoire  est  en  effet  l'histoire  com- 
plète de  la  conspiration.  Ce  document,  confirmé  d'ailleurs  par  les 
constatations  des  agents,  par  les  correspondances  saisies,  par  les 
révélations  de  Verdier  et  de  Godinot,  par  les  aveux  paiiiels  de  plu- 
sieurs inculpés,  ne  laisse  aucun  doute  sur  l'existence  d'un  complot, 
sur  l'organisation,  le  but  et  les  moyens  des  affiliés,  et  sur  leur  ré- 
solution d'agir. 

Voici  une  analyse  succincte  de  ces  déclarations  de  Guérin. 

a  II  dit  que  l'effervescence  développée  par  les  réunions  publiques 
a  réveillé  les  hommes  d'action  et  leur  a  permis  de  se  retrouver.  Il 
fut  décidé,  à  l'instigation  de  Tridon,  des  frères  Villeneuve,  de  Ja- 
clard,  de  Gois,  agents  de  Blanqui,  qu'on  organiserait  des  réunions 
clandestines  pour  former  des  groupes  révolutionnaires.  Chaque 
soir,  dans  un  café  des  BatignoUes,  on  se  rendait  compte  des  résul- 
tats obtenus;  en  outre,  les  affiliés  savaient  qu'en  cas  d'événements 
gi'aves,  le  rendez-vous  était  au  café  de  Madrid. 

«  A  la  fin  de  juillet  dernier,  Dupont,  à  une  réunion  chez  Guérin, 
annonça  qu'il  avait  à  sa  disposition  un  moyen  infaillible  de  tuer 
l'Empereur  :  J'ai  pris,  dit-il,  gros  comme  un  pois  de  nitro-glycé- 
rine, je  l'ai  mis  sous  de  gros  pavés,  et  quand  le  feu  a  été  mis  à  la 
glycérine,  les  pavés  ont  sauté  à  15  mètres  de  hauteur. 

«  A  une  autre  réunion,  Dupont,  fit  prêter,  par  les  affiliés,  le  ser- 
ment de  garder  le  secret  de  leurs  projets  et  de  frapper  à  mort,  par- 
tout où  on  le  rencontrerait,  celui  qui  trahirait.  Après  ce  serment,  il 
proposa  la  formation  de  groupes  qui  ne  communiqueraient  qu'avec 
leurs  chefs  ;  les  chefs,  ensuite,  communiqueraient  seuls  entre  eux. 
On  décida  le  versement  de  cotisations  afin  d'acheter  des  revolvers, 
soit  pour  tuer  l'Empereur,  soit  pour  participer  à  une  insurrection  ; 


302  L'INTERNATIONALE 

Benel  fut  ehargc  do  recueillir  les  souscriptions  ;  eu  outre,  Dupont, 
vauta  de  nouveau  la  nitro-glycérine.  On  constitua  les  groupes  de 
Saint-Ouen,  de  Levallois  et  de  Batignolles.  Ce  dernier  fut  placé 
sous  la  direction  commune  de  Dupont  et  de  L'ontaine.  Les  ai'Iiliés 
devaient  être,  à  l'avenir,  désignés  par  un  chiffre  correspondant  à 
l'inscription  de  leurs  noms  (ce  ([ui  fut  réalisé,  ainsi  que  le  constate 
une  liste  écrite  par  Benel,  et  jointe  à  la  procédure). 

«  A  une  réunion  chez  Dupont,  le  16  septembre.  Fontaine  appor- 
ta cinq  revolvers  et  cinq  boîtes  de  cartouches,  achetées  par  lui 
pour  les  conjurés;  lofi  armes  furent  tirées  au  sort  avec  les  numé- 
ros de  la  liste  de  Benel,  et  devinrent  le  partage  de  Collet,  Chas- 
saigne,  Derin,  Bourclin  et  Pasclin. 

«  A  la  fin  de  septembre,  chez  Guérin,  Dupont  annonça  qu'il  avait 
acheté  quatre  revolvers  :  un  pour  lui,  les  trois  autres  pour  Bu- 
thiau,  Mollevaux  et  Touchard. 

«  Le  2  octobre,  une  réunion  a  lieu  chez  Guérin,  sur  la  demande 
de  Dupont,  qui  lui  avait  écrit  la  lettre  suivante,  jointe  à  la  procé- 
dure : 

«  Mon  vieux  Guérin, 

«  L'homme  propose  et  les  événements  disposent;  c'est  pourquoi, 
hier  je  suis  allé  vous  prévenir  que  très-probablement  quelques  sa- 
medis se  passeraient  sans  que  j'eusse  le  plaisir  de  me  trouver  avec 
les  amis  d'Ouen,  tandis  qu'aujourd'hui,  au  contraire,  je  vous 
adresse  quelques  mots  pour  vous  prier  de  vouloir  bien  les  réunir 
tous,  si  faire  se  peut,  pour  la  soirée  du  2  octobre,  à  partir  de  huit 
heures.  Un  hasard  des  plus  heureux  m'a  fait  mettre  la  main  sur  un 
groupe  constitué,  et  dont  je  connais  depuis  longtemps  les  princi- 
paux chefs,  sans  avoir  jamais  soupçonné  qu'ils  s'occupaient  aussi 
activement  de  politique.  Ce  sont  des  hommes,  tout  ce  qu'il  y  a  de 
plus  hommes,  en  tant  que  révolutionnaires  s'entend,  et  il  nous  les 
faut  à  tous  prix.  Donc,  à  samedi ,  afin  qu'ils  puissent  juger  de 
notre  organisation,  et  se  lier  à  nous  en  connaissance  de  cause. 
Je  compte  sur  vous. 

«  A.  DUPONT.» 

«  Le  2  octobre,  la  réunion  fut  nombreuse  ;  quarante-deux  affiliés 
y  assistèrent  ;  ils  jurèrent  de  s'armer  pour  faire,  le  26,  une  mani- 
festation insurrectionnelle. 

«  A  la  réunion  suivante,  chez  Guérin,  Mégy  était  présent.  On 
abandonna  le  projet  d'une  manifestation  pour  le  26,  mais  on  pro- 
mit de  se  préparer  à  l'attentat  contre  la  vie  de  l'Empereur. 

K  Le  9  décembre,  on  se  réunit  chez  Dupont  ;  Guérin,  Pellerin, 
Fontaine  père  et  fils,  Petiau,  Géravdin,  Bocquet,  Rousseau,  Berton, 


KT     LK    JACOniNISME.  303 

Vcnlicr,  liamet,  (iois,  Sap[)ia,  otiiieiil  présents,  dois  ({ui  représente 
Blanqiii,  discuta  avec  P'ontaine,  Duponl  et  (iuérin,  le  moyeu  d'ap- 
procher de  l'Empereur  pour  le  frapper.  Sappia  dit  que  le  parti  révo- 
lutionnaire, ({uoiquc  en  minorité,  pouvait  entraîner  les  masses,  et 
qu'il  suffirait  pour  cela  de  quelques  hommes  dévoués  jusqu'au  sa- 
crifice de  leur  vie.  Kntin,  Dupont  promit  des  affiliations  dans  l'ar- 
mée. 

■(  Quelques  jours  après,  nombreuse  rénnionrhoz  Petiuu  ;  (".ournct 
excite  à  l'assassinat  de  rEm|)Creur. 

'1  Le  lendemain,  Guérin  assiste  à  un  conciliabule  chez  Sappia  ; 
Dupont  y  expose  la  manière  dont  les  «groupes  étaient  formés  et  à 
l'aide  de  quelles  ressources  ils  étaient  armés, 

•(  Enfin,  dans  la  soirée  du  M  janvier,  les  chefs  tiennent  séance 
chez  Petiau,  pour  concerter  la  conduite  à  tenir  le  lendemain  à  l'en- 
terrement de  Victor  Noir.  Ils  décident  qu'ils  se  rendront  armés  à 
la  maison  mortuaire.  ■•> 

Les  excitations  ne  leur  manquaient  pas:  la  Marseillaise,  le 
Rappel,  la  Réforme  avaient  publié  de  véritables  appels  aux  armes. 
Dans  la  plupart  des  réunions  publiques,  les  orateurs  avaient  poussé 
à  Taclion.  Flourens  avait  dit  à  Belleville  :  '^  Demain,  il  faut  vaincre 
DU  mourir  !  Ce  n'est  pas  une  émeute,  c'est  une  révolution  qu'il  faut 
avoir  faite  avant  la  nuit.  » 

Guérin  affirme  que  les  affiliés  étaient  accourus  à  rcnterremcnt 
avec  des  armes  sous  leurs  vêtements. 

On  sait  quels  efforts  fit  Flourens  pour  dirig-er  le  eorbillai  d  sur 
Paris;  Benel  prit  les  chevaux  par  la  bride;  Fontaine  père  le  sou- 
tenait avec  la  plus  grande  énergie  ;  l'exaltation  était  grande  ;  on 
était  résolu  à  se  battre  ;  mais  l'intex'vention  de  Rochefort  déjoua 
ces  espérances,  et  les  assistants  furent  entraînés  vers  le  cimetière. 

Le  lendemain,  les  récriminations  échangées  dans  les  journaux 
révolntionnaires  trahirent  les  regrets. des  conjurés.  "  L'hcvu'e  était 
suprême,  écrivait  Flourens  en  reprochant  à  Rochefort  son  attitude  ; 
le  sang  de  Noir  allait  être  vengé  par  la  démocratie  et  l'aider  elle- 
même  à  se  venger.  » 

M.  Rochefort  répondait  dans  la  Marseillaise  :  «Nous  étions  peu 
armés  ;  de  plus,  les  projets  du  lendemain  avaient  été  éventés  im- 
jirudemment  la  veille  dans  les  réunions  publiques.  « 

Cependant,  on  comptait  retrouver  bientôt  l'occasion  perdue,  et 
l'on  s'y  préparait  avec  un  redoublement  d'ardeur.  Le  21  janvier,  la 
plupart  des  affiliés  assistaient  au  banquet  régicide  de  Saint- 
Mandé.  Gromier,  agent  de  Félix  Pyat,  y  lisait  une  lettre  de  ce  dernier 
dont  il  suffira  de  citer  quelques  passages  pour  en  faire  juger  le  but 
et  la  portée  : 

c  Citoyens,  je  ne  puis  assister  ce  soir  à  votre  banquet  républicain  ; 
j'aurais  voulu  vous  dire  là  que  le  régicide  est  de  droit,  et  que  de 


304  L'INTERNATIONALE 

lait  il  est  la  l)ase  do  lonte  jurande  et  forte  répul)lic[ue...  .l'aurais 
voulu  conclure  en  disant  (juc  le  meilleur  moyeu  de  commémorer 
les  tyrans  morts  est  d'abatire  les  tyrans  vivants,  et  que  ce  n'est  pas 
précisément  Louis  XVI  qui  nous  gène  aujourd'hui.  Mais  loin  de  vouS' 
aller  faire  un  discours,  je  dois  seulement  me  contenter  do  vous  en- 
voyer mon  toast  à  une  balle: 

«  0  petite  balle!  tu  peux  être  la  vie  comme  la  mort.  Tout  dépend 
de  toi,  de  toi  seule  ;  chacun  t'invoque  ;  tout  le  monde  t'attend  ;  car 
si  la  F'ranee  marche,  le  monde  marche  ;  si  elle  penche,  il  lombe. 
Petite  halle  de  bon  secours,  relève  tout!  petite  balle  de  l'humanité, 
délivre-nous  !  délivre-nous  tous  !... 

«  Signé  :  Feux  PYAT.  » 

Fontaine  père  fit  ensuite  un  discours  demandant  la  fîn  de  tous 
les  empires  : 

t  Ils  ont  des  chassepots,  dit-il,  nous  avons  la  science;  grâce  à 
ses  progrès,  nous  serons  bientôt  débarrassés  de  ce  bandit  de 
Bonaparte.  » 

Cette  allusion  à  la  nitro-glycérine  fut  couverte  d'applaudissements 
frénétiques.  On  la  comprendra  mieux  par  une  lettre  que  Pellerin, 
détenu  à  Sainte-Pélagie  en  avril  1869,  avec  Flourens  et  Ferré,  écri- 
vait de  leur  part  à  Dupont  : 

«  Les  deux  ennemis  de  la  famille,  de  l'ordre  et  de  la  religion, 
les  citoyens  Flourens  et  Ferré,  vous  envoient  leurs  saluts  frater- 
nels et  vous  prient  de  jeter  dans  les  environs  des  Tuileries,  cet 
océan  vaseux  où  nagent  certains  poissons  pourris,  ({uelques  bou- 
teilles de  nitro-glycérine.  » 

Enfin,  Dupont,  Gromior  se  succèdent  à  la  tribune,  où  l'on  donne 
lecture  d'une  lettre  de  Mazzini,  saisie  depuis  chez  Sappia,  et  dans 
laquelle  on  remarque  ce  passage  :  «  Citoyens,  il  m'est  impossible 
d'assister  à  votre  ban(iuet.  Des  devoirs  pareils  à  ceux  que  vous 
\  ous  préparez  à  accomplir  me  retiennent  où  je  suis.  Merci  du  fond 
'le  mon  âme  pour  votre  invitation  fraternelle,  et  adhésion  complète 
au  but  que  vous  poursuivez...  Nous  marclions,  nous  aussi,  rapidc- 
menl  à  la  république;  si  nous  ne  pouvons  pas  vous  devancer,  nous 
vous  suivrons,  comptez-y.  » 

Le  30  janvier,  Guérin  se  rendit  avec  P'ontaine  à  une  réunion 
où  se  trouvaient  les  chefs  des  groupes  de  Puteaux,  de  Courbevoie 
et  de  Ménilmontant,  ainsi  que  des  délégués  de  l'Internationale. 
Ceux-ci  déclarèrent  qu'ils  ne  voulaient  pas  accepter  la  direction 
d'un  comité  dont  les  membi^es  resteraient  inconnus;  mais  que  si 
une  insurrection  éclatait,  on  devait  compter  sur  eux. 

On  peut  rapprocher  de  cette  déclaration  de  Guérin  la  lettre  sui- 
vante, qui  vient  d'être  saisie  à  Marseille,  et  ({ui  émane  du  sieur 
Varlin,  l'un  des  chefs  de  l'Internationale. 


i:t   Li:-   jaouuinisml;.  SOô 

«  Mon  cher  l?astclic;i, 

«  J'accepfe  d'autant  plus  volontiers  le  poste  que  vous  m'indiquez, 
qu'il  fait  partie  de  mes  attributions  de  secrétaire  correspondant  de 
la  chambre  fédérale. 

«  Ici  nous  avons  été  pris  au  dépourvu,  mais  depuis  nous  avons 
pris  nos  mesures  pour  ne  plus  nous  trouver  dans  une  situation 
aussi  fausse.  La  chambre  fédérale,  à  peine  constituée  (à  vrai  dire, 
elle  ne  l'est  pas  encore  délinitivement),  ne  s'était  pas  encore 
préoccupée  de  sa  contenance,  ou  même  de  son  action,  en  cas  de 
mouvement  politique.  Or,  il  est  arrive  que  tous  les  délégués  à  la 
chambre  fédérale  se  sont  rencontrés  à  rcuîerrement  de  Victor  Noir, 
sans  s'être  donné  le  mot  à  l'avance,  et  les  UES  voïtlaient  venir  à 
Paris,  c'est-à-dire  livrer  bataille,  les  autres  ,  plus  circonspects, 
voulaient  maintenir  à  la  marifestation  son  caractère  paciliquc  ; 
c'est,  du  reste,  les  deux  saatiments  qui,  toute  la  journée,  ont 
divisé  la  foule.  Je  dois  ajouter  que  la  plupart  des  membres  de  nos 
sociétés  se  trouvaient  aussi  à  l'enterrement  sans  qu'il  y  ait  eu 
entente  préalable,  et  par  conséquent  subissaient  la  même  division 
de  vues  que  les  autres  citoyens. 

«  Cette  situation  nous  a  émus,  et  le  lendemain  la  séance  de  la 
chambre  fédérale  a  été  complètement  employée  à  la  discussion  de 
ce  qu'il  y  aurait  à  faire  en  pareille  occasion,  et  les  occasions  se 
reproduisant,  il  ne  faut  pas  nous  exposer  à  ce  que,  dans  une  circon- 
stance semblable,  quelques-uns  d'entre  nous  livrent  bataille  sur  un 
point  et  se  fassent  massacrer,  tandis  qu'ailleurs  on  ne  songerai! 
pas  à  la  lutte. 

«  Désoi'mais  nous  nous  consulterons  et  nous  agirons  d'ensemble. 
De  plus,  nous  nous  sommes  mis  en  rapport  avec  Rochefort,  qui, 
de  son  côté,  ne  provoquera  rien  sans  s'être  entendu  avec  nous;  de 
cette  façon,  nous  pourrons  compter  sur  l'unité  d'action,  si  néces- 
saire en  pareil  cas. 

«  Le  concours  de  la  province  pourra  nous  être  très-utile  pour 
faire  diversion  et  déconcerter  le  gouvernement.  Je  prends  donc 
acte  de  votre  proposition  avec  joie,  et  je  vais  m'assurer  du  con- 
cours des  autres  centres  :  Lyon,  Rouen,  Roubaix,  etc. 

«  Salut  et  fraternité, 

«  E.  VARLIN.  . 


Le  6  février,  tandis  qu'une  partie  des  afliliés  s'assemblait  de 
nouveau  chez  Fontaine,  Flourens,  à  un  banquet,  à  Samt-Mandé, 
s'écriait  en  prévoyant  l'arrestation  de  Rochefort  :  «  S'ils  osent 
l'arrêter,  nous  ferons  une  manifestation  comme  je  les  aime,  c'cst-à- 


306  L'INTERNATIONALE 

dire  à  coups    de  fusil;  »  et  l'on  portait  ensuite  un   toast:  *  Aux 
régicides  en  principe,  et  à  Orsini,  régicide  de  fait  !  » 

Le  lendemain,  7  février,  Rochefort  est  arrêté  au  moment  où  il 
se  rendait  à  une  réunion  publique  dans  la  rue  de  Flandre. 

Tandis  qu'on  le  conduit  à  Sainte-Pélagie,  Flourens  préside  la 
réunion  ;  Debeaumont  et  Minière  occupent  le  bureau  à  ses  côtés; 
la  salle  est  comble;  trois  mille  personnes  assiègent  les  portes. 
Debeaumont  commence  un  discours  très- violent  :  «  Nous  ne  lais- 
serons pas  Rochefort  en  piùson,  dussions-nous  mourir  tous  !  » 
A  ces  mots,  M.  le  commissaire  de  police,  Barlet,  qui  l'avait  déjà 
averti,  prononce  la  dissolution  de  l'assemblée;  de  tous  côtés  on 
proteste  en  criant  :  A  la  potence  !  Flourens  se  lève  ainsi  que 
Minière  ;  il  s'arme  d'un  revolver  et  d'une  canne  à  épée,  déclare  la 
révolution  en  permanence,  ordonne  l'arrestation  du  commissaire  de 
police,  puis  il  sort,  aux  cris  de  :  Vive  la  République  ! 

Des  barricades  s'élèvent  rapidement  à  Belleville  et  dans  le 
faubourg  du  Temple.  Les  principales  sont  construites  avec  une 
certaine  habileté,  et  entourées  d'obstacles  secondaires  pour  empê- 
cher leurs  défenseurs  d'être  touiniés. 

Aussitôt  averti,  l'officier  de  paix  Lombard  se  met  à  la  tête  de  sa 
brigade,  et  la  conduit  contre  une  barricade  commencée  dans  la 
rue  de  Paris  ;  des  insurgés  y  traînent  un  omnibus  ;  le  choc  de  cette 
voiture  blesse  deux  sergents  de  ville.  Un  moment  séparé  de  sa 
troupe,  entouré  par  les  insurgés,  l'officier  de  paix  est  frappé  en 
pleine  poitrine  d'un  coup  de  baïonnette.  Ses.  agents,  trop  peu 
nombreux,  sont  obligés  de  se  retirer  sous  une  grêle  de  pierres. 

Bientôt  après  arrive  la  garde  de  Paris,  précédée  d'un  commis- 
saire de  police  qui  fait  les  sommations  légales.  Au  moment  où  il 
remplit  ce  devoir,  devant  une  barricade  de  la  rue  Saint-Maur,  un 
coup  de  feu  est  tiré  sur  lui.  Aussitôt  la  barricade  est  enlevée  par 
les  gardes,  et  le  brigadier  Simon,  en  parant  un  coup  de  barre  de 
fer  que  lui  assénait  un  insurgé,  a  son  fusil  brisé.  Les  autres 
barricades  sont  prises  avec  la  même  promptitude,  qui  déjoue  les 
efforts  des  insurgés  en  ne  leur  permettant  pas  d'organiser  une 
défense  sérieuse. 

Plus  tard,  une  bande  de  deux  cents  émeutiers  attaquait  la 
maison  de  l'armurier  Lefaucheux,  rue  de  Lafayette.  La  porte  allait 
être  enfoncée,  lorsqu'elle  fut  ouverte;  on  se  précipita  dans  le 
magasin  ;  on  y  prit  quatre  ou  cinq  fusils  à  deux  coups,  une  cara- 
bine à  vingt  coups,  cent  deux  pistolets,  cinq  mille  cartouches. 

Commencés  sous  prétexte  de  s'armer,  les  pillages  se  multipliaient. 
Rue  Oberkampf,  chez  le  quincaillier  Nitelette,  dont  la  boutique 
avait  été  forcée,  on  enlevait  des  barres  d'acier,  des  fleurets,  de 
l'argent,  des  couverts  d'argent  et  du  vin.  Chez  la  veuve  François, 
mercière,  on  volait  de  la  lingerie.  Si  l'action  rapide  des  agents  de 


I;T     le     jacobinisme.  307 

l'auloritô  n'avait  pas  rélahli  l'ordre,  ces  dùprédatiuus  violentes 
auraient  pris  de  grandes  proportions. 

Le  lendemain  8  février,  ilans  la  soirée,  on  tenta  de  renouveler 
les  mêmes  scènes  ;  une  barricade  fut  encore  élevée  dans  la  rue 
Saint-Maur;  un  des  insurgés  (jui  la  fléfendaicut,  le  nomme  Prost, 
tira  un  coup  do  revolver  à  l)out  perlant  sur  le  sieur  Laine,  qu'il 
prenait  pour  un  agent  de  police.  Laine  n'échappa  à  la  mort  qu'eu 
se  baissant  brusquement.  C'est  encore  Prost  qui,  pres(juc  au  même 
instant,  tira  sur  la  garde  de  Paris  deux  coups  de  pistolet. 

Dans  cette  journée  du  8  février,Peliau  s'était  rendu  avec  Gérardiu 
chez  Guérin  ;  ne  l'ayant  pas  trouvé,  il  lui  avait  laissé  un  billet  cent 
au  crayon,  qui  a  été  saisi  et  qui  est  ainsi  conçu  : 

«  Mon  cher  ami, 

«  Si  vous  l'entrez,  venez  ce  soir  avec  vos  amis,  vers  neuf  ou  neuf 
heures  et  demie^  en  face  des  Folies-Dramatiques,  près  du  C.hàteau- 
d'Eau,  à  l'entrée   du  café  Parisien.  Salut  et  fraternité.  H.  P.  » 

A  son  j-etour  de  l'usine  Farcot,  où  il  travaille,  Guérin,  obéissant 
à  la  convocation,  se  rendit  au  lieu  désigné  avec  Basmaison,  Benel 
et  plusieurs  autres.  Ils  retrouvèrent  au  Chàteau-d'Eau  Sappia, 
Fontaine,  Gournet,  Razoua,  et  près  du  faubourg  du  Temple,  Derin, 
Mangeraatin  et  Bullier  lils  ;  Fontaine  y  chargea  le  pistolet  de  ce 
dernier. 

Au  bout  de  trois  quarts  d'heure,  voyant  que  l'insurrection  ne 
gagnait  pas  de  terrain,  ils  prirent  les  instructions  de  Gournet,  qui 
engagea  Fontaine  à  aller  place  du  Caire,  où  il  devait  trouver 
d'autres  groupes  ;  les  conjurés  s'y  rendirent,  mais  la  tentative 
insurrectionnelle  paraissant  n'avoir  aucune  chance  de  succès,  ils 
finirent  par  se  disperser. 

Pour  faire  comprendre  toute  la  gravité  de  la  convocation  faite 
par  Petiau,  il  faut  faire  connaître  une  lettre  écrite  par  le  nommé 
FayoUe  et  signée  par  cet  inculpé  et  par  le  nommé  Asnon,  lettre 
jointe  ù  la  procédure. 

FayoUe  et  Asnon,  tous  deux  soldats  du  7«  bataillon  de  chasseurs 
à  pied,  alors  caserne  au  Chàteau-d'Eau,  araient  été  embauchés  et 
détournés  de  leurs  devoirs  par  Flourens,  ainsi  que  le  constate  une 
déposition  énergique  de  FayoUe  père.  Tous  deux  ont  déserté  après 
les  troubles  de  février  dernier,  et  sont  passés  en  Belgique.  Le  15  fé- 
vrier, ils  ont  adressé  de  Bruxelles  à  un  des  rédacteurs  du  journal 
la  Reforme,  une  lettre  où  se  trouvent  les  passages  suivants  : 

•  Citoyen  rédacteur,  un  ami  nous  apporte  aujourd'hui  la  lettre 
de  notre  héroïque  et  cher  Gustave  Flourens,  insérée  dans  le 
numéro  d'hier  de  votre  vaillant  journal,  et  l'article  publié  dans  le 
numéro   d'aujourd'hui    du  Fi ijn ru,  bous   ce    tilrc  :   Un   déscrtour... 


306  h'INTEHNATlONALK 

Nous  tenons  seulement  à  iléelarer  au  public;  tout  eulior,  et  aeces- 
soiremcnt  au  sicuv  Lebœuf,  soi-disant  ministre  de  la  gueire  du 
soi-disant  empereur  du  2  décembre,  que  si  nous  sommes  les  amis 
personnels,  à  la  vie  et  à  la  mort,  du  citoyen  Gustave  Flourens  et  de 
tani  d'autres  citoyens  apparlenaut  à  l'armée,  au  journalisme,  nous 
n'avons  besoin  des  leçons  de  i)crsonne  pour  être  ce  que  nous 
sommes,  c'est-à-dire  des  républicains  et  des  socialistes  énergiques 
et  convaincus. 

«  Nous  nou^  croirions  déshonorés,  enfants  de  la  génération 
nouvelle,  de  ne  pas  nourrir  dans  nog  cœurs  la  haine  de  la  tyrannie 
et  la  résolution  indomptable  d'assurer  le  triomphe  de  nos  idées  et 
de  nos  droits  par  tous  les  moyens  possibles...  Oui,  nous  et  une 
multitude  de  nos  frères  de  l'armée,  nous  haïssons  l'Empire, 
nous  voulons  sa  chute  ;  oui,  nous  avons  en  foule,  malgré  votre 
surveillance,  fréquenté  les  clubs  de  Paris,  applaudi  aux  courageux 
discours,  aux  salutaires  leçons  de  tant  de  nos  frères  républicains 
et  socialistes,  oui,  nous  étions  prêts  le  12  janvier,  dans  notre 
caserne  du  Prince-Eugène,  comme  tant  de  nos  camarades,  dans 
toutes  les  autres  easei'nes,  à  faire  cause  commune  avec  le  peuple  ; 
oui,  moi,  caporal  Fayolle,  de  garde  dans  la  soirée  du  12  janvier, 
je  me  proposais  d'ouvrir  la  porte  de  la  caserne  au  peuple,  dont  je 
veillais  les  moindres  mouvements... 

«  Oui,  moi,  chasseur  Asnon,  je  veillais  tout  habillé  au  poste, 
prêta  couper  au  moment  favorable  les  fils  du  télégraphe,  pour  isoler 
la  caserne  de  l'état-major,  et  mieux  assurer  le  succès  de  nos  plans... 
Nous  sommes  désespérés  que  la  journée  du  12  janvier  n'ait  pas 
été  celle  de  l'expiation  suprême  ;  nous  sommes  désespérés  que  celle 
du  7  février  n'ait  pas  été  la  revanche  de  l'autre.  Nous  jurons  de 
mourir  pour  assurer  la  destruction  de  la  tyrannie  et  le  triomphe 
du  droit  et  le  droit,  c'est  la  république  démocratique  et  sociale. 
Salut  et  égalité. 

.  L.  FATOLLE.  —  A.  ASNON.  » 

Ce  document  explique  pourquoi,  dans  la  soirée  du  8  février,  à 
l'heure  même  où  des  barricades  s'élevaient  aux  environs,  les  con- 
jurés étaient  convoqués  et  se  réunissaient  sur  la  place  du  Château- 
d'Eau,  aux  portes  d'une  caserne.  Ils  comptaient  sur  les  embau- 
chages de  Flourens:  ils  ont  été  trompés  dans  leur  attente,  mais 
leur  présence  en  armes  et  en  ce  lieu,  avec  de  pareilles  espérances, 
au  moment  même  où  une  insurrection  était  tentée,  ne  laisse  aucun 
doute  sur  leur  résolution  d'agir,  qui  caractérise  le  complot  et 
confirme  la  démonstration  qui  résulte  des  révélations  de  Verdiei' , 
de  Godinot,  de  Guérin  et  de  tous  les  faits  constatés. 

Faut-il  à  tant  de  preuves  ajouter  que  plusieurs  des  autres  in- 
culpés, notamment  Pellerin,  Bencl.  Basmaison,  Derin,  avouent  le 


ET     LE    .1  ACOBINISME.  30» 

eomplot  contre  la  sûreté  de  l'État,  tout  on  niant  les  desseins  contre 
la  vie  de  l'Elmpereur?  Sur  ce  i)oint,  un  nouveau  démenti  leur  est 
donné  par  le  nommé  Schatenne,  em[)loyé  du  chemin  de  fer  de 
l'Ouest.  Introduit  par  Uamet  dans  les  réunions  des  aflidés,  on  lui  a 
t'ait  connaître  que  ceux-ci  s'armaient,  non-seulemcut  povu-  un  mou- 
vement insurrectionel,  mais  surtout  pour  assassiner  l'Empereur,  et 
qu'on  devait  employer  la  nitro-ylycérine  pour  l'aire  sauter  sa 
voiture. 

Tel  était,  monsieur  le  garde  des  sceaux,  l'état  de  l'information, 
lorsque  de  nouveaux  faits  ont  été  portés  à  la  connaissance  de 
l'autorité  judiciaire. 

Le  29  avril,  le  nommé  Oeaury,  soldat  déserteur,  récemment 
revenu  d'Angleterre,  était  arrêté  à  Paris,  rue  des  Moulins.  Il  était 
porteur  d'un  revolver  chargé  et  d'une  lettre  datée  de  Londres  et 
signée  :  gustavk. 

Cette  lettre  et  les  aveux  de  Beaury  établissent  qu'il  était  rentré 
en  France  pour  attenter  à  la  vie  de  l'Empereur. 

Je  place  sous  les  yeux  de  Votre  Excellence  une  analyse  sommaire 
des  déclarations  de  l'inculpé  : 

«  Je  m'étais  lié  avec  Fayolle,  caserne  comme  moi  place  du 
Château -d'Eau.  Flourens  est  venu  nous  voir  à  la  caserne,  Fayolle, 
Asnon  et  moi.  Le  10  janvier,  ayant  appris  la  mort  de  Victor  Noir, 
et  pensant  qu'il  y  aurait  des  troubles,  je  ne  suis  pas  rentré  à  la 
caserne  :  j'ai  assisté  à  l'enterrement  de  Noir;  puis,  craignant  d'être 
compromis,  j'ai  passé  en  Belgique.  Je  suis  allé  ensuite  à  Londres 
avec  Fayolle,  qui  avait  aussi  déserté.  Nous  y  avons  retrouvé 
Flourens,  avec  lequel  je  me  suis  étroitement  lié.  Je  lui  ai  parlé  de 
mon  projet  d'attenter  à  la  vie  de  l'Empereur,  et  il  m'a  encouragé 
dans  ma  résolution. 

Je  suis  revenu  à  Pans,  d'où  j'ai  correspondu  avec  Flourens.  J'ai 
reçu  de  lui  trois  lettres  ;  j'ai  détruit  les  deux  premières  ;  la  troi- 
sième est  celle  qu'on  a  saisie  sur  moi,  et  qui  est  signée  Gustave. 
J'ai  été  en  relations,  à  Paris,  avec  Ballot,  ami  de  Flourens,  chargé 
par  lui  de  me  remettre  de  l'argent.  J'ai  reçu  une  première  fois 
400  francs,  une  seconde  fois  100  francs,  quelques  instants  avant 
mon  arrestation.  J'avais  l'intention  de  m'habiller  en  soldat  pour 
m' approcher  plus' facilement  de  l'Empereur,  puis  de  me  servir  de 
mon  revolver.  » 

La  lettre  de  Flourens  trouvée  sur  Beaury  était  ainsi  conçue  : 

«  20  avril  1870. 
«  Bien  cher  ami, 

«  J'ai,  en  effet,  reçu  vos  trois  lettres  ;  je  regrette  que  vous  me 
les  ayez    adressées  par  cette  voie    et   par   M.  Smalley,  New- York 


310  L'INTKRNATIONALE. 

'l'rihiino,  lo,  Pall  Mal!,  J^ondres,  eu  mettant  une  enveloppe  inté- 
rieure avec  mon  prénom  ;  mais  j'espère  que  nous  n'aurons  plus  à 
nous  écrire  longtemps,  et  que  la  semaine  prochaine  nous  nous  re- 
trouverons à  Paris,  où  tout  se  terminera  très-bien.  Vous  avez  dû 
recevoir  ma  lettre  du  19,  adressée  à  M.  Fleury,  où  il  y  on  avait  une 
pour  mon  ami  de  la  Banque.  Si  vous  l'avez,  en  effet,  reçue,  et  si 
cet  ami  vous  a  fait  parvenir  par  madame  S...  la  somme  de 
400  francs,  brûlez  la  lettre  ci-jointe  pour  lui,  et  que  tout  soit  dit» 
sinon  envoyez-la-lui,  et  agissez  aussitôt  les  400  francs  reçus. 

«  Il  n'y  a  pus  un  moment  à  perdi'c  ;  l'homme  au  brevet  irait  à  la 
campagne,  et  tout  serait  retardé.  Mais  réussissez.  Je  compte  sur 
vous,  sur  vos  amis  fidèles.  Ne  sortez  que  de  nuit  ou  en  voiture. 
Mangez  l'argent.  Pas  d'imprudence.  Je  suis  avec  vous  de  cœur. 
Ne  manquez  pas,  peut-être  scrai-je  très-vite  à  Paris  pour  vous 
soutenir.  Tout  dépend  de  vous.  Encore  une  fois,  ce  que  je  vous 
disais  ici  ;  ou  il  fallait  ne  pas  s'en  mêler,  ou  réussir. 

«  Votre  GUSTAVE.  » 

Cette  lettre  a  été  soumise,  avec  des  pièces  de  comparaison,  à  un 
expert,  qui  a  déclaré  qu  elle  émanait  de  Flourens.  C4'est  d'ailleurs 
ce  qu'avoue  Beaury. 

Une  autre  lettre  non  moins  significative,  et  écrite  cette  fois  par 
Beaury,  a  été  saisie  au  domicile  du  nommé  Ballot;  elle  porte  la 
date  (lu  28  avril  : 

«  Monsieur, 
«  Le  docteur  a  fini  par  se  déclarer  pour  l'amputation.  Il  la  juge 
indispensable.  Et  comme  il  croit  que  tout  l'etard  serait  mauvais,  il 
la  fera  demain,  coûte  que  coûte  (dût-on  employer  envers  lo  malade, 
qui  n'est  guère  raisonnable,  des  moyens  violents).  Ses  mombreux 
amis  sont  d'accord  là-dessus. 

»  Si  vous  désirez  donc  assister  à  cette  triste  opération,  à  titre 
d'ami  de  ce  pauvre  malade,  vous  pouvez  venir  dans  sa  petite 
chambre  de  la  rue  de  Bivoli,  demain,  entre  deux  et  quatre  heures 
de  l'aprè-smidi. 

R  Je  vous  salue  bien. 

«  CAMILLE. 


«  P. -S.  Les  différents  frais  de  cette  triste  maladie  ayant  dépassé 
de  beaiu'oujt  le  cliil'fre  supposé,  je  me  vois  dans  la  nécessité 
de  réclamer  de  votre  extrême  obligeance  une  avance  de  100  à 
440  frani'S,  somme  que  nous  estimons  très-juste  et  très-indis- 
pensable aux  nombreux  préparatifs  qu'exige  une  pareille  opération 
chirurgicale.  Il  faut   tant  d'instruments  et  tant  d'accessoires!  Nous 


ET     LE    JACOBINISME.  8H 

vous  prions  do  vouloir  bien  remettre  au  porteur  de  la  présente  cette 
petite  somme. 

«  Je  suis  avec  respect,  monsieur,  votre  tout  dévoué, 

«  CAMILLE.  . 

«  Reçu,  h  titre  d'avance,  de  M.  Ballot,  la  somme  de  140  francs.  — 
«  Paris,  ce  28  avril  1870. 

«  CAMILLE.  » 

«  Le  meilleur  ami  de  ce  cher  malade  ne  manquera  pas  de  nous 
rembourser  cette  petite  somme  le  plus  tôt  possible. 

«  Comme  cette  opération  est  très-sérieusement  décidée  pour 
l'hetire  indiquée,  vous  n'en  recevrez  pas  de  nouvel  avis.  » 

Enfin,  depuis  l'arrestation  de  Beaury,  on  a  saisi  une  nouvelle 
lettre  adressée  à  Ballot  par  Flourens,  à  la  date  du  28  avi'il  : 

«  Bien  cher  ami, 

«  Je  reçois  à  peine  votre  lettre  dernière,  et  j'y  réponds  de  suite. 
Si  je  n'ai  pas  répondu  à  la  précédente,  c'est  que  je  ne  voulais  pas 
vous  écrire  directement  d'ici.  Je  vous  remercie  mille  fois  de  tout 
ce  que  vous  avez  fait  jusqu'ici,  mais  je  vous  prie  formellement, 
sous  aucun  prétexte,  de  ne  plus  avancer  un  sou  seulement  à  mes 
amis.  Vous  me  mettriez  dans  l'embarras  en  le  faisant,  et  ne 
m'aideriez  nullement,  car  ce  que  je  veux  est  en  voie  de  se  faire 
très-bien.  Ils  ont  même  besoin  d'être  un  peu  hâtés  dans  l'exécution 
parle  besoin  d'agir. 

<  Je  vous  prie  de  ne  pas  leur  montrer  cette  lettre,  mais  de  leur 
dire  qu'après  ma  dépêche  vous  avez  reçu  une  lettre  vous  disant  de 
ne  rien  faire  de  plus  jusqu'à  nouvel  ordre.  Je  leur  ai  moi-même 
écrit,  par  autre  voie,  la  même  chose.  Surtout,  qu'ils  ne  retournent 
plus  chez  vous,  car  cela  ne  pourrait  que  nuire,  et  je  ne  voudrais 
pas  cette  aventure  pour  rien  au  monde.  Cette  lettre-ci  part  pour 
vous  dans  une  à  ma  mère,  qui  vous  l'expédiera.  Surtout,  soyez 
prudent.  Tout  ira  bien.  Je  vous  verrai.  Mes  bons  hommages  à 
"VOS  dames. 

«  A  vous  de  cœur. 

«  Que  M.  G...,  ni  le  jeune  O...  ne  retournent  plus  chez  vous.  » 

L'authenticité  de  cette  lettre  a  été  reconnue  par  la  mère  et  par  le 
frère  de  Flourens. 

Mais  ce  n'était  pas  seulement  l'assassinat  de  l'Empereur  que 
Flourens  préparait  ainsi  avec  Beaui^y  ;  en  même  temps,  il  orga- 
nisait avec  Sauret,  Greffier  et  autres,  les  moyens  de  faciliter  une 
insurrection. 

Dans  la  soirée   du  30  avril,  Greffier  et  le  nommé   Roussel,  qui 


Slî!  L'INTERNATIONALE 

revenaient  de  la  commune  d'Epinay,  où  ils  avaient  fait  une  com- 
mande de  50  revolvers  à  l'inculpé  Manche,  furent  l'un  et  l'autre 
arrêtés. 

Greffier  resta  aux  niains  de  la  police;  mais  Roussel  s'étant  mis 
à  crier  :  «  A  moi  !  au  secours  !  on  aiTète  les  républicains  !  »  la 
foule  s'assembla  et  des  individus  en  grand  nombi'e,  se  jetant  sur 
les  agents,  délivrèrent  l'inculpé. 

Une  perquisition  faite  immédiatement  à  son  domicile  amena  la 
découverte  de  21  bombes  dont  je  n'ai  point  à  faire  ici  la  des- 
cription. 

A  la  vue  d'un  dessin  publié  par  le  Figaro,  M.  Lepet,  fondeur, 
reconnut  ces  engins  pour  les  avoir  lui-même  fabriqués,  et  il  fit  aus- 
sitôt des  déclarations  dont  voici  la  substance   : 

«  Le  14  avril  dernier,  un  individu,  prenant  le  nom  de  Renard  (et 
dont  le  signalement  paraît  se  rapporter  à  Roussel),  est  venu  me 
commander  des  rondelles  en  fonte  dont  l'assemblage  forme  les 
b  ombes  sasies  chez  Roussel.  Il  m'a  dit  que  ces  rondelles  étaient 
destinées  àfaii*edes  moyeux  de  vélocipèdes,  dont  l'intérieur  devait 
être  garni  en  caoutchouc,  afin  de  donner  au  ressort  plus  d'élasti- 
cité. Il  nous  a  d'abord  commandé  30  moyeux  complets,  puis  cent 
vingt,  ajoutant  que,  même  après  la  livraison  de  cette  quantité,  nous 
pourrions  continuer  à  fabriquer,  parce  que  cette  invention  avait  le 
plus  grand  succès  en  Amérique,  et  que  sa  fortune  serait  bientôt 
faite.  Nous  en  avons  fabriqué  22,  mais  la  grève  étant  surve- 
nue, nous  n'avons  pu  continuer  nos  livraisons.  Il  nous  payait  ces 
moyeux  à  raison  de  ôofr.les  100  kilog.  Sans  la  grève,  j'aurais  fondu 
et  livré  400  bombes.  Sur  les  21  bofnbes  saisies,  j'en  reconnais  17»' 
quant  aux  autres,   elles   ne  proviennent  pas   de  ma  maison.  » 

La  déposition  si  importantede  ce  témoin  offre,  dans  sa  dernière 
partie,  cette  gravité  particulière  de  démontrer  qu'il  existe  des 
bombes  provenant  d'une  autre  fonderie  que  celle  de  M.  Lepet,  et 
qui  est  encore  inconnue. 

Rallot,  qui  avait  d'abord  échappé  aux  recherches  dont  il  était  l'ob- 
jet, vient  d'être  arrêté,  et  il  a  fait  des  déclarations  dont  voici  l'ana- 
lyse. 

«  J'ai  pris  part  à  l'insurrection  de  Crète;  c'est  là  que  j'ai  connu 
Gustave  Flourens.  Dans  la  soirée  du  8  février  dernier,  il  est  venu 
se  réfugier  chez  moi,  où  je  lui  ai  donné  asile  jusqu'au  20  mars.  Pen- 
dant son  séjour  chez  moi,  une  seule  personne,  la  femme  Rauret,  esj 
venue  le  voir.  Depuis  son  départ,  et  sursa demande,  j'ai  remis  succes- 
sivement 1,100  fr.  à  Sauret,  550  fr.  à  Beaury  et  1,400  fr.  à  Greffier.  » 

Tels  sont,  monsieur  le  garde  des  sceaux,  les  principaux  résultats 
de  l'information  judiciaire.  Je  n'ai  point  à  entrer  ici  dans  le  détail 


KT     l.K     JACOBINISME.  813 

des  faits  ni  hieu  moins  encore  dans  l'examen  des  charges  spéciales 
à  chaque  inculpé.  Ce  sera  plus  lard  l'œuvre  de  l'acte  d'accusation 

Ce  rapport  n'a  d'autre  objet,  monsieur  le  garde  des  sceaux,  que 
de  vous  présenter  l'ensemble  de  l'affaire  et  de  vous  démontrer 
l'opportunité  de  convoquer  la  haute  cour  de  justice. 

Veuillez  agréer,  monsieur  le  garde  des  sceaux,  l'hoiuniage  de 
mon  respect. 

Le  conseiller  d'État,  procureur  général  près  la 

cour  impériale, 

GRANPERRET. 


PIEGES   U. 

POURSUITES  CONTRE   l'iNTERNATIONALE  (avril  1870).  —  JUGEMENTS   PRO- 
NONCÉS  PAR   LES   DIFFÉRENTS   TRIBUNAUX. 

I 

JUGEMENT   DU   TRIBUNAL   DE   SAINT-QUENTIN. 

(Audience  du  21  mai.) 

Ministère  public  contre  Sauvageot,  détenu  ;  Huart,  fugitif  ;  Loth 
et  Thomas,  non  détenus. 

«  Le  Tribunal  : 

«  En  ce  qui  touche  le  délit  de  participation  à  une  société  non 
autorisée  imputé  aux  prévenus  Sauvageot  et  Huart, 

«  Considérant  qu'il  résulte  de  l'instruction  et  des  débats  la  preuve 
qu'en  la  présente  année,  une  association  ou  société  non  autorisée  de 
plus  de  vingt  personnes  a  été  formée  à  Saint-Quentin  dans  un  but 
de  résistance  contre  les  patrons  et  de  solidarité  entre  les  ouvriei's  ; 

«  Que  l'existence  de  ladite  société  s'est  manifestée  suffisamment 
par  la  nomination  d'un  président  et  de  collecteurs,  par  la  perception 
de  cotisations,  l'achat  de  livres  de  recettes,  la  possession  et  l'usage 
d'un  timbre  spécial  ; 

«  Qu'il  est  établi  que  les  sieurs  Sauvageot  et  Huart  ont  fait  partie 
de  ladite  association,  fait  prévu  et  puni  par  les  articles  1,  2  de  la 
loi  du  10  avril  1834,  291  et  292  du  Code  pénal. 

«  En  ce  qui  touche  le  délit  d'affiliation  à  une  société  secrèie 
imputé  aux  mêmes  prévenus, 

«  Considérant  que  s'il  est  établi  qu'il  y  a  eu,  de  la  part  d'Huart, 
dans  la  réunion  publique  du  24  avril  dernier,  proposition  formelle 
d'affilier  la   société  de  Saint-Quentin  à  la  société  Internationale  de 


314  L'INTERNATIONALE 

Londres,  cette  proposition  néanmoins  n'a  pas  été  suivie  d'un  vote 
d'adhésion  de  la  part  des  membres  présents  *. 

«  Par  ces  motifs,  renvoie  lesdits  prévenus  Sauvageot  et  Iluart 
de  ce  chef  de  la  poursuite. 

«  En  ce  qui  touche  le  délit  d'excitation  à  la  haine  des  citoyens 
les  uns  contre  les  autres  imputé  aux  quatre  prévenus, 

«  Considérant  qu'à  la  même  réunion  publique  du  24  avril  der- 
nier, les  prévenus  Huart,  Loth  et  Thomas  ont,  à  différentes  reprises, 
dit  que  les  patrons  s'engraissaient  de  la  sueur  des  ouvriers; 
qu'ils  vivaient  do  rapines;  qu'ils  subornaient  les  filles  de  leurs 
ateliers  et  qu'il  fallait  les  détruire  ainsi  que  le  capital  ; 

«  Que  ces  faits  constituent  le  délit  prévu  et  puni  par  les  arti- 
cles 1"  de  la  loi  du  17  mai  1819,  6  et  7  du  décret  du  11  août  1848; 

«  Qu'il  n'apparaît  pas  suffisamment  que  Sauvageot  ait  proféré 
les  mêmes  discours  ni  qu'il  s'en  soit  rendu  complice  ; 

«  Le  renvoie  également  de  ce  chef  de  la  poursuite. 

«  Mais  considérant  qu'en  sa  qualité  de  président  de  ladite  réunion, 
il  n'aurait  pas  dû  tolérer  les  propos  ci- dessus  relatés,  étrangei's  au 
but  et  à  l'objet  de  la  réunion  ;  que  par  là  il  a  contrevenu  aux 
articles  4  et  9  delà  loi  du  6  juin  1848. 

«  Considérant  qu'il  existe  en  faveur  de  Sauvageot  des  circons- 
tances atténuantes, 

«  Vu  les  articles  291,  292  et  463  du  Gode  pénal,  1  et  2  de  la  loi 
du  10  avril  1834,  1  de  la  loi  du  17  mai  1819,  6  et  7  du  décret  du 
11  août  1848, 

«  Condamne,  savoir  :  Sauvageot,  à  un  mois  de  prison  ;  Huart  à 
un  an  de  prison  et  100  francs  d'amende  ;  Loth  et  Thomas  chacun  à 
trois  mois  de  la  même  peine  et  100  francs  d'amende, 

«  Déclare  dissoute  la  société  non  autorisée  dont  s'agit  : 

«  M.  de  CHAUVENET,  président;   DOMADE,  juge;  BIS- 
SON,  juge  ;  BABLED,  procureur  impérial  » 

Gomme  on  le  voit,  dans  ce  jugement  la  question  de  l'Interna- 
tionale est  complètement  écartée.  Sauvageot  et  Huart  ont  été  con- 
damnés non  pas  à  raison  de  leur  afiiliation  à  l'Internationale,  mais 
comme  membres  d'une  société  de  résistance  fondée  à  Samt-Quentin, 
laquelle  société  est  reconnue,  par  le  jugement  même,  n'avoir  jamais 
adhéré  à  l'Internationale.  Étrange  anomalie  :  on  voulait  frapper 
l'Internationale  et  le  jugement  atteint  une  autre  association.  Si  l'on 
s'en  tenait  à  la  lettre  même  de  ce  jugement,  on  devrait  en  conclure 
que  jamais  l'Internationale    n'a  recruté  aucun  adhérent  à  Reims, 

•t.  Voilà  un  considérant  quinous  parait  inintelligible  ;  il  ne  s'agissait  pas  dans  l'es- 
pèce de  savoir  si  cette  société  avait  été  réellement  ou  non  affiliée  à  l'Internatio- 
nale. Toute  la  question  se  réduisait  à  ceci  :  Huart  et  Sauvageot  sont-ils  membres  de 
l'Internationale.  Le  moindre  doute  n'est  plus  permis  quand  on  se  reporte  à  la  déclaration 
du  conseil  général  belge,  et  aux  lettres  échangées  entre  Huartet  Sauvageot  (V.  p.tOf). 


HT     l.r,   JACOBINISMK.  315 

Saint-Quenliu,  et  qu'Huait,  l.olli  el  Sauvageot  ne  lui  ont  jamaiiï 
appartenu  :  ce  ([ui  est  inadmissible  comme  l'otahliss'ut  surabon- 
damment les  documents  quu  nous  reproduisons  plus  loin,  pièce  V. 


II 

JUGEMENT  DU  TRIBUNAL   CORREGTIONNEl.   DE   PARIS. 

(Audience  du  8  juillet  1870.) 

Présidence  de  M.  Brunct.    —  Carlêt,  Thiroain,  Alauzet,  juges.  — 
Aulois,  ministère  puJjlic. 

«  Le  Tribunal, 

«  Maintient  le  défaut  donné  à  l'audience  du  29  juin  dernier  contre 
Varlin,  Sabourdy,  Passedouet,  Uocher,  Carlo,  Ducancquio  et  Giol, 
non  comparants  quoique  régulièrement  cités,  et  après  en  avoir  dé- 
libéré conformément  à  la  loi,  faisant  droit  : 

«  Attendu  que  le  fait  imputé  aux  prévenus  est  celui  d'appartenir  à 
une  association  qui  n'est  autre  que  l'Association  internationale  des 
travailleurs,  qualifiée  de  société  secrète  par  l'ordonnance  qui  a  saisi 
le  tribunal  ; 

«Qu'il  convient  dès  lors  de  rechercher,  en  fait,  si  tous  les  préve- 
nus appartiennent  à  l'Association  internationale,  sauf  à  apprécier 
ensuite  la  qualification  donnée  à  cette  association,  qualilication  que 
le  tribunal  aura  toujours  droit  de  modifier  en  l'atténuant  s'il  y  a  lieu 
de  le  faire  ; 

«  En  ce  qui  touche  le  fait  principal, 

«  Attendu  qu'il  n'est  pas  suffisamment  établi  que  les  inculpé  Du- 
cauquie,  Flahaut,  Landeck  et  Assi  fassent  partie  de  l'Association 
internationale  des  travailleurs; 

t  Que  des  présomptions  graves  s'élèvent  contre  Assi  dont  tous  les 
agissements  pendant  les  deux  grèves  du  Greuzot  tendent  à  établir 
qu'il  a  constamment  existé  une  entière  communion  d'idées  entre  ce 
prévenu  et  les  divers  membres  de  l'Internationale  avec  lesquels  il 
s'est  mis  en  rapport,  soit  au  Greuzot,  soit  à  Paris  ;  mais  que  ces  pré- 
somptions ne  sauraient  suppléer  à  l'absence  de  preuves  directes, 
précises,  certaines  qui  seules  pourraient  prévaloir  contre  les  déné- 
gations d'Assi; 

«  Qu'il  est  en  effet  de  règle,  en  matière  correctionnelle,  que  le 
dente,  quelque  léger  qu'il  soit,  doit  profiter  au  prévenu. 

«  Attendu,  quant,  aux  autres  prévenus,  au  nombre  de  trente-qua- 
tre, qu'il  résulte  de  l'instiuction,  des  débats  et  des  aveux  même  de 
ceux  des  prévenus  qui  se  sont  présentés  à  l'audience,  qu'ils  font 
partie  de  l'Association  internationale  des  travailleurs  ; 


316  L'INTERNATIONALE 

«  Qu'à  la  vérité  il  s'est  produit,  à  la  dernière  heure,  quelques  ré- 
ticences en  ce  qui  touche  le  prévenu  Allard  ; 

«  Qu'en  effet  ce  prévenu,  revenant  sur  ses  précédentes  déclarations, 
a  prétendu  que  s'il  appartenait  de  cœur  à  l'Internationale,  il  ne  lui 
appartenait  pas  de  fait  ;  qu'il  avait  eu  l'intention  d'adhérer  aux 
statuts  de  cette  association,  mais  que  cette  adhésion  n'était  pas 
encore  passée  à  l'état  de  fait  accompli,  lorsque  les  poursuites  ont 
été  dirigées  contre  lui  ; 

«  Mais  attendu  que  ces  allégations  toutes  nouvelles  d' Allard  sont 
contredites  :  i°  par  sa  réponse  au  juge  d'instruction  : 

«  Je  suis  et  je  reste  de  l'Internationale  ;  » 

«  2p  PaY"  sa  réponse  au  pi'ésident,  lors  de  l'interrogatoire  subi  par 
lui  à  la  première  audience  : 

«  Je  fais  partie  de  l'Internationale,  mais  cette  association  n'est 
pas  une  société  secrète  ;  » 

«  3°  Par  cette  circonstance  que,  dans  la  note  insérée  au  numéro 
du  21  mai  1870  du  journal  la  Libre  pensée,  Allard  est  indiqué 
comme  étant  un  des  trois  citoyens  qui  recevront  les  adhésions  à  la 
section  dite  de  la  Rive  gauche,  de  l'Iuternationale;  et  qu'on  ne 
saurait  admettre  que  les  adhésions  de  l'Internationale  puissent  être 
reçues  par  un  individu  qui  lui-même  ne  serait  pas  déjà  membre 
de  cette  association  ; 

«  4°  Par  cette  autre  circonstance  qu'on  a  saisi  au  domicile  d'Allard 
un  livret  lui  donnant  le  titre  de  membre  de  l'Internationale  et  por- 
tant cette  signature  :  «  Le  secrétaire  correspondant,  Paul  Caide,  » 
alors  que  rien  dans  la  cause  n'autorise  à  admettre  que  Carie  (l'un 
des  prévenus  en  fuite)  se  soit  faussement  attribué  le  titre  de  secré- 
taire correspondant. 

«  En  ce  qui  touche  la  qualification  de  société  secrète  relevée  dans 
l'ordonnance  de  M.  le  juge  d'instruction; 

«  Attendu  que  d'une  manière  générale  on  ne  saurait  dire  que 
l'Association  internationale  des  travailleurs  est  une  société  se- 
crète ; 

«  Qu'en  effet  cette  société,  qui  se  compose  de  sections  et  de  bu- 
reaux organisés  publiquement  dans  divers  États  européens,  d'un  con- 
seil général  siégeant  à  Londres,  et  dont  les  résolutions  principales 
sont  discutées  et  arrêtées,  chaque  année,  dans  les  Congrès  dont  l'ac- 
cès est  public,  ne  présente  pas,  considérée  dans  son  ensemble,  les 
caractères  d'une  société  secrète  ; 

«  Qu'à  la  vérité,  organisée  pour  ne  s'occuper  que  d'un  objet  de 
l'ordre  purement  économique  ,  l'amélioration  du  sort  des  classes 
ouvrières,  elle  n'a  pas  tardé  à  dévier  de  son  but,  et  qu'il  n'est  pas 
permis  de  douter  aujourd'hui  que  cette  société,  qui  pouvait  être 
utile  pour  le  bien,  si  elle  s'était  renfermée  dans  les  termes  de  ses 
premiers  statuts,  est  devenue  un  danger  social,  et  un  danger  for- 


KT     LK    JACOBINISMI':.  :il7 

iiiidablc,  si  ou  lient  compte  du  uoiuliif  de  ses  niiMnhrcs,  (jiii,  jtinir 
la  France  seulciiieut,  s  elèvci-ait,  au  dire  dos  prévenus,  à  plusieurs 
t-entaines  de  mille,  et  de  l'ardeur  avec  laquelle  elle  s'est  jiilée  dans 
les  questions  les  plus  irritantes  fie  la  politique  actuelle,  n'abandon- 
nant pas,  il  est  vrai,  son  premier  programme,  mais  déclarant  qu'il 
ne  peut  être  réalisé  que  par  la  révolution  et  par  l'avénemcnt  de  la 
révolution  démocratique  et  sociale  ; 

«  Mais  attendu  qu'il  ne  svit'lit  pas  qu'une  société  s'occupe  de  ques- 
tions politiques  et  s'écarte  de  ses  premiers  statuts  pour  qu'elle  soit 
déclarée  société  secrète  ;  qu'il  faudrait,  pour  établir  la  société  se- 
crète, que  cette  modification  du  programme  de  l'association  fût 
elle-même  tenue  secrète,  tandis  que,  dans  la  cause  actuelle,  il  suffit 
de  se  reporter,  pour  les  Etats  autres  que  la  France,  au  compte  rendu 
du  Congrès  de  Bàle,  et,  pour  ce  qui  concerne  la  France,  aux  divers 
manifestes  qui  ont  été  publiés  dans  les  journaux,  aux  premiers 
mois  de  1870,  aussitôt  après  la  réorganisation  de  Tlnternatioualc 
en  sections,  pour  se  rendre  compte  que  l'iiatrusion  de  la  politique 
dans  les  matières  qui  font  l'objet  du  programme  de  l'association 
n'a  pas  été  tenue  secrète  et  n'a  pas  voulu  l'être  ; 

tt  Que,  pour  ce  qui  concerne  la  France,  tout  spécialement  Paris, 
le  département  de  la  Seine,  et  par  suite  l'objet  dont  le  tribunal  doit 
plus  particulièrement  s'occuper,  il  convient  de  distinguer  deux 
périodes  •  celle  qui  s'est  écoulée  depuis  les  jugements  de  1868,  à 
la  suite  desquels  l'Internationale  fut  dissoute,  en  tant  qu'organi- 
sation par  sections  et  bureaux,  pour  ne  compter,  pendant  un 
certain  temps,  que  des  membres  adhérant  individuellement  à 
ces  statuts ,  sans  faire  partie  d'aucune  section  ,  d'aucun  bu- 
reau ;  et  la  période  qui  s'est  écoulée  depuis  la  réorganisation  de 
l'Internationale  à  Paris ,  c'est-à-dire  depuis  les  premiers  mois 
de  1870  ; 

t  Que  dans  la  première  période,  si  on  trouve,  ainsi  que  cela  va  être 
plus  loin  établi,  un  groupe  d'hommes  dont  les  agissements  concertés 
pour  un  but  poursuivi  en  commun  et  momentanément  caché,  réu- 
nissent tous  les  éléments  constitutifs  de  la  société  secrète,  il  ne 
serait  pas  exact  de  dire  que  les  divers  individus  qui  sont  venus 
adhérer  entre  leurs  mains  aux  statuts  de  l'Internationale  ont  voulu 
s'affilier  à  une  société  secrète  ; 

«  Que  dans  la  seconde  période,  les  adhérents  n'ont  absolument 
rien  fait  de  clandestin,  alors  que  d'une  part  la  réorganisation  de 
l'Internationale  par  sections  bientôt  réunies  en  une  fédération  qui 
centralise  leurs  efforts  plus  énergiquement  encore  que  ne  pouvait 
faire  le  bureau  existant  avant  1868,  et  d'autre  part,  les  manifestes 
qui  engagent  l'Association  dans  la  voie  politique  et  révolutionnaire 
ne  pouvaient  être  ignorés  de  personne  et  avaient  rey-u  la  plus 
grande  publicité  possible  ; 


318  L'INTERNATIONALE 

€  Attendu,  néanmoins,  que,  dans  une  association  publique,  auto- 
risée ou  non  autorisée,  il  est  parfaitement  admissible  qu'on  puisse 
rencontrer  un  ijroupe  d'bommes  se  concertant  pour  arriver  à  un 
but  qu'ils  tiennent  momentanément  secret,  et  dont  les  agissements 
occultes  donnent  à  ce  groupe,  le  plus  souvent  directeur  de  l'asso- 
ciation, le  caractère  d'une  société  secrète  ; 

<  Attendu  que  tel  est  le  fait  qui  se  présente  dans  la  cause  soumise 
au  tribunal  ; 

«  Attendu,  en  effet,  que,  par  deux  arrêts  de  la  cour  impériale  de 
Paris,  des  29  avril  et  24  juin  1868,  l'Association  internationale  des 
Iravaillem^s,  établie  à  Paris,  sous  le  nom  de  Bureau  de  Paris,  ayant 
été  dissoute,  cette  dissolution  fut  ostensiblement  effectuée,  mais 
bientôt  après  certains  hommes,  dont  quelques-uns  figurent  parmi 
les  prévenus,  se  mirent  à  l'œuvre,  de  concert  avec  le  conseil  géné- 
ral de  Londres,  pour  faire,  à  Paris  et  en  France,  une  propagande 
occulte,  destinée  à  aboutir  au  résultat  qui  a  été  obtenu  en  1870, 
c'est-à-dire  la  réorganisation  de  llnternationale  par  sections  et  bu- 
reaux ; 

c  Que  d'abord,  ils  cherchèrent  des  biais,  suivant  l'expression  rele- 
vée dans  une  lettre  de  Dupont,  secrétaire  correspondant  pour  la 
France  au  conseil  général  de  Londres,  pour  éluder  la  loi,  et  que  ces 
biais  n'ayant  pas  été  trouvés,  ils  se  décidèrent  à  procéder  d'une 
façon  secrète  et  toute  différente  ; 

«  Qu'il  y  eut  désormais  en  France  des  cori'espondants  acceptés  ou 
nommés  par  le  conseil  de  Londres  sans  qu'ils  représentassent 
aucune  section,  et  choisis  plus  particulièrement  parmi  les  anciens 
membres  qui  se  trouvaient  dans  le  cas  du  prévenu  Murât,  auquel 
Dupont  écrivait  le  27  novembre  1868  :  «  Vous  avez  raison  de  ne 
pas  abandonner  le  terrain,  votre  position  de  condamné  vous  donne 
un  grand  poids  auprès  des  travailleurs  ;  » 

«  Attendu  que  les  correspondants  eurent  «  pleins  pouvoirs  »  pour 
«  recevoir  des  adhésions  collectives  ou  individuelles,  recueillir  les 
souscriptions  et  cotisations,  et  faire  toute  chose  ayant  pour  but  la 
propagation  de  l'Association  internationale  des  travailleurs,  »  ainsi 
que  cela  est  écrit  dans  le  pouvoir  délivré  à  l'un  d'eux,  le  prévenu 
Murât,  le  27  juillet  1869,  et  saisi  à  son  domicile  ; 

«  Attendu  qu'ils  purent  ainsi,  sans  éveiller  l'attention  de  l'auto- 
rité, reconstituer  tous  les  éléments  de  l'Internationale  jusqu'au 
jour  où  leur  persévérance  aboutit  à  un  tel  résultat ,  que  les 
adhérents  se  trouvèrent  assez  nombreux  et  assez  forts  pour  se  re- 
constituer ouvertement,  au  mépiùs  de  la  loi  et  des  décisions  de 
justice,  en  sections,  et  bientôt  en  fédération  des  sections  pari- 
siennes ; 

<c  Attendu  que  parmi  les  prévenus  il  en  est  sept  qui  ont  incontes- 
tablement donné  leur  concours  à  cette  reconstitution  clandestine 


ET    LE    JACOBINISME.  319 

do  I  Association  dissoute  en  1868,  et  que  ces  prévenus  sont  Varliu, 
Malon,  Murât,  Johannard,  Pindy,  Gombaultct  Ilélijjou  ; 

«  Vai'lin,  dont  le  nom  se  trouve  partoul,  dont  l'aclivitéet  rinlliience 
se  manifestent  à  Lille,  au  Creuzol,  à  Rouen,  à  Marseille,  à  Lyon, 
et  dont  la  correspondance  avec  Aubry,  de  Rouen,  suffirait  à  elle 
seule  pour  établir  quelle  part  importante  il  a  prise  à  la  réorgani- 
sation de  l'Internationale  ; 

«  Malon  qui  faisait,  en  l86'J,  delà  propagande  à  Tourcoing  (lettre 
de  Varlin  à  Aubry  du  18  août  18159),  qui  n'a  du  reste  pas  cherché  ù 
nier  le  rôle  actif  qu'il  a  joué  soit  à  Paris,  soit  en  province,  et  qui 
n'aurait  pu  le  nier,  alors  qu'on  peut  lire  dans  une  des  lettres  qu'il 
adressait,  en  1870,  de  Fourchambault,  au  prévenu  Combault  : 
«  Combien  faudra-t-il  avoir  fondé  de  sections  en  province  pour 
mériter  une  couronne  civique"?  S'il  ne  faut  en  avoir  fondé  que  vingt, 
j'espère  la  gagner;  » 

«  Murât  qui  paraît  avoir  eu  plus  particulièrement  la  conliauce  du 
conseil  généi'al  de  Londres,  dont  il  recevait  en  juillet  1869  les 
pleins  pouvoirs,  auquel  il  adressait  des  i-apports  (lettre  de  Dupont 
du  1  janvier  1870)  et  qui  lui  adressait  lui-même,  à  diverses  reprises, 
des  communications  destinées  non-seulement  à  lui,  mais  encore 
aux  auti'es  agents  de  l'œuvre  de  reconstitution  à  laquelle  il  s'em- 
ployait avec  tant  d'activité,  d'habileté,  et  bientôt  de  succès  ; 

«  Johannard,  membre  du  conseil  général  de  Londres,  alors  qu'il 
résidait  en  Angleterre,  prenant  encore  ce  titre  au  bas  d'une  pru- 
testation  qui  fut  publiée  dans  le  journal  le  Réveil,  le  il  février  1870, 
signataire  d'un  très-grand  nombre  de  cartes  d'adhérents,  détenteur 
de  cartes  en  blanc  et  reconnaissant  .en  avoir  rempli  et  délivré  un 
assez  grand  nombre,  entretenant  avec  Dupont  une  correspondance 
suivie,  recevant  le  titre  de  correspondant  de  l'Interaationale,  se 
livrant  enfui  à  une  propagande  incessante  et  parvenant  à  fonder  à 
Paris  la  section  du  faubourg  Saint-Denis; 

c  Pindy,  fondateur  de  la  section  de  Brest,  délégué  aux  congrès  de 
Bruxelles  et  de  Bâle,  en  1868  et  1869,  reconnaissant  avoir  placé  à 
Paris  et  ailleurs  trois  cents  cartes  d'adhésion  à  l'Internationale, 
sinon  un  plus  grand  nombre,  et  déclarant  au  surplus  à  M.  le  juge 
d'instruction  qu'il  n'a  jamais  cessé  d'employer  ses  efforts  à  cette 
propagande;  Pindy,  dont  la  correspondance  avec  Le  Doré,  de  Brest, 
indique  assez  quel  but  il  poursuivait  en  s'efforçant  de  réorganiser 
l'Association  internationale,  et  dont  les  espérances,  les  désirs,  l»s 
ardeurs  et  les  égarements  révolutionnaires  sont  révélés  d'une 
façon  sinistre,  par  ces  formules  d'engins  de  destruction  qui  ont  été 
saisis  en  son  domicile,  formules  auxquelles  rien  ne  manque,  pas 
même  la  note  indicative  de  la  façon  dont  il  faudra  se  servir  des 
engins  après  les  avoir  fabriqués  ; 


3:10  L'INTERNATIONALE 

«  Coinljaull,  aulrelois  résidant  ù  Londres,  et  membre  du  conseil 
général  à  celte  même  époque,  entretenait,  depuis  son  retour  en 
France,  une  correspondance  suivie  avec  Dupont,  lui  dcmaurlant 
l'intervention  de  Pyat  et  de  Resson  «  comme  chose  indispensable 
'pour  faire  la  révolution,  t  ainsi  que  la  réponse  de  Dupont  saisie 
chez  Hélig'on  en  fait  foi  ;  détenteur  à  son  domicile  de  cartes  et  de 
livrets  en  blanc  dont  la  possession  ne  s'explique  que  par  un  intérêt 
de  propagande  ;  organisateur  enfin  de  la  section  de  Vaugirard, 
dont  il  est  aussitôt  nommé  le  correspondant  ; 

K  Héligon,  dont  les  dénégations,  en  ce  qui  touche  le  rôle  qui  lui 
est  attribué  par  la  prévention  depuis  d868,  sont  démenties  et  dé- 
truiles  par  deux  lettres  émanées  de  Dupont,  de  l'homme  qui,  par 
sa  fonction  au  conseil  général  de  Londres,  peut  et  doit  connaître 
le  titre  et  le  rôle  de  chacun  dans  tout  ce  qui  concerne  la  branche 
française  de  l'Internationale  ; 

€  Une  première  lettre  qu'il  adresse  à  Murât  et  à  d'autres,  au  sujet 
de  la  composition  du  jury  Yermorel,  place  Héligon  au  nombi*e  des 
correspondants;  une  deuxième  lettre,  qu'il  adresse  à  Combault, 
place  Héligon  au  même  rang  que  Varlin,  Malon  et  les  autres,  lors- 
qu'il s'agit  de  choses  qui  intéressent  officiellement  l'Internationale, 
elle  porte  textuellement  ceci  :  «  Je  t'engage  à  prendre  rendez-vous 
avec  Varlin,  Héliyon,  Johannard,  Malon  pour  voir  Murât;  je  lui 
envoie  les  pièces  officielles  ;  il  y  a  en  outi^e  une  lettre  qui  vous 
concerne  tous  ;  » 

«  Attendu  que  parmi  les  autres  jDrévenus,  il  en  est  quelques-uns, 
tels  que  Avrial,  auquel  Drouchon  écrit  le  10  avril  1869  une  lettre 
contenant  un  passage  significatif,  mais  qui  ne  peut  avoir,  en  tant 
que  preuve,  la  valeur  d'un  écrit  émané  de  Dupont  ;  Colmia,  dit 
Franquin,  qui  fut  délégué  au  Congrès  de  Bàle,  et  qui  adhéra  en 
août  1869  à  l'Internationale  avec  la  société  de  résistance  des  impri- 
meurs, d'autres  encore  à  l'égard  desquels  certaines  indications  de 
la  procédure  portent  le  tribunal  à  se  demander  s'ils  ne  se  sont  pas 
livrés,  eux  aussi,  à  une  œuvre  clandestine  de  reconstitution,  devant 
les  faire  ranger  dans  la  catégorie  à  laquelle  appartiennent  les  sept 
prévenus  qui  précèdent  ; 

«  Mais,  attendu  qu'en  une  telle  matière,  les  présomptions  doivent 
être  écartées  dès  qu'elles  ne  sont  pas  suivies  de  preuves  positives 
absolument  certaines,  et  que  ces  preuves  ne  paraissent  résulter 
contre  Avrial,  Franquin  et  consorts,  ni  de  la  procédure,  ni  des 
débats  ; 

«  Que  par  suite,  il  convient  de  restreindre  cette  première  caté- 
gorie, à  "Varlin,  Malon,  Mui^at,  Johannard,  Pindy,  Combault  et 
Héligon  ; 

«  Attendu  que  si  les  agissements  de  ces  sept  prévenus  avaient  été 
individuels,    nullement    concertés,    leur    propagande    clandestine 


HT     LL;     JACUHlNlS.Mi:.  UiM 

echupporuil  à  l'action  de  la  loi,  et  ne  saurait  justifier  riucuipation 
de  société  secrète,  parce  cpic  dire  société,  c'est  dire  concert  et 
association  ; 

t  Mais  attendu  que  cel  élément  essentiel  du  délit  imputé  aux  pré- 
venus ne  l'ail  pas  défaut  dans  la  cause; 

«Qu'en effet,  rien  n'est  moins  exact  que  de  dire,  ainsi  que  l'a  t'ait 
Combault  dans  sa  défense,  que  les  prévenus  dont  il  s'agit,  divisés 
en  partie  par  quelques  dissiilenccs  d'opinion,  n'avaient  les  uns  avec 
les  autres  que  des  relations  fugitives,  très-rares,  presque  nulles; 

«  Que  le  contraire  résulte  des  pièces  saisies  au  cours  de  l'infoniia- 
lion,  et  que,  pour  ne  parler  que  de  Combault,  qui  seul  a  produit  ce 
moyen  de  défense,  on  le  voit  correspondre  aclivement  avec  Malon, 
signer  avec  Malon  et  Varlin,  en  prenant  tous  les  trois  le  titre  de 
f  membres  de  l'Association  in'.ernationals  des  travailleurs  »,  un 
manifeste  révolutionnaire  inséré  dans  In  nv.nicro  du  l\)  janvier  18~() 
du  journal  la  Marseillaise,  transmettre  à  Héligon,  aux  mains 
duquel  il  la  laisse,  une  lettre  de  Dupont  dont  ii  a  été  déjà  parlé; 

c  Qu'au  surplus,  en  dehors  des  relations  privées,  il  existait  entre 
ces  prévenus  un  lien  commun,  résultant  des  rapports  qu'ils  entre- 
tenaient avec  le  conseil  général  de  Londres,  et  des  instructions, 
des  pouvoirs  qu'ils  recevaient  de  ce  conseil  pour  arriver  à  la 
meilleure  et  à  la  plus  prompte  réalisation  de  l'œuvre  commencée; 

((  Qu'en  effet,  ce  conseil,  dont  l'autorité  sur  les  membres  de  l'Asso- 
ciation est,  quoi  qu'on  en  ait  dit  aux  débats,  assez  énergique  pour 
revêtir,  au  besoin,  un  caractère  de  juridiction,  ainsi  que  le  prouve 
la  lettre  de  Dupont  relative  au  jury  de  Rochefortet  Vermorel,  trans- 
mettait aux  prévenus  des  instructions,  des  injonctions  ([ui  souvent 
étaient  collectives;  des  injonctions  lorsque,  par  excmpK\  s'adres- 
sant  aux  citoyens  Murât,  Malon,  Héligon,  Combault,  membres 
du  jury  Vermorel,  et  autres  correspondants  de  l'Association  inter- 
nationale des  travailleurs,  il  leur  intimait  d'avoir  à  exclure  un 
membre  de  ce  jury  et  de  soumettre  leur  conduite  à  l'examen  du 
conseil  général  ;  des  instructions,  lorsqu'il  invitait  Combault  à  s'en- 
tendre avec  Vai'lin,  Héligon,  Johannard  et  Malon,  pour  voir  Mural 
et  prendre  chez  ce  dernier  communication  des  pièces  ofliciellcs 
qui  venaient  de  lui  être  adressées,  ainsi  que  d'une  lettre  qui  les 
concernait  tous; 

f  Attendu  que,  si  l'œuvre  de  [irupagande  occulte  à  laquelle  les  pré- 
venus rangés  dans  cette  première  catégorie  se  sont  livrés,  établit 
déjà  contre  eux,  aux  yeux  du  Uibuual,  le  fait  d'avoir  été  membres 
d'une  société  secrète,  il  se  rencontre  dans  la  cause  un  autre  élément 
qui  est  constitutif  de  ce  même   délit  ; 

«  Attendu,  en  effet,  que,  suivant  ses  premiers  statuts  et  suivant  la 
l)cnsce  qui  j)arait  avoir  préside  à  sa  création,  l'Association  interna- 
tionale des  travailleurs  ne  devait,  ainsi  que  ce  la  a  été  dit  prciédem- 

21 


a-2i>  L  '  I  iN  T  K  R  N  ,\  T  1  0  N  A  L  E 

ment,  s'atlachcr  qu'à  la  solution  de  questions  pui-cmcnt  écono- 
miques et  devait  rester  étrangère  aux  questions  de  l'ordre  politique, 
à  leurs  passions,  à  leur  irritation;  *' 

«  AI  tendu  que,  si  on  i»rend  l'Association  au  moment  où  les  décisions 
judiciaires  de  1868  viennent  de  la  dissoudre,  on  la  voit  encore  fidèle 
son  programme,  à  la  veille,  il  est  vrai,  de  l'abandonner,  car  ses 
membres  ou  presque  tous  sont  des  hommes  hostiles  aux  institu- 
tions gouvernementales  de  notre  époque,  tous  ou  presque  tous 
veulent  individuellement  la  République  démocratique  et  sociale, 
et,  réunis  pai'  les  liens  énergiques  de  l'Association  internationale, 
ils  vont  être  latalcment  amenés  à  faire  servir  cette  puissante  orga- 
nisation à  la  réalisation  de  leurs  désirs  individuels;  néanmoins  à 
cotte  date  de  1868,  ils  protestent  que  leur  programme  est  toujours 
le  même  et  que  ce  n'est  pas  par  la  révolution  qu'ils  cherchent  à  le 
réaliser,  mais  bien  par  l'étude,  la  persuasion  et  le  progrès; 

e  Que  si,  au  contraire,  on  prend  l'Association  internationale 
en  1870,  au  moment  où,  par  les  efforts  de  Murât  et  des  autres,  par 
leur  propagande  occulte  et  leur  activité,  cette  Association  est  ar- 
rivée à  se  reconstituer  au  grand  jour,  on  la  voit  ardemment  préoc- 
cupée de  toutes  les  questions  politiques,  résolue  à  saisir  toutes  les 
occasions  (jui  pourront  se  présenter  d'arriver  à  son  but,  non  plus 
j)ar  une  révolution  pacifique,  celle  qui  s'opère  dans  les  idées,  mais 
par  la  révolution  violente,  celle  qui  commence  dans  la  rue  ; 

«  Que  pour  s'en  (convaincre,  il  a  suffi  au  tribunal  de  lire  les  mani- 
festes et  les  comptes  rendus  publiés  dans  la  Marseillaise  et  dans  le 
Béveil,  des  premiers  mois  de  1870,  sans  même  s'arrêter  aux  cor- 
respondances privées,  aux  lettres  de  Varlin,  de  Chiseret,  de  Baste- 
lica  et  autres  :  lettres  dans  lesquelles  les  ardeurs  i^évolutionnaires 
se  traduisent  en  des  termes  qui  témoignent  du  parti  que  l'on  entend 
tirer  de  l'Association  internationale,  de  son  organisation  éner- 
gique, de  sa  puissance,  de  ses  ramifications  sur  tout  le  continent 
européen  et  jusque  dans  le  nouveau  monde; 

«  Attendu  qu'un  tel  état  de  choses,  si  différent  de  la  situation 
de  1868,  ne  peut  être  évidemment  attribué  qu'à  l'action  de  ceux  qui 
entreprirent  après  1868  de  reconstituer  l'Internationale,  et  qui  ont 
réussi  à  le  faire  dans  des  conditions  qui  ne  sont  plus  celles  des 
statuts  d'origine,  des  statuts  que  le  public  a  connus; 

«  Attendu  dès  lors,  qu'à  ce  double  point  de  vue  d'une  propagande 
occulte  et  d'une  impulsion  secrètement  donnée  dans  un  sens  qui  a 
fait  dévier  l'Association  internationale  du  terrain  économique  pour 
la  placer,  au  jour  même  de  sa  reconstitution,  sur  le  terrain  poli- 
tique, le  délit  de  société  secrète  est  largement  établi  contre  les 
sept  prévenus  de  la  première  catégorie; 

«  Que  cetle  appréciation  n'est,  du  reste,  en  aucune  façon  contra- 
ilii'loire  avec  celle  qui  a  été  précédenmient  formulée,  et  aux  termes 


i;r    i.K   .lAcoiiiNisMi-:.  323 

de  laquelle  les  nouveaux  ciToniciils  do  l'Iiiteriialiouiile,  dt.'s  loi's 
qu'ils  sont  pul)lics,  ne  la  coasiitueul  pas  à  l'état  do  société  secrète: 
le  tribunal  ne  «'occupant  en  ce  moment  que  de  délcnninei'  le  carac- 
tère de  l'o'uvre  de  propagande  occullc  pai-  laquelle  certains  hommes 
sont  arrivés  à  réorganiser  rAssociation,  et  à  la  réorganiser  pour 
un  but  autre  que  celui  auquel  elle  tendait  à  l'origine; 

«  Attendu  que  l'objection  tirée  du  décr.'t  d'amnistie  du  14  août  18(î9, 
<iui  n'a  pas  été  produite  aux  débats,  mais  qu'il  était  du  devoir  du 
tribunal  de  relever  d'office,  ne  reçoit  pas  application  dans  l'espèce; 
«  Qu'en  erfet,  l'œuvre  de  propagande  claudi'slinc  à  la([nellese  sont 
livrés  Varlin,  Murât  et  les  cinq  autres  prévcDUS,  n'a  itiis  lin  qu'en 
1870,  plusieurs  mois  après  l'amnistie,  et  seiileuient  le  Jour  où,  la 
reconstitution  étant  devenue  un  fait  accompli  et  publii-,  l'ieuvi-e  se- 
l'rète  n'aurait  plus  eu  sa  raison  d'être; 

«  Attendu  que,  de  tout  ce  qui  précède,  il  résulte  que  la  prévention 
de  société  secrète  n'est  établie  qu'à  l'égard  de  sept  prévenus,  et 
(jue,  pour  tous  les  autres,  la  qualification  donnée  par  l'ordonnance 
de  M.  le  juge  d'instruction  doit  être  modifiée  et  atténuée  par  le  tri- 
bunal, leur  association  ne  devant  plus  être  qualifiée  (jue  d'associa- 
tion illicite  dans  les  termes  de  l'article  2'Jl  du  Code  pénal; 
<(  Par  ces  motifs, 

«  Le  tribunal  donne  de  nouveau  défaut  contre  Varlin,  etc.,  non 
comparants  ; 

«  Renvoie  des  fins  de  la  prévention,  sans  amende  ni  dépens,  Assi, 
Ducaucquic,  Flahaut  et  Landeck  ; 

«  Déclare  Varlin,  Malon,  Murât,  Johannard,  l'indy,  (lombault  et 
Iléligon,  atteints  et  convaincus  d'avoir,  à  Paris,  depuis  moins  de 
trois  ans,  et  notamment  depuis  le  décret  d'amnistie  du  14  août  1869, 
lait  partie  d'une  société  secrète , 

«  Et,  leur  faisant  applicati-n  de  l'article  13  du  décret  du  28  juil- 
let 18i8, 

<i  Condamne  chacun  d'eux  à  un  an  d'emprisonnement  et  100  francs 
d'amende; 

«  Dit  qu'ils  seront  tenus  solidairement  au  payement  des  amendes; 
«  Fixe  à  quatre  mois  la  durée  de  la  contrainte  par  corps,  s'il  y  a 
lieu  de  l'exercer; 

«  Dit  en  outre  qu'ils  resteront  pendant  un  an  privés  des  droits  ci- 
viques ; 

«  Renvoie  Avrial,  Sabourdy,  Colmia  dit  Franquin,  Passedouet, 
Hocher,  Langevin,  Pagnerre,  Robin,  Leblanc,  Carie,  Allard,  Theiz, 
Collot,  Germain,  Casse,  Chalain,  Mangold,  Ansel,  Bertin,  Boyer, 
Cirode,  Dclacour,  Durand,  Duval,  Fournaise,  Franckel,  Giot  el 
^lalzieux,  de  la  prévention  d'avoir  fait  partie  d'une  société  secrète; 
mais  les  déclare  atteints  et  convaincus  d'avoir  à  Paris,  depuis 
moins  de  trois  ans   et   notamment  après   le   décret  d'amnistie  du 


S-2i  L  '  I N  ï  K  11  N  AT  1  Oi\  AL  li 

l't  août  1869,  fait  inirlie  de  l'Association  iutcrnatioiiale  des  tiavail- 
lcui"s  qui  se  compose  de  plus  de  vingt  personnes  et  n'est  pas  auto- 
risée; 

«  Et,  leur  faisant  application  des  articles  !29i,  2'J!2  du  Code  pénal 
et  2  de  la  loi  du  10  avril  1834, 

n  Condamne  chacun  d'eux,  à  deux  mois  de  prison  et  25  francs 
d'amende; 

«  Dit  qu'ils  seront  tenus  solidairement  au  payement  des  amendes, 
et  lixe  pour  chacun  d'eux  à  quatre  mois  la  durée  de  la  contrainte  par 
corps  s'il  y  a  lieu  de  l'exercer  pour  le  recouvrement  de  ces  amendes  ; 
déclare  dissoute  l'Association  générale  des  travailleurs,  à  Paris 
et  dans  le  département  de  la  Seine,  dans  les  sections  et  dans  la  fé- 
dération des  sections  parisiennes;  dit  que  les  dépens  seront  soli- 
dairement supportés  par  tous  les  condamnés,  et  les  liquide  à  la 
somme  de... 


jugp:ment  nu  tkibunal  cokrkgtionael  dk  brest. 
(Audience  du    sanietli  23  juillet  1870.) 

1" —  Compte  vendu  de  l audience. 

Les  six  prévenus  répondent  à  l'appel  de  leurs  noms.  Deux  témoins 
seulement,  MM.  Blanchard,  commissaire  de  police,  et  Le  Hérissé, 
commissaire  central,  ont  été  cités  à  la  requête  du  ministère  public. 
Les  dépositions  de  ces  témoins  se  bornent  au  récit  succinct  des 
arrestations  et  des  perquisitions  qu'ils  ont  été  chargés  d'opérer. 
Ils  déclarent  avoir  saisi  chez  Tréguer  et  chez  Moalic  une  carte  de 
sociétaire  signée  par  Pindy,  un  livret  de  cotisation  et  un  exemplaire 
des  statuts  de  l'Internationale. 

Sur  interpellation  du  procureur  impérial,  le  témoin  Blanchard 
ajoute  que,  depuis  sa  sortie  de  prison,  Le  Doré  a  recommencé  à 
tenir  des  réunions  et  qu'il  a  reçu  chez  lui  tous  les  jours  Moalic  et 
Plouzané,  père  et  fils. 

Le  président  demande  au  commissaire  central  quelle  est  la  con- 
duite des  prévenus. 

Le  témoin  répond  qu'elle  n'est  pas  mauvaise;  que,  d'après  lui, 
Constant  Le  Doré  est  J'ânie  de  celte  section.  Pour  les  autres  pré- 
venus ou  quelques-uns  du  moins,  il  est  convaincu  que  l'Interna- 
lionale  n'est  pas  autre  chose  qu'une  société  de  secours  mutuels. 

Le  procureur  impérial  fait  observer  que  ce  n^est  Jk  qu'une  ap- 
prêcinlion  [lertionnelle. 


ET    LE    ^1  '  --ME.  aSS 

Le  ^veTç-uu  Li? D&rè  j««te=r*f^     _  .  ;  -.TOiâ  qTi'3  sTtesit  fas  ÎTâ^iP  'âe 
la  «oeâ-e^tf  :  gn*!]  -&=<t  seifilktBeHi  tcn  de    oeiii:  :rm  travaBfleMl  le  ph&. 
E  est  pi-cipédé  fl^gniÉe  à  riaaÉ*-'  "^-amis. 

■HBS  i9  ae  pease  pas  'fK"*»  pM:4ac.  ma  icoa  âare  «  leprBifbe  jaHa^ne 
«ellle  soieaéftë  a  pasnr  ftoit  rgmeitBgafeaa  Aes  «a^Manfe  aa  les  pirtal  à 
s''eair^Bâder  r— *'    Wnamiji   m  afa^  eaniBBis  ameHn  as^  «Da^paàfe. 

Ijc  jorês^ecï^  —  :^  e.?tle  -^  [  itaâ  lîiiiiinii  iii'  ilm  •^bb  ^vik 

le '£le&,  «a  B  ea  pQûQ^sïUT^  --.itMânm.  Cre^cAp  ifos  pr»- 

!  les  ^rwtis  et  'çm  1^  ssiàBÉe.  'um  s'aunùâ;  ^os  tib  e^  grèves 


heUoFt-^  —  Cesî  TLD.?  enfîni- :  ru  z.  i  ^tJiiLi?  T-n  .1;-,-^ 

pafiliffmes? 
£ie  Doré.  —  Jamarâgw 

dpfcaaes  pvsMnrœes  pas- 1^  aneiiiiiïpes  àe  TCiire  >:._:-  _r-;:-  !•» 
tarilMKBl  de  MSene  fAiv  éamism-iet  esfBKwuBm.  >^pe.  àm&ûe  sf      - 

tèrfêiser  des  ifKtwMi:;.  pofiËfn^,  ib  «mft  an  esnÉraÔK?  Izi.:!. 

<èe  leareersier  les  itas^;  fsir  iles>fE»les  i^sse  la  ^Dsâé^^  Ils  aiâ 
iill'inaiHiff'iiilt  ^àa^aé  ki  «veR«  an  cafi^. 

L^  Doré.  —  La  'gaerva  am  ■^gmiaë  ne  ■gàgmitfie  piis  âépeiBi^sr  eran: 
ifû  pr-nifiiiifi,  wnîn  se  p^sea*  <§■  ns^àf^  ctt  >à^  paÉra^  for  rnsiss 
d^  traLTaôBsoTS. 

i>  présjûsiii^  —  B  ffîâ  éT&âeaS  ^e  Tbït-ersaÊàaBais  se  fvapese  '^ 
eitûàsir  sdoi  ^&mr  ^î  son  lieimte  at  '^"aSi^  tenà  a  Fià^too'Tiâen  àe  teafi 
pa*  le  naaaBÎiaKt,  e^'esâ-^aMâàs®  par  !k  TaiBik»e&. 

Le  Darv^,  —  Cesl  âe  cMKoïi^ajr^  :  sm  Iml  ^  àe  &âre  3«sfcister  ki 
I0Kx4è  âe  cbusEB. 

Lf  fresàSeaiS.  —  Amt  foàs^  i«sp^f!l»-  ibi  i&er*^  (Tnâam.  il  iniA 
<âraâjt  ^j>a<»»wa  ,fM*>sai*rm^  ^^  ^rAt^wa  .?f>».>»'^|.^^fi^j|f^^j|j^ppf»  ^-'^i^^»,^^  ^  nfWTîr 

£vnKy&  S'&risPt  dm  ^e^iEtseal  Rentraj  àe  liSaiâKS  <êfiut  le  pr^wummg 
f^  •â'araixwB'  par  des  mèveiMBsns  "vàsIlfiiiÉeSs  <f|aà  iMHKneaifieiitt  par 
âes  frèTvs  scHEdieKOtïs:  par  ht  sswàèt<ë  .4  Jn  S^fiamiûë^aK'  stKimif  f-i  nza- 

Le  DùTc;  —  Xous  a?  souLmfs  à  îa  rfsinoir^pK'  âaurmi  ebei,  Nc^b^ 
i*  recovens  juas  de  uftoî  dorâre  ;  ciiMiepe  5«icaà©ai  «st  senveErame- 

Le  jBurâàieat.  —  3)bàs  al  dts  ccaifliiecaî  se  faiî-ii  gxie  ts^otis  s^p^m 
afiilÀè  à  «ne  socKOé  dral  îe  p7±Dci|ial  sù^  ««â  a  Lcatàrf^-" 

Le  B»é.  —  4«e  ai^  aà  araesa  vu  de  mal  "? 

Lefrseanmr  iayéràsj  «  Le  I^ùtt,  — Le  Doiv',  3i'»Tei2-v:.c>  p»?  ne- 
•nniniHiB  va  <fH3«^  pMnr  aJBicr  i  Paais  ^pobs  M«iB^«(neT  fivfir  Jes  arntre^ 


;(:.'(;  L'INTERNATIONALE 

Lr  Dort'-.  —  ,ie  siis  allé  assister  aux  fléljats  du  procès  uni  m'in- 
téressait, puis([iie  j'i't.'iis  moi-même  sous  le  coup  d'une  poursuite 
seml)lal)]e. 

Le  prôsn'clpiil.  —  Si  vous  n'aviez  jkis  de  mauvaises  intentions, 
pourquoi  vous  eadier  et  correspondre  par  des  lettres  chiffrées  dont 
vous  avez  refusé    de  donner  la  clef? 

Le  Doré.  —  La  clef  m'a  été  donnée  par  Pindy  :  je  ne  pouvais  la 
divulguer  sans  son  consentement.  Il  n'y  a  rien  de  mal  dans  ces 
lettres  chiffrées. 

Le  président.  — Qu'entendez-vous  par  ces  mots  contenus  dans 
une  de  vos  lettres  :  J'ai  voyagé  avec  des  soldats  :  iJs  m'ont  dit 
qu'ils  refuseraient  de  tirer  sur  des  ouvrjci's.  Vous  projetiez  donc 
quelque  soulèvement?  (Signes  de  dénégations  de  Le  Doré.)  Alors, 
expliquez-vous. 

Le  Doré.  —  A  Aubin  et  à  la  Ricamarie  on  a  massacré  des  gens 
qui  demandaient  des  choses  justes.  Ce  sont  des  soldats  qui  ont  tiré 
sur  eux.  Ma  lettre  signifiait  que  les  soldats  avec  qui  j'ai  voyagé, 
étant  eux-mêmes  des  ouvriers,  auraient  refusé  de  tirer  sur  leurs 
frères. 

Le  président.  —  Ce  que  vous  dites  là  est  odieux.  Si  le  sang  a 
coulé,  qu'il  retombe  sur  les  sociétés  dont  vous  faites  partie;  ce 
soul  elles  qui  ont  mis  l'autorité  dans  la  douloureuse  nécessité  de 
recourir  à  la  force  pour  faire  respecter  la  loi  et  pour  défendre  ceux 
qui  étaient  attaqués. 

Le  procureur  impérial  fait  oliserver  que  le  prévenu  n'est  pas  un 
ouvrier  :  il  travaille  dans  les  bureaux  aux  appointements  de 
900  francs  et  a  refusé  500  francs  d'augmentation  pour  avoir  le  droit 
de  protester. 

Le  Doré  réplique  que  la  société  à  laquelle  il  appartient  n'a  jamais 
provoqué  les  grèves  dont  il  vient  d'être  parlé.  Il  ne  s'explique  pas 
pourquoi  le  gouvernement  poursuit  cette  société,  alors  qu'il  ne 
poursuit  pas  les  sociétés  de  Saint-Vincent  de  Paul  et  la  société  des 
Jésuites  qui  ne  sont  pas  plus  autorisées  que  FLiternationale. 

Le  présid'Vit  à  Le  Doré.  —  Votre  assimilation  n'est  pas  exacte- 
Individuellement  les  membres  de  la  société  des  Jésuites  ont  fait 
vœu  de  pauvreté  ;  quant  aux  membres  de  la  société  de  Saint- 
Vincent  de  Paul,  ils  portent  des  consolations  et  des  secours  dans 
la  demeure  des  pauvres. 

Votre  but  à  vous  est  d'arriver  à  donner  satisfaction  à  vos  intérêts 
individuels. 

Le  Doré.  —  Gomment  se  fail-il  alors  qu'ils  soient  si  riches  et 
nous  si  pauvres? 

Interrogatoire  de  Plouxané  Célestin.  —  Il  reconnaît  faire  partie 
de  l'Internationale  :  il  était  secrétaire  adjoint  de  la  section.  11 
ajoute  :  Ce  n'est  uns  la  un  grade,  cav.jious  sonjwes  tous  égaux. 


HT     I.K     JA<:(»r{INIS  MK.  Ht'? 

Intrrrof/atoirf  'If  Ln  Jfnrr  (Jos^eph),  Trère  ilc  Le  Doré    ConstanM. 
Il  avoiu^  l'iiiro  parlic  de  riiitenuilion.ilc. 

Inlorior/atowe  do  Plonzané[  Victor). 

Il  déclare  être  membre  de  riateriKitionale.  Il  explique  i|u'il  a  été 
arrêté  le  25  mai  et  conduit  en  prison  coninic  faisant  partie  d'une 
société  secrète.  On  l'a  accusé  de  vouloir  chavirer  le  gouvernement: 
il  n'a  jamais  eu  l'intenlion  de  cliavircr  quoi  ({ue  ce  soit;  il  veut 
seulement  l'amélioration  du  sort  des  travailleurs. 

Le  présidenL.  —  Quand  les  travailleurs  ont-ils  été  plus  heureux 
qu'aujourd'hui'.' 

Plou/.unê.  —  Voilà  trente-cinq  ans  que  je  travaille  depuis  cinq 
heures  du  matin  jusqu'à  sept  heures  du  soir.  J'ai  eu  onze  entants  : 
il  m'en  reste  encore  .sept,  et  nous  avons  toujours  vécu  dans  la 
misère. 

Le  procureur  impérial.  —  Croyez-vous  vous  enrichir  par  une 
révolution? 

Plouaané.  — Ni  mes  amis,  ni  moi,  ne  voulons  une  révolution  : 
nous  avons  seulement  étalili  entre  nous  une  société  pour  nous  sou- 
tenir mutuellement . 

Le  président.  —  Quand  vous  ferez  une  société  dans  un  but  aussi 
louable,  nous  serons  les  premiers  à  vous  soutenir. 

Plouxané.  —  Cependant  vous  nous  poursuivez  sans  que  nous 
ayons  rien  fait  pour  le  mériter. 

Inlerroçfatoire  do  Moalic. 

Il  avoue  être  membre  de  l'International i^  et  ne  voir  dans  cette 
qualité  aucun  mal.  Il  ajoute  qu'à  sa  sortie  de  prison  on  l'a  ren- 
voyé du  port  et  ou  a  mis  sur  son  congé  que  c'était  par  inconduite 
que  l'on  le  renvoyait.  Cependant  il  n'a  eu  aucune  punition  pendant 
les  six  ans  qu'il  est  resté  au  port.  Il  a  voulu  réclamer  prés  du 
préfet  maritime,  et  ce  dernier  a  appelé  du  monde  pour  le  faire 
mettre  à  la  porte. 

Le  président.  —  C'est  de  l'inconduito  que  de  protéger  les  grèves 
par  des  subsides. 

Plouzanc.  —  L'Internationale  n'a  jamais  provoqué  aucune  grève. 

Le  président.  —  Vous  savez  bien  le  contraire  :  c'est  Assi,  l'un 
de  vos  sociétaires,  qui  a  excité  les  ouvriers  du  Creuzot. 

Constant  Le  Doré  proteste  contre  cette  allégation.  Il  défie  d'éta- 
blir qi^p  l'Internationale  ait  provoqué  une  seule  grève.  Assi  n'a  ja- 
mais fait  partie  de  la  société,  et  ce  qui  le  prouve,  c'est  qu'il  a  été 
acquitté  par  le  tribunal  de  Paris. 


3S8  T/INTERNATIONALE 

Interrogaloiro  dn  Tréguor. 

7Vé^»fr  reconnaît  qu'il  fait  i)avtie  de  l'Internationale. 

Le  procureur  impérial  prend  la  parole  et,  dans  un  brillant  réqui- 
sitoire, fait  le  procès  do  Félix  Pyat  et  de  Mazzini  ([u'il  roj^ardc 
comme  les  fondateurs  de  l'Internationale.  11  flétrit  la  Commune  de 
Paris,  l'attentat  d'Orsini,  le  i\  Juin  1848,  et  le  journal  la  Marseil- 
laise qu'il  représente  comme  l'organe  officiel  de  l'Association  inter- 
nationale. 

Il  condamne  les  doctrines  subversives  proclamées  dans  les  con- 
grès et  meetings  tenus  à  Londres,  Genève,  Lausanne ,  Bàle, 
Bruxelles,  Mons,  Paris,  Rouen  et  Lyon.  Il  ne  relève  contre  la  sec- 
tion de  Brest  d'autre  fait  qu'une  adhésion  à  la  fédération  pari- 
tienne,  signée  :  Constant  Le  Doré  et  Gélestin  Plouzané,  et  repro- 
duite dans  le  journal  la  Marseillaise  (numéro  du  23  avril). 

Il  demande  une  application  sévère  de  la  loi  contre  chacun  des 
prévenus. 

Le  Doré  (Constant)  lit  une  défense  écrite.  Tous  les  accusés  décla- 
rent adhérer  à  cette  défense  et  n'avoir  rien  à  y  ajouter. 

Le  tribunal  se  retire  dans  la  chambre  du  conseil  el,  après  une 
demi-heure  de  délibération,  rend  le  jugement  suivant  : 

'(  Le  tribunal  : 

€  Attendu  qu'il  résulte  des  dépositions  des  témoins  entendus  à  l'au- 
dience, des  diverses  pièces  saisies  au  domicile  des  prévenus  et  de 
leurs  propres  aveux  même  qu'ils  ont  fait  partie  comme  membres 
de  la  société  dite  Inlernationnle, 

«  Les  déclare  atteints  et  convaincus  d'avoir,  à  Brest,  depuis  moins 
de  trois  ans,  et  notamment  après  le  décret  d'amnistie  du  14  août  1869, 
fait  partie  de  l'Association  internationale  des  travailleurs,  qui  n'est 
pas  autorisée  et  qui  se  compose  de  plus  de  vingt  pei'sonnes. 

«  Par  application  des  articles  291,  etc., 

«  Condamne  :  Le  Doré  (Constant)  à  deux  mois  de  prison  et  50  francs 
d'amende  ;  Gélestin  Plouzané,  à  un  mois  de  prison  ;  Moalic,  Le  Doré 
(Joseph),  Plouzané  (Victor)  et  Tréguer,  chacun  à  dix  jours  de  la 
même  peine;  tous  solidairement  aux  frais;  Déclare  dissoute  la  sec- 
tion de  l'Internationale  établie  à  Brest. 

«  Président  :  M.  DUPUIS.  —  Procureur  impérial  : 
M.  LEGEARD  de  la  DIRYAIS.  « 

Après  le  prononce  du  jugement,  Tréguer  proteste  contre  la  dis- 
tinction établie  par  le  jugement  entre  les  accusés.  Tons  coupables 
du  même  degré,  s'écrie-t-il,  nous  devions  subir  la  même  peine. 


I-:T     LK     ,1  Af;OI!INISME.  329 

Lo  prôsideiil  lui  lail  observer  qu'il  ne  rfsie  plus  désormais  qu'une 
seule  mîiuièro  ilr  [irolcsloi-  (îonlro  ce  jugiMiltiul  :  la  voixdf  l'appol. 

'lo  —  Défenf^n  onllnctivn  Inn  par  Constant  f,"  Par.'-. 
Messieurs, 
Tous  les  six,  nous  avons  été   arrêtés  nt   oonrlnils  à  la  prison  rlu 
fort  Boujiuen  : 
Le     tî  mai,  Lo  Doré  (Goustanf)  ; 
Le    4,  Plouzané  (Colostin)  ; 
Le    5,  Le  Doré  (Joseph)  et  Plouzané  (Victor)  ; 
Le  10,  Tréguer  (Pierre)  ; 
Le  11,  Moalic  (Louis). 
Le  1  juin  on  nous  mettait  en  liberté  provisoire.  Ce  qui  fait  : 

35  jours  de  prison  pour  Le  Doré  (Constant)  ; 

34 Plouzané  (Célestin)  ; 

33 Le  Doré  (Joseph)  ; 

33 Plouzané  (Victor)  ; 

28 Tréguer  (Pierre)  ; 

27 Moalic  (Louis). 

Nous  étions  accusés  de  l'aire  partie  de  la  société  secrète  Vlnter- 
nationale  dos  travailleurs. 

Pourquoi  nous  a-t-on  emprisonnés,  quand  on  n'avait  aucune 
preuve  que  nous  eussions  fait  le  mal  ? 

Aujourd'hui  nous  sommes  poursuivis  i)0ur  faire  partie  de  r.4sso- 
ciation  internationale  des  travailleurs,  association  composée  de 
plus  de  vingt  personnes  et  non  autorisée  par  le  gouvernement. 

Chacun  de  nous  est  membre  de  cette  société. 

Nous  n'avions  pas  à  demander  d'autorisation;  sommes-nous  les 
seuls  à  faire  partie  d'une  société  non  autorisée? 

Et  l'association  des  Jésuites"? 

Et  la  société  de  Saint-Vincent-de-Paul? 

Et  la  franc-maçonnerie? 

Beaucoup  parmi  ceux,  qui  nous  poursuivent  font  partie  d'une  o 
plusieurs  de  ces  sociétés. 

Est-ce  à  dire  que  nous  voudrions  les  voir  poursuivies?  Non. 

Mais  nous  voulons  également  notre  droit  de  nous  réunir  et  de 
nous  associer. 

Pourquoi  lajustice  française  aurait-elle  deux  poids  et  deux  mesures? 

Est-ce  parce  que  nous  sommes  des  travailleurs  ? 

Nous  ne  sommes  donc  pas  des  hownies  devant  Jouir  également 
de  leurs  droits  ? 

Comment  !  ce  sont  les  travailleurs  qui  supportent  les  charges 
de  la  société  et  ils  n'auraient  pas  de  droits  ? 

Liberté  pour  tous,  voilà  ce  que  nous  voulons.  Nous,   nous   vou- 


330  L'INTERNAtrONALE 

Ions  nous  organiser   pour   nous  ontr'airler  mutuellomenl   et  poui 
avoir  Je  produit  iiilégral  de  notre  Irnvnil. 

Le  président  lui  fait  observer  qu'il  ne  reste  plus  désormais  qu'une 
seule  manière  de  protester  contre  ce  jugement  :  la  voix  de  l'appel. 

Nous  voulons  être  assurés  de  ne  pas  mourir  de  faim  et  vivi'r 
heureux  en  travaillant  modérément. 

Nous  no  voulons  [)as  que  notre  existence  et  notre  hien-étre  dé- 
pendent du  caprice. 

Pourquoi  nous  dénierait-on   ce  droit  V 

Quels  sont  ceux,  qui  veulent  le  faire  ? 

Avons-nous  fait  le  mal  ? 

L'insliuclion  qui  a  fouillé  dans  notre  vie  publique  et  privée  a-t-rlle 
trouvé  quelque  chose  de  mauvais  ?  Non.  Eh  bien,  alors,  .Messieurs, 
nous  vous  demandons  en  vertu  de  quel  principe  de  Justice  vous 
nous  condamneriez. 

Personne  n'est  plus  honnête  que  nous. 

La  loi  pour  être  respectée  doit  être  l'expression  de  la  vérité  et  de 
la  justice. 

Bresl,  23  juillet  1870. 
Ont  signé  :  Constaist  LE  DORÉ,  Céi.kstin   PLOUZANÉ,    secrétai- 
res de  la  section. 


IV 

JUGEMENT    DU    TRIBUNAL    DE    H  OU  EX. 

(Audience  du  1"  septembre  1870.) 

«  Ministère  publie  contre  Aubry,  Piéton  et  autres. 

(I  Le  Tribunal, 

«  Attendu  que  les  prévenus  ne  comparaisant  pas  quoique  réguliè- 
rement cités  ; 

«  Attendu  qu'aux  termes  des  articles  :29l  du  Code  pénal,  1  et  2  de 
la  loi  du  10  avril  1834,  nulle  association  de  plus  de  vingt  personnes 
dont  le  but  sera  de  se  réunir  tous  les  jours  ou  à  des  jours  marqués 
pour  s'occuper  d'objets  religieux,  littéraires,  politiques  et  autres, 
et  alors  même  que  ces  associations  seraient  partagées  en  sections 
d'un  nombre  moindre  et  qu'elles  ne  se  réuniraient  pas  tous  les  jours 
ou  à  des  jours  marqués,  ne  pourra  se  former  qu'avec  l'agi-érnentdu 
gouvernement  ou  son  autorisation  ; 

«  Attendu  qu' Aubry,  Piéton,  Régnier,  Creuset  et  Julien  ont  re- 
connu dans  l'information  qu'ils  étaient  membres  de  l'Association  in, 
ternationale  des  Iravnilleurs   ot   de  l'association  dite  le  Cercle  d'é- 


KT     I.H     JAl'OniNISME.  ^Si 

tudes  deononuqiics  de  Honcn  ;  i\\\\\  icsiille  des  piùces  du  |)rO(!t's 
qnelos  affiliés  de  ces  deux  associa!  iniis,  ildul  le  iiuinbre  exccde  au- 
jourd'hui daus  le  seul  ari'ondissemenf  de  Rouen  douze  cenlspei'sou- 
ues,  se  son!  depuis  moins  de  trois  ans  riMinis  àdil'féieutes  reprises  ; 

«  Attendu  qu'il  résulte  également  des  pièces  du  procès  que  les  af- 
liliés  poursuivent  et  la  niino  de  nos  institutions  poJitùfuc  s  ci  In  de-<- 
truction  mcmr  do  la  société  ; 

«  Attendu  que  l'attente  d'une  révolution  radicale  se  moulre  dans 
chacune  des  lettres  émanant  des  meiuhres  de  l'Association  interna- 
tionale ;  que  tous  s'anprètent  à  jouer  un  rôle  dans  cette  révolution; 
quo  dès  1867,  Dupont,  seerétaire  dn  conseil  central  de  l'Interna- 
tionale  pour  In  France,  écrivait  a  Aubry  :  «  La  rôvolntion  est  fa- 
tale, elle  arrivera  quand  même,  il  faut  que  les  vingt  soient  prêts 
pour  ce  jour  »,  faisant  ainsi  allusion  an  premier  noyau  d'adhérents 
recrutés  par  Anhry  ; 

«  Attendu  que  [dus  tard  les  at'iiliés  dévoilent  leur  but  plus  claire- 
ment s'il  est  possible  :  qu'ainsi  le  19  janvier  dernier,  Varlin  l'un 
des  plus  lemuants,  écrit  à  Aubry  ;  Nous  devons  du  même  couj; 
abattre  toutes  les  têtes  de  l'hydre,  mais  il  no  faut  pas  que  nous  les 
manquions  et  voilà  pourquoi  nous  hésitons  ; 

«  Attendu  que  trois  mois  après,  Amouroux,  un  autre  affilié,  écrit 
à  son  tour  au  même  Aubry  :  J'ai  reçu  une  lettre  de  Marseille  de 
Bastelica  :  cela  marche  très-bien,  ils  sont  prêts  a  tout  pour  réussir; 
que  déjà  Aubry,  au  mois  de  septembre  1869,  avait  reçu  d'un  nommé 
Robert,  de  laC'.haux-de-F'onds,  une  lettre  où  on  lit  ces  mots:  Je  crois 
que  la  violence  seule  pourra  nous  amener  a  un  but  et  je  suis  de  ceux 
qui  disent  :  Au  feu  les  vieilles  loques,  les  paperasses,  les  titres  de 
propriété  et  C'^  ; 

«  Attendu  qu'au  congrès  de  Bàle,  en  1869,  ou  se  trouvaient  réunis 
les  délégués  des  sections  de  l'Internationale,  on  avait  clairement 
manifesté  d'ailleurs  le  but  de  l'Association  ;  qu'on  s'était  séparé  au 
cri  trois  lois  l'epèté  de  Vive  la  république  démocratique  et  sociale 
universelle  !  et  après  avoir  pris  les  deux  résolutions  suivantes,  qui 
ont  été  insérées  dans  les  statuts  de  l'Association  internationale  : 
1°  Le  congrès  déclare  que  la  société  a  le  droit  d'abolir  la  propriété 
individuelle  du  sol  et  de  faire  rentrer  le  sol  à  la  communauté  ;  2"  il 
déclare  oncni'p  quil  y  a  nécessité  de  faire  rentrer  la  propriété  du 
sol  à  la  propriété  collective  ; 

«Attendu  que  les  projets  subversifs  de  l'Association  internatio- 
nale ne  sont  donc  pas  douteux  -,  qu'il  résulte  des  pièces  et  des  décla- 
rations mêmes  des  prévenus  dans  l'instruction  que  le  Cercle  d'études 
économiques  de  Rouen  n'est  qu'une  section  de  cette  association  ; 
«  Qu' Aubry,  Piéton  et  Creuset  ne  peuvent  objecter  ({u'ils  ignoraient 
le  but  de  l'Association  internationale,  puisque  tous  trois  assistaient 
au  congrès  de  Râle  ;  que  les  pièces  saisies  chez  Julien  et  Régnier 


382  L  '  I  N  T  E  R  N  AT  I  0  N  A  L  E 

démontrent  qu'ils  n'i£>noi'aien(   rien  ilo   ce  que  savaient   les   trois 
autres  ; 

«  Attendu  que  les  prévenus  ne  sauraient  se  disculper  en  disant 
qu'ils  ont  sollicité  l'autorisation  de  l'administration,  qui  ne  leur  au- 
rait pas  été  refusée  ; 

«  Attendu  qu'il  est  constant  qu'aucune  autorisation  n'a  été  accordée 
à  l'une  ou  à  l'autre  de  ces  associations  ;  que  si  l'administration  n'a 
pas  immédiatement  dénoncé  ces  associations  à  la  justice,  c'est  que 
les  affiliés  avaient  soin  de  dissimuler  leurs  menées  en  masquant 
leurs  docti'ines  subversives  ; 

€  Attendu,  en  effet,  qu'à  l'époque  où  Aubry  déposait  les  statuts  du 
Cercle  et  ceux  de  Y  Association  internationale,  on  n'avait  encore  rien 
dit  dans  ces  derniers  statuts  de  la  propriété  foncière  ;  que,  si  les 
résolutions  de  l'association  sur  ce  point  n'ont  été  prises  qu'au  con- 
grès de  Bàle,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  cependant  que  les  doctrines 
précisées  dans  ces  résolutions  étaient  professées  depuis  longtemps 
déjà  par  les  principaux  meneurs,  tous  disciples  de  la  même  école  ; 
qu'on  les  dissimulait  pour  les  besoins  de  la  cause  ;  que  cette  dissi- 
mulalion  éclate  lorsqu'on  rapproche  les  correspondances  des  affiliés 
des  lettres  qu'ils  adressaient  à  l'administration  ;  qu'on  voit  par  ces 
correspondances,  qu'ils  attendaient  pour  la  plupart  des  circons- 
tances favorables  pour  jeter  le  masque  ;  que  cette  disposition  se  ré- 
vèle dans  une  lettre  du  8  octobre  1869  de  Varlin  Jx  Aubry  ou 
il  lui  dit  :  «  S'il  vous  était  possible  de  vous  créera  Rouen  une 
petite  position  indépendante,  cela  serait  très-heureux  pour  vous 
et  surtout  pour  notre  cause,  car  cela  nous  permettrait  de  prendre 
des  allures  plus  rudes  et  surtout  plus  révolutionnaires  »  ;  que 
de  son  côté  un  autre  correspondant  d'Aubry,  Robert,  dans  sa  let- 
tre précitée,  lui  dit,  en  parlant  de  leurs  doctrines:  «  11  ne  faudrait 
pourtant  pas  crier  cela  par-dessus  les  toits  aujourd'hui,  car  on  ris- 
querait d'avoir  à  se  sucer  les  doigts  pour  vivre.  En  ce  moment 
par  exemple,  dans  ma  libre  Suisse,  je  suis  obligé  de  filer  doux 
comme  un  agneau  pour  conserver  ma  place  au  collège  industriel 
de  Cliaux-de-Fonds  »  ; 

«  Attendu  que  les  prévenus  ne  sauraient  donc  trouver  un  moyen 
de  défense  dans  une  tolérance  qu'ils  ne  devaient  qu'aux  dissimula- 
tions auxquelles  ils  avaient  recours; 

«  Attendu  que  tous  les  documents  de  la  cause  démonti^ent  qu'Aubry 
était  à  Rouen  le  principal  agent  de  l'association  ;  que  c'est  grâce 
à  sa  propagande  que  des  sociétés  affiliées  à  l'Internationale  ont 
surgi  dans  cet  arrondissement  ;  que  c'est  donc  sur  lui  principale- 
ment que  doit  peser  la  répression  ; 

«  Attendu  que  les  faits  établis  à  la  charge  d'Aubry  et  de  Piéton 
sont  antérieurs  à  ceux  qui  ont  fait  l'objet  des  jugements  prononcés 
contre  ces  prévenus  les  21  juillet  et  11  août  1870; 


E  l      L  E     .1  A  C  O  H 1  N  1 S  M  1-:  .  ii^ri 

«  Altoiidu  (fiu!  le  iiriiici|)(' de  iion-c.uiiml  dos  pciiii's  pose  [tarraiiicle 
ïJ6o  du  Code  d'iiistruetioii  criminelle  s'iipidiciue  i'i  loiitos  les  iiilVac- 
tions  atteintes  de  peines  eorroctionnelles  <[ni  n'en  ont  pas  élé  expli- 
citement ou  iniplicitement  exceptées  et  nolauunent  aux  infraelinns 
qui  font  l'objet  des  poursuites  qui  ont  élé  et  qui  sont  aujourd'hui 
dirigées  contre  Âubry  et  Piéton;  que  par  suite  les  condamnations 
prononcées  contre  ces  prévenus  ne  doiventpar  excéder  le  maximum 
de  la  i)eine  édiclée  par  l'article  18  do  la  loi  du  H  mai  1819,  peine  la 
plus  foite  applicable  aux  délits  qui  ont  l'ait  l'objet  des  poursuites 
dirigées  contre  eux  ; 

«  Parées  motifs,  — l.e  Iribunal  donne  défaut  contre  Aubry,  Pie- 
ton,  Régnier,  Julien  et  C'.reusot,  faute  de  comparaître,  les  déclare 
coupables  d'avoir,  dans  l'arrondissement  de  Rouen,  depuis  moins  de 
trois  ans,  fait  partie  de  V,-issocinlion  dilo  lo  (mtcIi)  d'études  éconiini- 
qiios  et  de  celle  dite  F  Internat  ioualo  des  travailleurs,  associations 
qui  se  composent  chacune  de  plus  de  vin,yt  i)er&onnes  et  <[ai  n'ont 
pas  été  autorisées  ; 

«  Délits  prévus  et  punis  par  les  articles  -iUi  du  Code  [)eual, 
1  et  '2  de  la  loi  du  10  avril  1881; 

«  C'-ondamne... 

"  Président  :  M.  LKCAY,  vii-e-[)residcnl .  — Jut/es  :  .MM.  Ki.ii'. 
LEFEBVRE  et  PELLICAT.  —  Ministère  inihlic  :  M.  SE1{- 
GENT,  substitut.   » 


PIEGE  V 

LKITHKS  u'hLART  ET  UE  SACVAUEOT  SUR  LES  PROGRES  DE  l'iNTERNA- 
TIONALi;  A  liEI.MS,  SAINT-QUENTIN,  RETHEL,  UOULT-SUR-SUIPPE  ET 
AUTRES  CENTRES.  DOCUMENTS  DIVERS  RELATIFS  A  I.A  SITUATION  DK 
l'internationale  DANS  CES  CONTRÉES. 


Au  vonipiiijnvit  Jun;/,  jirrsKhint   le  (jiuili'iènie   runi/res   de  l'Associa- 
tion internationale  des  travailleurs. 


o.  Reims,  10  aoùl  1S69. 

«  Goinpagnun, 
U  s'est    formé   à    Reims  dei)ui8    le    mois    de    mars   dernier 
deux   grandes    sociétés  ouvrieies,  celle   des  tisseurs  et  celle   des 
fileurs,  qui  comprennent  ensemble  3,000  membres.  Mon  but  était  de 


1 


334  L'INTERNATIONALE 

leur  faire  connaître  l'Association  internationale  et  de  leur  faire 
comprendre  que  ce  n'est  que  par  l'entente  et  l'association  des  ou- 
vriers de  toute  l'Europe  que  nous  pourrons  résoudre  la  question 
sociale  ;  mais  comme  en  France  on  ne  peut  s'affilier  officiellement, 
nous  ne  l'avons  pas  fait;  et  puis  les  esprits  n'étaient  pas  préparés, 
car  depuis  dix-iiuit  années  que  les  travailleurs  de  Reims  ne  s'étaient 
pus  occupés  de  leurs  affaires,  et  avec  une  faible  instruction,  et  en- 
core toute  catholique  qu'ils  reçoivent,  vous  pensez,  compagnon, 
que  l'on  a  bien  de  la  peine  à  se  faire  comprendre.  D'un  autre  côté 
les  bourgeois,  quand  ils  ont  su  que  ,je  faisais  partie  de  l'Associa- 
tion inlernationale,  ont  fait  et  font  encore  leur  i)ossible  pour  don- 
ner une  mauvaise  idée  de  l'Internationale.  VAi  même  temps  les  pa- 
trons ont  eu  tellement  peur  qu'ils  ont  eu  des  réunions  pour  voir 
ce  qu'ils  devaient  faire.  D'un  autre  côté  nous  avions  avec  nous  des 
traîtres  qui  n'ont  pas  manqué  de  lue  dénoncer  à  lu  police,  et  ils  au- 
raient voulu  me  faire  peur  en  me  disant  que  l'on  me  recondui- 

)-ait  à  la  frontière  parce  que   je    suis  Belge Si  nous    ne 

son)mes  pas  encore  affiliés  à  l'Internationale,  c'est  que  les  lois 
actuelles  de  France  le  défendent  ;  mais  moralement  nous  sommes 
des  vôtres,  car  nous  poursuivons  le  même  but.  Courage  donc, 
compagnon,  ne  craignons  pas  les  méchancetés  de  la  bourgeoisie 
et  les  calomnies  qu'ils  disent  contre  l'Association  internationale, 
car  c'est  la  peur  qui  les  leur  fait  dire,  et  ils  savent  bien  que  l'avenir 
nous  appartient,  car  nous  sommes  vingt  contre  un,  et  ils  savent  bien, 
quand  tous  les  ouvriers  se  tendront  une  main  fraternelle  par- 
dessus les  frontières,  que  ces  frontières  disparaîtront  et  que  nous 
ne  serons  plus  qu'un  grand  peuple  de  travailleurs  et  de  produc- 
teurs, au  lieu  de  nous  entr'égorger  dans  des  guerres  ;  la  seule 
guerre  que  nous  ferons  sera  à  l'ignorance  et  à  la  fainéantise  :  car 
eux,  s'ils  veulent  vivre,  ils  devront  se  faire  travailleurs  comme  nous 
et  ne  plus  s'engraisser  à  nos  dépens.  Veuillez,  compagnon,  remercier 
pour  moi  tous  les  délégués  venus  au  congrès  et  donner  mes  sa- 
lutations fraternelles  à  tous  les  membres  de  l'Association  ;  le  bonjour 
à  Depaepe,  Hins,  Brismée  et  Fontaine,  s'ils  sont  au  congrès. 

«  Je  vous  serre  la  main. 

ïHUART, 

«  Tailleur,  rue  du  faubourg  Cérès,  77,  à  Reims  (Marne- 
France),  membre  de  la  fédération,  section  brnxelloise 
(le  rinternatiouale. 


Veuillez  m'envoyer  le  compte  rendu  complet  du  congrès  afin  d'en 
donner  connaissance  à  la  société.  « 


ET     LE    .lACOlilNlSMt:.  335 

II 

«  Reims,  13  mars  1870. 
1-  Compagnon  Sauvageot, 

'<  Tâchez  d'organiser  votre  comité  sur  un  bon  pied.  Je  vous  apprends 
que  nous  faisons  partie  de  l'Association  internationale.  .\ous  allons 
fonder  à  Reims  un  conseil  fédéral.  Tous  les  comités  des  villes  voisi- 
nes pourront  se  fédérer  avec  nous .  Quand  vous  serez  organisés, 
nous  pensons  bien  que  vous  ne  demanderez  pas  mieux  que  de  vous 
fédérer  avec  nous,  car  il  n'y  a  que  par  l'Internationale  que  nous 
pourrons  ixnissir 

«  Toutes  les  villes  de  France  sont   en  train  de  s'organiser.    .    .    . 

«  Tenez-moi  au  courant  de  ce  qui  se  passe  à  Saiut-Quentin,  et  de  ce 
qui  a  rapport  au  travail,  pour  eu  rendre  compte  au  conseil  fédéral 
de  Paris. 

1  J'attends  une  réponse.  Salut  fraternel, 

.(  HUA  HT, 


«  Faubouri;  Gérés  77. 


III 


«  Reims,  le  18  mara  1870. 
«  Compagnon  San vageot, 

«  Fais  ton  possible  pour  fonder  un  comité:  dis-leur  que  dans  tous 
les  pays  d'Europe  les  sociétés  ouvrières  s'organisent  et  se  fédèrent 
à  l'Internationale,  seul  moyen  d'arriver  à  notre  affranchissement. 
Courage,  compagnon,  et  nous  arriverons  à  détruire  l'arbitraire. 

Salut  fraternel. 

«  HUART, 
i<  Faubourg  Gérés,  77.  » 

IV 

a  Uétliel,  21  mars  1870. 

«  Citoyen  Marmonnier  ',  à  Ivyon. 

«  Aussitôt  la  réception  rie  votre  appel  daté  du  lô  couranl,  je  suis 
parti  immédiatement  pour  Reims,  siège  de  notre  société,  pour  faire 
part  à  notre  comité  de  la   lettre  que  vous  m'avez  envoyée.  Sur  ma 

1  Marmonnier  fait  ticluelleinoiil  [jurtits  du  coûsoil  iiiuiiici|ial  du  Lyuu. 


Sm  L  '  i  N  T  E  K  N  A  T  1  0  N  A  L  E 

demande,  ainsi  (jue  sui'  la  demande  du  eitoyen  Thomas  (l)ébiic;,  de 
I5oull-sur-Suippc,  nous  sommes  parvenus  à  faire  voter  une  somme 
de  2,000  francs  qui  devaient  être  envoyés  au  citoyen  Variin.  Mais 
malheureusement  nous  avions  dans  notre  comité  plusieurs  membres 
qui,  no  comj)renant  pas  Ui  solidarité,  ont  i'ail  signer  une  protesta- 
tion contre  la  décision  du  comité,  et  j'ai  appris  dimancixe  dernier 
que  la  somme  votée  n'était  pus  envoyée.  Eloignés  du  comité  et 
n'étant  pas  à  la  portée  de  surveiller  ses  actes,  nous  sommes  obligés 
de  faire  des  démarches  continues  pour  pouvoir  faire  marcher  ses 
affaires  à  notre  gTé,  et,  en  notre  absence,  notre  secrétaire  passe  outre 
la  décision  du  comité.  Nous  sommes  donc  aujourd'hui  dans  la  né- 
cessité de  révoquer  ces  hommes  qui,  nous  eu  sommes  certains, 
sont  en  rapport  avec  les  patrons, 

«  En  présence  de  semblables  faits,  nous  avons  cru  devoir  informer 
le  comité  de  Reims  que  nous  suspendions  nos  versements  à  Heims 
jusqu'au  renouvellement  du  comité. 

«  Si  nous  ne  pouvons  rien  établir  de  sérieux  à  Reims,  nous 
serons  forcés  d'établir  notre  centre  à  Rethel  qui  possède  des  élé- 
ments beaucoup  plus  sérieux  que  P»eims,  car  il  n'y  a  même  pas  à 
Heims  d'homme  capable  de  donner  une  réunion  publique.  Nous 
pouri-ions  fonder  à  Rethel  un  comité  avec  Boult-sur-Suippe,  Ra- 
zancourt,  Pont-Favergé,  lleutrégiville.  Notre  intention  serait 
même  de  propager  l'association  à  Sedan  et  autres  villes  où  les  ou- 
vriers sont  en  grand  nombre. 

«  Dimanche  prochain  une  réunion  publique  aura  lieu  à  Rethel. 
Lecture  sera  faite  des  correspondances  que  j'ai  reçues  de  vous  et 
de  Variin.  Nous  ouvrirons  une  sousci'iption  publique  :  ne  réunirais -je 
(qu'une  faible  somme,  je  vous  l'enverrai  dans  le  plus  bref  délai  '. 

«  J'espère,  citoyen,  que  vous  me  tiendrez  au  courant  de  ce  qui  se 
passe  à  Lyon  conrernant  votre  grève. 
«  Salut  fraternel. 

«  LOTM,  bonnetier,  rue  de  Sorbon.  r> 

V 

a  Paris,  24  mars  1870. 
«  Latoyen  Luth, 
«  Je   vous  envoie  par  le  courrier  cent  exemplaires  des  statuts  de 

t  Au  sujet  de  la  soniiiic  de  2,000  fianc--,  iluiit  le  président  Uuarl  avait  dispose  en  fa- 
faveur  des  passementiers  de  Lyon,  une  scissioii  se  prnduisit  au  seui  de  la  société 
Le  Droit.  Le  groupe  de  V.ethel  fut  sur  le  point  de  se  séiiarer  de  celui  de  lieinis. 
0:1  eu  vint  aux  injures  et  aux  outrages  !  Le  citoyer.  .laequet,  secrétaire  île  la  société, 
poursuivit  en  police  eurreciionnelle  Huarl  et  le  fil  condamner  pour  diffamation  et 
injures  publiiiues  à  ':>0  francs  d'amende-,  c'est  à  ces  faits  (}ue  fait  allusion  Varliu, 
le2i  mars,  dans  sa  lettre  k  Loth. 


KT     Lli    JACOBlNliSME.  Siil 

rinternatiouule 

«  Pour  ce  qui  est  de  vos  divisions  avec  lieims,  à  mon  avis,  avant 
de  songer  à  vous  séparer,  il  faudrait  faire  quelques  efforts  pour 
modifier  radicalement  le  comité  Rémois  :  j'ai  vu  Huart  lundi,  c'est 
son  avis. 

«  J'écris  à  Rouen  pour  vous  faire  servir  la  Réforme  sociale. 
«  Salut  fraternel. 

«  E.  VARLIN.  .. 


VI 


«  Reims,  31  mars  1870. 
«  Compagnon  Sauvageot, 

«  Malgré  les  entraves  que  les  patrons  mettent  pour  empêcher 
notre  œuvre,  nous  réussirons  quand  même.  Dis  aux  compagnons 
qui  sont  renvoyés  de  prendre  courage.  Les  patrons  ne  seront  pas 
toujours  aussi  fiers.  Je  suis  nommé  correspondant  du  conseil  gé- 
néral de  Londres.  J'ai  été  nommé  à  Londres  le  22  mars  dernier. 
Fais-le  savoir  aux  patrons  qui  veulent  vous  renvoyer  et  dites-leur 
qu'ils  feraient  beaucoup  mieux  d'être  plus  convenables.  Car  en 
vous  renvoyant,  ils  insultent  l'Association  internationale  tout  entière, 
et  avant  6  mois  nous  serons  les  plus  forts  dans  tous  les  pays 
d'Europe. 

«  Courage,  marchons  toujours. 

a  Signé  :  HUART.  » 


VII 


«  Reims,  ce  12  avril  1870. 

if  Citoyen  Sauvageot, 

«  J'ai  écrit  au  journal  l'Internationale,  et  aussi  au  conseil  général 
de  Londres,  ce  qui  se  passait  à  Saint-Quentin. 


«  Courage, 

«  Salut  et  fraternité, 

«  HUART. 
«  Faubourg  Gérés,  77.  » 


338  L'INTERNATIONALE 

VIII 

«  Retliel,  14  avril. 
«  Citoyen  Varliii, 

tt  Maintenant  que  notre  réception  est  certaine,  je  mets  la  main  à 
la  plume  pour  vous  en  donner  connaissance  et  vous  faire  pari  de 
notre  désir  de  fédérer  avec  les  sociétés  parisiennes 

a  Le  montant  de  notre  caisse  s'élève  à  6,000  francs  qui  ont  été 
versés  en  commun  par  Rethel,  Reims,  Bazancourt,  Boult-sur- 
Suippe,  Pont-Favergé,  Sainte-Mame  et  Heutrégiville. 

«  La  ville  de  Reims  ne  possède  pas  d'hommes  bien  avancés  en 
socialisme  x> 

Et  plus  loin  —  «  Voilà  notre  devise  :  Tout  est  à  nous,  rien  n'est 
à  moi.  Notre  caisse  est  aux  Parisiens  comme  la  caisse  des  Parisiens 
est  à  nous,  à  titre  de  pi'èt  bien  entendu. 

«  Vous  me  donnerez  des  renseignements,  je  l'espère  si  j'en  ai 
besoin  plus  tard,  sur  la  direction  d'une  grève,  et  dans  le  cas  où  une 
grève  arriverait  chez  nous,  faites-moi  savoir  si  nous  pouvons 
compter,  si  nous  en  avions  besoin,  sur  les  fonds  nécessaires  pour 
nous  soutenir. 

«  Envoyez-moi  une  correspondance  particulière,  qui  puisse  être 
lue  en  réunion  publique  :  cela  aura  une  grande  influence  pour  les 
ouvriers  qui  sont  travaillés  par  les  patrons  qui  emploient  tous 
les  moyens  possibles  pour  nous  faire  échouer  ^. 

«  Signé  :  LOTH.  » 


IX 

Société  de  résistance  et  de  solidarité  des  travailleurs  de  Reims 
et  des  environs. 

NOMS  DES  MEMBRES  COMPOSANT  LE  COMITÉ  ET  LA  COMMISSION  DE 
SURVEILLANCE. 

Comité. 

Président,  Huart  (Joseph);  vice-président,  Woutaz  (Endrès)  ;  se- 
crétaire, Jacquet  (Victor)  ;  vice-secrétaire,  Droz  (Edouard)  ;  tréso- 
rier, Thurnèse  (Victor)  ;  vice-trésorier.  Pelletier  (Pierre). 

1  Dans  une  lettre  écrite  à  Varliu  le  1 1  avril,  Huart  signalait  les  menées  des 
parons  contre  l'Internationale  et  la  campagne  entreprise  contre  elle  par  l'Indé- 
pendant remois.  Il  lui  annonçait  que  le  Conseil  général  de  Londres  avait  reconnu  1h 
société  te  Droit,  section  de  l'Internationale,  et  l'avait  nemuié  correspondant. 


ET    LE   JACOIilNlSML.  3d9 

ConimiiÀtrlou  de  t>urvclllaucc. 

Président,  Lechiea  (Emile). 

REIMS. 

Membres  :  Valtoii,  Renai'd,  Dautel,  Thiriet,  Lorsignol,  Etienne, 
Scheibcl,  Débats,  Peter,  Barthélémy. 

RliTHEL. 

Loth,  Champion,  Lcsieur  (Charles),  Billaudel  (François). 

PONT  FAVKRGKR. 

Schneider,  Douillet  (Octave),  Clément  (Victor). 

BOULT-SUR-SUIFPK. 

Désiré  (Thomas). 

HEUTK  ÉGI  VlLLfc. 

Rouyer  (Réol). 


c  Reims,  13  mars  1870. 

«  Citoyen  Varlin, 

«  Ici,  à  Reims,  nous  avons  organisé  une  société  de  résistance  et 
nous  sommes  onze  cents  membres  environ  ;  à  Rethel,  trois  cent 
vingt  ;  dans  les  villages  près  de  Reims,  cent  cinquante  membres  et 
tous  ensemble  nous  ne  formons  qu'une  seule  société  dont  le  comité 
est  à  Reims,  et  dont  je  suis  le  président;  de  plus,  depuis  notre 
affiliation  à  l'Internationale,  le  conseil  général  belge  m'a  dit  l'autre 
jour,  quand  j'ai  été  à  Bruxelles,  que  le  conseil  général  de  Londres 
comptait  sur  moi  pour  fonder  à  Reims  un  conseil  fédératif  ;  c'est 
ce  que  je  vais  tâcher  de  faire. 

«  C'est  donc  moi  qui  suis  chargé  de  faire  les  correspondances 
intei-nationales  ;  quand  vous  aurez  des  communications,  faites-les 
moi  parvenir. 

«  Mardi,  noire  comité  s'assemble  pour  voter  la  somme  que  nous 
enverrons  aux  frères  do  Lyon  à  titi'e  de  prêt. 

«  Faites  insérer  dans  la  Marseillaise  que  la  société  de  résistance 
de  Reims  fait  partie  de  l'Internationale;  présentez-nous  aussi  à  la 


340  L'INTERNATIONALE 

chambre  fédérale  de  Paris  pour  qu'elle  nous  reçoive.  J'ai  des  rela- 
tions à  Sccliin  et  j'espère  avant  peu  y  fonder  un  comité  qui  se  fédé- 
rera avec  nous  et  à  Saint-Quentin  la  même  chose. 

«  Compagnon  Varlin.j'ai  eu  bien  de  la  peine  pour  organiser  cette 
société  à  Reims,  car  c'est  un  pays  en  retard,  mais  depuis  que  j'ai 
pris  la  i)arolc  dans  toutes  les  réunions,  dans  lesquelles  j'ai  prêché 
les  doctrines  sociales,  du  mieux  que  j'ai  pu,  pour  un  citoyen  qui 
n'a  pas  d'instruction,  du  moins  ce  que  j'ai  dit  a  été  dit  avec  con- 
viction, et  puis  les  doctrines  du  socialisme  n'avaient  jamais  été 
étudiées  par  la  classe  ouvrière  et  la  bourgeoisie  n'en  connaît  pas 
davantage,  car  eux  ne  s'occupent  que  de  leurs  millions,  mais  dans 
nos  réunions,  depuis  que  ces  doctrines  ont  été  un  peu  comprises,  il 
se  fait  un  grand  réveil  parmi  les  ouvriers. 

«  Il  y  avait  bien  avant  deux  cents  membres  associés,  mais  le  pré- 
sident était  vendu  à  l'administration,  c'est  pour  cela  que  je  me  suis 
mis  à  l'œuvre  et  que  j'ai  travaillé  pour  le  faire  mettre  dehors  par 
les  sociétaires;  c'est  ce  qui  a  eu  lieu;  ils  m'ont  tous  nommé 
président  et  au  lieu  de  deux  cents  sociétaires,  je  suis  pai'venu 
à  arriver  au  chiffre  de  quinze  à  seize  cents  avec  Rethel  ;  et 
j'espère  bien  qu'ils  deviendront  presque  tous  socialistes. 

«  Compagnon,  je  suis  bien  heureux  d'avoir  rencontré  quelques 
vrais  citoyens,  Loth,  Rouyer,  Schneider,  Thomas  Désiré,  des  vil- 
lages près  de  Reims,  de  Rethel,  pour  m'aider  dans  la  tâche  que 
j'avais  entrepinse,  car  je  suis  déjà  bien  fatigué.  Je  ne  sais  si  j'aurais 
pu  parvenir  seul,  car  à  Reims  moi  seul  ose  prendre  la  parole  sé- 
rieusement, mais  ce  n'est  rien  d'avoir  le  mal  quand  on  arrive  à  un 
résultat  comme  le  nôtre  dans  neuf  mois  de  temps. 

«  HUART, 

«  Marchand  de  confections,  77,  faubourg  Cérès,  à  Reims. 


XI 

«  Reims,  19  mars   1870. 

c  Compagnon  Varlin, 

«  Notre  commission  s'est  réunie  hier  soir  pour  voter  la  somme 
que  nous  devions  vous  envoyer  à  titre  de  prêt  pour  nos  frères  de 
Lyon;  la  somme  dont  nous  pouvons  disposer  est  de  2000  fr. 

«  Dites  aux  compagnons  de  Lyon  que  nous  désirons  ardemment 
qu'ils  réussissent  dans  la  lutte  qu'ils  ont  entreprise  contre  les  ex- 
ploiteurs, Jiommes  sans  entrailles  qui  s  engraissent  des  sueurs  et  des 
douleurs  des  producteurs,  qui  ont  toujours  profité  de  l'ignorance 
(lestravaiUeiirs  pour  les   niouger  dans   le    plus   affreux  servage, 


FT    LE    JACOBINISME.  M\ 

chose  qui  leur  devient  impossible  maintenant,  car,  par  l'Interna- 
tionale les  ouvriers  sont  tous  frères  et  solidaires  les  uns  des  autres, 
et  quand  un  membre  souffre,  tout  le  corps  social  souffre,  et  nous 
lous,  membres  de  l'Internationale,  nous  sommes  toujours  i)rèts  à 
tous  les  sacrifices,  pour  soutenir  nos  frères  quand  ils  sont  dans  le 
besoin,  que  ce  soit  à  Paris,  Lyon,  Bruxelles,  Genève,  Londres, 
New-York,  Madrid,  Barcelone,  Vienne  ou  Berlin,  car  nous  ne  con- 
naissons pas  de  frontières  car  nous  sommes  la  grande  armée  des 
producteurs. 

C'est  nous  qui  donnons  la  vie  à  toutes  les  nations;  sans  nous  rien 
n'existerait,  ce  qui  fait  que  nous  sommes  la  vraie  force,  la  force 
qui  fait  vivre  et  par  là,  la  seule  force  juste,  qui  vaut  bien  la  force 
destructive  qui  apparlient  aux  bourgeois,  nos  éternels  ennemis, 
qui  ne  pensent  qu'à  leur  ambilion  et  à  leur  insociabilité  et  qui  vou- 
draient encore  vivre  sans  rien  produire,  excepté  le  désordre  social 
et  tous  les  maux  qui  s'ensuivent  et  qui  nous  ruent  les  uns  sur  les 
autres  pour  nous  entre- déchirer  comme  des  bêtes  sauvages  pour 
ce  qu'ils  appellent  :  patrie,  gloire,  victoire  chose  bien  vaines  pour 
nous  aujourd'hui,  car,  nous,  membres  de  l'Internationale,  nous  ne 
reconnaissons  plus  que  la  solidarité  universelle  et  tous  les  pro- 
ducteurs sont  nos  frères  ;  nos  seuls  ennemis  sont  tous  les  impro- 
ducteurs de  n'importe  quel  pays. 

«  Par  l'Internationale  nous  voulons  établir  le  collectivisme  dans  le 
monde  entier  et  la  fraternité  univer<5elle  ;  nous  y  arriverons  plus  tôt 
que  messieurs  les  bourgeois  ne  }.;.  .isent,  car,  je  le  répète,  nous  som- 
mes le  nombre,  nous  sommes  la  force,  nous  sommes  le  droit,  nous 
sommes  la  justice,  nous  sommes  la  morale  universelle,  et  une 
cause  aussi  juste  que  la  nôtre  ne  doit  pas  succomber,  l'éternelle 
morale  est  là  pour  l'attester. 

«  Vive  l'Association  internationale  des  travailleurs,  seule  force 
qui  est  en  train  de  miner  le  vieux  monde  des  abus  et  qui  rétablira 
la  société  sur  des  bases  solides  où  l'égalité  sera  proclamée  parmi 
tous  les  hommes. 

«  Salut  fraternel. 

'<  J.  S.  HUART. 

«  Président  de  la  Société  le  Droit,  société  de  résistance  de 
Reims,  Retliel,  Pontfaverger,  Heutréj<iville  et  Boult,  Air, 
Oneppe,  membre  de  l'Internetionale.  Faubourg  Cérès,  77, 
Reims. 

«  P. -S.  F'aites  insérer  cette  lettre  en  entier  dans  la  Marseillaise,  le 
plus  tôt  possible,  s'il  y  avait  un  mot  ou  deux  qui  soient  trop  roides, 
supprimez-les,  si  toutefois  vous  le  jugez  utile.  » 


342  L'INTERNATIONALE 


PIEGE  X 


PROTESTATION     DES    INTERNATIONAUX     STÉPHANOIS    CONTRE     LA    CONDAM- 
NATION   DE    LEURS    FRÈRES     DE   PARIS. 

Saint-Étienne,  24  jnillnt  1870. 
Càtoyen  rédacteur. 

Les  soussignés,  qui  connaissent  l'excellent  esprit  de  votre  journal, 
se  plaisent  à  croire  que  vous  voudrez  bien  accorder  une  place, 
dans  son  plus  prochain  numéro,  à  la  protestation  qu'ils  viennent 
faire  expressément,  en  leurs  qualités  d'hommes  et  de  travailleurs, 
contre  les  récentes  condamnations  de  leurs  frères  de  Paris  et  de 
l'étranger. 

Loin  de  réussir  à  intimider  les  travailleurs,  ces  sévices  et  les 
nouvelles  persécutions  dirigées  actuellement  contre  ceux  des  pro- 
vinces de  France  stimulent  davantage  les  efforts  des  courageux 
soldats  du  travail  et  de  la  paix;  les  imputations  de  délits,  que  par- 
tout on  invoque  contre  eux,  ne  servent  qu'à  montrer  combien  ap- 
préhendent les  forts  d'être  anéantis  par  les  faibles,  le  jour  où 
ceux-ci  comprendront  la  solidarité   de  leur  situation  sur  la  terre. 

Ainsi  donc,  lorsque  les  travailleurs  de  toutes  les  nations  pou- 
vaient croire  à  la  réalisation  de  la  sainte  alliance  des  peuples,  rêvée 
et  tant  chantée  par  Béranger;  quand,  déjà,  ils  se  tendaient  les  bras, 
apercevant  enfin  un  rayon  lumineux  de  la  vraie  justice  à  l'ho- 
rizon, soudain  sont  sorties  de  nouveau  les  ténèbres  profondes, 
pour  venir  obscurcir  encore  le  jour,  les  horribles  et  monstrueuses 
influences  du  passé,  qui,  malheureusement,  n'avaient  pas  été  assez 
profondément  ensevelies... 

Les  travailleurs  de  tous  pays  vont  essuyer  et  essuient  déjà  une 
nouvelle  et  effroyable  tourmente  ! 

Les  pasteurs  des  peuples,  s' attribuant  le  droit  et  le  soin  de  dis- 
poser d'eux,  leur  infligeront  encore  arbitrairement  leur  volonté 
sous  Fapparence  delà  justice,  cherchant  toujours  à  les  diviser  par 
des  dissensions  et  les  lançant  de  temps  en  temps  les  uns  sur  les 
autres  pour  mieux  enraciner  leur  domiiation  dans  le  sang. 

Mais  les  peuples  n'ont  qu'à  ne  pas  s'émouvoir  des  tourments 
personnels  de  leur  gouvernants,  à  ne  pas  épouser  leur  querelles 
dynastiques  et  à  s'aimer,  au  contraire,  entre  eux,  en  réfléchissant 
qu'ils  sont  tous  ,  par  le  travail ,  rendus  solidaires.  Ils  auront 
vaincu  le  despotisme  et  pourront  se  gouverner  beaucoup  mieux 
seuls. 


KT     I.E    JACOBINISME.  34S 

Donc,  prolétaires,  travailleurs  solides  que  l'on  opposo  mal  à  pro- 
pos les  uns  aux  antres  et  ;\  qui.  l'on  inculque  le  lalal  chauvinisme, 
unissons  nos  flmes  et  nos  efforts!  Travailleurs  internationaux,  ne 
nous  effrayons  pas  de  procéder  à  nos  devoirs  ;  mais  protestons 
toujours  contre  l'abus  inique  do  la  tyrannie,  en  persévérant  dans 
notre  but  de  lui  substituer  la  justice  ! 

Courage,  honneur  et  fraternité  ! 

himancipation  sociale! 

Les  membrefi  do  l'Internationale  de  S/iint-Etienne, 

(Èclaireur  de.  Saint- Etienne,  29  juillel  1S70.) 


PIEGE  Y 
DOCUMENTS  RELATIFS  A  LA  SECTION  DE  BREST. 

I 

STATUTS   DE  \.S.  SECTION    nE   BREST. 

Les  membres  de  la  section  de  Brest  de  l'Association  internatio- 
nale des  travailleurs  conviennent  entre  eux  ce  qpii  suit  : 

Article  l'^  —  Liberté,  Égalité,  Fraternité. 

Art.  2.  —  La  section  est  souveraine  à  la  majorité  ;  la  majorité  se 
compose  des  trois  quarts  au  moinsdes  membres  votants. 

Art.  3.  Aucun  vote  n'est  secret.  Lorsqu'il  y  aura  "lieu  de  voter, 
tous  les  membres  seront  prévenus  ;  ceux  absents  momentanémnet 
le  seront  également,  et  pourront  envoyer  leur  vote  signé.  Dans  les 
cas  d'urgence,  il  sera  passé  outre  pour  les  absents. 

Art.  4.  —  La  cotisation  mensuelle  est  de  un  franc. 

Elle  sert  à  s'entr'aider,  à  payer  la  location  des  salles  de  réunion, 
l'abonnement  aux  journaux,  les  frais  de  correspondance,  etc.  Au- 
cune dépense  ne  pourra  être  faite  sans  le  consentement  de  la  ma- 
jorité. 

Art.  5.  —  Pour  la  tenue  des  comptes  et  pour  les  correspondances, 
les  secrétaires  sont  dépositaires  de  tout  ce  qui  appartient  à  la  sec- 
tion. 

Ils  ne  peuvent  se  dessaisir  d'aucune  pièce  sans  le  consentement 
de  la  majorité. 

Dans  chaque  réunion  ils  mettent  les  comptes,  correspondan- 
ces, etc.,  à  la  disposition  de  l'assemblée  et  lui  donnent  des  explica- 
tions. 


84^1  I/INTERNATIONALE 

Lors  de  leur  remplacement,  ce  n'est  que  devant  l'assemblée  génù 
raie  qu'ils  remettent  tout  ce  dont  ils  sont  dépositaires. 

La  majorité  change  ces  secrétaires  toutes  les  fois  qu'elle  le  juge 
utile. 

Art.  6.  —  Les  réunions  ont  lieu  le  samedi  de  chaque  semaine  à 
huit  heures  du  soir.  Dans  chaque  réunion  deux  membres  sont  dé- 
signés, l'un  pour  inscrire  par  ordre  les  noms  de  ceux  qui  veulent 
parler,  l'autre  pour  prendre  note  des  décisions  de  l'assemblée.  Ne 
seront  admis  dans  les  réunions  que  les  membres  de  l'Association 
internationale  des  travailleurs. 

Art.  1.  —  Les  membres  qui  auraient  à  présenter  des  personnes 
voulant  adhérer  devront  préalablement  prévenir  la  section  qui  dé- 
cidera ce  qu'il  y  aura  lieu  de  faire.  Pour  être  membre  de  la  section, 
il  faut  habiter  la  localité. 

A.rt.  8.  —  Ceux  des  membres  partant  de  Brest  pour  aller  s'éta- 
blir ailleurs  pourront  rester  dans  l'Association,  mais  ne  feront  plus 
partie  de  la  section.  Ils  ne  pourront  rien  avoir  que  du  consente- 
ment delà  majorité. 

Il  ne  sera  rien  remis  à  ceux  qui  se  retireront  volontairement  ni 
à  ceux  renvoyés  par  décision  de  la  majorité.  Les  membres  destinés 
à  être  renvoyés  pourront  être  entendus  à  l'assemblée  générale,  s'ils 
le  désirent. 

Art.  9.  —  La  section  de  Brest  pourra  se  fédérer  avec  d'autres 
sections. 

Art.  10.  —  La  présente  convention  sera  signée  par  tous  les 
membres  de  la  section. 

Art.  11.  —  La  majorité  étant  souveraine  change  ou  modifie  la 
présente  quand  elle  le  juge  convenable. 

Fait  à  Brest  le  9  avril  1870. 


II 

COnRESPONDANCES     DIVERSES. 

1°  —  A  Louis   Pindy,  Paris. 

«  Brest,  7  avril  1870. 

«  Je  suis  arrivé  ici  sans  accident  ;  j'ai  voyagé  avec  des  soldats. 
Ce  sont  des  ouvriers,  et  certes  ils  ne  tireraient  pas  sur  leurs  cama- 
rades. 

«  Ils  savent  où  est  l'ennemi. 

«  Ils  étaient  quarante-cinq  dans  le  compartiment  où  j'étais. 


!•:  ï     LE     J  A  C  0  LU  \  I  S  M  l'. .  345 

'<  Voudrais-tii  (lomamU'r  au  bui\'an  de  la  Mursoillaisc  daiis  quel 
numéro  ou  a  porte  la  souscriptiou  des  ouvriers  du  porl  de  Uresl, 
pour  les  détenus  politiques? 

«  Pourrais-tu  m'envoyer  de  suite  le  numéro  du  30  mars  du  Bappeiy 
On  demande  une  vingtaine  de  portraits  en  plâtre  de  Victor  Noir. 
«  Ici  nous  nous  débrouillons. 
«  Joseph  ne  peut  })as  encore  aller  là. 

«   Bien  des  choses  à  (jarrière,  à  l.aburthe  et  à  tous  les  amis. 
«  Il  est  plus  que  probable  que  hic/itôt  une  partie  des  membres  de 
rintoi'nationale  sera  assassinée,  et  l'autre  partie  emprisonnée. 
«  Ci-joint  une  lettre  de  la  section  de  Brest  aux:  sections  de  Paris. 
«  Nous  comptons  sur  toi,  si  les  autres  citoyens  à  qui  nous  l'avons 
adressée  en  sont  empêchés   et  que  toi  tu  ne  le  sois  pas,  pour  en 
donner  lecture  dans  la  réunion  générale  qui  doit  avoir  lieu  diman- 
che, 10  avril. 

131  12  2  113  3  11  112  13  2  212  12  1  1  1 

ail  vev  ele  nsn  slv  Ine  ini  pec  ne 

11113  2113  3  2  121213  113  11 

V  n  1  v  e  i  i  n  e  e  1  n  1  n  v  e  n  1  e  n  n  p 

«  8  heures  du  soir. 

«  Pierre  me  communique  ta  lettre, 
«  C'est  bien  ! 

«  J'attendais  pour  t'écrire, 
«  Je  croyais  que  tu  avais  eu  de  mes  nouvelU^s. 
«  J'ai  cru  m'en  apercevoir  en  lisant  le  petit  mot  que  tu  !is  écrit  a 
Pierre. 
«  Nous  sommes  tous  assez  bien. 
<■<.  Tous  les  amis  sont  contents  de  toi. 
«  Ton  ami 

a  CONSTANT  LE  DORi':.  » 


2° —  Au  citoyon  Malon,  impasse  Sainl-Sébastien,  K 

a  Brest,  7  avril  1870. 
*  Citoyen, 

c  Je  suis  de  retour  à  Brest,  depuis  le  30  mars  au  soir. 

(  Je  devais  retourner  à  Pufeaux  le  26  ;  il  y  a  eu  empêchement. 

oc  J'ai  rendu  compte  à  la  section  de  Brest  de  ce  que  j'avais  vu  et 
entendu.  Elle  est  contente. 

«  Elle  sympathise  avec  tous  les  hommes  et  toutes  les  femmes  de 
cœur  et  d'énergie  qui  travaillent  pour  l'alïranchissement  de  tous. 


346  L'INTERNATIONALE 

tt  Nous  sommes  tous  résolus  à  faire  de  môme  ici. 

a  II  est  plus  que  possible  que  bientôt  une  partie  des  membres  de 
Y  Internationale  sera  assassinée  et  une  partie  emprisonnée. 

«  Nous  espérons  que  vous  voudrez  bien  communiquer  la  lettre 
ci-jointe  ù  la  réunion  générale  qui  doit  avoir  lieu  le  10. 

«  N'étant  pas  sûr  (jue  ces  deux  lettres  vous  parviennent,  nous  en 
envoyons  une  semblable  à  celle  ci-jointe  à  d'autres  citoyens. 

«  Ici  la  grande  majorité  est  trcs-môeontenlo  de  l'empire. 

«  Bien  des  choses  à  vous  et  à  tous  les  amis. 

«  Pour  la  section. 

«  Le  secrétaire  correspondant, 

«  Constant  LE  DORÉ. 
«  Rue  Kerfautras,  2,  Mécédou,  Brest  (Finistère).  >- 


3°   —   La  section  de  Brest  de  F  Association  internationale  des  trn- 
vailleurs,  aux  sentions  de  Paris. 

«  Brest,  le  7  avril  1870. 
«  Citoyens, 

«  Nous  désirons  nous  fédérer  avec  vous. 

«  Notre  conviction  est  que  nous  ne  pouvons  nous  affranchir 
qu'étant  tous  unis  et  solidaires. 

«  Qu'une  fédération  française  est  nécessaire  pour  faciliter  les 
communications  de  toutes  les  sections  et  cela  le  plus  tôt. 

«  Nous  voudrions  étudier  avec  tous  l'organisation  à  venir  de  J:i 
société  basée  sur  Injustice. 

«  Nous  ne  voulons  pas  commander,  et  nous  ne  voulons  pas  de 
maîtres. 

«  Nous  voulons  la  liberté,  l'égalité  et  la  fraternité. 

«  Nous  voulons  la  justice. 

«  Quoi  qu'il  aiTive,  il  y  a  des  hommes  dans  cette  section  qui  ne 
reculeront  jamais. 

«  Tous  ceux  qui  ont  la  même  volonté  doivent  s'entendre. 

«  Pour  la  section  : 

«  Les  secrétaires, 

«  Constant  LE  DORÉ,   Gélestin  PLOUZANË. 
«  Rue  Kerfautras,  2,  Mécédou,  à  Brest.   » 

(Marseillaise,  23  avril  1870.) 


ET     LE    JACOBINISME.  fî47 

■i°   —  An  rifoypn  Lp  Don'',  <;ocvi''tairr>  do  l,i  fiortion  de  Brest. 

a  Pari'^,  '21  avril  1870. 

«  Citoyen, 

'(  Notre  fédération  parisienne  est  définitivement  formée.  Je  n'ai 
pn  donner  lectni-e  de  l'adresse  que  vous  avez  envoyée  aux  sections 
do  Paris  pour  le  motif  suivant  que  je  livre  à  voti'e  appréciation. 

«  En  arrivant  à  la  réunion,  je  m'aperçus  que  j'avais  entre  les 
mains  la  lettre  que  vous  m'aviez  adressée  personnellement  au  lieu 
de  celle  que  vous  adressiez  aux  sections, 

a  Sachant  que  vous  en  aviez  envoyé  un  double  au  citoyen  Pindy, 
je  le  i»rL,Ti  de  me  le  remettre  ou  de  le  lire.  Malgré  mes  nstances 
toutes  fraternelles,  il  ne  voulait  consentir  à  en  donner  lecture  qu'à 
la  condition  qu'on  lui  reconnaisse  le  droit  d'assister  à  nos  séances, 
et  ceci  en  dépit  d'une  décision  antérieure,  qui  ne  permet  pas  à  un 
membre  n'appartenant  à  aucun  groupe  de  prendre  la  parole,  ni 
même  d'assister  à  une  réunion. 

«  L'assemblée,  en  présence  de  cette  mise  en  demeure,  ne  voulut 
accepter  aucune  condition  et  Pindy  refusa  de  donner  lecture  d'un 
document  qui  ne  lui  était  pas  destiné,  mais  bien  au  contraire  qui 
était  destiné  aux  sections  réunies.  Je  dus  donner  lecture  de  la  lettre 
qui  m'était  pei\sonnelle  et  résumer  celle  que  j'avais  oubliée.  L'as- 
semblée tout  entière  applaudit  à  l'adhésion  de  la  société  de  Brest 
à  la  fédéi'ation  parisienne. 

«  Je  vous  laisse  juge  de  la  conduite  du  citoyen  Pindy  en  cette 
occasion  et  vous  prie,  en  m'accusant  réception  de  cette  lettre  dans 
le  plus  bref  délai,  de  m'autoriser  à  faire  publier  votre  adresse  aux 
sections  parisiennes  de  l'Association  inteiniationale. 

«  Recevez,  citoyen,  l'expression  de  la  plus  fraternelle  sympathie 
de  la  part  des  membres  de  la  section  de  Vaugirard. 
«  Pour  la  section   : 

«  Le  secrétaire  correspondant, 

«  Signé  :  A.  GOMBÂULT, 
«  Rue  de  Vaugirard,  289,  Paris.  » 

5°  —  A  Louis  Pindy,  17,  nie  du  Fauhourg-du-Temple,  Paris. 

a  Brest,  23  avril  1870, 

'<  J'ai  reçu  ta  lettre  hier  soir  :  j'en  recevais  également  une  de  Gom- 
bault. 


MH  L'INTERNATIONALE 

«  Combault  est  maron.  Ij  y  a  <Jn  bons  maçons.  Nous  le  croyons 
sincère,  et  moi  ])ai'ticulièi'ement.  Tu  as  eu  tort  de  ne  pus  lui  laisser 
lire  notre  adresse,  puisque  les  statuts  t'en  empêchaient. 

«  Pourquoi  ne  te  rallies-tu  pas  à  une  section  ?  Je  sais  et  nous 
savons  pai'l'aitement  que  tu  es  libre  là-dessus  ;  mais  tu  sais  qu'il 
nous  faut  être  unis,  c'est  une  faute  que  tu  commets. 

«  Je  sais  bien  que,  dans  notre  organisation,  il  se  glisse  des  lâches 
et  des  traîtres,  des  ambitieux  qui  veulent  ou  de  la  gloire  ou  de 
l'argent,  ou  les  deux  réunis. 

«  Je  ne  vois  rien  de  gemblable  dans  aucun  de  ceux  dont  tu  cites 
les  noms  sur  ta  lettre  ;  au  contraire,  je  vois  des  hommes  déployant 
toute  leur  activité  pour  la  réussite  de  notre  cause  commune. 

«  Entre  toi  et  eux,  ce  ne  peut  être  qu'un  malentendu  qui  va  tou- 
jours en  s'aggravant,  c'est  cependant  si  facile  de  s'arranger. 

K  Tu  peux  y  arriver  avec  du  calme  et  de  la  réflexion. 

«  De  toutes  les  sociétés  ouvrières  que  j'ai  vues  à  Paris  lors  de 
mon  dernier  voyage  (mars  1870),  c'est  le  cercle  mutuelliste  qui  m'a 
fait  la  plus  mauvaise  impression. 

«  J'ai  vu,  entre  autres  choses,  dans  une  réunion  des  délégués  des 
sections  de  Paris,  Murât  repousser  c?eda/(/72e«sejije/2i  les  avances  que 
ces  délégués  lui  faisaient  de  se  joindre  à  eux. 

«  As  tu  reçu  du  citoyen  Bizier  (il  n'est  pas  membre  de  l'Interna- 
tionale) un  mandat  de  10  fr.,  produit  d'une  souscription  des  ou- 
vriers du  port  de  Brest  pour  les  grévistes  du  Gi^euzot  ? 

h  L'insertion  a  eu  lieu  dans  deux  numéros  de  la  Marseillaise 
pour  la  somme  que  tu  as  versée,  dimanche  27  mars,  provenant  des 
ouvriers  du  port  de  Brest  pour  les  détenus  politiques. 

«  Le  secrétaire  correspondant  de  la  section  de  Brest, 

«  Ton  ami, 

«  Constant  LE  DOBÉ. 

«  Nous  avons  reçu  de  Londres,  le  15  au  soir,  notre  acte  d'affilia- 
tion et  une  lettre  de  Dupont.  » 


60  —  Ali  citoyen  Combault,  secrétaire  de  la  section  de  Vaugirard, 

à    Paris. 

a  Brest,  le  23  avril  1870. 
«  Citoyen, 

«  A  cinq  heures,  hier  au  soir,  j'ai  reçu  votre  lettre,  j'en  recevais 
également  une  de  Pindy. 

«  Nous  nous  sommes  réunis  à  8  heures  pour  délibérer  sur  le  con- 
tenu de  ces  deux  lettres. 


ET     LK     .lAC.dlîINlSMK  349 

«  Aujoiu-d'hui  nous  nous  soiuinos  encore  réunis. 

«  Voici  le  résultat. 

<.  Nous  sonuncs  contents  de  la  formation  délinitive  de  la  Icdcration. 

«  Hier  soir,  sur  16  membres  votants,  14   vous   autorisent  à    faire 
avec  notre  adresse  ce  que  vous  jugerez  utile  pour  tous . 

«  Notre  désir  était  que  l'adresse  fût  lue  dans  la  réunion  yéuérale. 

«  Salut  fraternel  à  tous. 
«  Le  secrétaire  correspondant  do  la  section  de  Brest, 

«  Sigiv'  :  Constant  LE  DOlU':. 

«  P.-S.  Ce  matin,  24   avril,  on   me  communique  le   n»  23  de    la 
Marseillaise  où  est  insérée  notre  adresse.  Bien  !  » 


PIECE    Z 

7"  — Au  citoyen  Varlin,  vue  Daupliine,  33,  Paris. 

a  Dijon,  1er  avril  1870. 
«  Cher  citoyen, 

<(  Le  citoyen  Bastelica,  secrétaire  de  la  fédération  marseillaise,  au- 
quel nous  nous  étions  adressés  pour  obtenir  notre  admission  dans  la 
Société  internationale  des  travailleurs,  nous  a  répondu  en  nous  en- 
gageant à  nous  adresser  à  vous  pour  cela. 

i<  Le  citoyen  Girard  (Pierre),  de  la  section  genevoise,  que  nous 
avons  eu  le  plaisir  de  voir  hier  soir,  nous  a  confirmé  la  réponse  du 
citoyen  Bastelica. 

«  Nous  venons  donc,  cher  citoyen,  vous  prier  de  vouloir  bien 
nous  admettre  dans  la  grande  famille  dont  le  titre  est  l'Association 
internationale,  et  qui  a  pour  but  la  destruction  des  monopoles  et 
l'émancipation  de  travail. 

«  En  nous  adressant  nos  livi^ets,  vous  aurez-  l'obligeance  de  nous 
faire  connaître  nos  devoirs  et  la  manière  de  les  remplir  le  plus 
utilement  pour  la  prospérité  de  l'Association. 

«  Aujourd'hui  même  nous  écrivons  au  citoyen  Bastelica  pour  lui 
demander  les  statuts  des  26  chambres  syndicales  de  Marseille.  Aus- 
sitôt que  nous  aurons  ces  documents,  nous  travaillerons  active- 
ment à  constituer  nos  travailleurs  dijonnais  en  syndicats. 

«  Et  quand  cette  constitution  sera  terminée  nous  relierons  toutes 
ces  chambres  syndicales  par  un  comité  central  qui  correspondra 
alors  avec  la  section  parisienne. 


850  L'INTERNATIONALE 

«  Pour  activer  la  propagation  de  l'Internationale,  pour  en  étendre 
rapidement  les  ramilicatious  sur  la  France  entière,  il  nous  semble 
qu'il  y  aurait  ui'gfiuce  que  cinq  ou  six  hommes  actifs,  intelligents, 
connaissant  très-bien  les  questions  sociales  et  capables  d'exposer 
clairement  leurs  idées  eu  public,  fussent  dirigés  individuellement 
sur  chacune  de  nos  grandes  villes. 

«  Là,  ils  provoqueraient  des  réunions  de  travailleurs  et  ne  quit- 
teraient la  place  qu'après  l'organisation  de  l'Association  fédérale 
dans  la  ville  ainsi  visitée. 

«  Les  cotisations  spéciales  recueillies  dans  chaque  ville,  dépas- 
seraient bientôt  les  frais  de  séjour  du  conférencier. 

n  Nous  vous  soumettons  cette  idée  :  voyez  à  la  mettre  en  pratique 
si  elle  vous  paraît  réalisable. 

«  En  attendant  le  plaisir  de  recevoir  votre  réponse, 

«  Nous  vous  prions  d'agréer,  cher  citoyen,  l'assurance  de 
nos  sentiments  de  parfaite  estime. 

«  Salut  et  égalité. 

A  Alguste  MARBEAU,  président  de  la  chambre  syndicale,  rue  de 
l'Hôpital,  7,  à  Dijon;  TRAPET,  viae-préideid;  Jules  VIL- 
LlAME,  comptable;  Auguste  RICHARD,  syndic;  Emmanuel 
COMAGUl  ,  syndic  ;  Ferdinand  DONNOT  ,  syndic  ;  Auguste 
FOCILLON,  secrétaire  ;  Alexandre  TAURET,  trésorier  ;  Joseph 
FOURNEAUX  ;  François  THIBAULT,  comptable  K  » 


PIECE  W. 


DECLARATION     DE    LA      CHAMBRE    SYNDICALE    DES     MATELOTS     FRANÇAIS 
DU    PORT    DE  MARSEILLE. 

C'est  au  peuple  souverain  de  France  que  nous  nous  adressons, 
ne  voulant  avoir  que  lui  pour  juge  dans  nos  différents  avec  ceux 
que  la  discipline  nous  désigne  comme  nos  supérieurs. 


1  Nous  croyons  utile  de  donner  quelques  détails  sur  l'organisation  de  l' Association 
des  comptahles  et  employés  de  commerce  de  Dijon.  Cette  société  avait  tenu  une  pre- 
mière réunion  générale  le  17  octobre  1869.  Dans  cette  séance,  sur  la  proposition 
d'un  sieur  Boutinon,il  avait  été  décidé  que  l'on  se  constituerait  en  chambre  syndicale. 
Une  commission  provisoire  fut  nommée  avec  mission  spéciale  d'élaborer  un  projet  de 
statuts.  Cette  commission  se  composait  de  neuf  membres  :  Boutinon,  Cosson,  Donnât, 
Focillon,  Fourneau,  Groffied,  Marbeau,  Tauret  et  Trapet. 

Un  projet  de  statuts  fut  rédigé  d'après  les  indications  fournies  par  la  chambre  syn- 
dicale des  employés  de  Paris  et  par  le  député  Jules  Simon.  Ces  statuts   furent  déli- 


KT     LK     .lACuBlNlrf.MK.  351 

Attendu  i[UO  la  inuiine  marchande  a  besoin  de  rcfonnos  innom- 
brables qu'il  n'est  pas  possible  d'Olablir  immédiatement; 

Que  cependant,  des  amélioiations  Irès-impurtantes  peuvent  et 
doivent  y  être  apportées,  non-seulement  au  i)oint  de  vue  des 
affaires  commerciales;  mais  encore  et  surtout  au  point  de  vue  des 
garanties  de  toutes  natures  à  accorder  aux  équipages; 

Attendu  que,  par  suite  des  lois  et  des  décrets  successifs  qui  sont 
venus  s'abattre  sur  la  malheureuse  classe  des  matelots  de  com- 
merce, le  marin  a  toujours  été  soumis  à  l'arbitraire  de  ceux  (jui  le 
commandent  ; 

Attendu  que  ceux  qui  lui  inlligeut  des  punitions,  le  nourrissent, 
le  commandent,  sont  ceux-là  môme  qui  le  jugent; 

Attendu  que  les  abus  de  pouvoir  les  plus  odieux  de  la  part  des 
capitaines  sont  presque  toujoui-s  la  cause  des  actes  d'insubordina- 
à  bord  des  navires  de  commerce  ; 

Les  matelots  français  du  port  de  Marseille,  réunis  en  chambre 
syndicale,  font  la  déclaration  suivante  : 

Au  nom  de  la  liberté,  de  la  raison  et  de  la  justice, 

Puisque  tous  les  hommes  sont  égaux  devant  la  loi  ; 

Puisque  chaque  classe  de  la  société  a  pour  devoir  principal  l'é- 
niancipation,  qui  dérive  de  l'instruction  et  de  la  libre  pratique  des 
droits  civiques  et  sociaux; 

Puisque  la  dignité  humaine  se  l'efuse  à  conserver  dans  la  société 
des  taches  honteuses  qui  ternissent  l'histoiie  de  notre  siècle  civilisé; 

Déclarons  vouloir  concourir  avec  tous  nos  frères  à  l'émancipa- 
tion générale,  et  prendre  part  aux  travaux  de  la  malheureuse  classe 
ouvrière  dont  nous  faisons  partie. 

Attendu  que  les  tribunaux  commerciaux  maritimes,  tels  qu'ils 
sont  constitués,  ne  peuvent  rendre  des  jugements  impartiaux; 

Attendu  que  la  sûreté  de  l'équipage  n'est  gai'antie  en  aucune  fa- 
çonparles  semblants  d'expertises  qui  ont  lieuau  départ  des  navires; 

Attendu  que,  quelque  soit  son  engagement,  le  matelot  a  besoin  de 
repos,  et  qu'il  ne  peut,  en  aucune  façon,  être  considéré  comme  une 
machine  par  ceux  qui  le  commandent  ; 

Attendu  qu'il  est  privé  d'une  façon  arbitraire  de  la  plupart  de 
ses  droits  de  citoyen;  que  sa  liberté,  son  existence  et,  par  consé- 
tpient,  celle  de  sa  famille,  sont  sans  cesse  à  la  metci  d'un  seul 
homme  qui  a  des  pouvoirs  les  plus  absolus; 

nitiveuient.  adoptés  le  17  décembre  1869.  Quelques  jours  plus  tard  il  était  procédé 
à  l'élection  des  membres  de  la  chambre  syndicale  et  à  la  formation  de  son  bureau . 
Marbeau  en  fut  nommé  président,  Trapet,  vice-président  ;  Focillon,  secrétaire  ;  Tau- 
ret,  trésorier. 

Le  20  février  187U,  cette  charaltre  syndicale  adressait  au  Corps  législatif  une 
pétition  à  l'effet  de  demander  en  matière  d'élection  des  juges  consulaires,  l'e.xtention 
du  droit  de  vote  à  tous  les  justiciables  des  tribunaux  de  coinmcrce.  Cotte  pétition 
était  transmise  à  la  commission  d'initiative  iiarleinentaire  par  M.  Magnin. 

-Marbeau  est  actuellement  président  de  l'Alliance  republioainf  de  Uijon. 


352  L'INTEUNATIONALE 

Par  ces  motifs, 

La  chambre  syndicale  des  matelots  de  Marseille  déclare  : 

1°  Puisque  le  travail  justement  organisé  est  loin  d'avoir,  pour 
pouvoir  sérieusement  s'établir  en  France,  toutes  les  garanties 
indispensables  de  justice  et  de  liberté,  l'inscription  maritime  doit 
être  maintenue. 

Cependant,  de  notables  améliorations  et  de  sérieuses  modifica- 
tions y  seront  apportées  dans  le  sens  le  plus  libéral  et  le  plus 
équitable. 

2°  Une  nouvelle  loi  maritime  serait  promulguée,  qui  mettrait  à 
néant  tout  ce  que  le  décret-loi  du  24  mars  1852  a  de  défectueux, 
d'injuste  et  de  barbare. 

3"  Un  contrôle  sérieux  serait  établi  pour  vérifier  les  faits  et 
gestes  du  capitaine  et  de  l'armateur,  à  l'égard  des  équipages. 

40  Toutes  les  peines  corporelles  qui  existent  encore  à  bord  des 
navires  seraient  supprimées,  ainsi  que  les  retenues  de  solde  que 
font  supporter  le  plus  souvent  à  la  famille  les  caprices  ou  la  bar- 
barie d'un  officier  sans  conscience. 

5°  Les  tribunaux  commerciaux  maritimes  seraient  abolis;  tous 
les  délits,  contestations  et  autres  seraient  jugés  par  le  tribunal  de 
commerce  du  port  où  rentrerait  le  navire. 

9°  Le  tribunal  de  commerce  devrait  pour  cela  être  nommé  par 
l'universalité  des  commerçants  et  des  négociants,  et  non  pas  par 
un  nombre  restreint  de  personnes  choisies.  Pour  juger  tous  les  faits 
qui  auront  trait  aux  matelots,  le  trilmnal  s'adjoindra  une  délégation 
composée  de  membres  de  la  chambre  syndicale,  qui  auront  voix 
délibérative. 

7»»  Les  experts  chargés  de  vérifier  à  bord  des  navires  si  tout  est 
en  bon  état,  si  les  vivres  sont  en  quantité  suffisante  et  de  bonne 
qualité  seront  nommés  tant  par  les  armateurs  que  par  les  matelots. 
Le  tribunal  de  commerce  nommera  un  tiers  expert. 

8°  Un  règlement  sérieux  fixera  les  heures  du  repos  des  matelots, 
tant  en  mer  qu'à  terre,  sauf  les  cas  de  force  majeure. 

9°  Les  matelots  pourront  librement  exercer  leurs  droits  de  ci- 
toyens et  concourir  à  l'émancipation  des  classes  déshéritées  ;  au- 
cune incompatibilité  ne  pourra  être  invoquée  centime  eux  entre  leur 
situation,  par  rapport  à  la  marine  marchande,  et  les  fonctions  di- 
verses dont  ils  pourraient  être  revêtus  par  la  volonté  de  leurs  con- 
citoyens. 

10°  La  caisse  des  invalides  de  la  marine  marchande  serait  com- 
plètement séparée  de  la  caisse  de  la  marine  de  l'Etat. 

Le  contrôle  de  cette  caisse  serait  confié  à  des  agents  désignés 
par  le  suffrage  des  matelots  français. 

llo  Tout  inscrit,  après  être  resté  soumis  pendant  vingt  ans  aux 
lois  de  l'inscription  maritime,  recevra  une  retraite  qui  sera  égale 


KT     LK     JAC.oI'.l  NIS>[I-;.  3r>?, 

poui'  tous  les  malelols,  sans  aui-iiiif  disfiiiptiou  de  giadcs  ou  de 
classes  conquises  en  naviguant  pour  l'Klal.  La  durée  du  service  de 
l'inscrit  devrait  être  divisée  de  la  façon  suivante  : 

Trois  ans  de  présence  sous  les  di'apeanx. 

Trois  ans  de  congé  provisoire, 
Au  boni  duquel   temps  il   lui   sera  remis  un   congé    définitif,  sans 
qu'aui'un  décret  puisse  l'enlever  à  ses  travaux. 

Pendant  les  ti-ois  années  de  congé  provisoire,  le  matelot  devrait 
avoir  la  faculté  de  naviguer  au  grand  et  petit  cabotage. 

Les  plaintes  des  matelots  pour  abus  île  pouvoir  de  la  part  des 
officiers  seront  toujours  admises,  sans  aucune  de  ces  formalités  dis- 
ciplinaires qui  entravent  toujours  la  marche  de  la  justice  et  sont 
contraires  à  la  liberté. 

Fait  et  délibéré  en  assemblée  générale,  le  6  avril  1870. 

Chambre  syndicale  des  matelots  français  de  Marseille. 
Le  président,  l\  G1R.\UD;  le  secrétaire,  P.  MASSOL. 

(Marseillaise,  23  avril  1879.) 


II 


CORKKSPONDANCES     ECHANGEES    ENTRE    liASTELlGA,     MURAT  ET  AUTRES.    

DOCUMENTS   HIVERS     RELATIFS   A    LA    FÉDÉRATION  iMARSEILLAISE. 

l»  —  Au  citoyen  Murât. 

«  Marseille,  23  octobre  1869. 
«  Mou  cher  Murât, 

('  Notre  fédération  est  bien  lancée,  et  dans  deux  mois  ma  pré- 
sence à  Marseille  ne  sera  plus  aussi  nécessaire.  Si  cette  époque 
concorde  avec  l'affaire  Pyaf,  /irai  volontiers  rejoindre  et  grossir  la 
(jrande  armée  de  Paris. 

«  Cest  entendu,  je  m'en  rapporte  a  vous,  en  tous  cas  nous  nous 
vcri-ons  prochainement,  vous  allez  savoir  oii. 

.  Depuis  quelques  jours  j'ai  observé  un  certain  mouvement  de 
troupes  entre  l'Afrique  et  le  continent  :  tandis  que  des  colonnes  de 
chasseurs  de  Vincennes  et  de  pioupious  débarquent,  les  jeunes  re- 
crues de  Paris,  Lyon  et  d'autres  villes  bien  connues  pour  leur  peu 
de  dévouement  s'embarquent  pour  la  terre  d'Algérie.  Ce  va-et-vient 
coïncide  avec  la  nomination  à  des  postes  élevés  dans  l'armée, 
d'aventuriers  tels  que  Bazaine,  Bourbaki,  de  Faiily  et  autres  héros 
anthropoi)hages  d'Afrique,  de  Montana  et  du  Mexique.  Mauvais 
symptôme. 

23 


354  L'INTERNATIONALE 

«  A  ce  propos  je  puis  vous  assurer  que  lors  des  insurreclions 
burlesques  de  juiu,  un  capitaine  de  ligne  me  disait  :  L'empereur 
ne  médite  rien  de  sérieux,  sinon,  il  se  serait  entouré  de  ses  deux 
dogues,  Bourbaki  et  Picai^d,  à  côté  desquels  les  Canrobcrt  et  les 
Arnaud  sont  des  chiens  de  faïence!  !  !  Nous  avons  déjà  Bourbaki, 
Picard  n'est  pas  loin.  —  Évidemment  l'empire  veut  en  finir  avec 
ses  deux  cauchemars  :  les  soc-démoc  et  la  Prusse.  11  procède  par 
induction,  51  et  la  Crimée.  —  Or  III  n'entreprendra  la  gueri'e 
avec  le  colosse  germain  qu'api^ès  l'extermination  et  l'cliraination 
des  ennemis  intérieurs,  donc  nous  aurons  Je  coup  d'Elat  et  la 
guerre. 

«  C'est  mon  opinion  intime  depuis  plusieurs  mois  et  fondée  pluiôt 
sur  l'observation  que  sur  le  syllogisme. 

«  J'écrivais  un  jour  à  Mabilly  :  Si  le  26,  nous  n'avons  pas  la  ré- 
volution, nous  aurons  le  coup  d'Etat. 

«  Eh  bien  certes  je  voudrais  mentir,  mais  nous  y  sommes  : 
j'ai  vu,  vu  dis-je,  de  mes  propres  yeux,  vu;  à  moins  que  j'aie  la 
berlue. 

«  Cette  hypothèse  vérifiée,  je  vous  déclare  qu'après  la  lâche  con- 
duite des  députés  et  la  panurgerie  du  peuple,  j'ai  pris  le  parti  de 
comprimer  mon  impatience  et  de  fermer  ma  volonté  à  toute  excita- 
tion nerveuse,  d'où  qu'elle  vienne. 

«  En  regrettant  sincèrement  le  temps  perdu  en  vaine  espérance 
et  l'énergie  en  échappements  ilkisoires,  je  n'ouvrirai  désormais 
mon  esprit  et  mon  cœur  qu'à  toutes  les  idées  et  passions  concernant 
la  révolution  sociale. 

«  J'ai  toujours  détesté  à  l'instar  de  Marat,  cette  guenon  de  poli- 
tique qui  nous  fait  parfois  descendre  au  rôle  et  au  niveau  di'S 
hommes  d'Etat. 

«  Dès  aujourd'hui,  je  la  hais  plus  que  peste  et  la  fuis  d'autant. 

«  J'ai  commencé  à  prêcher  les  candidatures  ouvrières  en  réunion 
publique,  je  vais  poursuivre  ma  propagande  auprès  des  corpora- 
tions et  rien  au  monde  ne  me  fera  démordre  de  ma  ligne  de  con- 
duite, d'ailleurs  le  moment  est  propice  pour  éreinter  les  avocats  et 
je  ne  me  mettrai  pas  les  gants. 

«  Je  vous  écris  currente  calamo,  pardon  ;  à  vous  de  rectifier 
les  écarts  de  ma  plume. 

«  Cette  lettre  a  une  certaine  importance,  pour  que  je  vous  engage 
à  m'en  accuser  réception,  directement  ou  indirectement.  Je  ne  vous 
ai  pas  dit  où  nous  pourrions  nous  rencontrer,  mais  vous  l'avez  de- 
viné ! 

.  Signé  :  BASTELIC.\.  » 


E'£     LE    JACOBINISME  :fô5 

2°  —  An  ciloyciJ  Munit. 

«  Marseille,  7  déccmbie  lâ69. 

«  Mou  cher  Murât, 

«  J'ai  reçu  hier  seulement,  de  retour  d'nn  oetit  voyaye  '  de  Lyon, 
votre  aimable  lettre  du  2. 

«  Je  m'en  remets  donc  à  vous,  pour  tous  les  soins  à  donner  à 
ma  candidature  au  secrétariat  du  ministère  de  travail  -.  Oui,  tel 
est  aussi  mon  avis  :  la  fédération  parisienne  en  créant  un  centre 
sérieux  doit  devenir  le  foyer  de  la  révolution  sociale,  surtout,  comme 
le  donnent  à  comprendre  vos  <lernières  lignes,  si  une  feuille  pou- 
vait être  créée  qui  en  devînt  l'organe  officiel,  le  Moniteur. 

«  Appelée  à  rendre  des  services  immenses  à  la  cause  de  l'émanci- 
pation ouvrière,  la  fédération  pourrait  fort  bien,  à  un  moment 
donné,  proposer  aux  fédérations  françaises  de  contribuer  aux  frais 
nécessités  par  une  telle  installation. 

«  Notre  chambre  fédérale  a  adopté  (en  principe)  des  statuts.  — 
Les  adhésions  corporatives  arriveront  bientôt,  je  l'espère,  pour  les 
consacrer  et  donner  à  celte  œuvre  une  existence  virtuelle.  —  Il 
est  vrai  de  dire  que  les  délégués  ont  été  vite  en  besogne  et  ne  se 
sont  pas  laissés  arrêter  par  des  vétilles.  Nous  sommes  plus  révo- 
lutionnaires que  ça.  «  Eh  quoi  !  l'ennemi  est  à  nos  ])ortes  e(  nous 
délibérons!  »  (s'écriait  Mirabeau. 

«  Toutes  les  corporations  sont  représentées  par  deux  délégués. 

<r  II  faut  vous  dire  qu'en  général  nos  ouvriers  ont  une  horreur 
prononcée  pour  les  discours  :  ils  sont  pratiques  avant  tout. 

«  Ils  préfèrent  que  l'expérience  les  déjuge  que  de  s'abandonner 
avant  aux  caprices  du  paradoxe, 

«  En  l'état,  les  corporations  sentent  la  nécessité  de  l'union,  de 
la  solidarité  :  eh  bien,  ils  se  groupent  d'abord  pour  agir  énergique- 
ment,  quitte  à  se  renier  ensuite.  Cette  qualité  que  je  leur  reconnais 
fait  tout  leur  avantage,  mais  ne  rachète  point  à  mes  yeux  celles 
nombreuses  qui  leur  manquent  et  que  l'on  trouve  chez  l'ouvrier 
de  Paris. 

«  Signe  :  B.\STELI(;A.  . 


1  C'est  peudant  son  séjour  à  Lyon,  à  cette  époque,  que  furent  jetées  les  bases  cit 
la  grande  fédération  ouvrière. 
>  Bastelica  veut  désigner  par  là  la  Chambre  fédércUe. 


35G  L'INTERNATIONALE 

30  —  Au  citoyen  Mural. 

«  Marseille,  3  janvier  1870. 

«  La  semaine  prochaine  vous  recevrez  la  visite  du  citoyen  Pillard, 
un  de  nos  orateurs  de  réunions  puljliques.  Je  vous  le  donne  pour  »/ï 
bon,  intelligent  et  remuant.  Je  l'eslime  beaucoup  ;  dans  ces  derniers 
temps  sa  conduite  a  été  irréprochal)lc...  Le  crépuscule  est  tombé 
sur  une  nouvelle  année  grégorienne.  A  quand  l'aurore  du  cycle 
républicain  ? 

«  En  attendant  j'emploie  tous  les  jours  fériés  en  excursions  socia- 
listes !  hier,  j'étais  à  Aix.  Dimanche  j'y  retourne  pour  donner  une 
conférence,  ce  sera  ensuite  le  tour  de  la  Giotat,  Fuveau,  puis  Avi- 
gnon, Toulouse...  Je  prépare  aussi  la  fédération  de  tous  les  ouvriers 
bouchonniers  hispano-franco-italiens.  Si  ce  coup  réussit,  Vlnterna- 
lionale  comptera  20,000  membres  de  plus...  et  solides.  Je  vous 
confesse  en  toute  sincérité  que  nos  travailleurs  méridionaux, 
quoique  bien  portés  vers  le  principe  de  la  Révolution  sont  mous; 
ils  acceptent,  ils  adhèrent  sans  passion;  aussi,  quoique  je  n'aie  pas 
à  me  plaindre  du  mouvement,  je  ne  saurais  encore  le  caractériser 
de  révolutionnaire  !  Socialiste,  je  puis  l'assurer  déjà...  » 

(r  Tout  à  vous, 
^  «  BASTELIGÂ.  » 

40  _  MANDAT  IMPÉRATIF, 

REMIS   \    DASTELICA    EN   VUE    DE  LA    RÉUiSriON    TENUE,   LE    13    MARS     1870, 
PAR    LA    FÉDÉRATION     LYONNAISE. 

(Chambre  fédérale  des  sociétés  ouvrières,) 

«  Marseille,  10  mars  1870. 

«  Mandat  impératif  est  donné  aux  citoyens  André  Bastelica  et 
A.  Pacini  de  représenter  ladite  Fédération  au  Congrès  de  Lyon  en 
s'inspirant  des  vœux  qui  sont  émis  par  ses  membres  pour  la  réali- 
sation de  toutes  les  questions  sociales  propres  à  conquérir  l'éman- 
cipation du  prolétariat  universel. 

■<  Le  président  de  la  séance  :  A.  DURAN. 
«  Pour  la  chambre  fédérale, 

«  Le  secrétaire, 

«  E.  COMBES. 


ET    LE    JAGOniNISME  357 


PIECE    a. 

DOCUMENTS  nKLATIF.S    A    LA   FKDÉnATION  UOUENNAISE. 

a  Rouen,  26  mai  18G8. 
«   Mon  chci"  Varliii, 

«  Je  vous  remercie,  au  nom  de  la  justice  sociale,  d'avoir  dit  aux 
àancocrulos  que  leur  rùjjac  était  bientôt  fini ,  parce  que  nous  affir- 
mions notre  existence,  et  que  sous  le  régime  du  suffrage  universel, 
il  fallait  un  jour  ou  l'autre  que  la  plèl)e  asservie  prononce  le  fa- 
meux alea  jacta  est. 

a  De  jour  en  jour  les  dieux  s'en  vont,  place  à  la  Justice,  à  cette 
Théniis  inexorable  qui  jamais  ne  voudra  aue  deux  et  deux  fassent 
cinq  comme  le  Mercure  de  la  finance. 

«  Mais  avant  tout  la  question  principale  est  d'organiser  votre 
existence  à  Paris,  et  je  ci'ains  bien  que  vous  n'y  réussissiez  main- 
tenant, ou  alors  il  vous  faudra  changer  de  nom  et  encore  faudra- 
t-il  que  vous  en  a[)pelicz  à  la  formule  administrative,  j'entends 
celle  qui  n'entendra  aucunement  entraver  votre  mai'che  écono- 
mique, qui  respectera  mordicus  la  dignité  de  tous,  c'est  ainsi  qu'ici, 
nous  procédons,  nous  déclarons,  nous  accomplissons  les  formalités 
banales  établies  par  les  gouvernements  prudents;  quels  qu'ils  aient 
été,  avant  tout,  ils  étaient  bourgeois,  mais  nous  entendons  con- 
server entièrement  notre    dignité.    N'eus  savez,  mon  cher  Vai'lin, 

combien    ceux  pour   lesquels    nous   travaillons   sont    encore 

c'est-à-dire  pauiqueux,  et  si  j'en  dois  croire  noire  accusateur 
devant  le  tribunal,  vous  devez  en  savoir  quelque  chose,  puis- 
qu'après  les  premières  poursuites  contre  nos  amis,  notre  nombre 
a  diminué  des  sept  huitièmes,  et  puis  dans  mou  département,  com- 
bien est  exploitée  cette  attaque,  et  que  de  mal  cela  nous  duune  pour 
empêcher  les  groupes  de  se  séparer  quand  ils  sont  à  peine  formés. 
Il  m'a  fallu  toutes  les  peines  du  monde  pour  continuer  le  mouve- 
ment que  j'ai  sérieusemeiat  c  uimcncé  à  mon  retour  de  Lau- 
sanne. 

«  Faites  pour  le  mieux  à  Paris,  secouez  la  torpeur  si  vous  le 
[louvez,  mais  ne  permettez  pas  (|ue  l'on  dise  que  vous  compromettez 
le  mouvement,  pas  de  concessions,  mais  aussi  pas  d'imprudences, 
car  je  le  répète  et  ne  saurais  trop  insister,  nous  sommes  encore  les 
plus  faibles,  l'éducation  économique  de  nos  compagnons  d'infor- 
tune n'est  pas  encore  faite,  le  jacobinisme  exerce  encore  un  peu 
d'empire  sur  eux  avec  son  galimatias  politique,  et  ici  les  gros 
bonnets  de  ce  parti  incapable  se   frottent  les  mains  de  votre  dis- 


358  L'INTERNATIONALE 

solution,  et  espèrent  effrayer  le  pouvoir  pour  se  passer,  d'accord 
avec  tous  les  satellites,  des  principes  autoritaires,  et  persécuter  le 
socialisme  avant  (fu'il  n'ait  pris  de  sérieuses  racines  dans  notre 
nation.  Je  coniple  sur  votre  intelligente  sagesse  et  fais  des  vœux 
pour  que  mes  fralernels  conseils  soient  entendus. 

«  AUBRY.  » 
PIÈGE   b. 


DOCUMENTS  RELATIFS    A  LA  SITUATION    DE  L  INTERNATIONALE  A  BESANÇON. 


Cercle  d'études  économiques 
de  l'arrondissement  de  Rouen. 


Rouen.  22  février  1870. 


«  Cher  citoyen  et  ami, 

«  Dites  à  nos  frères  de  Besançon  que  la  Fédération  rouennaise 
espère  les  voir  d'ici  peu  entrer  en  lice  avec  eux  pour  jeter  les 
bases  de  notre  affranchissement  à  l'aide  des  moyens  que  le  suffrage 
universel  et  le  droit  de  coalition  mettent  à  notre  disposition. 

t  Vous  me  demandez  si  c'est  à  moi  qu'il  faut  que  vous  adressiez 
les  adhésions  à  V Internationale;  comme  première  relation  avec  le 
Conseil  général,  je  veux  bien  vous  être  agréable  et  je  vous  mettrai 
directement  en  rapport  avec  notre  ami  Dupont  à  Londres,  qui  est 
notre  représentant  et  secrétaire  pour  la  France. 

«  Salut  fraternel, 
«  E.  AUBRY.  » 


II 


«  Besançon,  17  mars  1870. 


«  Cher  citoyen  Aubry, 


«  J'attends  des  nouvelles  du  citoyen  Dupont  :  je  pense  que  vous 
lui  avez  fait  part  de  notre  organisation  et  de  nos  désirs  de  faire 
partie  de  Vlnternationalc.  Je  voudrais  bien  avoir  une  réponse  pour 


ET     LK    J  ACOniNISMF,.  359 

le  27  courant,  parce  que  nous  faisons  une  douxièmc  réunion  et  j'ai 
promis  que  j'aurais  les  nouvelles  de  Londres  :  comme  je  vous  l'a^ 
déjà  écrit,  nous  tenons  à  nous  faire  recevoir  en  bloc  et  aussi  vite 
que  possible  . 

«  Honneur  au  groupe  rouennais, 

(  Signé  :  Roukut  SEVEHIN.  > 


m 


«  Besançon,  2  mars  1870. 
«  Cher  citoyen  et  ami, 

«  Veuillez  me  mettre  en  rapport  avec  le  citoyen  Dupont  de 
Louda*es...  Nous  serons  fiers  un  jour  de  pouvoir  lutter  à  côté  de 
nos  devanciers,  nos  frères  Rouennais. 

«  Le  ciel  s'éclaircit,  l'horizon  nous  laisse  apercevoir  des  jours 
plus  heureux  :  les  gros  nuages  sombres  et  ^tristes  qui  planent  sur 
nos  tètes  seront  peut-être  hientôt  dissous  par  la  pei'sévérance  et 
l'cnergie  de  quelques  citoyens  en  tète  desquels  vous  vous  trouvez. 
Ce  jour  qui  nous  apparaît  comme  dans  un  rêve  sera  sublime  :  je  le 
vois,  mais  loin,  bien  loin  encore.  Seulement  il  faut  espérer.  Oui, 
il  faut,  malgré  toute  l'obscurité  et  l'ignorance  dans  laquelle  nous 
sommes  encore  plongés,  ari'iver  à  ce  but  afin  que  nous  puissions 
voir  le  drapeau  de  l'égalité  flotter  sur  les  ruines  des  trônes  des  po- 
tentats écrasés  et  de  l'insolente  bourgeoisie  anéantie. 

.  ROBERT. 

IV 

«  Besançon,  14  février  1870. 
«  Cher  citoyen  Aubry, 


«  Je  me  permets  de  vous  demander  comment  nous  pourrons 
entrer  dans  Ylnlernationale  :  si  c'est  à  vous  qu'il  faudra  que  j'envoie 
les  cotisations  ou  si  nous  devons  nous  adresser  au  iureau  fédéral 
de  la  Suisse  Romande,  car  notre  intention  est  de  nous  faire  recevoir 
en  bloc  immédiatement  après  notre  organisation. 

«  Salut   au  porte-drapean  de  l'égalité. 

«  Signé  :  ROBERT.  » 


^360  L'INTEr^NAÏIONALE 


General  council  of  llie  International, 

VVorking   men's  Association, 
256.  High  Holborn,  Londoii,  W.-C. 


a   Londres,  29  avril  1870. 


International  Working  Mens  association 
central  council  London. 


«  Cher  citoyen  Robert, 

«  J'ai  eu  beaucoup  de  peine  à  me  procurer  le  manifeste  et  les 
statuts  de  notre  association  :  car  ils  sont  épuisés  depuis  longtemps. 
C'est  la  cause  du  retard  que  j'ai  mis  à  vous  répondre.  Je  vous 
envoie  ces  différentes  pièces  dans  un  journal  anglais  :  vous  me 
direz  dans  votre  prochaine  si  le  tout  vous  est  parvenu. 

«  Le  conseil  général  vous  remercie,  ainsi  que  les  autres  citoyens 
de  votre  ville  qui  ont  compris  la  nécessité  de  l'organisation  de  la 
classe  ouvrière,  surtout  au  point  de  vue  international.  Nous 
comptons  sur  votre  dévouement  et  sur  votre  actif  concours  pour  la 
propagation  des  principes  de  l'Association  internationale  des  tra- 
vailleurs. 

«  Nous  vous  conseillons  de  constituer  un  comité  d'initiative  pour 
l'organisation  des  sociétés  ouvi'ières  principalement  les  sociétés 
de  résistance,  car  les  sociétés c/e  crédit  mutuel  et  de  coopération  ne 
peuvent  produire  aucun  résultat,  tandis  que  les  sociétés  de  résistance 
(trades-unions),  organisent  le  travailleur  et  l'habituent  à  l'exercice 
des  droits  sociaux  et  politiques  et  empêcheront  qu'il  ne  soit  détourné 
de  son  but  par  les  lépublicains  formalistes  et  autres  pantins  po- 
litiques, comme  en  1830  et  1848. 

«  Les  adhésions  ù  l'Internationale  peuvent  se  faire  individuelles 
ou  collectives.  Chaque  membre  doit  une  cotisation  annuelle  de 
10  centimes.  Les  correspondants  du  conseil  général  doivent  en- 
voyer tous  les  trois  mois  au  conseil  :  l»  le  compte  rendu  de  l'état 
de  la  section;  2°  les  cotisations  dues;  o°  tous  les  documents  et  pu- 
blications concernant  le  mouvement  prolétaire  en  général  et  notre 
association  en  particulier  ;  \°  tous  les  renseignements  pouvant  servir 
à  l'enquête  statistique  ouvrière  votée  par  les  congrès. 

«  Chaque  société  adhérente  doit  nommer  un  correspondant 
direct  avec  le  conseil  général.  A  ce  sujet  choisissez  parmi  vous  un 
correspondant,  le  conseil  vous  enverra  les  pleins  pouvoirs  :  pour  les 
renseignements  d'intérieur  demandez  à  notre  ami  Aubry.  Mais  dans 
cette  circonstance  je  vousrappelei^ai  les  mots  de  Danton,  de  l'audace, 
toujours  de  l'audace.  Le  conseil  général  est  tout  à  votre  disposition 
pour  tout   ce   que  vous  aurez  besoin.  Permettez-moi,  citoyen,  de 


KT    LI-:    .lACOHIMSME.  r{bl 

vous  dire,  en  terminant,  que  le  succès  et  la  propagande  de  nos  prin- 
cipes dépendent  do  la  force  de  conviction  et  du  dévouement  de  nos 
corrospondanls. 

«  Salut  IVaternel  à  tous,  et  à  vous  une  cordiale  poignuo  de  muin. 

V  Ecc.KNE  DUFOiNT, 

«  Secrétaire  correspondant  pour  la  France.  •) 

«  P. -S.  Écrivez-moi  à  l'adrssse  qui  suit  :  4,  ('.liarics-strect,  Nor- 
fhampton  square,  London,  E.  G.,  à  n'importe  quel  nom  anglais  ou 
allemand.  » 


PIECE   c. 

GHÈVE   DES    OUVRIERS     TUn.IERS    DE   GENEVE. 
1 

Lettre    des  ouviirrs  tuiliers   u  leurs  pn/rons. 

Il  a\ril  1870. 

«  Nous  avons  l'honneur  de  vous  soumettre  le  nouveau  tarii',  alin 
ijue  vous  ayez  bien  la  complaisance  de  l'accepter. 

«  Nous  sommes  certains  que  vous  apprécierez  les  raisons  qui  nous 
poussent  à  vous  demander  une  petite  augmentation.  Vous  con- 
naissez vous-mêmes  notre  triste  situation,  et  vous  jugerez  bien 
que  l'augmentation  sera  bien  récompensée  par  notre  travail,  auquel 
nous  saurons  mieux  apporter  notre  foice  et  énergie. 

«Nous  espérons  aussi  que  vous  verrez  que  nous  sommes  animés 
par  les  désirs  tout  eoncilianls,  et  vous  ne  voudrez  point  nous  mettre 
dans  l'obligation  de  porter  préjudice  à  nous-mêmes,  ainsi  qu'au  tra- 
vail et  à  vos  intérêts.  —  C'est  dans  cette  idée  que  nous  attendons  tous 
votre  favorable  réponse  pour  le  samedi  18  avril,  la  veille  de  l'àques. 

«  Agréez,  Messieurs,  nos  salutations. 

«  Le  Comité. 

«  Nous  vous  prions  d'adresser  votre  réponse  à  M.  Sievenn  Félix, 
à  Carouge,  sur  la  route  de  Saint-Julien,  557. 

«  .\rt.  i.  Du  25  mars  au  li  décembre,  le  taux  du  travail  est  di' 
40  centimes  au  minimum. 

«  Art.  2.  La  journée  est  de  11  heures  de  travail  par  jour  ni  jdus 
ni  moins;  ou,  aux  cas  extrêmement  pressants,  le  travail  se  payera 


362  L'INTERNATIONALE 

60  centimes  l'heure  pour  le  travail  à  faire  en  plus  de  la   journée. 

«  Alt.  3.  Le  payement  des  ouvriers  devra  se  faire  régulièrement 
toutes  les  quinzaines. 

«  Tout  signataire  s'engage  par  sa  signature  de  maintenir  et  de 
faire  respecter  le  présent  tarif. 

«  En  cas  de  différend  survenu  entre  l'ouvrier  et  le  patron,  le  socié- 
taire devra  s'en  référer  à  une  assemblée  du  comité,  convoquée  à 
cet  effet,  dans  laquelle  il  exposera  les  motifs  de  sa  discussion  avec 
le  patron.  » 

{Suivent  Jes  si(fualures.) 

Il 

Proclamation  de  la  Commission  de  la  grève. 

«  Frères  travailleurs, 

«  Les  actes  de  brutalité  ne  suffisent  pas  aux  ennemis  des  travail- 
leurs pour  maintenir  leur  exploitation.  Comme  toujours  et  partout 
ils  ont  recours  à  la  calomnie  et  aux  mensonges. 

«  A  peine  notre  manifeste  paru,  le  Journal  de  Genève,  organe  des 
seigneurs  les  privilégiés,  a  osé  nous  calomnier,  en  nous  accusant 
d'assertions  inexactes  et  de  menées  subversives  ;  et  hier  encore  il 
s'est  permis  de  répandre  une  fausse  nouvelle,  en  déclarant  que  la 
gi'ève  est  terminée. 

«  Par  ce  mensonge,  le  journal  voulait  porter  préjudice  aux  gré- 
vistes et  tromper  l'opinion  publique. 

«  En  face  de  ces  infâmes  manœuvres,  nous  venons  vous  affu'mer 
la  véracité  exacte  de  tous  les  faits  rapportés  dans  notre  Manifeste 
et  dans  l'Égalité,  et  nous  livrerons  à  l'indignation  publique  d'autres 
faits  bien  plus  scandaleux,  si  nos  adversaires  persistent  dans  leur 
conduite  déloyale.  Nous  déclarons  aussi  que  la  grève  dure  toujours  : 
Plus  de  la  moitié  des  tuiliei's  de  tout  le  canton  ont  abandonné  le 
travail  et  ne  le  reprendront  que  lorsque  les  patinons  auront  fait  jus- 
tice à  leurs  légitimes  réclamations.  Plutôt  que  de  se  soumettre  à 
l'ancienne  misère,  ils  préféreront  gagner  leur  vie  par  d'autres 
moyens  qui  leur  sont  offerts  par  leur  aptitude  au  travail  et  par  la 
solidarité  toujours  croissante  de  tous  les   travailleurs. 

«  Les  patrons  annoncent  qu'ils  veulent  traiter  avec  les  ouviûers 
seuls  et  individuellement.  Pourquoi  alors,  au  lieu  de  s'expliquer  avec 
les  tuiliers,  les  ont-ils  insultés  et  brutalisés  ?  Pourquoi,  tout  en  pro- 
mettant d'augmenter  le  salaire,  ne  veulent-ils  pas  signer  l'en- 
gagement ? 

n  Les  honnêtes  gens  veulent-ils  faire  croire  qu'il  ne  leur  coûte 
rien,  ni  à  leur  conscience  ni  à  leur  réputation,  de  rompre  à  chaque 


ET    LE    JACOBINISME.  -383 

rnouienl  une  promesse  verbale,  laiulis  i |u' ils  auraient  peUT  d'être 
lorcés  à  se  confornicr  à  leur  eiif^agcmcnt  signé  '!  La  signature  des 
patrons  étant  la  seule  et  uni({ue  garantie  de  l'ouvrier  contre  l'arbi- 
traire, les  patrons  des  autres  métiers  signèrent  les  conventions 
réciproques.  Pourquoi  donc  les  maîtres  tuiliers  seuls  s'y  refusent- 
ils  ?  Ils  veulent  aussi  défendre  aux  ouvriers  de  faire  partie  de  notre 
association.  Les  wultrcs  ont-ils  donc  seuls  le  droit  d'être  orga- 
nisés en  société?  Et  ce  droit  n'est-il  pas  reconnu  aux  ouvriers? 

«  Quant  aux  stupidcs  accusations  contre  l'Internationale  de  sus- 
citer les  grèves,  nous  déclarons  que  les  âO  sections  ne  sont  inter- 
venues que  lorsqu'il  fallait  venir  en  aide  aux  grévistes,  et  cet 
aide  ne  leur  manquera  point,  car  la  grève  est  organisée  solidement. 

•  Une  pension  alimentairo,  approvisionnée  par  tous  les  établisse- 
ments coopératifs,  est  organisée  au  Temple  Unique  pour  les  gré- 
vistes et  leurs  familles,  et  nous  invitons  tous  les  travailleurs  à 
venir  participer  fraternellement  au  change  banal. 

«  Au  banquet  coopératif  de  la  section  des  Tuiliers,  ce  samedi 
2i  mai  à  8  h.  du  soir,  au  Temple  Unique. 

«  Les  cartes,  à  un  fr.,  se  trouvent  chez  le  concierge  du  cercle. 

«  Kendons-nous  y  donc  on  grand  nombre  pour  vo  ir  comment  fonc- 
tionne notre  pension  coopérative,  qui  peut  nous  rendre  de  grands 
services  pendant  les  grèves,  et  pour  porter  un  toast  au  succès  de  la 
grève  des  tuiliers  et  au  développement  de  l'Internationale  dans  les 
campagnes  ! 

c  La  Commission  de  la  Grève. 

«  .I.-Ph.   BECKER,  DUVAL,   GHÉNAZ,  h.  PERHET.  OUTINE, 
JACCAZ,  BAUMGARTxNER,  BENOIT. 

«  Le  président,  FREPAZ.  » 

«  AVIS.  —  Au  dernier  moment,  nous  apprenons  que  ccrlains 
patrons  se  sont  permis  envers  les  tuiliers  les  actes  les  plus  révol- 
tants, nous  devons  soumettre  ces  actes  à  l'appréciation  de  tous  les 
comités  réunis,  convoqués  pour  mardi  prochain  afin  qu'ils  avisent 
aux  mesui'es  à  prendre  pour  porter  ces  actes  à  la  connaissance  des 
autorités  compétentes.  » 

«  La  Commission.  » 

III 

Appel  aux  sections  romandes. 

((  Ghers  Citoyens, 
<'  Votre  comité  a  pris  connaissance  et  examiné  la  marche  suivie 
par  la  section  des  Tuiliers,  dans  ses  rapports  avec  les  patrons 


364  L'INTERNATIONALE 

pour  obtenir  pacifiquement  une  auginentalion  de  salaire,  justiliée 
par  un  travail  d'une  aube  à  l'autre,  et  pour  un  faible  salaire,  in- 
suffisant pour  élever  leui's  familles  et  passer  les  mois  de  chômages. 

«  Leurs  demandes  ne  sont  pas  exagérées,  ils  réclament  40  cen- 
times par  heure,  et  onze  heures  de  travail. 

'<  Ces  justes  demandes  ont  été  repoussées,  et  toute  tentative  de 
conciliation  a  échoué.  En  présence  de  ces  faits,  votre  comité  dé- 
clare que  jamais  grève  n'a  été  plus  légitime;  elle  mérite  d'être 
appuyée  énei^giquement.  Soutenir  les  tuiliers,  c'est  prolester  conti^e 
les  abus  de  pouvoir  du  capital,  qui  n'a  plus  de  frein  lorsque  rien 
ne  résiste  à  sa  dômoi'alisante  influence. 


«  Citoyens, 

«  Nous  espérons  que  vous  répondrez  à  notre  appel  fraternel,  et 
que  vous  contribuerez  de  tous  vos  efforts  à  aider  vos  frères  dans 
cette  lulle,  afin  qu'ils  en  sortent  victorieux.  Trouvons  une  fois  de 
plus  que  la  solidarité  qui  existe  entre  nous,  n'est  pas  un  vain  mot. 
Organisez  promptement  des  secours  en  leur  faveur,  et  vous  aui'cz 
contribué  à  améliorer  leur  malheureuse  position.  Comptant  sur 
votre  dévouement,  nous  vous  saluons  i'ralernellement. 

a  Au  nom  du  comité  iéilcral  romand  : 
«  Le  secréluive  général, 

«  Jules  DUTOIT. 
«  Genève,  le  11  mai  1870.  » 

[Les  secours  sont  roniis  au  Temple  Unique.) 


PIECE  (/. 


iiéj.onse  des  plâtriers-ieiiUres  h  la  déclaration  des  chefs  d'aleliers 
de  r industrie  du  bâtiment  h  Genève. 

«  Les  patrons  déclarent  que  les  ouvriers  plâtriers-peintres  i  iier- 
chent  à  induire  le  public  en  erreur,  et  que  quelques-uns  de  ces 
beaux  parleurs  veulent  l'éclairer  par  leurs  arguments. 

«  Les  ouvriers  plâtriers-peintres,  réunis  en  assemblée  généi'ale, 
déclarent  fausse  et  mensongère  leur  déclaration.  Est-ce  induire  le 
public  en  erreur  de  leur    dire  que,  après  la  convention  de  18G8 


Kl'    i.K  .lAconiMSMi-:.  3«r. 

ainsi  coiipue  :  le  10  pour  cciil  (raii^'mentation  sur  lo  salairo,  tout 
en  conservant  les  auoions  usages.  Rsi-il  dit  dans  la  convention 
qu'il  y  aurait  des  patrons  qui  donneraient  tJO  centimes  de  dc[)lace- 
ment  aux  ouvriers  qui  vont  exécuter  des  travaux  à  la  campagne, 
et  qu'ils  leur  diminueraient  depuis  55  centimes  à  1  franc  [)ii'  jour 
dans  la  saison  d'hiver?  ce  qui  a  été  fait  par  plusieurs  patrons,  au 
point  que  la  délicatesse  nous  oblige  à  ne  pas  livrer  leurs  noms  à 
la  publicité  ;  y  en  a-t-il  de  ces  messieurs  qui  puissent  mettre  la 
main  sur  la  conscience  et  dire  qu'ils  aient  respecté  la  convention 
lie  1808?  N'est-ce  pas  avoir  usé  des  moyens  de  conciliation,  lorsque, 
en  18fi9,  s'est  élevé  le  conflit  des  tailleurs  de  pierre  et  maçons  par 
la  violation  de  la  convention  de  1868?  Les  plâtriers-peintres  ont-ils 
demandé  une  nouvelle  convention  ou  annexe,  comme  ces  messieurs 
veulent  bien  l'appeler?  NON. 

«  Nous  avons  protesté  énergiquement  auprès  de  M.  Campério  et 
auprès  de  MM.  les  patrons  par  de  nombreuses  lettres;  plus,  nous 
déclarons  que  nous  tenions  à  la  convention  de  1868  et  que  ces 
messieurs  avaient  à  la  respecter  envers  nous. 

«  Ont-ils  tenu  compte  de  ces  protestations,  lorsque,  en  automne 
4869,  les  ouvriers  qui  avaient  travaillé  l'été  à  la  journée,  ont  été  mis 
au  travail  à  l'heure  sans  môme  leur  tenir  compte  des  95  pour  cent  de 
bonification  prévue  par  l'annexe  du  10  avril  1869,  ce  qui  procure  à 
l'ouvi-ier  une  perle  ncltc  de  cinquante  heures  dans  la  saison  d'hiver? 

«  Est-ce  induire  le  public  en  erreur  do  lui  dire  que  ce  que  nous 
déclarons  est  la  pure  vérité  et  prouvé  par  des  faits  patents? 

a  Les  plâtriers-peintres  veulent  user  de  plein  droit  de  leur  liberté 
individuelle  et  commerciale,  qui  autorise  chacun  de  garder  sa  mar- 
chandise ou  main-d'œuvre,  autant  que  l'acheteur  ou  patron  ne 
remplit  pas  les  clauses  convenues,  et  de  la  revendre  au  prix  cpii 
lui  convient. 

«  Est-ce  encore  induire  le  public  en  erreur  de  lui  dire  que,  puisque 
ai  Pune  ni  l'autre  des  conventions  précédentes  n'ont  pu  être  res- 
pectées, les  ouvriers  plâtriers- peintres  ont  le  droit  de  demander 
qu'une  de  ces  conventions  soit  signée  par  les  patrons  pour 
la  tranquillité  du  pays  et  le  bien-être  de  la  population  tout 
entière,  et  cela  à  la  majorité  desdits  ouvriers,  et  qu'ils  s'engagent 
à  la  respecter  et  à  la  faire  res[)ecter  à  quiconque  y  porterait 
atteinte  ? 

TARIF 

Demandé  par  les  ouvriers  plâtriers-peintres  réunis  en  assemblée 
générale,  le  i"  mai  1870,  et  soumis  à  l'approbation  des  patrons. 

«  1°  La  journée  de  travail  sera  de  dix  heures  dans  tous  les 
ateliers. 


566  L'INTERNATIONAL!-: 

«  2°  Le  pi*ix  de  l'heure  est  de  45  centimes  en  moj'enne  ;  on  cas  de 
contestation  entre  patron  et  ouvrier,  tout  en  laissant  à  chacun  la 
liberté  de  traiter  au-dessus  et  au-dessous,  suivant  les  capacités  de 
l'ouvrier. 

«  3°  Le  i)rix  de  l' hernie,  à  plus  de  1  kilomètre,  est  fixé  à  5  centimes 
en  plus. 

«  A°  Et  à  10 centimes  en  plus  par  heure,  quand  la  distance  du  lieu 
oblige  l'ouvrier  de  découcher. 

«  Que  le  public  juge  maintenant  les  hautes  prétentions  des  ouvriers 
plàlriers-peintres,  et  le  renversement  du  mode  actuel  de  vivre, 
prôné  par  nos  narrateurs,  quoique  sans  le  demander,  ce  serait  à  dé- 
sirer pour  nous! 

«  Nous  pourrions  alors  au  moins  traiter  nos  intérêts  avec  nos 
patrons  et  non  avec  des  maçons,  charpentiers,  menuisiers,  ser- 
ruriers, asphalteurs,  etc. 

<  Au  nom  de  l'assemblée  générale  du  23  mai  1870, 

«  tSAULNlER,  président.  » 


PIEGE   c. 

1° — Association  des  chefs  d'ateliers  de  l'industrie  du  bnliinent  dntis 
le  canton  de  Genève. 

DÉCLARATION. 

.(Maintenant  que  chacun  a  pu  juger  par  lui-même  des  prétentions 
des  ouvriers  plâtriers-peintres  et  des  offres  des  patrons,  les  chefs 
d'ateliei's  de  l'industrie  du  bâtiment  font  appel  au  bon  sens  du  pu- 
blic et  demandent  si  l'ultimatum  des  ouvriers  peut  être  considéré 
autrement  que  comme  un  moyen  de  bouleverser  tout  ce  qui  a  été 
convenu  jusqu'à  ce  jour. 

«  Il  n'est  personne  qui, en  y  réfléchissant  un  moment,  ne  reconnaisse 
qu'il  y  a  dans  cet  ultimatum  matièi'C  à  des  l'écriminations  sans  lin 
et  que,  en  ayant  l'air  de  vouloir  tout  terminer,  les  organisateurs  de 
grèves  ne  cherchent  qu'à  se  ménager  de  l'occupation  pour  l'avenir. 

«  Les  ouvriers  plâtriers  ne  sont  en  effet  qu'une  avant-garde.  Si  leur 
tentative  réussit,  les  ouvriers  des  autres  corps  de  métier  sont  prêts 
à  les  suivre,  et  lorsque,  après  plusieurs  grèves  successives,  on  sera 
parvenu  à  un  accord  quelconque,  dans  deux  ans,  peut-être  plus  tôt, 
la  nouvelle  convention  sera  traitée  de  b.vlançoire  et  tout  sera  à  re- 
commencer. 


i: T    L !•:    J  A C 0 D I  X  1  s  M  K.  :}67 

H  Or,chai'uu  sait  déjà  que  la  main-d'œuvre  est  plus  chère  à  Genève 
(|ue  chez  uos  plus  proches  voisins  cl  confédérés,  dont  la  liborfé  de 
travail  est  protégée  d'une  manière  eflicaco..  Si,  à  celte  condition 
défavorable,  vient  se  joindre  une  instabilité  aussi  comjtlrle  des  élé- 
ments essentiels  du  itrix  de  revient,  inslaljilité  qui  rend  impossible 
tout  marciié  ferme  et  fait  reculer  devant  les  engagements  ù  longs 
termes  que  comportent  les  construetious,  l'industrie  du  bâtiment 
sera  bien  vite  ruinée  chez  nous. 

«  Les  chefs  d'ateliers  le  comprennent  bien, aussisont-ils  liécidés  à 
soutenir  leurs  collègues  plâtriers  et  à  ne  pas  consentir  à  de  nou- 
veaux changements. 

K  C'est  pourquoi,  au  lieu  de  se  faire  battre  en  détail,  ils  préfèi'cnt; 
tout  en  regrettant  profondément  d'en  être  réduits  à  cette  extrémité, 
fermer  dès  maintenant  leurs  chantiers. 

a  Aussi  bien  seraient-ils  forcés  de  le  faire  même  malgré  eux,  si  la 
grève  des  plâtriers  devait  se  prolonger.  Vai  construction,  tout  se 
tient,  et  la  non-exécution  d'une  partie  de  l'ouvrage,  arrête  tôt  on 
tard,  et  inévitablement  tout  le  reste. 

«  Que  les  ouvriers  plâtriers-peintres  voient  donc  ce  qu'ils  ont  à 
l'aire.  Ce  sont  eux  qui  donneront  le  signal  de  la  grève  générale. 

«  Préféreront- ils  à  l'intéi'èt  de  leurs  collègues  des  autres  métiers, 
celui  de  quelques  individus  qui  ont  besoin   de  cette  agitation  poui- 
avoir  l'air  de  servir  à  quelque  chose? 
■■.  Nous  espérons  que  non. 

«  Le  public  ne  doit  pas  voir  dans  toutes  ces  discussions  une  sim- 
ple querelle  de  famille.  Que  chacun  soit  bien  persuadé  que  le  zèle 
des  agitateurs  ne  s'arrêtera  pas  en  si  beau  chemin.  Ce  que  l'Associa- 
tion Inlernnlionale  prêche  partout,  ce  qu'elle  proclame  dans  ses 
journaux,  c'est  la  haine  entre  les  ouvriers  et  ce  qu'elle  appelle  les 
bourgeois.  Elle  lance  les  ouvriers  sur  les  patrons,  parce  que  ce 
sont  les  premiers  bourgeois  qu'elle  rencontre  ;  lorsqu'elle  en  sei'a 
venue  à  bout,  elle  s'attaquera  à  d'autres. 

><  Mais  nous  n'en  sommes  pas  encore  là,  et  tous  ceux  qui  se  sou- 
viennent qu'ils  sont  Suisses  avant  tout,  et  non  pas  Internationaux, 
savent  que  les  autorités  compétentes  appliqueront  en  temps  et  lieu, 
à  qui  de  droit,  les  articles  suivants  de  notre  constitution  fédérale  : 
«  §  36.  —  Les  citoyens  ont  le  droit  de  former  des  associations, 
pourvu  qu'il  n'y  ait,  dans  le  but  de  ces  associations  ou  dans  les 
moyens  qu'elles  emploient,  rien  d'illicite  ou  de  dangereux  pour 
l'Etat.  Les  lois  cantonales  statuent  sur  les  mesures  nécessaires  à  la 
répression  des  abus. 

«  §  37.  —  La  confédération  a  le  droit  de  renvoyer  de  son  territoire 
les  étrangers  qui  compromettent  la  sûreté  intérieure  ou  extérieure 
de  la  Suisse. 


::^6S  L  '  I  N  T  E  R  N  A  T I  O  N  A  L  K 

(.(  Par  décision  de  l'Assemblée  générale  du  2  juin  1870, 
«  Le  comité  central:  C.  AUVERGNE;  C.SGHMIEDT;  L.  COLLET; 
A    OLIVET;     P.    URASCO;     PROBST;    ÏREYVAUD;    L.   DE- 
FERNE.  » 

2"   —  Avis  aux  ouvriers  plâtriers-peintres. 

«  Les  patrons  plâtriers-peintres  offrent  de  nouveau  aux  ouvriers 
de  leur  profession  de  rentrer  dans  leurs  chantiers  aux  conditions 
convenues  en  1868  ou  1869. 

ft  Si,  le  jeudi  9  juin,  le  travail  des  plâtriers-peintres  n'a  pas  recom- 
mencé partout,  les  chantiers  de  l'industrie  du  bâtiment  seront  fer- 
més le  samedi  11  juin,  pour  no  se  rouvrir  que  lorsque  les  ouvriers 
plâtriers  auront  repris  le  travail  aux  conditions  énumérées  ci-des- 
sus. 

«  Toutes  lescommunicationsseront  reçues  tous  les  jours,  de  2  à  3 
heures  par  la  commission  d'exécution  et  le  comité  central,  rue  du 
Rhône,  18,  au  2"  étage.  » 

3"  —  Assemblée  populaire  nationale  des  ouvriers  suisses. 

Mardi  7,  à  7  l/2  heures  du  soir,  au  Stand. 

Une  réunion  d'ouvriers  suisses  croient  qu'il  est  de  leu  r  dignité 
de  convoquer  leurs  concitoyens  en  assemblée  populaire  nationale, 
pour  protester  par  une  éclatante  manifestation  contre  les  menaces 
contenues  dans  la  proclamation  des  chefs  d'ateliers  de  l'industrie  du 
bâtiment,  concernant  le  droit  d'association  et  les  ouvriers  étran- 
gers. 

Au  nom  de  la  réunion  : 

Jean  LAPLAGE,  guillocheur;  Louis-Henri  ZEHFUS,  monteur 
déboîtes;  Jules  DUTOIT,  monteur  de  boîtes  ;  Henri  PERRET 
graveur;  François  ROGHAT,  horloger;  TOGNIETTI,  gra- 
veur; JeanZIEGLER,  typographe  ;  Louis  BLANC,  typographe  ; 
Jean  HOFER,  typographe;  Jacques  GROSSELIN,  monteur  de 
boîtes;  Louis  ALLEMENT,  graveur;  Louis  MARTIN,  bijou- 
tier; François  WEYERMANN  graveur  ;  François  MERMIL- 
LIOD,  monteur  de  ])0Îtes  ;  Louis  MAGNIN,  faiseur  de  ressorts; 
Alexandre  DUPARC,  graveur  ;  Jacques  UEROUAND,  mon- 
teur déboîtes;  YERSIN,  guillocheur;  N1DEGKER,  gaînier; 
Auguste   MIEVILLE,  faiseur  de  pièces  à  musique. 


ET     LF.     JACOBINISME.  'SO 


A° —  DécJ/ir,-ilion  (le  J'ussocin/iori  des  cln'/'s   il'.ilclicrs  ilc  J'i/n/i/slrlr 
(In  hiiliincnt  dans  Je  caillou  du  Gciicyv. 

«  Aux  patrons, 

«  La  grève  des  plâtriers-peintres  n'ayant  pas  cessé  le  jcmli  9  juin, 
lo  comilc  central  vient  vous  rappeler  que  la  grève  générale  des  pa- 
trons, votée  par  l'assemblée  générale  du  2  juin,  et  à  laquelle  vous 
avez  adiiéré,  devient  exécutoire,  le  samedi  soir  11. 

f  Les  seules  exceptions  à  la  grève,  admises  par  l'assemblée  géné- 
rale, sont  :  les  ébénistes,  les  fondeurs  en  fer,  chaudronniers,  ap- 
pareilleurs  de  gaz,  terrassiers,  paveurs  et  asphalteurs. 

«  A  quoi  il  faut  joindre  les  chantiers  de  travaux  d'utilité  publique, 
dont  l'exécution  est  urgente,  savoir  :  les  machines  hydi'auliques,  le 
l>ont  sur  l'Arve,  l'hôpital  cantonal. 

«  Il  est  très-important  que  les  chantiers  et  ateliers  ne  rentrant 
pas  dans  les  exceptions  ci-dessus  mentionnées  ne  soient,  sous  au- 
cun prétexte  et  dans  quelque  mesure  ipie  ce  soit,  pas  en  activité 
dès  lundi  matin. 

t  Dans  le  cas  où  la  suspension  des  travaux  entraînerait  des  ré- 
clamations   de    la  part  des    architectes   ou  propriétaires,   M^L  les 
entrepreneurs  sont  priés  de  passer  outre  et  de  transmettre  à  la  com 
mission  d'exécution  lesdites  réclamations,  lesquelles,  par  suite  de 
notre  solidarité,  deviennent  l'affaire  de  l'association  entière. 

«  Au  nom  du  comité  central.  » 

(Suivent  les  signatures  des  membres  du  comité  central, 
de  la  commission  d'exécution  et  de  la  commission 
fmancièi'e.) 


5°  —  Le  comité  fédéral  Romand,  aux  sections  de  l'Association 
internationale. 

«  Genève,  Temple-Unique,  le  14  juin  187C 

«  Parères  travailleurs, 

«  La  menace  formulée  dans  l'affiche  des  chefs  de  l'industrie  lu  bâ- 
timent de  Genève,  de  mettre  en  grève  toutes  les  branches  du  bâti- 
ment dans  le  cas  où  les  plàtriers-peinti^es  ne  se  rendraient  pas  à 
V invitation  de  rentrer  dans  les  chantiers  jeudi  9  juin,  cette  menace 
a  été  exécutée  rigoureusement  par  INIM.  les  entrepreneurs  :   lundi, 

24 


370  L'INTERNATIONALE 

tous  les  chantiers  ont  été  fermés  ;  cet  acie  hrntal  jette  sur  le  pavé 
trois  mille  ouvriers,  dont  beaucoup  sont  pères  de  famille. 

«  Le  refus  d'accepter  les  demandes  légitimes  des  plâtriers-pein- 
tres n'a  été  qu'un  prétexte  pour  déclarer  la  grève  générale.  11  ne 
s'agit  plus  pour  les  entrepreneurs  et  la  coterie  qui  les  pousse  sour- 
dement, d'une  question  de  salaire,  non  :  le  but  que  l'on  veut  at- 
teindre est  bien  connu,  il  s'agit  de  détruire  à  Genève  l'association 
en  semant  la  division  entre  les  travailleurs,  et  en  faisant  appel  à  la 
proscription.  Les  sections  de  Genève,  profondément  attachées  à 
l'Association  internationale,  ne  se  laisseront  jamais  diviser  ni  dé- 
truire par  ])ersonne,  les  différentes  crises  par  lesquelles  elles  ont 
passé  ont  prouvé  qu'elles  étaient  toujours  unies   en  face  du  danger. 

«  Nous  venons  faire  appel  à  la  solidarité  fraternelle  de  tous  les 
travailleurs,  pour  aider  leurs  frères  de  Genève  à  traverser  cette 
ciùse.  Nous  vous  prions  d'organiser  promptement  les  secours 
et  de  les  adresser  au  citoyen  T.  DUVAL,  trésorier  du  Comité 
fédéral. 

«  Nous  vous  envoyons  le  salut  fraternel, 

«  Au  nom  du  Comité  fédéral  romand, 
«  Le  président  de  la  séance  :  13.  ROSSETTI. 

«  Le  secrétaire  général,  Henri  PERRET.  » 


6"  —  Adresse  de  l'Association  Internaliomilc  des  travailleurs, 
Aux  ouvriers  en  grève. 


«  En  présence  de  la  situation  grave  qui  nous  est  imposée,  nous 
vous  recommandons  fraternellement  d'être  à  la  hauteur  des  jours 
difliciles  qui  s'annoncent,  en  restant  calmes  et  froids  en  face  des 
provocations  que  vous  pourriez  subir  pour  vous  faiie  tomber  dans 
des  excès. 

«  Les  entrepreneurs  ont  déclaré  la  grève  générale,  que  le  pays  juge 
entre  nous,  et  cju'il  en  fasse  retomber  la  lourde  responsabilité  sur 
les  fauteurs. 

«  Montrons  une  fois  de  plusque,  forts  de  leurs  droits  et  inéljranlu-. 
blés  dans  leur  revendicalion,  les  travailleurs  savent  respecter  la 
paix  publique. 

«    Le  Comité  fédéral  romand, 

€  Le  Secrétaire  général:  II.  PERRET. 
«  Genève,  13  juin  1870.  » 


ET     LK     ,IACOniNI?ME.  ill 


7°  —  Avis  nu  public. 


H  La  commission  tle  dirccUoii  de  la  grùve  générale  a  l'honneur 
d'avertir  le  public,  ainsi  que  MiM.  les  propriétaires  et  architectes 
que,  d'après  la  décision  de  l'assemljlée  générale  de  toutes  les  sec- 
tions, les  sections  de  métiers  se  chargeront  d'exécuter  tous  les  tra- 
vaux qui  leur  seront  offerts,  en  traitant  directement  avec  MM.  les 
propriétaires  et  architectes,  et  sous  la  garantie  collective  des  corps 
de  métiers  respectifs. 

On  est  prié  de  s'adresser  au  cercle  du  Temple- Unique,  à  la  com- 
mission de  direction  siégeant  en  permanence  de  7  heures  du  matin 
à  1 1  heures  du  soir. 

0  Au  nom  de  la  commission  de  la  grève  : 
f  Le  président,  DAJLLY. 
a  Le  secrétaire,  Antoine  GO  Y. 
«  Genève,  le  14  juin  1870.  » 


8»    —    Manifeste    du    comité   fédéral    romand    aux    sections     ro- 
mandes. 

.1  Travailleurs, 

Les  circoustaaces  graves  par  lesquelles  nous  passons  depuis 
([uelques  jours  nous  font  un  devoir  de  nous  exprimer  sans  arrière- 
pensée  sur  la  situation  actuelle. 

«  La  grève  générale  que  les  entrepreneurs  vous  font  su!)ir  depuis 
deux  semaines  n'est  pas  encore  arrivée  à  son  terme  ;  des  tentatives 
d'arrangement  entre  les  parties  intéressées  ont  eu  lieu,  en  vue  d'a- 
mener une  prompte  solution  à  cette  crise.  Vain  espoir  !  tout  a  échoué 
devant  le  mauvais  vouloir  et  le  parti  pris  des  chefs  de  l'industrie 
du  bâtiment. 

«  Il  est  hors  de  doute  que  l'on  veut  traîner  les  choses  en  longueur, 
pour  gagner  du  temps,  dans  le  but  de  diviser  les  ouvriers,  de  las- 
ser leur  patience  et  de  les  pousser  à  des  actes  violents  ;  donnerez- 
vous  dans  des  pièges  aussi  grossiers?  Nous  ne  le  croyons  pas. 
L'expérience  des  grèves  précédentes  doit  vous  démontrer  claire- 
ment que  les  mêmes  moyens  seront  employés  contre  vous  et  que 
vous  avez  devant  vous  les  mêmes  hommes,  animés  de  sentiments 
haineux  contre  notre  association,  que  tous  les  moyens  seront  em- 
ployés pour  .xNÉANTHç  notrc  faisceau. 


372  L'INTERNATIONALE 

((  La  fédération  genevoise  a  nommé  une  commission  de  direction 
de  la  grève  ;  le  mandat  diflicile  que  vous  lui  avez  confié,  elle  saura 
le  remplir  dignement,  et  vous  devez  la  seconder  dans  sa  tâche, 
afin  qu'elle  puisse  mener  à  bien  l'œuvre  qu'elle  a  entreprise.  L'opi- 
nion publique  est  pour  nous,  les  sections  non  en  grève  et  les 
sections  amies  vous  appuieront  énergiquement  dans  votre  lutte  ; 
votre  comité  fédéral  secondera  de  son  côté  la  commission  de  la 
g-rève,  il  ne  négligera  rien  pour  que  vous  sortiez  vainqueurs  de 
celte  lutte,  mais  il  doit  en  même  temps  vous  rappeler  qucds  sont 
les  devoirs  à  remplir  dans  une  grève  générale. 

«  Nul  ne  doit  agir  isolément,  quand  une  lutte  est  engagée,  tout 
acte  ou  mesure  prise  en  dehors  de  l'action  collective  est  une  faute 
qui  peut  compromettre  le  succès  de  la  grève  et  porter  un  grave 
préjudice  à  l'existence  même  de  notre  Association  internationale. 
La  grève  étant  générale,  aucune  section  ne  doit  et  n'a  le  droit  de 
prendre  une  résolution  sans  avoir  consulté  les  autres  sections  in- 
téressées dans  le  conflit;  toutes  sont  liées  par  les  mêmes  intérêts, 
et  tout  doit  être  fait  solidairement. 

«  Les  comités  des  sections  en  bâtiment,  qui  ont  une  grande  res- 
ponsabilité dans  la  crise  actuelle,  doivent  veiller  activement  à  ce 
qu'il  ne  se  fasse  aucune  démarche  irréfléchie  ou  un  acte  imprudent  ; 
il  est  de  leur  devoir  d'appuyer  dans  toutes  les  circonstances  la 
commission  de  la  grève.  » 

«  Travailleurs, 

«  Nous  n'avons  jamais  passé  par  une  crise  comme  celle  que  nous 
traversons  actuellement  :  tout  dépend  de  vous  ;  que  votre  dévoue- 
ment et  votre  énergie  soient  à  la  hauteur  des  circonstances  ;  soyez 
unis  en  face  du  danger,  et  la  cause  s.era  gagnée. 

«  Le  mandat  que  vous  avez  confié  à  votre  comité  fédéral,  il  le 
remplira  énergiquement  :  représentant  les  intérêts  de  toutes  les 
sections,  il  saura  faire  son  devoir  envers  ceux  qui  veulent  porter 
atteinte  à  notre  association  ;  il  rappelle  aux  sections  en  grève 
notre  belle  devise  : 

«  Pas  de  droits  sans  dévoilas,  pas  de  devoirs  sans  droits. 

«  Salut  fraternel  ! 

«  Au  nom  du  Comité  fédéral  romand, 

«  Le  président  de  la  séance  :  ROSSETTI. 

«  Le  secrétaire  général  :  H.  PERRET. 

«  Genève,  le  25  juin  1870.  « 


E'I     LE    JACODINISME.  373 

U"  —  Adresse  uii.x  ouvriers  de  Genève. 

(.  Les  ouvriers  do  la  Chaux-dc- l'omis,  dans  une  assemljléc  po- 
pulaire, protestent  contre  la  décision  des  chefs  d'ateliers  de  l'indus- 
trie du  bâtiment  à  Genève.  En  outre,  ils  décident  d'appuyer  mora- 
lement et  matériellement  la  grève  forcée  de  leurs  collègues  de 
Genève  ;  des  collectes  seront  organisées  dans  toutes  les   sections. 

c  Citoyens  ouvriers, 

»  Nous  devons,  pour  aflirmer  la  solidarité  qui  doit  unir  nos  so- 
ciétés ouvrières,  donner  une  peuve  éclatante  de  nos  sympatliies  à 
tout  ouvrier  tiavaillant  i)our  son  développement  matériel  et  intel- 
lectuel ! 

K  Au  nom  de  l'assemblée  du  lundi  :20  juin. 

«  Le  président,  Ulysse  DUBOIS.  »~ 

10°  —  Deux  lettres  de  M.  Amberny 

.1  la  Commission  de  direcLion  de  la  grève,  au  Temple- Unique. 

a  Le  23  juin  1870. 
«  Messieurs, 

«  Je  vous  demande,  en  mon  nom  personnel  et  non  comme  mem- 
bre du  comité  d'initiative,  de  vouloir  bien  vous  réunir  aujourd'hui, 
après-midi,  si  vous  pouvez  m'admettre  à  cette  conférence. 

«  Je  serai  à  votre  disposition  dépuis  quatre  heures. 

«  Deux  longues  conférences  entre  les  délégués  des  patrons  et  des 
ouvriers  n'ont  amené  aucun  résultat.  Hier,  cependant,  il  semblait 
qu'un  pas  fût  fait  vers  un  arrangement. 

«  Il  est  certain  que  si,  de  part  et  d'autre,  on  persiste  à  ne  vouloir 
rien  céder,  une  solution  amiable  est  impossible;  et  alors,  nous 
voilà  avec  la  perspective  d'une  grève  de  la  fabrique,  une  grève 
générale.  Ce  serait  un  vrai  désastre  pour  Genève,  et  la  Suisse  en- 
tière nous  lapiderait. 

«  Dans  une  question  aussi  grave,  il  faut  examiner  avec  calme 
s'il  n'y  a  pas  une  solution  à  adopter,  à  proposer  au  moins  pour 
cette  année,  et  ensuite  on  l'organiserait  mieux  pour  l'avenir. 

«  Il  est  nécessaire,  messieurs,  que  vous  examiniez  froidement,  à 
lui  point  de  vue  général  et  non  en  vue  seulement  de  faire  expier 
aux  patrons  la  mesure  désespérée   qu'ils   ont   prise,   s'il  n'est  pas 


374  L  1  N  r  E  n  N  AI"  1  0  N  A  L I-: 

dans  rintéivt,  liieii  entendu,  des  ouvriers  de  votre  société  d'ad- 
mettre (lueliiuos  uiudificiilions  aux  iirétentions  formulées  pai-  les 
ouvriers,  alin  de  garder  devant  l'opinion  i)niili<|uo  une  position  qui 
vous  altirc  les    sjnijtalliies  de  la  j^ramle  majorité  ilf  la  population. 

t  Sans  doute,  vous  êtes  indignés  et  vous  vous  révoltez  contre  une 
mesure  qui  atteint  et  fait  souffrir  tant  d'innocenls. 

«  Je  compi'ends  votre  irritation  contre  les  patrons,  mais  veuillez 
remarquer,  messieurs,  qu'ils  ne  sont  pas  seuls  en  eause,  seuls  in- 
téressés au  mouvement  de  ce  conilit. 

a  Des  intérêts  plus  graves  sont  en  jeu.  (l'est  pourquoi  je  vous 
supplie  de  bien  peser  les  résolutions  définitives  que  vous  prendrez. 

«  Demain,  il  faut  tenter  un  dernier  effort  pour  mettre  lin  à  la 
grève  et  couper  court  au  mal  trop  grand  qu'elle  a  causé. 

*  Mais,  croyez-moi,  messieurs,  préoccupez-vous  un  peu  de  l'opi- 
nion publicjue  et  du  grand  intérêt  du  j^ays  à  une  conciliation  entre 
ouvriers  et  patrons. 

«  Pesez  bien  toutes  les  conséquences  il'unc  rupture  des  négo- 
ciations ;  le  préjudice  serait  incalculable  pour  l'avenir. 

«  Agréez,  messieurs,  mes  plus  empressées  salutations. 

«  AMBEHNY.  » 


.4  moiisicuv   Auvergne,  président  do  VAssociaLion  des  chois  d'ate- 
liers de  Finduslrie  du  bâtiment. 


»  Monsieur  le  président, 

«  Nous  apprcnuns  i^uc  MM.  vos  collègues  se  réunissent  en  as- 
semblée générale  aujourd'hui  à  cinq  heures. 

u  Pcrmeltcz-moi  de  faire  encore  une  fois  appel  à  vos  sentiments 
d'humanité,  à  votre  patriotisme,  à  votre  amour  de  la  paix  et  du  bien 
du  pays,  et  de  vuus  supplier  de  consentir  à  réduire  la  journée  à 
10  heures  de  travail. 

«  C'est  ce  qui  se  pratique  à  nos  portes,  en  Frauee,  dans  votre 
industrie;  nous  sommes  persuadés  que  si  vous  nous  concédiez  ce 
point-là,  les  travaux  pourraient  être  immédiatement  repris,  sauf  à 
laisser  à  une  commission  mixte  le  soin  de  régler  pour  l'avenu"  et 
d'une  manière  complète,  claire  et  précise,  les  rapports  de  pati'ons  à 
ouvriers  dans  toutes  les  branches  de  l'industrie  du  bâtiment. 

c  On  ne  peut  pas  i)révoir  les  conséquences  de  la  rupture  des  né- 
gociations entre  chefs  d'ateliers  et  ouvriers. 

«  Pendant  qu'il  en  est  encore  temps,  nous  vous  supplions  d'adop- 
ter cette  proposition  parmi  celles  qui  vous  sont  soumises.  Nous  ne 


ET     LE    JACOBINISME-  375 

pouvons  pas  vous  exposer  ici  tous  les  motifs  que  nous  avons  de 
redouter  les  suites  d'une  lutte  à  outrance. 
«  Agréez,  etc. 

«  Pour  le  comité  d'initiative. 

«  AMBERNY.  » 
a  Genève,  25  juin  1870.  » 

11"    Réponse  à  la  lettre  des  patinons. 

«  Messieurs, 

«  Vous  prétendez  que  l'affiche  placardée  lundi  sur  les  murs  de 
notre  ville,  attribue  à  votre  dureté  et  à  votre  orgueil,  sans  parler 
de  vos  intérêts,  votre  refus  formel  d'accepter  l'arbitrage,  -proposé 
par  l'assemblée  populaire  régulièrement  convoquée  et  coustif.uéè. 

«  Vous  revendiquez,  messieurs,  les  conventions  de  ISfiH  et  1869, 
prétendant  que  n'importe  quelle  concession  que  vuus  feriez  aux 
ouvriers,  serait  une  perte  réelle  pour  vous,  en  regard  des  entre- 
prises que  vous  avez  faites  en  vous  basant  sur  lesdites  conven- 
tions. 

«  Mais,  messieurs,  il  ne  faut  pas  tromper  le  public  à  ce  point, 
car,  la  saison  que  vous  laissez  passer  avec  vos  chantiers  fermés 
vous  est  bien  plus  préjudiciable  qu'une  diminution  d'un  onzième 
de  journée  de  travail  que  vous  auriez  accordé  aux  ouvriers,  qui  ne 
vous  demandaient  rien. 

«  Vous  prétendez  que  les  plâtriers-peintres  ont  abandonné  leurs 
travaux  à  leur  convenance  quoique  liés  par  les  conventions  de  1868 
et  69  ;  mais  ils  n'auraient  pas  abandonné  leurs  travaux,  si  vous 
aviez  satisfait  à  ces  conventions  que  vous  revendiquez  aujourd'hui, 
après  avoir  déclaré  en  assemblée  qu'elles  sont  incomplètes  et  que 
vous  les  avez  rompues  par  la  fermeture  de  vos  chantiers. 

«  Vous  dites  que  l'on  vous  accuse  de  compromettre  la  paix  du 
pays,  et  de  sacrifier  l'intérêt  général  :  oui,  messieurs,  car  il  ne  dé- 
pendait que  de  vous  de  circonscrire  la  grève  des  plâtriers-peintres 
et  ne  pas  signer  un  pacte  de  famine  envers  les  autres  sections  qui 
ne  vous  demandaient  rien.  Par  ce  fait  vous  avez  sacrifié  l'intérêt 
général,  car  tout  le  commerce  souffre  de  cet  état  de  choses. 

«  Vous  compromettez  la  paix  publiqu'e,  vous  qui  avez  signé  le 
pacte  de  famine,  en  faisant  travailler  sournoisement  des  ouvi'iers, 
pour  qu'il  arrive  des  conflits  avec  ceux  que  vous  avez  renvoyés. 
Quand  on  a  déclaré  une  grève  générale  l'on  doit  avoir  conscience 
de  ce  que  l'on  a  fait  et  l'exécuter  ;  mais  ce  n'est  pas  votre  fait. 

«  Ce  n'est  donc  pas  une  question  d'organisation  du  travail,  mais 
seulement  un  défi  jeté  à  l'Association  internationale  des  ouvriers  : 


S7b  I/INTKHNATIONALE 

pouvcz-vous,  mossit'urs,  coiitoslcr  le  droit  do  soliduiitù  des  osso- 
eiatiitns  oiiviiùrcs,  (juund  vous  signe/  voln;  lettre  au  nom  des  co- 
mités ivunis  do  rnssocialion  dos  patrons? 

i  Cessez  donc,  messieurs,  vos  scmijlants  de  bon  vouloir  cl  dites 
ouvertement  que  vous  no  voulez  pas  absolument  traiter  sans  que 
les  ouvriers  se  rendent  A  discrétion,  alors  lo  public  sera  dans  le 
vrai  et  pourra  comprendre  la  position. 

«  Vous  faites  soi-disant  des  concessions  depuis  deux  ans  ;  mais 
vous  (pii  comprenez  si  bien  l'association,  usez-en  donc,  afin  de  ne 
pas  vous  faire  une  guerre  désastreuse  dans  vos  soumissions,  <le 
manière  à  ôtre  obligés  de  spéculer  sur  la  main-d'onivrc  pour  sortir 
avantageusement  de  vos  entreprises. 

t  Vous  pictondez  que  si  vous  faites  faire  l.i  reprise  des  travaux, 
il  n'y  aura  rien  de  défini.  Les  ouvriers?,  au  contraire, 'iemandcnl  une 
base  généi-ale  et  solide  afin  que  toules  ces  grèves  finissent  ;  une 
base  semblable  existe  dans  la  fabrique  de  Genève  ;  et  la  fabrique 
est  tranquille,  c'est  un  exemple  :  or,  nous  ne  connaissons  aucune 
société  qui  ait  fait  défaut  aux  conventions  qu'elle  a  signées. 

•  Mais,  messieurs,  vous  no  pourriez  en  dire  autant,  puisque  par 
voire  lettre  du  29  juin  1870,  signée  de  M.  le  président  des  chefs  de 
l'industrie  en  bâtiment,  vous  vous  faites  l'organe  de  la  dénoncia- 
tion de  contrats  réguliers,  passés  le  9  décembre  18139,  entre  MM.  les 
patrons  couvreurs  et  leurs  ouvriers,  il  y  a  là  un  déni  de  justice 
que  tout  citoyen  impartial  saura  juger.  Nous  ne  craignons  pas  de 
dire  qu'au  lieu  d'inviter  toutes  les  industries  qui  gagnent  avec  les 
ouvriers  de  faire  des  sacrifices  qui  leur  sont  i)ro]jablemcnt  impos- 
sibles, MM.  les  ])atrons  auraient  mieux  fait  de  ne  pas  compro- 
mettre le  petit  commerce  de  Genève  par  la  mesure  exorbitante 
qui,  tout  en  étant  leur  droit  (nous  l'avons  reconnu  publiquement), 
n'en  reste  pas  moins  un  acte  insensé  et  inhumain. 

t  Agréez,  etc. 

«  DAILLY,  prcsidenf,  tailleur  de  pierres  ;  .\ntoine  GOY,  secré- 
taire, tailleur  de  pierres;  DUPARC,  Ircsorier,  bijoutier; 
Charles  (il ROD,  bijoutier;  BÂUMGARTNER,  typographe; 
IIOFF.R.  typographe;  GROSSELIN,  monteur  de  boîtes;  TO- 
GNlKïri,Vaveur;STEINEl{,  graveur.  » 
Le  4  juillet,  la  commission  de  la  grève  jugeait  nécessaire  d'avi- 
ser le  pul)lie  sur  l.i  situation  par  l'afliehc  suivante  : 

Association  inlcrnnlioiuilo  des  travailleur^;. 

Communication  au  public. 

«  Nous  venons  encore  une  fois  faire  appel  à  l'espi'it  de  justice  qui 
anime  la  nation  dans  le  eoullit    actuel   et  doiuier  à  jui,'er  dos  con- 


ET    LE    JACOBINISME.  377 

cessions  que  les  ouvriers  ont  faites  pour  le  bonheur  et  la  paix  du 
pays. 

<i  L'assemblée  nationale,  tenue  le  29  juin  1870,  vota  un  arbitrage, 
afin  de  concilier  les  parties.  Les  neuf  sections  engagées  ratilièrbut 
le  le"'  juillet  le  désir  exprimé  par  cette  assemblée  et  les  arJjitres 
eux-mêmes  acceptèrent  la  tàcb.e  pénible  qui  leur  était  offerte.  Tout 
jusque-là  faisait  prévoir  que  nous  allions  sortir  de  cette  crise, 
pourvu  ({uc  MiM.  les  chefs  de  l'industrie  du  bâtiment  fissent  comme 
nous  sacrifice  d'orgueil  et  de  dureté  (nous  ne  disons  pas  d'intérêts) 
pour  aplanir  la  difficulté. 

«  Mais  MM.  les  patrons  refusent  tout  arbitrage  (lettre  de  MM.  les 
arbitres,  2  juillet  1870)  et  n'entendent  reprendre  les  travaux  qu'aux 
conditions  1808-1869,  conditions  qu'ils  ont  brisées  en  jetant  les 
ouvriers  hors  des  chantiers,  et  que,  du  reste,  ils  reconnaissent 
obscures  et  boiteuses  sur  certains  points. 

«  En  outre,  comment  MM.  les  patrons  pourraient-ils  ouvrir  leurs 
chantiers  aux  ouvriers  du  bâtiment,  puisque  ceux-ci,  probablement 
au  nom  de  la  liberté  individuelle,  n'ont  pas  encoi'e  réduit  les  plâ- 
triers-peintres à  renoncer  à  leur  juste  réclamation? 

«  Ayant  épuisé  tous  les  moyens  de  conciliation,  en  présence  de 
ces  faits,  nous  faisons  appel  à  l'opinion  publique,  et  nous  déclarons 
que  les  ouvriers  mis  en  grève  par  les  patrons  ne  rentreront  qu'à 
des  conditions  meilleures  et  mieux  définies,  pour  que  de  nouveaux 
conflits  ne  se  reproduisent  plus.  » 

La  commission  de  grève. 

(Suivent  les  signatures.) 

12°  — Adresse  des  ouvriers  de  la  fabrique  de  Genève  aux  ouvriers 
du  bâtiment. 

Considérant, 

Que  la  grève  générale,  décrétée  par  les  chefs  d'ateliers  de  l'in- 
dustrie du  bâtiment,  est  une  mesure  arbitraire,  et  que  rien  ne  peut 
justifier  ; 

Considérant, 

Que  celte  résolution  imprudente  a  été  prise  dans  le  but,  nette- 
ment ari'ôté;  de  porter  atteinte  au  droit  d'association. 

Nous  protestons  énergiqucment  contrp  cette  mesure,  et  nous  dé- 
clarons hautement  que  nous  défendrons  le  droit  d'association  me- 
nacé. Nous  acceptons  solidairement  la  gi'ève  qui  vous  est  imposée, 
et  nous  vous  soutiendrons  de  toutes  nos  forces  dans  cette  lutte  in- 
juste, qui  a  pour  but  de  vous  réduire  à  la  misère  et  de  vous  faire 
subir  des  conditions  honteuses. 

En  conséquence  de  ces  faits,  les  ouvriel's  de  la  fabrique  d:*  Ge- 
nève,  pour  venir  en   aide  à  leurs  frères  du  bâtiment  et    les  faire 


378  L'INTERNATIONAL  K 

triompher  dans  colto  crise,  s'imposcronl,  diiianl  toute  In  grève,  des 
(•(((is.itioMS  on  souscriptions  l'xliJiuniinains. 
\n  nom  ilo  l'Assemblée  : 

Le  socrctairo  :  CiiAni.i.s  (iKnlKlF.S. 

Lv  ini'siJonL  :     Lotis  .NLMITIN. 

13"  —  Avis  ilo  In  Conioiission  nowniéc  jmr  fAsscniblce  générale  jour 
organiser  les  souscrijilioiis. 

Gon.vc,  le   18  juin  1S7(). 

Har  d(^oision  de  l'assemblée  de  la  fabricpie,  les  listes  de  souscrip- 
tion pour  venir  en  aide  aux  ouvriers  mis  en  grève  par  les  chefs 
d'atelier  de  l'inciuslric  du  bàliment,  seront  déposées  dans  les  prin- 
cipaux établissements  ainsi  que  dans  tous  les  ateliers. 

Les  ouvriers  i)ensent  que  chacun  s'empressera  de  concourir  à 
cette  œuvre  humanitaire;  ayant  toujours  fait  leurs  devoirs  ctré|>ondu 
aux  appels  de  fonds  pendant  les  ilésaslres  de  toute  sorte  dont  le 
peuple  suisse  a  été  victime,  il  est  du  devoir  de  tous  de  répondre  à 
l'ajjpel  que  nous  adressons  à  la  population. 

1  i°  —  ^1  Messieurs  les  ouvriers  de  J'indiislrie    du  Ijûtimcnt. 

Genève,  le  15  juin  1870. 

Les  soussignés, 

Préoccupés  des  graves  conséquences  de  la  suspension  générale 
des  travaux  de  construction  dans  le  canton  de  Genève,  et  désireux 
de  contribuer  de  toutes  leurs  forces,  avec  la  plus  entière  impartia- 
lité au  rétablissement  d'une  entente  sincère  entre  patrons  et  ou- 
vriers, non-seulement  dans  leur  intérêt  i>arliculier,  mais  poui*  le 
bien  général. 

Déclarent,  de  leur  propre  initiutive,  offrir  à  M>L  les  ouvriers  et 
patrons  leurs  bons  offices,  aux  fins  d'une  conférence  qui  aura  lieu, 
si  elle  est  acceptée  de  part  et  d'autre,  au  foyer  du  lliéàlre,  samedi 
prochain,  IHJuin  1870,  à  trois  heures  précises  après  midi. 

Le  nombre  de  sept  délégués  de  chaque  côté  semblerait  suffisant, 
sauf  meilleur  avis  des  parties  intéressées. 

Messieurs  les  ouvriers  et  patrons  sont  instanuuent  priés  de  bien 
vouloir  se  rendre  à  cette  invitation,  avec  le  désir  de  trouver  une 
solution  équitable  pour  ramener  la  bonne  harmonie  entre  eux,  sans 
nul  froissement  pour  leur  dignité  personnelle. 


ET     LE    J  ACOniNISME.  379 

Les  soussignés  s'estimeraient  heureux,  s'ils  pouvaient  ai'.ler  à 
l'apaisement  de  ce  grave  conflit. 

Tout  l'honneur  en  reviendrait  à  l'esprit  de  justice  qui  sait  aiiinicr 
les  uns  et  les  autres. 

AMBERNY  ;  REVlLLIOlJ  ;  G.  DUCHOSAL,  D-. 

.1  Messieurs  Ambcvny,  Rcxilhod  et  D''  Duchosal. 

Genève,  le  16  juin  1870. 
Messieurs, 

En  réponse  à  votre  honorée  d'hier,  nous  venons  vous  informer 
que  nous  acceptons  l'offre  que  vous  nous  faites,  mais  pour  samedi 
à  sept  heures  du  soir,  où  vous  le  Jugerez  convenable;  seulement, 
afin  d'éviter  tout  conflit  personnel,  nous  vous  informons  que  l'as- 
semblée des  trente  et  une  sections  a  nommé  dimanche  dernier  une 
commission  ayant  pour  titre  : 

Commission  de  direction  de  la  grève,  dont  voici  les  noms  et  la 
lu'ofession  de  chacun  : 

Dailly,  président,  tailleur  de  pierres. 

Goy,  secrétaire, 

Duparc  (Alexandre),  trésorier,  bijoutier. 

Grossclin,  (Jacques),  monteur  de  boîtes. 

Girod  (Charles),  bijoutier. 

Steiner,  graveur. 

Baumgartner,  typographe. 

Hofer,  » 

Tognetti,  graveur. 

Veuillez  donc,  messieurs,  faire  savoir  à  messieurs  les  pa- 
trons que  c'est  avec  ces  personnes  qu'ils  auront  à  traiter,  et  nous 
communiquer  les  noms  des  neufs  patrons  délégués  au  même 
effet. 

Maintenant,  messieurs,  nous  venons  de  la  par:  de  la  Société  inter- 
nationale tout  entière  vous  remercier  de  la  démarche  que  vous  faites 
pour  la  tranquillité  du  pays,  et  il  est  de  notre  devoir  de  vous  dire 
ceci  : 

Peu  importe  à  la  commission  de  la  grève  la  durée  qu'elle  peut 
avoir,  dût-elle  durer  indéfiniment;  nous  ne  ferons  nous-mêmes 
aucune  démarche  préalable  vis-àvis  des  patrons;  ce  sont  eux 
qui  ont  déclaré  la  grave  générale  en  signant  un  pacte  de  fa- 
mine, chose  la  plus  odieuse  qui  puisse  se  iaire  à  la  honte  d'un  pays 
républicain  ;  c'est  donc  à  eux  de  faire  cesser  la  grève.  Quant  à 
nous,  notre  seule  conduite  est  d'organiser  le  travail,  d'envoyer  à 
l'étranger  tous  les  ouvriers  que  l'on    nous  demande  et  de  suivre 


8»»  l/INTKHNATIONALl!: 

uoiro  pn»;^;  ainmo  «vei-  Iraïujiullilu  et  avec  la  dignilc  iriionnûtes 
nii\  riers. 

Kn  outre,  messieurs,  nous  «Icclarons  qno,  puisque  les  patrons 
nous  (lonnont  le  droit  d'aj^'ir  d(i  notre  force,  eu  dc}5'aînanl  i'êpée 
contre  nous,  cf  nous  la  tcndcul  par  la  poignée,  nous  soiiiincs  décidés 
à  leur  laisser  la  lame  dans  la  main.  l''assc  l'anioui"  du  pays  que 
votre  diMuarclic  amène  un  résultat  satisfaisant  pour  le  pays  et  que 
vous  ayez  l'hounour  d'atténuer  la  houle  que  notre  république  sup- 
porte pai"  lo  jtacte  irrélléchi  que  quelques  hommes  ont  eu  la  mala- 
dresse de  siguoi'. 

Agréez,  messieurs,  nos  sahilations  empressées  et  nos  rcmcrcî- 
ments. 

Au  Mipiii  de  la  commission  de  dircrtiou  de  la  grève, 

Lo  jiri'sidont,  IJ.VILLY. 
Le  seci'vtnirc,  GOY. 

PIKCE  /: 

LKTTRES  UU  COUItKSPONDANT  DE  LA  GOMMrSSION  FÉDÉRALE  LYONNAISE 
A  C.UU-LAUME  DE  NEL'CHATEL  SUR  LA  SITUATION  DE  LA  SKCTION  APRÈS 
LES     POURSUITES     DIRIGEES    CONTIIE    SES   MEilURES. 


Lyon,  le  2i  mai  1870. 

Mou  cher  Guillaume,  notre  commission  administrative  et  de  ré- 
daction a  toujours  été  inquiétée  par  des  arrestations  partielles  jus- 
qu'au 21  mai ,  et  il  n'y  a  que  la  commission  de  répartition  des 
secours  aux  prisonniers  et  à  leurs  familles  qui  ait  fonctionné  régu- 
lièrement. Sur  vingt-cinij  citoyens  arrêtés  ou  fugitifs,  il  n'en  que 
quatre  en  prison  en  ce  moment.  Ce  sont  :  Albert  Richard,  Palix, 
Louis  Martin  et  Dumartheray. 

Le  21  mai,  après  avoir  mis  en  liberté  quatre  de  nos  amis,  on  en 
a  amené  onze  de  Vienne  ',  de  Givors  et  de  Saint-Etienne;  ne  trou- 
vant pas  le  complot  à  Lyon,  on  le  cherche  ailleurs.  On  a  amené  ces 
braves  citoyens  à  Lyon,  la  chaîne  au  cou  et  les  mains  liées.  Au 
bout  de  trois  jours  ils  ont  remis  en  liberté  les  trois  qu'ils  avaient 
amenés  de  Saint-Etienne. 

Depuis  quehiues  joui-s  que  nous  sommes  un  peu  tranquilles,  la 
commission  fédérale  a  repris  son  travail.  Tout  lo  monde  est  plein 
de  courage  et  de  persévérance.  Les  citoyens  arrêtés  à  Saint-Étienue 

\  Mensonge  1  aucune  arrestaliun  ne  fut  opérée  ni  à  Vienne  ai  à  Civors. 


KT    LE    JACOBINISME.  3S1 

sont  venus  nous  dire  adieu  en  passant.  Ils  sonl  pleins  de  courage 
et  de  persévérance  de  voir  prospérer  la  fédération,  et  cette  pre- 
mière persécution  n'a  fait  que  les  affermir  davantage. 

Il  y  a  ici  en  ce  moment  quelques  ouvriers  qui  voudraient  créer, 
en  dehors  de  notre  fédération,  un  groupe  qu'ils  appellent  chambre 
syndicale  locale.  Je  jiense  qu'ils  ne  créeront  rien  du  tout.  A  leur 
réunion  qu'ils  ont  tenue  à  la  Rotonde,  il  n'y  avait  presque  personne, 
lie  sont  les  menées  de  Schettel,  Chanoz,  Vindvy  et  Consorts,  lesquels, 
vous  le  savez,  ont  été  exclus  de  F  Internationale  comme  suspects,  ils 
ont  profité  de  ce  qu'on  nous  persécutait  pour  faire- un  coup  à  leur 
façon.  On  s'en  inquiète  peu.  Les  travailleurs  comprennent  le  prin- 
cipe de  la  solidarité,  et  rien  ne  peut  les  détacher  de  la  grande  fa- 
mille internationale. 

J'ai  vu  l'acte  d'accusation  contre  Ghol,  que  lui  a  remis  le  juge 
d'instruction,  lorsqu'il  est  sorti  de  prison.  Il  n'y  a  aucune  charge 
grave.  Ils  ne  sont  accusés  que  d'avoir  fait  partie  d'une  association 
illicite  ayant  son  siège  à  l'étranger.  Quant  au  complot,  pas  un  mol. 
Je  pense  qu'ils  ne  seront  pas  jugés.  Le  bruit  court  d'une  amnistie 
qui  arrangerait  tout. 

Lorsque  nos  amis  de   Saint-Etienne   ont  quitté  la  prison  de  Per- 
rachc,  ils  ont  laissé  nos   amis  Richard  et  Palix  bien  malades. 
Pour  la  commission  fédérale, 

Le  se«rétaire  correspondant, 

Signé  :  CHARYET. 


II 


Lj'on,  le  23   mai  1S70. 

Mon  cher  Guillaume,  tous  les  détenus  ont  subi  des  interroga- 
toires tout  à  fait  minutieux.  11  y  a  eu  deux  fournées  de  mises  en 
liberté  provisoire.  La  première,  sous  prétexte  que  ceux  qui  en  bé- 
néficieraient étaient  moins  coupables  que  les  autres;  la  seconde,  ne 
s'appliquant  qu'à  des  pères  de  famille,  et  comprenant  Chol,  BlanC; 
Bourseau  et  Marmonnier. 

Richard  est  décidé  à  se  défendre  lui-même  et  il  a  raison.  Il  a  in- 
vité Blanc  à  en  faire  de  même,  mais  ce  dernier  est  encore  en  sus- 
pens à  ce  sujet.  Presque  tous  les  autres  ont  choisi  des  avocats. 

D'après  le  résultat  des  interrogatoires  que  nous  ont  racontés  ceux 
qui  sont  sorlis  dernièrement,  les  juges  ont  été  battus  à  plate  cou- 
ture. Ils  ont  cherché  chez  nous  d'abord  le  soi-disant  complot,  puis 
une  société  secrète.  Enfin  il  ne  reste  plus  debout  que  l'accusation 
d'association  illicite,  qui  sera  coulée  comme  toutes  les  autres  l'ont  été 


»<-•  1/  l  N  r  K  II  N  A  T 10  N  A  L  K 

sui'cossivcmonl.  On  n'a  qu'il  dire  la  Yrrilà,  personne  no  s'oiuhroiiiUf, 
rt  Jos  jiiifi'S  sont  bttllus  nvec  leurs  propres  ;irni<-s.  Eu  déliuitivc  il  s 
sont  jiliis  emhOtrs  qur  noits. 

\jV  jugement  doit  ùlrc  rendu  le  2  juin.ù  moins  que  l'avocal  de  nos 
ami.s  ne  demande  une  pron)gnlion  pour  étudier  les  dossiers  qui 
sont  énormes. 

Les  internatimiaux  de  Saint-Quentin  viennent  d'être  eondanuiés, 
l'un  à  ijuinze  jours  do  prison,  deu\.  autres  à  ti'ois  mois,  et  le  qua- 
trième à  un  an.  {Ca  dernier  heureusement  n'a  pu  être  arrêté.)  Il  os' 
vrai  qu'on  leur  imputait  de  plus  qu'a  nous  le  délit  d'excitation  à  la 
haine  des  citoyens  les  uns  contre  les  autres;  mais  cela  devrait,  .selon 
moi,  donnera  réllf'cbir  à  nos  amis,  tout  décidés  qu'ils  sont  à  se  pré- 
senter au  jny:einont. 

Notre  fédération  se  développe  de  plus  belle,  et  l'emprisonnemen 
fie  nos  amis  n'aur.i  servi  qu'à  faire  discuter  nos  principes  jtar  beau" 
coup  d'ouvriers  qui  ne  les  connaissaient  pas;  et  vous  savez,  en  ma- 
tière sociale  ouvrière,  avec  quelle  raison  on  peut  dire  :  de  la  dis- 
l'ussion  jaillit  la  lumière.  Aussi  le  succès  de  nos  principes  es' 
nssuré  à  Lyon. 

Pour  la  commission  fédérale  de  Lyon  : 

Le  Secrétaire  correspondant, 

Sirjné  :  CILVIU'ET. 

authf:s  documents  relatifs  a  l'activité  déployée  par  les  membres 

DE  I^  fédération  LYOXNAISK. 

Association  internationale 
des  travailleurs.  Lyon. 
Comiiiission  d'initiative 
1870. 

«  Lyon,  18  avril  1870. 
«  Mon  cher  Guillaume. 

I  La  fédération  ouvrière  lyonnuise  ser;i  bientôt  définitivement  et 
solidement  constituée.  Plusieurs  des  corporations  adhérentes  ont 
déjà  accepté  officiellement  le  projet  de  statuts  propose.  D'autres 
corporations,  qui  étaient  jusqu'ici  restées  étrangères  au  mouvement 
socialiste,  commencent  à  s'organiser.  Les  teinturiers,  entre  autres, 
qui  sont  très-nombreux,  paraissent  en  bonne  voie.  Les  tisseurs  font 
de  grands  pas  du  côté  des  masses  internationales.  A  Saint-Etienne, 
il  y  a  eu,  le  10  avril,  à  la  rotonde  Saint-Charles,  une  réunion  pu- 
blique de  plus  de  deux  mille  personnes  appartenant,  pour  la  plu- 
part, à  la  corporation  des  passementiers.  Les  citoyens  Louis  Martin 
et  Albert  Richard,  qui  avaient  été  délégués  par  la  commission  fé- 
dérnle  de  Lyon,  ont  exposé,  aux  applaudissements  do  l'assemblée 


ET     LE    .IAC0BINI6ME.  388 

les  principes  et  les  moyens  d'action  de  l'Association  internationale 
des  travailleurs,  et  l'on  a  adopté,  séance  tenante,  le  projet  de  former 
une  société  de  prévoyance  et  de  solidarité  des  passementiers  sté- 
phanois,  adhérente  à  l'Internationale. 

<r  Nous  avons  encore  quelques  grèves  qui  ne  sont  pas  complète- 
ment terminées.  Néanmoins,  des  souscriptions  ont  été  et  sont  en- 
core ouvertes  à  Lyon  pour  les  ouvriers  du  Greuzot. 

«  Notre  mouvement  se  propage  sur  plusieurs  points  des  environs 
de  Lyon,  et  des  sections  rurales  sont  en  voie  d'organisation.  L'échec 
même  de  la  candidature  Fonvielle  contribue  à  développer  le  socia- 
lisme. On  reconnaît  de  plus  en  plus  l'inutilité  de  tous  les  mouve- 
ments politiques.  Faire  de  la  politique,  c'est  nous  placer  sur  le 
terrain  de  nos  adversaires  et  nous  mettre  par  conséquent  à  leur 
merci.  11  n'y  a  pas  de  suffrage  universel  possible,  il  n'y  a  pas  de 
liberté  possible  avant  la  révolution  sociale.  Préparons-nous  donc 
pour  la  faire,  et  pour  cela,  jetons  les  bases  de  la  solidarité  ouvrière, 
locale,  corporative,  régionale,  nationale  et  internationale.  C'est  le 
seul  travail  séineux  pour  le  moment. 

«  Mes  cordiales  salutations, 
«  Albert  RICHARD.  » 


Lettre  d'Albert  Richard,  k  Guillaume  de  Neuchâtel  en  date  de  Lyon 
duSO  avril  1870. 


«  Mon  cher  Guillaume, 

«  La  Commission  fédérale  ouvrière  dj  Lyon  organise  pour  le 
8  mai  une  grande  assemblée  générale  publique  avec  un  prix  d'en- 
tré de  0,25  par  personne,  au  bénélice  des  ouvriers  du  Creuzot,  con- 
damnés ù  Autuu.  Cette  assemblée  servira  en  môme  temps  à  annon- 
cer officiellement  la  formation  déiînitive  de  la  fédération  avec  les 
corporations  ouvrières  suivantes  :  vine  société  de  tisseurs,  la  so- 
ciété des  peigneurs,  celle  des  graveurs,  des  apprêteurs  de  tulles, 
des  apprêteurs  d'étoffes,  des  tuUistes,  des  passementiers,  des  ta- 
pissiers, des  verriers,  des  doreurs,  des  teinturiers  en  chapeaux,  des 
marbriers,  .  des  sculpteurs,  une  autre  société  de  tisseurs,  celle 
des  tanneurs,  des  tailleurs  de  piei*re,  des  chapeliers,  des  chauffeurs 
machinistes,  des  menuisiers,  des  cordonniex^s  et  des  peintres-plâ- 
triers. 

«  Plusieurs  autres  corporations  qui  n'ont  pas  encore  achevé 
de  s'organiser  et  qui  ont  encore  un  certain  travail  à  faire  pour  cela, 
adhéreront  à  la  fédération  après  l'assemblée  générale. 

«  Il  va  sans  dire  que  cette  assemblée  sei'a  en  outre  un  moyen  de  pro- 
tester contre  le  fameux  plébiscite.  Nous  protesterons  ainsi  À  notre 


384  I.'INTKHN  ATInN  AI.K 

fnvon  ol  on  nous  i>l;i{-ant   sur  un  Irmiin   très-diffi-rcnl  île  celui  (l<  > 
drmocrntoa  politiques,  lilu'mux  et  rndicnux. 

Dimanche  dernier,  la  oommission  féilérnlc  à  iléléguô  à  Givors  les 
citoyens  Chol  el  moi.  Une  i-éunion  gàncrale  îles  ouvriers  verriers, 
lie  Cïivors,  a  eu  lieu  sous  l'impulsion  fies  verriers  «le  Lyon,  \Çt\  ci- 
toyens environ  avaient  répomlu  à  l'appel.  Vienne  avait  envoyé 
li)  (lôlcgués  et  Vei-naison  \.  C.lioi  et  moi  avons  expose  les  intentions 
et  les  principes  de  l'Internationale  au  milieu  de  l'enlhoiisiasme  una- 
nime des  nouveaux  eompaf^nons  givordins. 

«  Les  citoyens  Sclicefer,  verrier  de  Lyon,  el  Ilencoin,  verrier  de 
Vienne,  ont  appuyé  en  traitant  les  ((ueslions  plus  si)ccialement  rela- 
tives à  la  corporation  des  verriers.  Une  commission  de  II  mem- 
bres a  été  nommée,  séance  tenante,  pour  élaborer  un  projet  de  sta- 
tuts de  société  de  prévoyance  des  verriers  de  Clivors,  adhérente  à 
la  fédération  lyonnaise  et  par  conséquent  à  l'Internationale. 

«  Le  même  jour,  il  y  avait  à  Lyon  (pKitre  autres  réunions  de  cor- 
porations adhérentes  <à  rinlernalionale. 

«  La  commission  fédérale  était  représentée  auprès  des  chapeliers 
par  les  citoyens  Blanc  et  .\rlhur  .Martin,  auprès  des  verriers  par 
les  citoyens  Busqué  et  Ubaudi,  auprès  des  charpentiers  par  les  ci- 
toyens Palix  et  Arthur  Martin,  et  auprès  des  teinturiers  par  Richard 
père.  Toutes  les  semaines  nous  avons  des  réunions  '. 

«  Recevez  notre  salut  fi-atemel. 

«  Siçinô  :  A  RK^IIARL).  >- 


PIECE  g. 

o  Neucbàlel,  le  13  juill-'l  1.^70. 

«  Mon  cher  Palix, 

«  J'ai  déjà  envoyé  plusieurs  lettres  ù  Lyon,  mais  pour  plus  de  sû- 
reté el  de  rapidité  dans  les  communications,  je  vous  envoie  encore 
celle-ci.  Dans  ces  lettres  que  j'ai  envoyées  il  y  a  des  bouts  de  billets 
pour  nos  amis.  J'y  explique  et  je  vais  encore  vous  expliquer  l'our- 
quoi  j'ai  cru  devoir  me  retirer  à  l'étranger. 

«  Le  par({uet  de  Lyon  m'a  placé  dans  une  impasse;  en  alteudant 
le  jugement  de  Paris,  il  a  semblé  monirer  qu'il  a  l'inteulion  île  se 
baseï-  sur  ce  jugement  qui  condamne  si.\  de  nos  amis  à  un  an  de  j^ri- 
son.  Il  vous  force  même  à  réclamer  une  conila;nuation  égale  pour 
aflirmcr  la  solidarité  qui  lie  tous  les  internationaux.  D'autre  part, 
il  m'a  été  affirmé  ({ue  des  ordres  spéciaux  avaient  été  ilonncs  à 
mon  endroit. 

\  Voir  page  530,  d'autres  documents  relatifs  à  la  fédération  lyemnalse.  l'iice  w 


Kl      LE     J  ACODIMï^ML;.  .j8D 

■(  Dans  une  telle  situation,  je  suis  condamné  d'avance  et  je  ne  puis 
me  défendre,  car  cela  ne  servirait  à  rien.  .l'ai  donc  pensé  que  pour 
me  procurer  des  renseignements  là-dessus  et  pour  délibérer  mû- 
rement, il  fallait  d'abord  que  je  me  mette  en  lieu  sur. 

«  J'ai  écrit  à  M.  le  procureur  général  s'il  peut  me  prouver  :  1°  le 
parquet  de  Lyon  ne  peut  nullement  être  influencé  par  les  décisions 
du  parquet  de  Paris  ;  2"  il  n'y  a  pas  eu  d'ordre  d'en  haut  me  con- 
cernant; si  surtout  nos  amis  sont  toujours  résolus  à  se  présenter 
au  jugement,  je  reviendrai  à  Lyon  et  j'accepterai  les  débats. 

«  Dans  le  cas  contraire,  je  me  considère  comme  près  de  tomber 
dans  un  piège,  et  je  l'éviterai  en  restant  en  exil. 

«  Donnez-moi,  je  vous  prie,  des  renseignements  sur  tout  cela. 
Dites  où  je  suis  le  moins  possible.  Voici  mon  adresse  en  ne  met- 
tant mon  nom  que  sous  enveloppe  :  M.  Vincent  Dumermuth,  horlo- 
ger, rue  Saint-Maurice,  15,  à  Neuchàtel  (Suisse).  Répondez  moi  tout 
de  suite;  dites-moi  où  en  sont  les  affaires  et  ce  que  l'on  fait  à 
Lyon. 

«  Si  le  parquet  de  Lyon  se  montre  raisonnable,  je  vous  autorise  à 
demander  pour  moi  la  remise  des  débats  afin  que  si  je  dois  y  assis- 
ter je  puisse  ai'river  et  me  préparer. 

«  Je  vous  prie  de  vite  faire  passer  par  l'intermédiaire  de  Dupuis  ou 
d'un  autre  la  lettre  ci-jointe  à  mon  père. 

«  J'attends  votre  réponse. 

«  Albert  RICHARD.  « 


PIECE  h. 


PROGRAMME    DU    PARTI    PROLÉTAIRE  DEMOCRATIQUE    SOCIAL    ALLEMAND   '. 

1.  Le  parti  social  démocratique  des  ouvriers  poursuit  l'établis- 
sement d'une  république. 

n.  Chaque  membre  dudit  jiarti  s'engage  à  tenir  de  toutes  ses 
forces  aux  principes  suivants  : 

1°  L'état  social  et  politique  actuel  est  injuste  au  plus  haut  degré 
et  doit  être  combattu  avec  la  plus  grande  énergie. 

2"  La  lutte  pour  la  délivrance  des  classes  travailleuses  n'est  pas 
une  lutte  pour  des  privilèges  de  classes,  mais  bien  pour  les  mêmes 

1  La  formation  de  ce  parti  est  due  à  l'initiative  de  Guillaume  Liebkneht,  rédacteur 
du  Volktaat  (états  du  peuple)  a  Leipzig,  et  Bebel  (Auguste),  ouvrier  tourneur  de  la 
même  ville,  tous  deux  actuellement  membres  du  parlement  allemand. 


, 


38C  L'INTKKNATIONALE 

•  lioils  (ogaux),  les  mônics  devoirs  et  pour  l'aholifioii  ili-  totilo  <lo- 
niiuatioii  do  classe. 

3°  La  déiieiulaneo  ecouoniiquo  du  Iravailleur  vis-ù-vis  (lu  rapita- 
lislo  constituant  la  huse  do  l'esclava^jo  sous  toutes  les  fornuîs,  lo 
liarti  social  dôniocratiipio  des  ouvriers  tond  pour  cela  au  produit 
l'.omplet  du  travail  ou  faveur  de  chaque  travailleur,  par  l'abolition 
du  ^'cnro  actuel  do  proiluction  (salariat),  et  par  l'introduction  de 
l'association  coopérative. 

A"  La  liberté  i>ulitiquo  est  la  condition  absolue  pour  la  délivrance 
économique  des  classes  travailleuses,  l'ar  conséquent,  la  question 
sociale  est  inséparable  de  la  question  politique;  sa  solution  (celle 
de  la  question  sociale)  n'est  possible  que  dans  l'état  démocratique 
(république). 

5°  Considérant  que  la  délivrance  politique  et  économique  de  la 
classe  ouvrière  ne  sera  possible  que  quand  celte  dci-nière  marchera 
i-n  rangs  serrés  vers  le  combat,  le  parti  ouvrier  démocratique  et 
social  se  donne  une  organisation  unitaire,  laquelle  cependant  laisse 
à  chacun  de  ses  membres  la  possibilité  d'exercer  son  influence 
pour  le  bien-être  de  la  nation. 

60  Considérant  que  la  délivrance  du  travail  n'est  une  tâche  ni  locale, 
ni  nationale,  mais  sociale,  qui  concerne  tous  les  pays  de  notre  société 
moderne,  le  parti  ouvrier  démocratique  social  se  considère  comme 
une  branche  de  l'association  internationale  des  travailleurs  dont  il 
seconde  les  tendances  autant  que  les  lois  sur  les  réunions  le  per- 
mettent. 

III.  Les  demandes  qui  sont  en  premier  lieu  à  obtenir  par  la  pro- 
pagande du  parti  démocratique  et  social  sont  : 

1°  Concession  du  suffrage  universel  direct  et  secret,  à  tous  les 
hommes  dès  l'âge  de  ^U  ans  pour  l'élection  du  parlement  allemand 
national,  des  corps  législatifs  de  tous  les  pays  composant  la  confé- 
dération germanique,  des  représentations  de  provinces,  de  com- 
munes, etc.  Les  représentants  élus  doivent  être  rémunérés  conve- 
nablement. 

2"  Introduction  de  la  législation  directe  par  le  peuple  {rcfcrenduni 
et  veto). 

S"  Suppression  de  tous  les  privilèges  de  classe,  de  propriété,  de 
naissance  et  de  confession. 

4°  Etablissement  d'une  milice  nationale  à  la  place  des  armées 
permanentes. 

50  Séparation  de  l'Eglise,  de  l'Etal  et  de  l'école. 

6"  Instruction  obligatoire  et  gratuite  dans  les  écoles  primaiies, 
ot  enseignement  gratuit  dans  tous  les  autres  établissements  d'in- 
struction publi({ue  et  supérieure. 

1"  Indépendance  des  tribunaux  et  des  cours  de  justice,  introduc- 
tion   du  jury   et  «les    tribunaux   d'arbitrage   pour  choque    métier, 


ET    LK    JACOBINISME.  387 

procédure  publique,   vorhale   et    gratuite   dans    lous    les   procès. 

8°  Suppression  do  toutes  les  lois  sur  la  presse,  les  réunions  et 
les  coalitions,  introduction  de  la  journée  normale  du  travail,  res- 
triction du  travail  des  femmes,  défense  du  travail  des  enfants  dans 
les  fabriques,  et  suppression  de  la  concurrence  que  font  au  travail 
libre  les  prisons  et  les  ))a£''nes. 

9"  Suppression  de  tous  les  impôts  indirects  et  leur  remplacement 
par  un  impôt  direct  et  progressif  sur  les  revenus  et  les  héritages. 

10°  Encouragement  par  l'État  des  sociétés  de  production  coopé- 
ratives et  crédit  d'État  pour  lesdites  sociétés,  sous  des  garanties 
démocratiques. 


PIECE  y. 


i.A  PROPAGANDE  DANS  LES  CAMPAGNES  ET  LE  RESULTAT  DU  PLEBISCITE. 


«  Pourquoi  s'effrayer  tant  du  vote  impérialiste  des  campagnes  ? 
Est-ce  que  l'on  aurait  pu  s'attendre,  en  bonne  conscience,  à  un 
autre  résultat?  Avons-nous,  ouvriers  et  artisans  des  villes,  fait 
notre  devoir  envers  les  campagnes  ?  Pendant  que  les  villes  se 
groupaient  et  s'organisaient ,  avons-nous  songé  à  porter  notre 
propagande  dans  les  campagnes  ? 

«  Ne  subissons-nous  pas  plutôt  les  conséquences  de  notre  propre 
insouciance,  de  notre  oubli,  —  involontaire  peut-être,  inconscient, 
bien  paixlonnable  au  milieu  de  toutes  les  odieuses  persécutions, 
que  nous  avons  à  subir,  —  d'accord,  mais  le  fait  ne  reste  pas 
moins,  et  l'oubli  s'appellera  toujours  l'oubli.  Nous  sommes  fiers  du 
développement  rapide  de  nos  forces,  et  en  effet  il  y  a  de  quoi  être 
fier,  de  quoi  se  réjouir  et  se  glorifier  quand  on  peut  constater  cet 
immense  et  vigoureux  épanouissement  des  principes  socialistes  et 
de  l'organisation  internationale,  qui  s'est  effectué  dans  l'espace  de 
quelques  années. 

«  Mais,  par  le  nombre,  nous  ne  formons  pas  encore  la  majorité 
des  masses  ouvrières,  car  auti'ement  la  révolution  serait  déjà  faite 
et  le  système  actuel  serait  balayé  de  fond  en  comble  !  Nous  ne 
sommes  pas  encore  la  majorité,  mais  nous  sommes  déjà  sûrs  de 
devenir  cette  majorité  et,  plus  même,  —  la  totalité  des  masses 
ouvrières,  car  la  réalisation  de  nos  principes  est  de  l'intérêt  gé- 
néral, de  l'intérêt  suprême  de  tous  les  travailleurs,  et  notre  orga- 
nisation présente  des  avantages  immenses  à  tous  ceux  qui  souffrent 
et  qui  sont  deshérités. 

«  Que  devons-nous  donc   faire  pour  accélérer  la   marche  de  la 


388  I.'INI  l-.HNATIltNALK 

révolution   sociale,  di'  la  rfor^janisation    inlr;»ral('  «les   rapports  cl 
ili's  rhoses? 

•  Porlor  iiolro  propagandt'  partout,  dans  tous  les  coins  (djscurs 
du  monde  travailleur,  pour  appelfV  les  masses  du  monde  entier  à 
nous  ;  introduire  notre  organisation  internationale,  nos  sections, 
nos  caisses  do  résistance,  nos  assemblées,  partout  où  l'homme  est 
réduit  à  l'état  do  machine,  où  l'ùtro  humain  n'est  considéré  que 
comme  un  outil  l»on  à  exploiter  à  la  jdus  grande  gloire  des 
patrons  ! 

«  Kt  puisque  nous  sommes  groupés  dans  les  villes,  allons 
porter  notre  drapeau  international  dans  les  cuinjtaijncs.  Ne  dites 
pas  que  cette  propagande  serait  infructueuse  ou  impossible,  car 
c'est  précisément  la  propagande  socialiste  qui  s'adapte  le  mieux  à 
l'état  des  campagnards.  Le  campagnard,  le  paysan  comprendra 
trcs-bien  tout  ce  qui  touche  à  ses  intérêts;  car  il  est  aussi  las  de 
souffrir  toujours  la  misère. 

«  Ne  croyez  pas  qu'il  s'effrayerait  de  la  propagande  des  principes 
collectivistes,  de  l'idée  de  la  propriété  collective  du  sol.  Nous 
pouvons  constater  avec  joie  l'exemple  que  nous  a  montré  récem- 
ment encore  le  manifeste  de  J.-l'h.  I5eker,  adressé  aux  campa- 
gnards. Ces  hommes  l'ont  parfaitement  compris  et  ils  ne  deman- 
dent pas  mieux  que  de  nous  entendre,  quand  nous  savons  leur 
parler  un  langage  compréhensible. 

'  Il  lauileur  dire  que  l'Internationale  veut  : 
»  (Jue  tout  individu  Jouisse  des  produits  de  son  travail  ; 
«  Oue  la  terre,  n'étant  la  propriété  de  personne,  n'appartienne  qu'à 
ceux  qui  la  cultivent,  comme  aussi  les  usines,  les  mines,  les  chemins 
de  fer,  etc.,  n'apppartienuent  qu'à  ceux  qui  les  rendent  utiles  et  qui 
les  exploitent  par  leur  travail,  et  non  à  ceux  qui  n'exploitent  que 
le  travail  d' autrui  ; 

«  Qu'elle  proclame  en  même  temps  que  ni  le  sol,  ni  ces  usines  ne 
peuvent  appartenir  à  un  individu  quelconque,  mais  bien  rester  en 
possession  collective  de  tous  les  travailleurs,  autrement  les  petits 
propriétaires  du  sol  morcelé  ne  pourraient  pas  soutenir  la  concur- 
rence des  grands  capitalistes  qui  liniraient  de  rechef  par  agglo- 
mérer entre  leurs  mains  toute  la  propriété  terrienne,  et  partant  do 
là,  feraient  arbitrairement  la  loi  au  marché  de  toutes  les  matières 
premières. 

«  Quand  l'homme  aura  saisi  cette  simple  idée,  il  comprendra  faci- 
lement que  le  système  actuel,  avec  sa  féodalité  industrielle,  pro- 
tégé par  le  militarisme,  doit  être  non  soutenu,  mais  démoli,  et  cet 
homme  deviendra  un  ardent  apùtre  de  la  nouvelle  loi  du  travail 
[)armi  ses  frères  et  su:!urs. 

«  Avons-nous  assez  fait  de  cette  propagande,  et  en  sommes-nous 
déjà    fatigués,   pour   désespérer   des  campagnes?   11  est  vrai  que 


ET     LK     JACOBIN  ISMK.  ■'^■'' 

la  vaillante  Marseillaise  a  tenté  de  faire  la  propagande  dans  les 
campagnes,  et  nous  sommes  sûrs  qu'elle  a  fait  beaucoup  de  bien, 
mais  elle  n'a  pus  pu  poursuivre  assez  longtemps  son  œuvre,  et  sa 
propagande  est  venue  trop  tard  pour  contrebalancer  l'effet  des  in- 
trigues de  la  bourgeoisie,  devenue  bonapartiste. 

«  Et  cependant  les  grèves  qui  ont  surgi  récemment  dans  les  cam- 
pagnes près  de  Lyon,  les  grèves  qui  comptaient  plus  de  1,000  cam- 
pagnards, ne  prouvent-elles  pas  d'une  manière  éclatante  que  la 
campagne  ne  veut  pas.  rester  en  arrière,  et  qu'elle  ne  demande 
qu'à  se  joindre  au  mouvement  universel  du  monde  des  travail- 
leurs ! 

«  Et  si  nous  nous  rappelons  l'histoire  ,  —  la  date  néfaste 
du  2  Décembre  1851,  —que  faisait  alors  la  campagne  ?  Est-ce 
qu'elle  ne  s'est  pas  levée  à  main  armée  pour  défendre  la  répu- 
blique contre  le  coup  d'État  impérial?  Ni  la  résolution,  ni  l'énei'gie 
ne  lui  ont  manqué  alors  ;  elle  pactisa  avec  la  mort,  avec  la  prison, 
et  avec  Cayenne  avant  de  pactiser  avec  le  "2  Décembre,  et  elle  ne 
vota  pour  l'Empire  que  lorsqu'on  la  persuada  que  l'Empire  s'éle- 
vait sur  les  ruines  d'une  conspiration  royaliste  et  bourgeoise  ;  — 
autant  vaut  l'un  que  l'autre  !  Et  si  la  campagne  était  pour  la  Répu- 
blique, c'est  que  dans  la  République  elle  croyait  voir  son  éman.ci- 
pation  économique,  tant  de  fois  promise  et  tant  de  fois  escamotée. 

«  N'oublions  pas  aussi  que  ce  qui  contribua  puissamment  à  ce 
soulèvement  spontané  des  campagnes,  —  ce  fut  la  propagande  so- 
cialiste semée  partout  durant  deux  années  consécutives. 

(Égalité,  28  mai  1870.1 


PIECE  J. 


REPUBLIQUE  FRAÇNAISE.  —  COMMUNE  DE  LYON, 


Lyon,  24  septembre. 
Le  conseil  municipal, 

Considérant  : 

Que  le  4  septembre,  en  face  de  la  France  envahie,  de  l'armée 
française  livrée  à  l'ennemi, 

La  ville  de  Lyon  a  proclamé  la  patrie  en  danger  et  en  a  arboré 
le  signe  ; 


fm  l'intkhnationam: 

C.oiisidéront  : 
Que  le  péril  est  plus  {^ranâ  que  jamnis. 

Uél  ibère  : 
I^e  si;,'iiiil  (le  1.1   pairie  en    ilanj^er  restera   arboré  sur  l'holel  lif 
ville,  jusqu'il  co  (juo  le  péril  ait  eessé. 

En  niaiutonantcesifçne,  la  ville  do  Lyon  n'a  jamais  son^jé  à  dé- 
savouer le  drapeau  national,  sous  lo»iuel  les  Hls  du  pays  combullenl 
pôur  riudéjjendance  du  sol  français'. 

(Citoyens, 

Pas  de  division.  —  Debout  et  aux  armes  ! 

SAUVONS  LA  PATRIR  ! 

Lo  ))rôsiilcnt,  IIKNON.  —  Los  vice-présidents, 
HAGOT,  GIIEPIÉ.  —  Les  secrêluiro^, 
MAYNAUD,  JACQUI. 

l'IKi^E   /,-. 

HKPUHLIQUE  FUAXr.VISE.  —   i:0MMUNK    UK    LYON. 

Les  malheurs  de  la  patrie  nous  dictent  notre  devoir.  Nous  décré- 
tons immédialemenl  la  décliéance  de  l'Empire,  la  proidamation  de 
a  HépubliquL!  et  l'armement  de  la  nation. 

Comilv  jjrovisoire  do  sulal  public  : 

Ch.  BEAUVOIR  ;  CURDELET;  L.  GHAVEROZ  ;  MOUSSY  ; 
Em.  VOLLOT;  REIGNIER;  GROS;  GRIFFE  ;  TARRE: 
SOURRAT;  RONNET;  FOURNIER;  LÛJdBRAlL. 


PIECE  /. 

DOCUMENTS    (tÉXKUAUX    RELATIFS   AUX    SECTIONS    PARISIKNNEs. 

Association  internationale  des  travailleurs. 

c  Gne section  adliérenle  au  groupe  oonlral.  les  travailleurs  réunis, 
se  constitue  à  Ratignollcs. 

1  1.0  ciilu-  du  tli.iiMMii  roufc'o  avail  élé  poussé  si  loin,  que  lo  citoyen  Uaudy,  se- 
crélaire  général  île  la  police,  n'Iiésila  pas  à  faire  urrOtrr  un  individu  (|ui  avait 
refusé  de  porlor  les  armes  deviml  lo  drapeau  rouge.  Téiunin  le  document  suivant  : 
a  IlÈPUBLiyUE  niA.NÇAISE,  suus-rnmilé  dex  interiUs  pithlux.  —  Ortirr  ilf  ganter  ;//.»•. 
i/H'(i  \  lieun-t  If  iiommé  h'tirrr,  courv  de  Riosaei,  33,  qui  n  rrfusi-  ilf  pnrlir  In  nrmêi 
•lei'diil  le  DP.AI'EAU  Kni:(;K.  —  Siiinr  :  HAinV.  —  l.yon,  le  il  seiileinbre  iHTû- 


ET    LE    JACOBINISME.  391 

«  Nous  appelons  à  nous  les  ouvriers  de  notre  quartier  qui  veulent 
l'équité  dans  les  rapports  sociaux. 

«  Le  siège  provisoire  est  chez  le  citoyen  Légalité,  rue  de 
Naples,  40,  et  les  demandes  de  renseignements  et  les  adhésions  sont 
i^ecues  le  mercredi  de  chaque  semaine,  de  7  à  40  heures  du  soir. 

«  Le  secrétaire  de  section, 

«  L.  LEMAIRE.  » 

[Marseillaise,  6  février  1870.) 

Association  internationale  des  travailleurs. 

'<  Une  section  de  l'Association  internationale  est  constituée  à 
Vaugirard. 

i  Nous  invitons  tous  les  citoyens  sympathiques  à  l'œuvre  de 
solidarité  universelle  qui  doit  unir  tous  les  travailleurs  à  nous  ap- 
porter leur  concours. 

«  Les  renseignements  seront  donnés  et  les  admissions  reçues 
chez  le  correspondant  provisoire,  rue  de  Vaugirai'd,  289. 

«  Le    correspondant, 

.(  A.  COMBAULT.  . 

(Marseillaise,  21  janvier  1870.) 

SKCTION    DE   LA   MAISON   BLANCHE. 

«  Nous  prévenons  qu'une  section  de  l'Internationale  a  été  consti- 
tuée sous  la  dénomination  de  section  de  la  Maison-Blanche.  Nous 
invitons  tous  les  citoyens  désireux  de  faire  triompher  l'œuvre  de 
revendication  sociale  à  nous  apporter  leur  concours. 

«  Les  adhésions  sont  reçues  tous  les  mardis  soir  au  local  de  la 
section,  chez  le  citoyen  Passedouet,  163,  avenue  de  Choisy  (quartier 
do  la  Maison-Blanche.) 

«  Le  secrétaire  correspondant, 

«  PASSEDOUET  '.  » 

(Marseillaise,  13  avril  1870.) 

«  Paris,  le  20  avril  1870. 

«  Une  section  de  l'Association  internationale  est  en  voie  de  for- 
mation dans  le  quartier  des  Ecoles. 


i  Passedouet,  journaliste,  ex-rédacteur  du   Corsaire,  du  Satan,  de  la  Misère   du 

Père  Jhtchène,  etc. 


:«>i  I/INTKHNATIONALK 

rt  Lesadliùsions  sunl  reçues  tous  les  jours,  dt*  10  heures  à  -1  lieun-s, 
rue  Saiiil-Jncques,  IKI. 

a  La  coinmissiou  d'iiiili.ilivc  : 

«  PIKRON,  typographe;  FIîADIN,  iustrunients  do  tdiirurgie  ; 
SEBOUli,  élève  on  phiirmacie.    » 


«  Les  inoinbrts  de  l'Association  inlornationale  (section  de  Vaugi- 
rard)  sont  prévenus  que  le  siège  délinitif  est  situé  rue  du  Théà- 
ti'o,  10,  à  Grenelio. 

<  Les  réunions  ont  lieu  tous  les  mercredis  à  .S  lieures. 
«  Tous  les  soirs,  de  8  à  10  heures,  et  le  dimanche,  de  10  heui-es  ù 
midi;  un  membre  de  la  section  se  tiendra  au  siège  social  pour  re- 
cevoir les  adhésions  et  donner  tous  les  renseignements. 

■'  Le  secrétaire  correspondant, 
«  A.  COMUAILT.  .. 


•<  l'ne  section  do  l'Association  internationale  des  travailleurs  se 
constitue  à  Grenelle  sous  la  dénomination  de  soclion  de  Grenelle. 

«  Invitation  est  i'aito  -à  tous  les  citoyens  qui  partagent  ses  principes 
de  se  faire  inscrire  tous  les  soirs,  de  8  à  10  heures,  et  le  dimanche, 
de  10  heures  à  midi,  10,  rue  du  Théâtre. 

«  Le  jour  de  la  réunion  a  lieu  tous  les  mardis  à  8  heures  ». 

<>  Le  secrétaire  correspondant, 
«  L.  CllALAlN.  » 


Au  citoyen  ( '.ornuschi,  digne  représentant  delà  démocratie, 
c  L      section   internationale   du    Panthéon    vous  offre,  dans   sa 
séance  du  28  avril  1870,  le  titre  d'assesseur  honoraire,  et  vous  re- 
mercie des  services  que  vous  avez  rendus  à  la  cause  du  prolétariat.  » 

(Suivent  les  signatures.) 


I  Voir  il'amros  avis  du  même  genre,  page  iM. 


l-yi'     l.i".     .lACiMllMS  MK.  393 


Au  citoyen  Raspail, 

«  La  section  internationale  du  Panthéon  vous  a  offert  dans  sa 
séance  du  28  avril  1870,  le  titre  de  président  honoraire  à  raison  des 
services  que  vous  avez  rendus  à  la  cause  du  socialisme  et  de  la 
révolution. 

u  Ont  signé  :  nOCUER  ;  ue  la  BERTHELLIERE;  VI- 
GOUROUX;  VERGNAUD ;  TOUSSAINT;  SERGENT; 
femme  SERGENT;  JUILIN;  SERVETH  ;  Jules  SAN- 
SONET;  R.  B.  CONNEAU;  E.  FAVRET,  etc.,  etc.  » 


Association  internationale  des  travailleurs. 
(Sections  parisiennes.) 

JUGEMENT    d'aUTUN. 

«  (Juand  la  justice  succomhe  sous  l'arbitraire,  quand  on  acquitte 
les  i)rinces  qui  tuent,  et  que  l'on  condamne  les  ouvriers  qui  ne  de- 
mandent qu'à  vivre  de  leur  travail,  quand  ces  condamnations  frap- 
pent surtout  les  femmes  et  les  enfants  en  les  privant  du  labeur  des 
chefs  de  famille,  il  nous  appartient  d'infirmer  cette  nouvelle  ini- 
quité par  l'adoption  des  veuves  et  des  orphelins. 

«  En  conséquence,  nous  faisons  appel  à  tous  les  citoyens,  à  tous 
ceux  qui  sont  pénétrés  du  sentiment  de  la  solidarité  républicaine 
socialiste,  pour  qu'ils  nous  aident  dans  l'accomplissement  de  ce 
devoir,  en  prélevant  sur  leur  travail  un  pour  cent  par  semaine. 

«  Salut  et  solidarité. 

u  Les  sections  de  Vaugirard,  Meudon,  Glichy,  Poteaux, 
Batignolles,  Belleville,  de  l'Est  (faubourg  Saint-Denis), 
la  Maison-Blanche,  relieurs,  lithographes,  bijoutiei's, 
cordonniers,  ferblantiers,  tourneurs,  repousseurs,  pein- 
tres en  bâtiments,  dessinateurs  sur  étoffes,  opticiens, 
cercle  d'étude  sociale  et  section  allemande.  «  Dès  aujour- 
d'hui, on  peut  faire  les  versements  à  la  Marseillaise. 
Un  avis  ultérieur  fera  connaître  l'adresse  des  co- 
mités.» 

«  Pour  copie  conforme  :  BARBERET.   » 


H94  I/INTKHNATION  A  l.i: 


Communications  ouvrières.  —  Aux  uicinhrcs  do  J'Assoriulion  iiilcr- 
iinlionnlr    ilrs  /i:i\  .lilli'iirs. 

\  Imis  les  fr.ivailleuis, 

Déclaration  : 

•  Eu  présonco  ilc  rappel  si  léj^ifiine  et  pros(juc  désespéré  des 
ouvriers  houilleurs  de  Waklcnljourj,'  (Alleiiiatjne),  adressé  aux 
n»einl)ros  de  l'Association  intei'nalionale  des  travailleurs,  et  dans 
l'impossibilité  où' nous  sommes  d'iutervenii-  matériellement  dans  lu 
lutte  qu'ils  ont  à  soutenir  en  ce  moment  contre  les  chefs  industriels 
pour  s'assurer  une  existence  conforme  à  la  dignité  humaine,  nous 
faisons  la  déclaration  suivante  : 

'(  La  longue  période  île  grèves  que  nous  traversons  et  qni  me- 
nace de  se  perpétuer  épuise  chaque  jour  les  caisses  des  sociétés 
ouvrières  sans  amener  d'auti^e  résultat  que  de  faire  ressortir  l'im- 
moralité des  moyens  qu'emploient  les  détenteurs  du  capital  pour  se 
soustraire  aux  réclamations  toujours  modérées  des  prolétaires. 

t  La  situation  économique  n'est  par  changée,  elle  est  toujours  la 
même.  Partout  les  détenteurs  du  capital  se  sont  montrés  indignes; 
car  partout  s'appropriant  arbitrairement  le  produit  du  travail  des 
générations  passées  et  de  la  génération  présente,  ils  se  servent 
des  instruments  que  le  hasard  de  la  naissance,  la  spéculation,  ou 
l'exploitation  ont  mis  entre  leurs  mains  pour  tenir  le  prolétariat  en 
lisière. 

.  L'introduction  dans  l'industrie  des  machines  et  des  procédés 
scientifiques  qui  aurait  dû  améliorer  les  conditions  physiques,  mo- 
rales et  intellectuelles  des  travailleurs  n'a  contribué,  au  contraire, 
(ju'à  aggraver  leur  sort. 

«  Non  contents  d'étouffer  dans  l'ouvrier  la  vie  intellectuelle  et  la 
vie  morale,  les  industriels  lui  ravissent  encore  la  vie  animale  par 
l'excès  de  travail  et  les  privations  en  maintenant  une  partie  des 
travailleurs  dans  le  chômage,  et  en  surchargeant  l'autre  partie 
d'un  travail  excessif.  On  peut  dire,  sans  exagération,  qu'ils  font 
lenlemeut  mourir  les  uns  de  faim  et  les  autres  d'épuisement. 
«  Ils  ne  tuent  pas,  ils  font  mourir. 

«  Comme  l'a  dit  le  docteur  Hridges:  «  -\u  sein  de  nos  grandes  et 
.<  grandissantes  cités,   il  y  a  des  plaies  en  comparaison  desquelles 
<  les  massacres  féodaux  semblent  des  combinaisons  heiu-euses.  » 
<  Il  est  terrible  que   le  sang  soit  versé,  mais  il  est  autrement  ter- 
rible ipi'il  se  dessèche  et  se  cousump. 


ET     LE    JACOBINISME  895 

«  En  un  mot,  ils  mettent  constamment  les  travailleurs  dans  l'alter- 
native de  subir  des  conditions  impossibles,  ou  de  tomber  sous  les 
balles  fratricides,  comme  à  Lépine,  Dour,  Seraing,  Frameries,  la 
Ricamarie  et  Aubin. 

«  En  présence  de  cette  situation,  que  pouvons-nous  faire  ?  Les 
grèves  se  multiplient,  révélant  toujours  des  abus  de  même  nature, 
et  sont  successivement  vaincues  ;  l'obole  de  la  solidarité  que  l'ou- 
vrier prélève  sur  son  nécessaire,  Vassociation  même  sont  manilesle- 
ment  insuffisantes,  le  mal  est  trop  pi'ofond,  il  faut  d'autres  remèdes. 

«  Ce  remède  ne  peut  être  que  dans  une  transformation  radicale  de 
notre  état  social. 

«  Cette  transformation  radicale,  objet  de  tous  nos  vœux,  nous 
l'appelons  de  toute  notre  énei'gie. 


A.  COMBAULT,  rue  de  Vaugirard,  289;  E.  VARLIN,  rue 
Dauphine,  33  ;  B.  MALON,  impasse  Saint-Sébastien,  8  ; 
G.  MOLLIN,  impasse  Samt-Sébastien,  10,  Membres  de  la 
dernière  commission  parisienne  de  l'Association  inter- 
nationale des  travailleurs. 


{Marseillaise,  l^r  janvier  1870. 


«  Paris,  le  31  décembre  1869.  » 


Aux  citoyens  Murât,  Malon,  Héligon,  Comijault,  membres  du  Jury 
Vermorel,  et  aux  memJjres  correspondants  de  l'Internationale  a 
Paris. 


«  Citoyens, 

«  Nous  avons  vu  avec  indignation  vos  noms  iigurer  dans  un  jury 
d'iionneur  à  côté  d'un  Vtsinier. 

«  Jusqu'alors  nous  n'avions  guère  compris  la  faiblesse  qui  vous 
faisait  tolérer  à  la  tète  de  la  démocratie  parisienne  un  homme 
chassé  de  l'Association  internationale.  Nous  vous  rappelons  que  moi 
et  Jung,  pour  avoir  démasqué  cecalomniatew'à  T^ondres,  nous  avons 
été  traités  de  mouchai'ds  et  de  bonapartistes  par  la  branche  française 
de  Londres,  dont  ce  Vésinier  était  membre.  Mais  accepter  une  mesure 


896  l/INIi;ilN  ATION  \M-: 

tlo  loyiiutt'  ot  <lo  jjislice  îivcc  ct't  hoiiinu',  »'t'l;i  no  st'ia  |»;is  en  tant  rpie 
nieinltres  ou  ('(ti-ivspoinlants  <lo  V Inlcrualionulo. 

•  Nous  ne  comprenons  pas  do  pareil  compromis. 

•  Va\  consr'îqucnce,  nous  vous  déclarons  que  nous  sommes  résolus 
ù  porter  cette  affaire  devant  le  conseil  général  et  à  en  poursuivn* 
toutes  les  ronsiMjuences. 

«  Nous  aurions  cru  c(uc  les  membres  do  l'ancien  comité  de  Paris 
n'auraient  pas  souffert  aussi  paticmnuMil  in  présence  et  l'introduc- 
tion de  leur  ancien  et  constant  calomniateur,  non-seulement  dans 
les  réunions  publiques,  mais  encore  dans  un  jury  d'honneur. 

«  Poui-  H.  .lung  et  Dupont, 

«  Sifjné  :  Eugène  DUPONT. 

•  P. -S.  Cependant  si  vous  voidcz  nous  donner  quelques  explica- 
tions, nous  attendrons  jusqu'à  mai'di  22  février. 

«  J'ai  peine  à  comprendre  le  rôle  que  vous  nous  avez  fait  jouer 
d:ins  l'affaire  Vcsinier  ;  je  m'accorde  avec  Dupont. 

«  S  if/ no  :  H.  JL'NG.  » 

(Après  de  pareilles  sommations,  voudra-l-on  encore  prétendre  que 
le  conseil  général  n'exerce  aucune  autorité  sur  les  membres  de 
l'Internationale.  Voilà  lléligon,  Murât,  Malon  et  ('ombault  menacés 
par  Dupont  d'être  déférés  disciplinai  renient  au  conseil  général  !) 


«  Lonihes,  5  février  1870. 
e  Cher  ami, 

«  Tu  me  promets  une  longue  lettio,  et  je  ne  vois  rion  venii',  ce- 
pendant tu  dois  avoir  des  choses  à  me  dire.  Je  désirerais  quelques 
explications  sur  la  visite  domiciliaire  qui  a  été  faite  chez  toi,  car  je 
ne  puis  comprendre  comment,  puisque  tu  attendais  un...,  tu  aies 
gardé  rue  d'Aboukir  des  armes  et  surtout  de  nos  lettres. 

t  Veux-tu  bien  une  fois  pour  toutes  expliquer  aux  citoyens  Malon 
et  Combault  ({uelle  est  la  valeur  des  hommes  de  la  branche  fran- 
çaise et  surtout  de  Hesson.  J'ai  vu  ces  jours-ci  Lemaître.  Nous 
avons  eu  un  petit  attrapage;  il  est  engoué  de  Besson.  Il  m'a  repro- 
ché d'avoir  été  deux  fois  délégué  de  cette  branche  et  d'avoir  présidé 
les  meetings  révolutionnaires  ct.int  gris.  Si  j'insiste  là-dessus,  c'est 


i-:t   lk   JACoinxi^Mi:  397 

parce  que  Lemaître  me  paraît  très-bien  avec  Malon  et  les  autres  et 
cela  me  refroidit  à  leur  égard.  Mais  n'est-ce  pas  trop  fort  de  voir 
Lemaître  et  Besson  reprochant  aux  autres  de  trop  boire?  Ace 
sujet  j'ai  rappelé  au  petit  Lemaître  la  paille  et  la  poutre. 

•  Tu  n'as  donc  pas   remis  à  Varlin  sa  lettre,  ils    ont  donc  bien 
changé  de  manière  de  voir  à  l'égard  de  leur  ami  Vésinicr, 

«  Tout  à  toi, 

«  Eugène  DUPONT.  » 


l'ruij rumine  du  SOCIALISTE,  ort/ano  dos  sections  parisiennes. 

La  tourmente  gronde  sur  la  mer.  Le  navire  éperdu  roule  à  tra- 
vers les  abîmes  ;  les  vagues  se  tordent  échevelées  autour  des 
matelots  glacés  d'épouvante.  Ils  s'interrogent  du  regard  :  qui  sau- 
vera le  navire  ? 

Alors  l'un  deux  se  lève,  et  faisant  un  suprême  appel  au  courage 
et  à  l'énergie  de  l'équipage  désespéré,  le  conjure  de  remplir  au  moins 
son  devoir  et  de  combattre  jusqu'au  dernier  moment.  11  rappelle  à 
ses  frères  abattus  leurs  espérances  si  vives  au  départ,  la  longueur 
de  leur  mission  et  les  joies  qui  les  rappellent  au  port.  Chaque 
homme  relève  alors  la  tète,  déploie  une  nouvelle  énergie,  et  le 
navire,  couvert  des  baves  de  la  mer,  sort  triomphant  de  sa  lutte 
terrible  avec  l'ouragan. 

Le  navire  emporte  les  travailleurs  vers  le  rivage  ;  battu  des  vents 
de  la  politique,  assiégé  par  l'ouragan  social,  il  risque  de  faire 
naufrage,  sans  qu'une  voix  s'élève,  vibrante,  s'empare  avec  fer- 
meté du  commandement,  et  ordonne  la  manœuvre  de  laquelle  dé- 
pend le  salut  commun. 

L'écrasement  de  nos  frères  à  la  Ricamarie,  à  Aubin  (France),  à 
Seraing  et  dans  le  Borinage  (Belgique),  à  Swarow  (Autriche),  l'em- 
prisonnement de  nos  frèi'es  à  Paris,  à  Lyon,  à  Rouen,  au  Creuzot,  à 
Fourchambault  (France),  à  Vienne,  à  Reichemberg  (Autriche),  etc.  ; 
la  famine  érigée  en  système  et  dirigée  contre  nos  frères  de  l'Ir- 
lande, voilà  les  orages  qui  tentent  de  détourner  le  mouvement  des 
travailleurs  de  sa  voie,  de  son  but  :  la  république  sociale. 

Péril  imminent  !  Il  est  temps,  il  faut  qu'une  voix  s'élève,  une 
voix  d'avertissement  fraternel  qui  indique  à  chacun  de  nous  quel 
est  son  devoir,  comment  il  faut  qu'il  agisse  pour  conjurer  le  dé- 
sastre, sauver  le  navire,  le  remettre  dans  sa  route,  le  conduire  au 
port.  D'où  partira  cette  voix?  quelle  sera-t-elle?  Elle  partira  de 
travailleurs,  car  eux  seuls  savent  jusqu'où  vont  les  souffrances  de 
leurs  frères,  eux  seuls  sont  donc  capables  d'indiijuer  les   moyens 


:{<J8  L'INTKK.NA  linNAI.I. 

de  les  guérir.  Lo  Socirdislc  so  coiilcnlera-t-il  d'avertir?  Non,  il  faut 
qu'il  const'illo,  instruise,  activo  le  mouveniont  d'émancipation  so- 
ciale, car  la  foroo  des  l)aïonnoltcs,  l'arldlraire  de  la  iiolico,  lu  justice 
d'exception  ne  sont  pas  les  seuls,  uo  sout  mémo  pas  les  plus  dange- 
reux écueils  que  nous  oyons  à  éviter. 

Il  existe  une  classe  égoïste,  intéressée,  infatuée  d'elle-même,  qui 
considère  tous  les  moyens  propres  à  nous  anéantir,  et  parmi  tous 
les  moyens  dont  elle  dispose,  il  en  est  un  surtout,  perfide,  ter- 
rible ,  c'est  la  bienveillance  hypocrite  que  celte  classe  alTlichc  à 
l'égard  do  la  classe  des  travailleurs.  Là  est  l'écucil  sur  lequel 
tous  les  yeux  doivent  être  fixés.  Cette  classe,  qui  s'est  large- 
ment installée  dans  tous  les  journaux  à  cautionnement,  qui  pos- 
sède toutes  les  grandes  c.\'iiloif;ilioijs  d'ouvriers,  mines,  forges, 
filatures,  etc.,  qui  dispose  de  tous  les  moyens  de  transport  et  de 
communication,  qui  tripote  dans  foutes  les  spéculations  de  bourse, 
—  l'opprimée  d'hier,  la  dominatrice  d'aujourd'hui,  —  cette  classe, 
c'est  la  bourgeoisie. 

L'organe  des  travailleurs  doit  porter  sans  ménagements  à  la 
connaissance  du  public  les  actes  de  la  bourgeoisie,  montrer  com- 
ment s'engendre  cette  richesse  qui  va  s'engouffrer  dans  quelques 
bourses  privilégiées,  et  à  laquelle  ou  donne  pompeusement  le  titre 
de  richesse  nationale;  s'occuper  de  la  question  des  travailleurs 
industriels  et  des  travailleurs  agricoles,  et  rendre  manifeste  l'im- 
puissance des  uns  et  des  autres  à  arriver  à  leur  émancipation. 

«Tant  que  subsisteront  les  modes  de  production  actuels,  il  doit 
surtout  s'attacher  à  démontrer  que  le  bien-être  collectif,  réalisé  par 
la  somme  des  travaux  individuels,  ne  pourra  régner  que  lorsque 
les  travailleurs  auront  été  mis  en  possesion  des  moyens  de  travail 
nécessaires:  le  travailleur  agricole,  du  sol  ;  le  travailleur  industriel, 
de  la  matière  première  et  de  l'outillage. 

Le  Sociialsle  pénétrera  dans  toutes  fabriques,  partout  où  se  trou- 
vent des  hommes  réunis  en  vue  d'un  travail  commun,  de  ces  ou- 
vriers dont  l'activité  productrice  est  l'unique  soutien  de  la  société, 
laquelle  cesserait  immédiatement  d'exister,  s'ils  lui  refusaient  un 
seul  instant  leurs  services  ;  il  ira  en  tout  lieu  réveiller,  i-animer,  ap- 
peler, exciter  les  travailleurs  qui  Técouteront  certainement  parce 
qu'il  sera  leur  propre  voix,  sortant  des  entrailles  mêmes  de  leur 
souffrances. 

(Le  Socialisle,  nr^'ane  Je  l;i  fi-dcValion  des  scclioii> 
parisiennes.  Numéro  liii  l»'  juin  1870). 

Paris,  tiîi  jnin  1S70. 

Le  banquet  des  associations  ouvrières,  dit  banquet  coopératif, 
n'aura  pas  lieu. 


ET     LE    JACOBINISME.  399 

Après  trois  ajournements  suecessils,  M.  le  préfet  de  police  vient 
enfin  de  faire  prévenir  la  commission  d'organisation  qu'il  n'autori- 
serait pas  cette  fête  de  famille,  car,  comme  à  celui  de  l'an  passé, 
les  femmes  et  les  enfants  devaient  y  assister. 

Le  motif  de  ce  refus,  nous  a  dit  M.  le  chef  du  caJ)inet,  vient  de 
ce  que  les  ouvriers  s'occupent  trop  de  politique  ;  le  gouvernement, 
a-t-il  ajouté,  a  obtenu  sur  l'ordre  de  choses  actuel  une  immense 
majorité,  et  il  est  bien  résolu  à  ne  laisser  prendre  corps  à  aucun 
motif  d'agitation. 

Ainsi,  des  travailleurs  honnêtes  et  paisibles  veulent  se  réunir  et 
fraterniser  avec  femmes  et  enfants  dans  un  banquet:  ce  sont  des 
agitateurs  que  vite  il  faut  empêcher. 

Des  ouviners  veulent  échanger  leurs  pensées  sur  les  conditions 
actuelles  du  travail,  tâcher  d'améliorer  leur  sort  par  un  concours 
d'idées  mutuelles,  s'apprendre  par  des  rapports  collectifs  l'état  et 
les  chances  de  la  coopération  :  eh  bien,  non  !  ce  sont  des  ennemis 
qu'il  faut  vexer  et  ils  ne  se  réuniront  pas. 

Nous  le  demandons  franchement  aux  esprits  les  plus  pacifiques, 
le  scrutin  du  8  mai  s'est-il  prononcé  pour  cette  répression  injusti- 
fiable? 

Cette  grande  majorité  française  a-t-elle  voulu  confondre  dans  un 
même  blâme  le  travailleur  et  l'agitateur  ? 

Le  même  banquet  qui  avait  eu  lieu  au  mois  de  septembre  l'an 
passé,  n'était-il  pas  un  précédent  suffisant  pour  l'ordre  ? 

Encore  une  fois,  ce  n'est  pas  sur  le  pi-ogramme  qu'on  exécute 
que  le  pays  a  voté  le  8  mai  dernier. 

Aussi  ces  mesquines  taquineries  faites  à  des  travailleurs  ne  se- 
raient que  bien  ridicules  si  elles  n'avaient  pour  conséquence  de 
porter  atteinte  aux  plus  sacrés  de  nos  droits. 

Au  nom  de  la  classe  ouvrière,  nous  protestons  énei'giquemeat 
contre  cette  façon  d'agir  aussi  arbitrairement  avec  elle,  en  même 
temps  que  nous  nous  empressons  de  mettre  sous  les  yeux  du  public 
quelles  mesures  de  liberté  on  est  en  droit  d'attendre,  d'après  de  tels 
procédés,  d'un  ministère  qui  s'est  pourtant  dit  honnête  et  libellai  ! 

La  commission  du  banquet, 

BOISGONTIER  ;  FOUGEROUX  ;  HUGUET  ;  REl- 
GNEAULT;  ARMAND;  FONTAINE;  DALOZ  ;  AK- 
NOULT  ;  BRUDON  ;  CEYTER  ;  GODFRIN. 

Ont  approuvé  la  protestation, 

GAPRON;  FORNET ;  DESINGE;  HUBERT;  VALLE- 
ROUX;  ANTHESKl;  P.  RANGE;  M.  LERME. 


.i(K)  1/1  N  1  h  li.NA  I  lu  N  Al.  1. 


l'IKCK     III. 


I.KS     EXPLICATIONS     DU     CITOYKN      IlICllAKH     At;     SIJKT     DES     POURSUITES 
OIRI6ÉKS    (.ONTItK    l/lNTI-RNATIONAI-K. 


Lyon,  1.'   M  mai   1870. 

Monsieur  le  rédacteur, 

Hon  nombre  d'amis  me  reprochent  de  n'avoir  pas  donné  signe 
dévie  depuis  que  j'ai  été  mis  en  liberté  provisoire.  Si  je  ne  l'ai  pas 
fait,  c'est  que  je  n'ai  pas  cru  que  cela  pouvait  avoir  une  grande 
utilité. 

Je  ne  demande  pas  mieux  cependant  que  de  donner  au  public  les 
renseignements  dont  je  puis  disposer  sur  l'affaire  de  l'Association 
internationale. 

Nous  avons  été  mis  en  liberté  provisoire,  Palix,  Louis  Martin  et 
moi,  le  25  mai,  après  vingt-six  jours  de  détention  préventive.  Nos 
collègues  avaient  tous  été  successivement  mis  en  liberté  avant  nous. 
Pour  nous,  on  ne  nous  aurait  certainement  point  accordé  la  même 
faveur  s'il  n'avait  été  de  toute  évidence  que  nous  n'avons  été  initiés 
à  aucune  machination  politique. 

Dès  l'origine,  il  ne  s'agissait  de  rien  moins '[ue  de  nous  englober 
dans  la  fameuse  affaire  du  complot  contre  la  vie  de  l'empereur. 

Une  pareille  inculpation  devait  nécessairement  tomber  d'elle- 
même.  Je  crois  môme  pouvoir  affirmer  qu'elle  ne  sera  pas  main- 
tenue en  ce  qui  concerne  Varlin  et  Bastelica,  bien  que  leur  fuite 
paraisse  devoir  être  un  argument  dont  le  parquet  se  servira 
contre  nous. 

D'îiilleurs,  s'il  est  une  chose  dont  je  suis  lïorticulièrement  cci'tain, 
m  i,  ami  de  Varlin  et  de  Bastelica,  c'est  qu'ils  n'ont  trempé  non- 
seulement  dans  aucun  complot,  mais  dans  aucun  mouvement  ayant 
un  but  politique  direct.  Us  se  devaient  à  l'.Vssociation  interna- 
tionale, ils  étaient  solidaires  avec  nous  et  ils  se  seraient  exposés, 
en  trompant  notre  contiance,  à  perdre  notre  estime  et  notre  amitié, 
c'est-à-dire  à  rompre  la  solidarité  morale  et  matérielle  qui  fait  la 
force  de  notre  association.  Or,  je  les  connais  trop  et  je  sais  trop 
sur  quelles  bases  était  assise  notre  union  pour  croire  à  la  possibilité 
d'une  pareille  folie  de  Icui"  itarl. 

On   s'appuie,   pour  soutenir   le    contraire,   sur   certaines   lettres 


i-;t   le   jacobinisme.  ioi 

trouvées  chez  Baslelica  et  chez  moi.  Mais  ces  lettres  ne  prouvent 
que  deux  choses  :  1"  l'impossibilité  pour  le  parquet  do  rassembler 
des  preuves  sérieuses  contre  nous  ;  2°  l'inquiétude  que  Varlin  et 
Bastelica  partageaient  avec  des  milliers  d'autres,  en  présence  d'une 
situation  qui  a  été  réellement  tendue  à  de  certains  moments. 

Personne  n'ignore  que  si  l'Association  internationale  est  une 
association  pacifique  qui  s'occupe  de  résoudre  par  la  solidarité 
ouvrière  les  difficultés  économiques  actuelles,  en  revanche  elle 
veut  éviter  que  des  partis  politiques  quelconques  puissent  faire 
éclater  une  révolution  à  leur  profit  et  au  détriment  des  travail- 
leurs. 

A  Lyon,  le  caractère  de  notre  association  a  été  tout  spécialement 
accentué  sous  ce  rapport,  et  vous  devez  vous  rappelei",  Monsieur 
le  rédacteur,  aussi  bien  que  tous  les  démocrates  lyonnais,  que 
nous  avons  toujours  évité  soigneusement  toute  fusion  avec  les 
hommes  politiques  proprement  dits. 

Ce  n'est  pas  que  nous  les  méprisassions,  ni  que,  par  haine  ou 
par  vanité,  nous  voulussions  les  tenir  à  l'écart  de  notre  mouve- 
ment. 

Au  contraire. 

Mais,  dans  notre  pensée,  le  socialisme  de  l'Internationale  reflé- 
tant les  véritables  aspirations  de  notre  époque  et  de  notre  géné- 
ration, c'est  à  lui  que  l'avenir  appartient.  Il  doit,  en  conséquence, 
primer  toute  autre  idée  et  toute  autre  action. 

En  principe,  la  question  révolutionnaire  n'est  plus  posée  au- 
jourd'hui entre  une  nation  et  son  gouvernement  ;  elle  est  posée, 
selon  nous,  entre  le  travail  et  le  capital,  enti-e  le  peuple  et  la 
bourgeoisie. 

C'est-à-dire  qu'elle  est  sortie  du  domaine  des  instincts,  des 
passions  et  des  faits  brutaux,  pour  entrer  dans  le  domaine  de  la 
science  et  de  la  réflexion. 

Nous  n'en  serons  pas  moins  accusés  de  n'avoir  organisé  sept 
millions  de  travailleurs  européens  et  américains  que  dans  le  but  de 
décréter,  à  un  moment  donné,  une  insurrection  générale  contre  les 
propriétaires  et  les  capitalistes,  comme  si  l'avènement  fatal  de  la 
nouvelle  classe  historique,  la  classe  laborieuse  des  villes  et  des 
campagnes,  comme  si  son  action  générale,  calme,  grandiose,  irré- 
sistible, basée  sur  l'étude  pratique  et  théorique  de  la  science 
sociale,  comme  si  cela  pouvait  avoir  quelque  chose  de  commun 
avec  ce  qu'on  appelle  une  insurrection  ! 

Bref,  on  fait  peser  sur  nous  l'inculpation  d'affiliation  à  une  asso- 
ciation illicite  et  à  une  société  secrète.  Il  sera  curieux  de  voir 
comment  le  ministère  public  s'y  prendra  pour  soutenir  une  pareille 
accusation. 

Le  jugement  des   internationaux  de  Lyon   aura  lieu  lo  8  juin,  à 


40t  1/  1  N  i"  i:  1 1  N  A  I  l  O  N  A  L  1-. 

moins  que  lo  parquet  ne  jugo  à  propos  tic  reculer  cette  date  pour 
mieux  preiulre  son  lcrn|is.  Nous  serons  une  (|uanuituinc  il'inculpes 
environ. 

C^cst  alors  c|u'on  pourrii  so  faire  une  idoe  juslo  do  l'immensité 
do  la  frayeur  que  nous  avons  causco  à  nos  infortunés  conservateurs. 
Heureusement  que  la  lumière  s'y  fera  en  môme  temps  sur  notre 
association,  son  organisation,  ses  principes,  son  but^  et  que  nous 
y  gatjncrons  plus  que  jamais  l'estimo  des  umis  do  l'ordre  véiitablc, 
do  la  paix  et  do  la  liberté. 

Je  vous  salue  avec  considération. 

ALUtnx  UICIIAIU). 
Proijrcs  de  Lyon,  à  juin  lH'iO.) 


PIECE  n. 


M.VNDAT  niiMlS  AV  r.ITOYKN  HICHAKD,  HK  LYON,  MEMHKK  lONDATKUR  UK 
l'alliance,  HOUU  KAmE  UE  LA  PROPAGANDE  EN  lAVEU»  DE  CETTE 
SECTION. 

«  Genève,  le  i  juin  1869. 

«  Le  comité  fondateur  de  l'Alliance  internationale  de  la  démocra- 
tie socialiste,  section  de  l'Association  internationale  des  travail- 
leurs, charge  le  citoyen  A.  Hichard,  membre  fondateur  do  rAUiunce, 
de  l'aire  à  Lyon  et  dans  les  autres  villes  do  France  cl  de  l'clranger 
des  adhésions  au  groupe  genevois  aussi  bien  que  de  former  de 
nouveaux  groupes  autonomes. 

.  Signe  :  Le  président,  BAKOUNINE. 

.  Le  secrétaire,  FRITZ  HENG.  » 

Au  bas  se  trouve  an  cachet  portant  cette  inscription  : 


Assuciation  internutiuaale 
des  travailleurs,  section  de 
l'Alliance. fGonèvo. 


ET     LA'.    J.VC.OlUMSMt.  -iO:; 


PIEGE    o. 


BULLETIN  DU    MOUVEMENT   SOCIAL. 


Les  ouvriers  de  Limoges. 

Nous  avons  différentes  fois  déjà  entretenu  nos  lecteurs  du  grand 
mouvement  qui,  depuis  quelque  temps,  agite  profondément  toutes 
les  corporations  ouvrières  de  Limoges.  Nous  avons  raconté  suc- 
cinctement les  principaux  incidents  de  cette  agitation  et  les  heureux 
résultats  qu'elle  a  déjà  produits.  Nous  sommes  heureux  de  pou- 
voir, aujourd'hui,  mettre  sous  les  yeux  de  nos  lecteurs  le  résumé 
des  iDrocès-verbaux  tenus  par  les  organisateurs  des  réunions  pu- 
bliques qui  ont  donné  naissance  à  plus  de  dix  associations  coopéra- 
tives do  solidarité.  Les  détracteurs  du  peuple  et  les  organes  de  la 
rue  de  Jérusalem  y  trouveront  des  réponses  non  équivoques  à 
leurs  perfides  insinuations,  à  leurs  éternelles  et  stupides  diatribes. 

Le  citoyen  Yallière,  rapporteur  de  la  commission  chargée  d'éla- 
borer les  statuts  des  chambres  syndicales,  après  avoir  domaé  lec- 
ture du  projet,  qui  est  immédiatement  approuvé  par  l'assemblée, 
s'exprime  en  ces  termes  : 

«  Citoyens, 

«  Le  syndicat  nonuné  par  vous  pour  accomplu*  la  tâche  difficile 
d'organiser  notre  chambre  syndicale  vient  remettre  aujourd'hui 
entre  vos  mains  les  pouvoirs  qu'il  a  reçus  de  l'assemblée  prépara- 
toire. Vous  pouvez  juger  par  les  résultats  obtenus  que  ses  travaux 
n'ont  pas  été  stériles.  Plus  de  mille  citoyens  ont  répondu  à  son 
appel  ;  le  nombre  des  femmes  qui  ont  adhéré  à  nos  statuts  dépasse 
120.  Ces  chiffres  ont  bien  leur  éloquence,  surtout  dans  une  ville 
comme  Limoges  où  depuis  vingt  ans  les  travailleurs  s'étaient  en- 
dormis dans  une  torpeur  profonde,  si  nuisible  à  leur  émancipation; 
ces  chiffres  sont  d'autant  plus  beaux,  que,  jusqu'à  ce  jour,  vous 
le  savez,  aucune  propagande,  aucune  sollicitation  n'ayant  été  faite, 
les  adhésions  ont  été  données  spontanément. 

«  L'arrivée  des  délégués  que  nous  ont  envoyés  nos  frères  de  Paris 
va  encore  activer  le  mouvement,  et  nous  pouvons  être  certains 
que  leur  présence  ici,  leurs  paroles  conciliantes,  amicales  et  éclai- 
rées viendront  grouper  autour  des  premiers  adhérents  un  grand 
nombre  de  nos  camarades  qui  n'ont  pu  encoi'e  être  instruits  de 
nos  projets. 


;ui  i/imi.i;natiu.nall 

«  CcptMiilaiit,  citoyens,  il  y  auniil  imprudence  à  s'endormir  snr  un 
premier  succès.  iNolro  société  est  fondée^  mais  sans  lo  dévouement 
personnel  do  c.liacun  do  nous  et  l'initiative  intelligente  do  ceux  que 
nous  allons  choisir  pour  leur  (ronlier  nos  intérêts,  ce  premier  suc- 
cès ne  serait  fju'un  leurre. 

•  Citoyens,  nous  sommes  eiilin  sur  le  chemin  de  l'émancipation; 
nos  femmes  nous  y  suivent  avec  courage.  .Marchons  paciliipicmcnt 
et  légalement,  mais  avec  une  constance  inéhranlahle  dans  celte  voie 
d'amélioration  par  le  travail,  on  nos  frères  de  l'aris  nous  .servent 
il'éclaireurs.  Happelons-nous  surtout  que  nous  n'avons  pas  seu- 
lement en  vue  notre  intérêt  matériel  comme  le  prétendent  ceux  qui 
disent  que  nous  sommes  lu  tlviiiucnitio  ii  l'cm/rnis.  Cherchons  à 
sortir  de  la  i»osition  pénible  où  se  trouve  encore  le  travailleur,  en 
élevant  notre  niveau  intellectuel  et  moral  par  l'instinietion  et  la 
ju-atique  sincère  de  la  fraternité.  Aidés  et  encouragés  par  les  esprits 
généreux. (jui  applaudissent  à  nos  efforts,  nous  pourrons  enfui  nous 
monircr  dignes  de  cette  société  régénérée  que  nous  rêvons  tous  et 
où  tout  doit  être  bonheur,  bien-être,  harmonie,  liberté.  » 

Ces  paroles  sont  couvertes  d'applaudissements  unanimes. 

Le  président  donne  ensuite  lecture  d'une  letti-e  des  membres  de  la 
SucicLé  civile  do  crédit  mutuel  de  lu  vûrnunijuv  de  Paris,  en  ré- 
ponse à  l'adresse  qui  leur  a  été  votée  dans  une  précédente  réunion. 
L'assemblée  vote  par  acclamation  des  remercîments  aux  signa- 
taires (le  cetle  lettre  cl  à  leurs  camarades. 

Le  citoyen  Benoît,  délégué  de  Paris,  prend  la  parole  pour  féli- 
citer les  ouvriers  de  Limoges  de  leur  courageuse  initiative,  puis  il 
lit  une  adresse  des  ouvriers  parisiens  à  leurs  camarades  de 
Limoges.  Des  remercîments  sont  de  nouveau  vulés  par  acclama- 
tion. 

Le  citoyen  Minet,  délégué  de  Paris,  remercie  l'assemblée  des 
témoignages  de  sympathie  qu'elle  lui  témoigne,  ainsi  qu'à  son  ami 
lîenoit.  11  l'ail  l'historique  dos  progrés  de  l'idée  sociale  pondant  les 
dernières  années  qui  viennent  de  s'écouler,  exjjose  avec  beaucoup 
rie  précision  et  de  clai-té  le  rôle  joué  en  1867  par  les  délégués  ou- 
vriers à  l'exposition  de  Paris  et  entre  dans  les  détails  les  plus 
minutieux  sur  les  conditions  que  doivent  remplir  les  statuts  de 
chambres  syndicales  pour  faire  des  associations  prospères.  Il  fait 
ensuite  ressortir  le  danger  des  grèves  imprudentes  entreprises 
légèrement  et  sans  les  moyens  suflisants  i)Our  les  soutenir  avec 
succès  :  «  Les  grèves,  dit-il,  ne  sont  qu'un  moyen  transitoire,  et 
les  chambres  syndicales  sont  bien  moins  faites  pour  venir  à  l'aide 
des  grèves,  que  pour  combattre  l'influence  écrasante  qu'exerce  le 
capital  sui-  le  travail,  et  la  domination  du  patron  riche  sur  le  petit 
patron  et  l'ouvrier.  »  Il  termine  par  une  apologie  de  Lanicnnais. 

Les  ajtplauilisseinents  n'dul  cessé  d'inlcrroinpre   ce  discours   net, 


I':T     l.K     JACOBINISME.  405 

précis  et  parfaitement  à  la  porirn  des  audileurs,  auxquels  le  citoyen 
Minet  sait  admirablement  exposer  et  faire  comprendre  les  questions 
les  plus  difficiles. 

Le  citoyen  Thabar  monte  à  la  tribune  :  «  N'ayez  plus  peur,  dit-il, 
les  temps  sont  passés  ;  relevez  la  tête,  car  la  crainte  a  toujours 
porté  atteinte  à  nos  intérêts  :  aujourd'hui,  le  progrès  nous  donne 
des  moyens  de  salut,  usons-en  et  faisons  voir  au  monde  entier  que 
nous  sommes  les  dignes  fils  de  la  première  Révolution.  »  (Applau- 
dissements.) 

Le  citoyen  Robert  remercie  les  délégués  de  Paris  des  bonnes  et 
fraternelles  paroles  qu'ils  viennent  de  faire  entendre  aux  ouvriers 
de  Limoges. 

«  Des  espints  malveillants  i)rétendaient  que  nous  étions  plutôt 
disposés  à  montrer  nos  poings  à  nos  frères  de  Paris  qu'à  partager 
leurs  idées,  que  ces  estimables  diffamateurs  sachent  bien  qn'à  ces 
braves  et  courageux  Parisiens  nous  ne  pouvons  tendre  que  des 
mains  amies,  » 

Il  rappelle  les  difficultés  que  les  syndics  provisoires  ont  eu  à 
vaincre  pour  arriver  au  but  qu'ils  viennent  d'atteindre  si  hcureu- 
,sement  en  se  lançant  avec  courage  dans  le  mouvement  social  qui 
agite  en  ce  moment  toute  l'Europe.  «  Oui,  ajoute-t-il,  les  appels  à 
«  l'union  et  à  la  concorde  que  nous  faisons  chaque  jour  à  nos  ca- 
«  marades  seront  entendus;  les  indifférents  viendront  à  nous, 
«  nous  réchaufferons  les  tièdes  et  nous  calmerons  les  ardents,  car  il 
«  ne  faut  pas  plus  s'arrêter  dans  la  voie  'où  nous  entrons  que  s'y 
«  lancer  à  corps  perdu  au  risque  de  s'y  égarer.  Nous  aurons  besoin 
H  d'une  constance  à  toute  épreuve,  d'une  calme  énergie,  si  nous 
«  voulons  arriver  à  nos  Ans  ;  ce  n'est  qu'après  plusieurs  années, 
«  peut-être,  que  nos  syndicats  pourront  fonctionner  avec  l'assu- 
tt  rance  que    donne  une  situation  solide. 

«  A  l'œuvre  donc  et  courage  !  défrichons  cette  teri'e  promise  qui 
«  s'étale  devant  nous  et  l'égalité  fera  sa  gerbe. 

«  A.  VERDURE.  « 
{Marseillaise,  23  avril  l.';70.) 

PIÈCE  p. 

PROTESTATIOîV     DE     L.\    SECTION     STÉPHAXOISE     CONTRE     LES     AGISSEMENTS 
DE    CERTAINS   INTERNATIONAUX   LYONNAIS. 

«  Saint-Élienne,  décembre  1869. 
«  Citoyens  ! 

«  L'année  dernière,  nous  étant  réunis  un  groupe  de  quinze  citoyens 
qui  voulaient  faire    partie  de  l'Association  internationale  des  tra- 


U)lî  l.'INTKnNATIONALF. 

vailleurs,  nous  iiominAmt^s  un  (lfiI('j,Miô,  (jui  fui  lo  «'iloyen  (îornnl, 
pour  aller  à  Lynu  prendre  dos  rpnseij;nemcnts  sur  «'('Ile  associa- 
tion. N'ayant  que  l'adresse  du  sieur  Scliellcl,  noiro  dôlcjçuo  fui  le 
trouver,  mais  il  n'était  pas  chez  lui  ot  l'on  renvoya  notre  délégm- 
Mux  sieurs  Carnal  ot  Blano,  (pii  lui  déclarèrent  que  l'Assoniation  in- 
loriialioniilo  n'oxisluit  plus  ot  que  c'était  la  Société  coopérative  de 
consommation  des  travailleurs  en  participation  qui  l'avait  rem- 
placée. Notre  déléfçué,  n'ayant  pas  d'autre  renseignements,  prit 
seize  carnets  do  cette  doniiéro  société  à  1  fr.  125.,  qu'il  nous  appor- 
ta à  Saint-Etienne  et  qui  furent  distribués  plus  tard. 

a  Ayant  ensuite  un  nombre  plus  considérable  d'adhérents,  nous 
fîmes  venir  soixante  carnets  de  plus,  et  nous  invitâmes  les  ci- 
toyens de  Lyon  à  venir  nous  organiseï-  on  assemblée  générale. 

«  Sachant  qu'ils  devaient  soixante  fi-aucs  à  la  section  de  Vienne 
(Isère)  et  que  leur  caisse  n'était  pas  riche,  nous  leur  payAmes  les 
frais  de  voyage  d'un  délégué. 

«  Les  sieurs  Carnal  et  Hlano  furent  désignés  pour  venir.  Arrivés 
dans  notre  Assemblée,  ils  nous  parlèrent  de  la  production  de  notre 
travail,  et  de  capitaliser  cl  de  formel-  des  groupes  pour  renversei- 
le  capitaliste  ;  ils  nous  dirent  que  les  carnets  n'étaient  que  pour, 
nous  couvrir  de  la  police,  qui  pourrait  intervenir  contre  l'Associa- 
tion internationale.  Puis  ils  nous  promirent  de  nous  mettre  en  rap- 
port avec  toutes  les  sections.  Après  leurs  beaux  discours,  nous  le- 
vâmes la  séance,  nous  passâmes  une  partie  de  la  joiu'uée  et  de  la 
nuit  ensemble,  et  le  lendemain  nous  leur  donnâmes  l'argent  ries 
carnets  et  du  voyage.  Après  quoi  ils  partirent  pour  Vienne  payer  la 
dette  qu'ils  y  avaient  contractée.  Qu'ils  sachent  bien  qu'ils  ont  payé 
Vienne  avec  notre  argent,  mais  qu'ils  nous  le  doivent  à  nous,  car 
nous  ne  leur  donnons  pas  quittance.  Ce  ne  fut  pas  tout,  cai- 
plus  tard  nous  leur  payâmes  vingt  autres  carnets  à  25  centimes. 

«  Ayant  ainsi  livré  tous  nos  fonds  aux  sieurs  ('arnal  et  Hlane,  nous 
trouvant  sans  ressources  par  suite  des  manœuvres  de  ces  intri- 
gants, les  livrets  furent  vendus  à  1  fr.  50,  afin  de  nous  recréer  des 
fonds  pour  acheter  une  paii-e  de  balances.  Après  avoir  invité  les  so- 
ciétaires à  verser  de  nouveaux  fonds,  nous  commençâmes  notre 
triste  métier  fl'épieiers  en  participation,  vrai  métier  de  charlatan 
—  en  attendant  les  correspondances  de  l'Association  internatio- 
nale. 

«  .\prcs  trois  ou  quatre  mois  d'attente  inutile,  notre  correspondant 
fut  envoyé  à  Lyon  pour  chercher  des  nouvelles. 

'c  Pour  toute  nouvelle  il  no.is  apporta  une  grosse  correspondance 
d'une  traite  do  "iSb  francs  en  huile  et  pétrole,  une  boîte  de  boules 
de  bleu  et  un  panier  de  figues.  Voilà  ce  que  les  sieurs  Carnal, 
Blanc  et  Compagnie  appellent  correspondance  internationale  et  af- 
franchissement des  travailleurs  :  c'est  ce  que   nous   appelons  l'af- 


ET    LE    JACOBINISME.  407 

franchissement  de  80  et  quelques  francs,  et  nous  sommes  vraiment 
honteux  de  rexccs  do  confiance  qui  nous  a  fait  prêter  le  liane  à  de 
pareils  abus. 

Nous  cinq,  membres  de  la  commission  de  la  Société  des  travail- 
leurs en  participation,  ainsi  que  tous  les  soussignés,  nous  protes- 
tons contre  les  sieurs  Garnal  et  Blanc  et  leurs  acolytes.  Nous  dé- 
clarons qu'ils  sont  venus  nous  organiser  l'année  dernièi'e  au  nom 
de  l'Association  inteinaationale,  à  laquelle  ils  n'appartenaient  pas, 
et  qu'ils  disaient  ne  plus  exister  que  par  leur  société  mercantile, 
ce  qui  était  un  infâme  mensonge. 

Ils  se  sont  couverts  du  drapeau  socialiste,  pour  venir  nous  trom- 
per, nous  exploiter  et  calomnier  les  vrais  socialistes  auprès  de 
nous,  fils  de  1789,  qui  voulons,  comme  ceux  qui  tombèrent  au  pied 
de  la  Bastille  et  dans  les  journées  de  juin  1848,  reconquérir  nos 
droits  sociaux  et  politiques,  et  qui  combattons  pour  l'affranchisse- 
ment de  tous  les  travailleurs  et  le  renversement  de  tous  les  exploi- 
teurs. 

Ainsi  donc,  vous,  les  sieurs  Carnal  et  compagnie,  vous  n'êtes 
que  des  trompeurs  ;  vous  avez  brisé  notre  travail,  vous  avez  pro- 
fité de  notre  confiance  pour  nous  égarer,  vous  avez  mis  la  division 
dans  nos  rangs,  emporté  notre  argent,  et  empêché  le  développe- 
ment du  socialisme  à  St-Étienne. 

Un  an  plus  tard,  la  vérité  nous  rallie  avec  honneur  autour  du 
drapeau  du  socialisme  révolutionnaire  international.  Nous  rele- 
vons bien  haut  ce  que  vous  aviez  mis  bien  bas.  Nous  reprenons  ce 
que  vous  aviez  enlevé,  nos  vraies  couleurs  de  vrais  socialistes. 

Vous  osez  traiter  d'intrigants  et  d'escroqueurs  les  citoyens  qui 
sont  venus  nous  apporter  les  insignes  de  vérité  ;  ceux-là  sont  des 
frères  pour  nous;  ils  ne  nous  ont  pas  trompés,  mais  il  vous  ont 
arraché  le  masque  noir  qvie  vous  portez  et  nous  avons  vu  que  vous 
n'étiez  que  des  gens  corrompus,  hypocrites  et  dignes  de  mépris. 
Vous  dites  que  vous  avez  tenu  à  Lyon  une  assemblée  dans  laquelle 
il  y  avait  trois  cents  citoyens  de  Neuville,  et  devant  laquelle  le 
citoyen  Martin,  qui  présentait  notre  protestation,  a  été  hué.  Nous 
pi^enons  fait  et  cause  pour  ce  digne  citoyen.  Nous  "disons  que  vous 
avez  menti  en  affirmant  que  vous  aviez  une  autre  lettre  de  nous  qui 
démentait  notre  protestation. 

Nous  vous  connaissons  ;  trois  cents  citoyens  ne  seraient  pas 
venus  faire  quatre  lieues  pour  écouter  vos  ignobles  calomnies. 

Vous  dites  que  nous  ne  sommes  pas  des  citoyens  parce  que  nous 
avons  faitune  ^protestation  bien  légère.  Nous  avons  été  trop  honnêtes 
pour  nous  servir  des  paroles  injurieuses  et  odieuses  dont  vous  avez 
la  bouche  pleine.  Vous  vous  faites  nos  juges.  Nous  n'entendons  pas 
être  jugés  par  des  hommes  comme  vous.  Sachez  que  c'est  nous  qui 
sommes  vos  juges.  Si  vous  avez  du  cœur,  venez  à  St-Etienne,   et 


408  I.'INTKKNATIONA  M". 

nous  nous  chnrgeous  do  vous  rôpondic.  Dites-nous  quand  vous 
viendrez,  et  nous  vous  attendruns.  Vous  nous  avez  pris  pour  des 
ignorants  de  la  pire  espèce  ;  sachez  qu'il  y  avait  parmi  nous  des 
hommes  «mi  <*<)n)prennent  l'union  sctcinlc  des  traviùllcurs. 

Nos  fi'ères  de  Lyon  et  nous,  nous  vous  avons  r/inssrs  de  nos 
nuifjs  '.  Maiiifenanf  tous  nos  iVùres  de  fous  les  pays  sauront  que 
vous  ùlos  comme  le  chardon  :  malheur  à  qui  vous  touche. 

Pour  nous,  socialistes  révolutionnaires,  nous  poursuivons  noire 
u'uvro  malgré  tout,  et  rien  ne  pourra  ])lus  nous  diviser. 

Vous,  frères  de  Lyon,  qui  êtes  placés  sous  le  vrai  drapeau 
de  l'Association  internationale,  et  qui  résistez  depuis  si  long- 
temps aux  attaijues  de  tons  nos  ennemis,  nous  vous  serrons  la 
main  de  tout  cœur.  Vous  avez  été,  comme  nous,  mutilés  par  les 
calomniateurs.  Vous  avez  été  en  butte  aux  attaques  incessantes 
lie  la  démocratie  bourgeoise  et  des  partis  politiques  qui  veulent 
exidoiler  les  travailleurs.  On  vous  a  méprisés,  bafoués;  mais  re- 
doublez de  courage,  serrez  vos  rangs,  restez  toujoni-s  les  énergiques 
défenseurs  de  nos  ilroits  ;  unis,  nous  n'aurons  rien  à  craindre  et 
nous  saurons  nous  préserver  des  intrigants  et  des  ambitieux  de 
toute  espèce  qui  nous  entourent. 

Vive  l'Association  internationale  ! 

Salut  et  fraternité. 

Signé  :  DEhX\E;  JAYOL;  PHILIBEIIT;  BARBALLON;  PEY- 
CELLON;  COLLET;  VAOllEH;  UUiNLY  ;  RAVEL;  SAYNAHU; 
CHIBET;  GHOl'.EL;  COUBBON  ;  BOUSSIEB  ;  VIGNAL;  HOU- 
CHET;  BEBGEB;  FEHRIOL;  BEBOEH;  BBEUIL;  MIARL); 
GR1LI..EÏ;  CHENET,  membre  correspondant  -. 

PIÈCE  /•. 


l.A    JLSTICi;    DE    I.  INTERNATIONALE. 

Jugement  rendu  en  faveur  d'Albert  Richard. 

Le  jury   d'honneur   élu  par  la  seclion  cenlrale  de  (Jenévo    juge 
dans  l'affaire  des  accusations  renouvelées  jiar  les  citoyens  Aristiile 

1  Les  individus  iriYnocihlement  expulsés  des  sections  lyonnaise  et  stéphanoiso 
pour  indife-nite  et  notuniinent  pour  avoir  calomnié  de  la  manière  la  plus  horrilik-  lo 
citoyen  Albert  Kicbard,  sont  les  sieurs  iilaiu;,  tisseur;  Chanoi.  tisseur;  ScIkIIcI, 
uiécaiiicieii;  Carnul;  Yindry,  lemluiier.  et  Aristide  i'.urmier.  Ils  sont  signali's  aux 
sections  non-seuleiiient  cmume  caltinniialcurs,  mais  aussi  comme  traîtres,  car  ils  se 
sont  faits  les  sii  aires  dus  liancel,  de  la  franc- maçonnerie,  des  libres  penseurs  bour 
geois,  et  autres  ennemis  du  socialisme.  (Note  du  journal  If  i'ruyris  du  Lotif,  uu 
cette!  protestation  a  eti-  insérée.) 

«  Chenet  est  actuellement  détenu  n  Versailles  pour  avoir  pris  part  à  l'insunv  rt,,,n 
du  IX  mars. 


!•:  T    L  K   J  A  C  0  H I  N  I  S  M  E .  409 

Cormier  et  Carnal  de  Lyon  coulre  le  ciloyeu  All)ei't  lliehard  de  la 
même  ville  : 

Considérant  d'un  côté  que  sa  couslilutiou  a  été  rormellement 
demandée  au  comité  central  de  Genève  par  les  citoyens  Cormier 
et  Carnal,  qui  sont  aujourd'hui  les  principaux  accusateurs  contre 
Richard,  et  que  d'un  autre  côté  sa  compétence  a  été  reconnue  i)ar 
ce  dernier; 

Considérant  que  les  accusations  les  plus  graves  et  les  plus  infa- 
mantes ont  été  portées  contre  Richard  devant  l'Association  interna- 
tionale de  Genève  par  Cormier,  tant  verbalement  que  par  écrit,  et 
par  Carnal,  seulement  par  écrit,  et  que  ces  accusations  avaient  pour 
but  ostensible  de  faire  passer  Richard,  tant  devant  le  comité  cen- 
tral que  devant  tous  les  membres  de  l'Internationale  de  Genève, 
pour  uu  traître  avec  lequel  cette  association  doit  rompre  toute  rela- 
tion et  correspondance  ; 

Ayant  pris  connaisance  des  protestations  (jui  lui  sont  parvenues 
de  la  part  des  citoyens  Carnal  et  Blanc,  qui  ne  veulent  plus  recon- 
naître la  compétence  de  ce  jury,  dont  ils  avaient  eux-mêmes  solli- 
cité la  formation  par  l'organe  d'Aristide  Cormier,  passe  outre  ces 
protestations  dénuées  de  tout  fondement  et  de  toute  justice,  et  se 
déclare  entièrement  compétent  pour  prononcer  son  jugement  défi- 
nitif dans  cette  affaire. 

En  conséquence  de  quoi  : 

Considérant  que  la  principale  accusation  contre  Richard  avait  déjà 
été  portée,  au  nom  des  mêmes  accusateurs,  par  le  citoyen  Schettel 
de  Lyon,  devant  le  congrès  de  Lausanne,  en  septembre  1867,  que 
ce  congrès  a  fait  juger  cette  affaire  par  un  jury  d'iionneur  élu  dans 
son  sein,  et  que  ce  jury  a  déclaré  à  l'unanimité  Albert  Richard  non 
coupable  ; 

Considérant  que  les  accusateurs  de  Richard,  sans  aucun  égai'd 
pour  le  jugement  prononcé,  et  sans  apporter  la  moindre  preuve 
nouvelle  contre  Richard  ont  continué  de  l'accuser,  c'est-à-dire  de 
le  désigner  et  de  le  calomnier  partout  où  il  existe  une  section  de 
l'Association  internationale,  à  Paris,  à  Londres,  à  Bruxelles  et  à 
Genève  ;  et  qu'ils  se  sont  efforcés  de  le  représenter  partout,  avec  un 
acharnement  incx'oyable,  comme  traître,  comme  espion,  comme 
escroc,  comme  affdié  des  jésuites  et  comme  un  homme  vendu  à  la 
bourgeoisie  ; 

Que  lorsque  nous  leur  avons  demandé  des  preuves  à  l'appui  de 
toutes  ces  accusations,  ils  n'ont  été  en  état  d'en  fournir  aucune,  et 
se  sont  contentés  de  nous  envoyer  une  seule  pièce  :  la  copie  d'une 
lettre  d'un  certain  Grinand  de  Lyon  au  citoyen  Carnal,  contresignée 
par  ce  dernier,  et  dans  laquelle  Grinand  rapporte  faussement  à 
Carnal    des  paroles    qu'il    dit    avoir  entendues  de   la    bouche    du 


/iio  i.'inti;h\ati()na  lk 

citoyon  K.  Dupont,  membre  «lu  conseil  ^'-n*'''"'  •'<*  Londres,  eu 
se|>li'mliro  IXIJS,  a  IJruM'Iles  ; 

Kt  que  In  citoyen  K.  Diipont,  <lonl  la  v«^rncilé  et  le  hnul  senli- 
ment  do  justice  ne  snurniont  èlro  mis  en  question  par  personne, 
iléelnre.  pnr  iino  lettre  <[u'il  a  l)ien  voulu  nous  ndrosHer.  qu'il  n'a 
prononcé  nucune  des  paroles  ou  accusations  ronti'c  Richard  qui 
lui  ont  cfé  nttriliiu'cs  par  (Irinand  ; 

Ayant  pris  connaissance  des  explications  jinrfailement  satisfai- 
santes qu'Albert  lUihard  nous  a  données  par  écrit  et  de  licancoup 
d'autres  lémoi{çnages  qiii  nous  sont  arrivés  tant  do  Neuville  que  de 
T.yon  ; 

Nous,  membres  du  jury  d'hnnnciir,  réunis  en  séance  dans  le 
cercle  de  l'Associalion  internationale  de  Genève,  le  'J  juin  \HC\9,  sur 
noire  honneur  et  conscience  déclarons  à  l'unanimité  : 

Que  les  accusations  portées  contre  le  citoyen  Albert  Richard  sont 
absolument  fausses  et  calomnieuses; 

Qu'elles  ont  été  évidemment  dictées  par  la  jalousie  et  par  l'in- 
lri{!fue; 

(Ju'Albert  Richai-d,  p\n'  de  Ions  les  crimes  et  délits  qu'on  lui  a 
imputés,  a  toujours  servi  fidèlement  et  avec  autant  d'intelligence 
que  de  zèle  la  cause  des  travailleurs  et  qu'il  a  toujours  mérité  la 
sympathie,  la  conliance  et  l'estime  de  tous  les  compa.q-nonsdc  notre 
:;i  aiule  Association  internationale  ; 

Enfin,  que  dans  l'intérêt  même  <le  la  sainte  cause  de  l'émancipa- 
(iondu  travail  et  des  travailleurs,  les  ouvriers  doivent  prendre  bien 
tjarde  de  ne  point  s'accuser  légèrement,  en  se  dénigrant  les  uns  les 
.lutres,  et  de  ne  point  servir  par  là-même,  contre  cette  même  cause, 
d'instrument  à  la  réaction  bourgeoise. 

M.  BAKOUNINE;    PUTHON  ;  M.  MONCIIAI.  ;   P.  W.EHPY; 
F.  PAILLARD  '. 

PIÈCE  N. 

DOCUMENTS    nEl.ATlFS    AUX     FKnKHATIONS    KSPAONOI.F.S. 


Barcetono,  31  mars   IS70. 

Compagnon  président  du  congrès  romand, 
Sachant    que   le    congres   romand   réuni   à  la   Chaux-de-Fonds, 
auquel  la  chambre   ledéi-alc   de  Barcelone  souhaite  le  plus  hiillanl 

i  Nous  avons  dc'-jàfait  connaîtro  {l.'liiternalinnolf.  Anne.rf.<i.  l'ii-ce  Ti  qu'un  jugement 
iivail  été  TMiidu  dans  cetU-  iiu-ine  afraii  u  par  Iq  conseil  goni'-ral  de  Londre^^. 


ET    LE    JACOBINIBME.  411 

succès,  onfre  les  questions  locales  traitera  des  questions  générales 
ou  de  principe,  nous  ci'oyons  convenable  et  esi)érous  que  vous  ne 
(rouverez  pas  mauvais  que  nous  constations  l'opinion  de  la  niajo- 
ri(é  des  ouvriers  fédérés  chez  nous  sur  ces  questions. 

Sur  l'oi'ganisation  ou  la  fédération  des  caisses  de  résistance, 
nous  sommes  complètement  d'accord  avec  les  résolutions  du  con- 
grès de  Bâle  qu'il  faut  mettre  en  pratique  le  plus  tôt  possible.  En 
attendant  la  solidarité  entre  toutes  les  sociétés  du  même  métier, 
nous  cherchons  à  établir  la  solidarité  entre  les  différentes  sociétés 
de  la  même  localité. 

Quant  à  la  coopération,  nous  sommes  aussi  d'avis  qu'elle  doit  se 
faire  solidairement  entre  toutes  les  sociétés  différentes  de  la  même 
localité,  et  que  pour  le  moment  elle  doit  se  borner  aux  industi-ies 
qui  ne  laissent  pas  de  doute  sur  le  bon  résultat  assuré  par  la  seule 
consommation  des  ouvriers  intéressés. 

Relativement  à  l'attitude  des  ouvriers  vis-à-vis  des  gouverne- 
ments, nous  sommes  heureux  de  pouvoir  constater  que  les  ouvriers 
d'Espagne  se  convainquent  de  plus  eu  plus  qu'ils  n'ont  absolument 
rien  à  attendre  de  leur  participation  dans  les  affaires  d'État,  que 
tolit  le  temps  et  tous  les  efforts  consacrés  à  leur  procurer  une  amélio- 
ration par  ce  chemin,  non-seulement  sont  pitoyablement  perdus,  mais 
au  contraire  sont  positivement  nuisibles,  parce  que  de  telles  tenta- 
tives ne  sont  que  trop  susceptibles  d'égarer  un  grand  nombre  de  nos 
compagnons  de  misère,  comme  nous  le  voyons  à  notre  grand  regret 
en  France,  en  Angleterre,  en  Allemagne  et  dans  la  partie  allemande 
de  la  Suisse,  Inutile  de  dire  que  nous  félicitons  la  fédération 
ropaande  pour  son  radicalisme  socialiste  si  bien  représenté  par  le 
Procfvès.  Aussi  croyons-nous  que  les  sections  romandes  ne  seront 
pas  disposées  à  transiger  avec  les  socialistes  bourgeois,  et  qu'elles 
sont  convaincues  que  si  les  ouvriers  ont  à  espérer  leur  émancipation 
de  leurs  propres  efforts,  ils  ne  doivent  pas  gaspiller  leurs  forces 
en  tâchant  d'arracher  les  privilèges  aux  bourgeois  morceau  par 
morceau. 

Au  nom  des  ouvriers  d'Espagne  conscients  du  but  de  leurs  efforts 
et  en   train  de  célébrer  un  congrès  eux-mêmes,  nous  présentons 
\v  au   congrès  romand  nos  salutations  les  plus  coi^diales  et  les  plus 

fraternelles. 

G.  SENTINON,  délégué  au  congrès  de  Bàle  ;  RAFAËL;  FARGA; 
PELLICER,  secrétaire  de  la  chambre  fédérale  des  sociétés 
ouvrières  de  Barcelone,  et  délégué  au  congrès  de  Bâle. 


41?  I.'INTF.MNATIONALK 


II 
Au  riloyrn  Vnrlin. 

«  Barcelont',  10  avril  1870. 


Mou  cluT  ami. 


•  C'est  avec  lo  plus  j,'ran(l  plaisir  que  j'observe  quelle  jiart  active 
vous  prenez  dans  l'organisation  des  sociélés  ouvrières  sur  toute  la 
PVance.  Vous  voilà  dans  le  beau  chemin,  le  seul  qui  conduit  droit 
an  but.  Tout  le  temps  et  tous  les  efforts  voués  à  d'autres  choses 
non-seulement  sont  perdus,  mais  directement  nuisibles.  C'est  avec 
regi-ot,  ;ivec  douleur  que  je  vois  tant  d'hommes  sincères  s'occuper 
à  combatlie  le  youvernemi-ut  ou  tel  autre  mal  particulier,  au  lieu 
de  viser  directement  à  l'ensemble  des  questions  à  résoudre.  Si 
les  peuples  de  race  germanique  s'occupent  de  détails  et  perdent 
de  vue  l'ensemble,  le  vrai  but,  cela  n'a  rieu  d'étonnanl,  mais  c'est  à 
nous  autres  peuplos  de  race  latine  de  corriger  ce  défaut,  d'en  con- 
trebalancer les  mauvaise  conséquences,  et  non  de  nous  laisser  en- 
traîner ilans  la  même  voie  des  petits  moyens,  des  palliatifs.  • 

«  A  quand  l'avènement  délinitif  de  la  justice?  Voilà  la  question. 
Voulez-vous  que  liberté,  égalité,  fraternité  ne  cessent  d'être  des 
paroles  vaines  et  creuses  qu'après  des  siècles? 

«  Eh  bien,  alors  attaquez  les  gouvernements  monarchiques,  éta- 
blissez des  républiques  déplus  en  plus  démocratiques,  amassez  des 
capitaux  en  épargnant  des  sous,  instruisez-vous  de  mieux  en 
mieux,  et  vous  aurez  l'iuie  après  l'autre  la  liberté,  l'égalité  et  la 
fraternité  et  l'an  3000  la  justice  sera  laite  sur  la  terre.  Voilà  un 
idéal  à  faire  pleurer  de  satisfaction  un  philosophe  allemand. 

«  Nous  autres,  travailleurs  espagnols,  nous  n'avons  pas  cette  pa- 
tience séculaire;  nous  voulons  voir  la  justice  établie  le  plus  tôt 
possible,  en  cinq  ou  dix  ans,  el  pour  cela  nous  marchons  droit  au  but 
sans  dévier  en  ne  nous  occupant  d'autre  chose  que  de  l'organisa- 
tion des  sociétés  ouvrières.  Peu  nous  importe  qu'on  donne  à  l'Es- 
pagne un  loi  ou  quel  soit  ce  roi  ou  un  empereur  ou  un  président 
de  la  République  ou  même  une  douzaine  de  ces  présidents,  nous  sa- 
vons d'avance  que  ce  seront  les  mêmes  chiens  avec  ditïérvnts  col- 
liers. Le  gouvernement  le  plus  tyiannique  ne  nous  pourra  pas 
empêcher  deserrer  nos  rangs  sous  tel  ou  toi  autre  nom,  de  jeter 
des  bases  solides  pour  l'édifice  futur,  et  ajtrès  (|uelques  années, 
un  beau  jour  rKs])agne  s'éveillera  libre  de  tout  gouvernement, 
libre  de  toute  iniscrc,  libre  de  tout  parasite,  contenue  seulement  par 
les  liens  élastique  de  la  fraternité. 

♦  Tous  les  ouvriers  Espagnols  ne  sont   pas  encore  bien  pénétrés 


ET     LK    JACOiîlMSME,  413 

de  cette  conviction  et  vous  voyez  une  ^^rande  partie  d'entre  eux 
accourir  aux  clubs  politiques  et  en  général  s'occuper  trop  sérieuse- 
ment de  certaines  améliorations  partielles.  Ainsi,  la  semaine  passée, 
la  question  de  la  conscription  a  failli  produire  une  révolution  dans 
notre  ville  ;  heureusement  la  pluie  est  venue  refroidir  les  tèies 
échauffées.  La  ville  de  Gracia,  située  environ  à  quatre  kiloniùtres 
au  nord-ouest  de  Barcelone,  et  qui  compte  plus  de  8,000  habitants, 
avait  résolu  de  ne  faire  la  conscription  sous  aucune  condition.  Celait 
se  soulever  contre  les  Cortès  et  par  conséquent  extrêmement  illégal. 
On  fit  des  barricades  excellentes,  et  le  gouvernement  civil  et  mili- 
taire, par  des  affiches  menaçantes  qui  trahissaient  la  peur  qu'il  avait, 
sut  entraîner  Barcelone  dans  le  mouvement.  Dans  la  nuit  de  lundi 
à  mardi,  on  érigea  plus  de  cent  barricades  dans  la  ville,  et  mardi 
et  mercredi  il  y  eut  des  coups  de  canon  et  de  fusil  dans  les  deux 
villes,  malgré  la  pluie  de  ce  dernier  jour  ;  mais  tandis  que  les  ha- 
bitants de  Gracia  déclaraient  qu'ils  voulaient  ou  vaincre  ou  mourir, 
les  Barcelonais  s'étaient  déjà  lassés.  Le  bombardement  de  Gracia 
dura  avec  quelques  interruptions  jusqu'à  samedi';  quand  les  troupes 
entrèrent  dans  la  ville  sans  trouver  la  moindre  résistance,  il  n'y 
avait  absolument  personne  dans  les  rues,  on  s'était  retiré  dans  les 
montagnes,  voyant  qu'il  n'y  avait  rien  à  espérer  de  la  participa- 
tion de  Barcelone.  Pour  discréditer  ce  mouvement,  on  disait  que 
c'était  une  tentative  carliste,  mais  le  gouvernement  était  d'autre 
opinion,  car  depuis  le  premier  jour  il  supprima  les  deux  journaux 
républicains  el  Estado  Catalan  et  la  Raaoïi,  et  comme  ce  dernier 
reparut  le  lendemain  sous  le  nom  de  la  Chelon,  on  vint  s'emparer 
des  imprimeurs  et  des  rédacteurs  qu'on  put  trouver.  Pour  donner 
plus  d'importance  atout  cela  et  pour  cacher  la  grande  peur  qu'on 
avait  éprouvée,  on  fit  un  bon  nombre  de  prisonniers  en  empoi- 
gnant à  tort  et  à  travers. 

«  Sùjné  :  SENTINON.  » 


PIEGE  t. 

DOCUMENTS    RELATIFS    AU    CREUZOT. 

Vf  Le  Creuzot,  le  12  avril  1870. 

«  Compagnon  Yarlin, 

«■  La  section  de  l'Internationale  du  Creuzot  est  en  voie  de  forma- 
tion :  nous  sommes  aidés  par  le  citoyen  Malon  qui,  dans  une  réu- 
nion privée  que  nous  avons  eue,  a  complélemeut  terminé  ce  que  nous 


.\i\  L'lNTi;i{NATlnNALK 

avions  si  bien  commencé.  Les  principes  .socialistes  sont  implantés 
ici  niuintcnanl. 

a  Salut  cl  fratornilé. 

a  Shjnô  ;  DU  MAY  «. 

..  Le  Creuïtit,  12  avril  1870. 

>'  Mon  bien  cher  ami,  l{ichurd, 

«  Je  l'envoie  une  fraternelle  poijj'ncu  de  main  et  le  prie  de  faire  buii 
accueil  à  J.-  M.  Vrriinml,  mcmiire  de  rinlernulionale,  mon  bon  ami, 
l'ami  de  Varlin,  une  victime  de  ce  Schneider  dont  les  pratiques  te 
soift  connues.  Veuille  le  présenter  aux  internationaux  de  Lyon  cl 
lui  accorder  ton  amitié,  il  en  est  digne.  C'est  un  des  plus  tenaces  ré- 
voltés crcuzolins  du  19  janvier,  en  un  mot  il  est  des  nôtres  et  la  fra- 
ternité internationale  doit  le  couvrir. 

«  Fais  des  compliments  pour  moi  aux  socialistes  lyonnais  pour 
toutes  les  belles  choses  qu'ils  font,  présente  mes  sympathies  à  tes 
parents,  à  madame  Barbet.  Jeté  serre  bien  rralcrnclleiueul  la  main 
et  je  t'aime  de  tout  mon  coeur. 

«  Ton  fivre  et  vieil  ami. 

«  Sifjné  :  U.  M.-VLU.N. 

a  En  ce  moment  au  Creuzot,  chez  Gafflol,  yi,  rue  de  Chalon-.  » 

«  Le  Cieuzol,  18  avril  1870. 
«  Citoyen, 

a  La  grève  est  à  peu  près  terminée  sans  que  Schneider  ait  fait  au- 
cune concession.  Les  proscriptions  sont  à  l'ordre  du  jour  et  la  mi- 
sère en  est  le  grand  résultat,  bien  entendu,  et  les  secours  arrivent 
bien  à  propos. 

w  Nous  vous  remercions  au  nom  des  victimes,  et  nous  vous  enga- 


1  Au  mois  (Je  scploiubre  isTO  le  cituyi-ii  Uuiiiuy  a  ôtu  iiuniiiii;  maire  du  Crouzol 
par  arrêté  du  préfet  de  Suone-Ct-Loiro,  Frédéric  Morin  Lo  26  inar.s  luT),  il  a  pro- 
rlamé  la  commune  au  Creuzot;  il  vieul  d'Être  coudamué  par  conlumaie  à  la  der- 
nière sessiou  de  la  cour  d'assises  de  Saôue-eULoiro  à  la  poino  dos  travaux  forcés 
il  perpétuité. 

2  Gaffiot,  devenu  agent  de  police  sous  la  répubUquu,  a  oto  renvoyé,  au  mois  de 
septembre  18"1, devant  la  cour  dassise.»'  dt;  Saône-el-Loire  pour  avoir  pris  part  aux 
trouilles  du  Creuxot,  et  h  elé  condamné  par  conlumace  à  la  peine  do  la  déportation 
dans  une  enceinte  fortifiée. 


ET     LE     .)  ACOHINISME.  41b 

geons  à  faire  part  de  notre   i-econnaissauce   aux  braves  ouvriers 
qui  ont  si  bien  compris  les  grands  principes  du  socialisme. 

u  Le  comité:     ALÉMANUS;  TESTAR  ;   POIGNOT;   SUPPLICY  ; 
DUMAS;    GOFFIER. 

«  P.-S.  Le  citoyen  Malon,  correspondant  de  la  Marseillaise,  a 
organisé  ce  comité.  » 

[Peuple  de  Marseille,  20  avril  1870.) 
PIÈGE   u. 

t  DOCUMENTS  GÉNÉRAUX  SUH  l'iNTEKNATIONALE. 

I 

«  Il  y  a  cinq  ans  qu'elle  vit,  et  sa  puissance  est  déjà  devenue  si 
formidable  que  les  gouvernements  comptent  avec  elle.  Elle  a  dit 
en  dépliant  ses  anneaux  dans  tous  les  pays  : 

K  Travailleurs  malheureux,  donnez-vous  la  main  sur  la  base  du 
travail  ligué  contre  l'oppi-ession  des  capitalistes;  ensuite  nous 
organiserons  nos  forces,  nous  tracerons  notre  programme  et  nous 
discuterons  nos  idées.  » 

«  Cinq  années  de  vie  seulement,  et  la  bourgeoisie  est  si  profondé- 
ment ébranlée  dans  tous  les  pays,  que  partout  elle  réunit  ses  baïon- 
nettes, partout  elle  cherche  à  organiser  le  massacre  des  tra- 
vailleui's,  partout  enfin  elle  a  peur,  mais  elle  résiste. 

«  Et  nous,  pourrons-nous  résister  ? 

«  Si  non,  il  faut  nous  dissoudre. 

«  Si  oui,  il  faut  rendre  notre  organisation  formidable,  donner  ba- 
taille à  la  boui'geoisie,  et  en  triompher.  » 

.Discours  prononcé  par  Michel  Bakounine  au  meeting 
tenu  sur  le  Crèl  du  Locle,  le  30  mai  1869.) 


II 

«  A  l'apparition  des  premiers  préludes  de  la  transformation 
sociale,  la  boui'geoisie  stupéfaite  s'ai-rache  à  son  ivresse;  un  cri 
de  justice  est  venu  troubler  son  orgie  séculaire  ;  mais  elle  aura 
beau  faire,  sa  condamnation  est  gravée  sur  la  muraille, 

«  Des  aujourd'hui,  le  gant  est  jeté  :  les  travailleurs  ont  arboré 
leur  drapeau.  A  l'époque  de  misère  et  de  dégradation  a  succédé 
l'époque  du  réveil  et  dU  combat.  Nous  sommes  descendus  dans 
l'arène  et  nous  y  resterons  ou  nous  on  sortirons  libres  et 
vainqueurs 


41(i  L'IMKHN  A  IlON  ALI, 

•  A  la  faveur  des  immenses  progrès  moraux  et  inalcricis  nouvel- 
lement réalisés,  la  bourgeoisie,  délivrée  de  l'oppression  cléricale, 
est  devenue  à  son  tour  la  classe  exploitante.  La  société  europccnne 
du  dix-ncuvionie  siècle  n'a  jdus  d'esclaves,  il  est  vrai;  mais  clic 
a  des  prolétaires.  Qu'est-ce  «juo  le  prolétariat,  sinon  cet  esclavage 
hypocrite,  cet  esclavage  civilisé  à  l'aide  duquel  les  bourgeois  ex- 
ploitent les  ouvriers?...  Nous  voulons  à  tout  prix  en  finir  avec 
cello  bourgeoisie,  qui,  froide  et  insensible  au  milieu  des  crises 
sociales  les  plus  tcriihles,  est  vraiment  l'apothéose  de  l'égoïsmo  et 
la  honte  de  notre  civilisation...  .Nous,  travailleurs,  qui  pioduisons 
la  richesse  sociale,  nous  ne  pouvons  i-ien  par  nous-mêmes. 

«  Avons-nous  besoin  d'une  bonne  loi,  implorons  les  monarques 
et  ceux  qui  les  entourent;  avons-nous  besoin  de  protection,  implo- 
rons les  cafards;  avons-nous  besoin  de  travail,  implorons  les 
bourgeois.  Implorer,  implorer  sans  cesse,  s'humilier,  se  dégrader, 
souffrir,  voilà,  sous  le  régime  de  la  force,  la  destinée  des  tra- 
vailleurs. 

«  Des  grâces  du  bon  liicu,  nous  n'en  voulons  plus,  des  consola- 
«  tiens  des  prêtres,  nous  n'en  voulons  plus,  de  la  pitié  des  bour- 
^  geois,  nous  n'en  voulons  plus:  ce  que  nous  voulons,  c'est  la  grande 
>i  révolution  des  truvaillenrs,  la  seule  qui  nous  donnera  la  lUjerté, 
•  parce  (itrelle  seule  peut  faire  éclore  dans  ce  vieux  monde  malade 
'    et  gangrené  la  paix  sociale  et  la  fi  aternité.   » 

(E\ Irait  d'un  discours   prononcé  par  un  nieniljre  de 
la  section  de  Lyon.  Année  1870.1 

«  Une  puissance  nouvelle,  année  d'un  droit  nouveau,  a  surgi,  et 
cette  puissance  qui  se  pose  en  face  des  exploiteurs  et  des  tyrans 
comme  le  spectre  des  générations  éteintes  dans  les  fers  de  l'escla- 
vage, comme  l'incarnation  vivante  de  la  justice  j)opulaire,  c'est 
l'Internationale.   » 

(Progrès  du  Locl>\  —  mai  1S70.) 

«  Dès  le  quatorzième  siècle,  le  réveil  social  eut  lieu  en  F'rancc 
mais  ce  n'est  ni  le  roi,  ui  les  princes,  ni  les  savants,  ni  les  prêtres 
d'alors  i\\i\  l'ont  provoqué. 

«  Les  rois  et  les  princes  de  cette  époque  étaient  comme  ceux 
d'aujourd'hui,  des  individus  très-insignitiants,  qui  n'avaient  d'autres 
soucis  que  de  boire,  de  manger,  de  chasser,  de  danser  et  de  mener 
une  vie  que,  par  respect  pour  vous,  je  m'abstiens  de  qualifier... 
Leurs  royaumes  n'étaient  pas  des  sociétés  humaines,  mais  de  sim- 
ples abattoirs... 

u  La  révolution  de  l.SiS  qui  ne  fut  que  i)oliliquc,  parce  que  l'idée 
socialiste  ne  la  dominait  pas,  parce  que  les  instincts  populaires 
n'étaient  pas  encore  nettement  définis,  la  révolution  de  ISiH  vint 


K  r     Li:     JACOIIINIBMK.  r^^^ 

st;  l>i-is('i-  lonire  l'éeueil  de  Juin  ;  reniprisonueineat  de  Blanqui,  de 
Marbés  el  de  Haspail  lut  l'acte  de  déchéance  de  la  l)onrgeoisie 
pépuhlirainc 

«  .fusqu'à  iH'ésout  toutes  les  lois  n'ont  (Mi  d'autre  })ut  que  de  pro- 
téger  les  exploiteurs  eonti'c  les  exploités,  ou  si  l'on  préfère,  d'em- 
pêcher les  travailleurs  de  reprendre  par  la  violence  ce  que  l'on 
leur  avait  pris  par  la  ruse 

•  Jules  Favre  disait  dans  son  discourssnr  les  droits  civiques  que 
la  politique,  plus  que  toute  autre  chose,  influait  sur  la  marche  des 
sociétés  et  sur  le  développement  de  leur  organisme  intérieur.  Baneel 
et  les  autres  disent  à  peu  près  la  même  chose  ;  eh  bien,  nous  disons 
le  coiilraire.  Ce  n'est  pas  la  politique  qui  influe  sur  les  sociétés, 
c'est  la  société  qui  influe  sur  la  politique;  c'est  ce  (juise  passe  dans 
les  régions  productives  du  travail  et  du  capital  qui  influe  sur  ce  qui 
se  passe  dans  les  régious  iu/ectes  de  1h  politique. 

Il  Aujourd'hui  l'on  s'aperçoit  que  la  politique  est  impuissante  à 
réformer  la  société:  les  travailleurs  ont  fait  un  retour  sur  eux- 
mêmes  ;  ils  ont  vu  quelle  immense  force  résidait  en  eux,  et  ils  ont 
enfin  songé  à  faire  leurs  affaires  eux-mêmes  :  ce  ne  sont  plus  seu- 
lement des  droits  politiques  que  les  travailleurs  réclament,  ce  sont 
aussi  et  surtout  des  droits  sociaux.  » 

(Discours  piùiionc6  par  Richard  à  la  réunion  générale, 
tenue,  le  13  mars  1S70,  par  la  fédération  lyonnaise, 
salle  de  la  Rotonde. 1 

(1  Le  jour  où  les  sociétés  ouvrières  seront  organisées  dans  tous 
les  pays  et  reliées  par  l'Association  internationale,  la  classe  bour- 
geoise disparaîtra  et  la  puissance  sociale  appartiendra  alors  aux 
h'avail leurs.  « 

(Extrait  d'une  lettre  d'Eugène  Dupont  :in\.  tiron^ier; 
de  Lyon,  juillet  iS69.\ 


III 

ASSOCIATIOX    INTERNATIONALE    DES  TRAVAILI.F.l'RS. 

Adresse  aux  électeurs  de  France. 

u.  Citoyens  électeurs, 

a  En  présence  du  grand  événement  qui  se  prépare  eu  France,  les 
élections,  l'Association  internationale  des  travailleurs,  branche  fran- 
çaise, section  fédérale,  à  Londres,  croit  devoir  vous  faire  entendie 
sa  voix. 

'■  Elle  se  pose  ces  deux  questions  : 

<i  1°  T)oil-on  ou  ne  doit-on  pas  voter  '? 

27 


Ils  I.  INTKlîNATIONALK 

•  'i"  l'.omnionl  fiinl-il  voler? 

«  .V  la  proiniiTC,  nnus  rcjjondrous  : 

■<  Voler,  c'est  faire  acte  poliliquc,  aflirincr  votre  ilroil  et  vnîie 
souveraineté. 

«  C'est  sanctionner  l'occnijalion  constante  tic  Home,  rcxpéililiou 
du  Moxiriuc,  les  f^norres  eonlinuelles,  l'impùt  ilu  sanj,',  les  arresta- 
tions partielles  ou  en  niasse,  les  cinpi'unts  successifs,  l'appauvris- 
semcnt  de  la  Krancc,  raufjmcntation  de  la  dette,  la  légitiniilc  du 
2  Décembre,  ou  c'est  flétrir  et  désapprouvei"  souverainement  de  jia- 
reils  actes. 

"  No  pas  voter,  c'est  renier  votre  souveraineté,  c'est  laisser  se 
consommer  l'œuvre  de  deslruction,  sans  que  votre  bullelin  proti'ste 
on  indique  la  marclic  à  suivre,  c'est  faire  abandon  du  peu  de  liberté 
i[ui  vous  reste,  c'est  préparer  l'esclavage  de  vos  enfants,  c'est  faire 
preuve  d'ignorance  sur  l'iiistiuction.  c'csl  rciiicr  vos  ocres  de  ??, 
et  leur  grande  œuvre. 

«  Ku    effet,   ils    doiveni  se    ■.n-c,  sou.^    ic    iii;r.r,c;n;  l'ivi'pr-     nu    Ic^ 

couvre  de  gloire  :  Honte  à  nos  fils  ! 

«  Honte  à  nous  d'avoir  produit  de  jiareils  rejetons  1 
«  L'absLcntiou  est  d'ailleurs  un  crime  en  matière  politique. 
X  Examinons  froidement  la  seconde  question. 
«  Les  députés  sortants  ont-ils  fait  leur  devoir? 
«  Non!  la  majorité,  d'ailleurs,  ne  représentait  pas  la  souvorainele 
du  peuple. 

«  La  minorité  qui  le  représentait  l'a-t-elle  l'ail? 
'(  Non.  Pourrait-elle  mieux    faire?  Oui,  en  protcslnnl  énergique- 
ment  contre  l'autorité  du  pouvoir  exéci;tif,  q>ii  csl  la  négation  de  la 
souveraineté  du  peuple. 

«  Ceux  que  vous  êtes  appelés  à  élire  devront  donc,  en  face  d'un 
pouvoir  personnel,  revendiquer  par  tous  les  moyens  les  droits  im- 
prescriptibles du  peuple  français. 

Il  Pinrdo  :  lutter,  c'est  ton  devoir! 
S;dut  fra'crncl. 
"  .\i\  nom  de   la  branche   française  réunie  on   séance  ex- 
traordinaire. 

«  Lcscci'ùtn.  ve  :  MONTHUS  ; 

"  La  président  :  C.  BESSOX.-  b 

{La  Cigale,  23  mai  IS70. 


IV 

«  Citoyen  Varlin, 

'(  Un  journal  fondé  à  Vienne  (Autriche),  destiné  à  la  défense  de> 
intérêts  etd-^s  droits   ^-^  li  i^lassc  ouvricre  m'a   demandé  \me  cor- 


KT    LE    JACOBINISME.  UQ 

respondaucc  sur  le  mouvement,  le  progrès,  les  lendanees  et  les  es- 
pérances des  sociétés  ouvrières  de  France  et  de  Paris  en  particulier. 

«  J'ai  cru  qu'il  appartenait  à  la  fédération  de  prendre  elle-même 
on  main  la  direction  d'une  telle  entreprise  et  j'ai  décliné  l'honneur 
(jui  m'était  fait,  pensant  qu'un  pareil  travail  serait  mieux  fait  par 
les  délégués  des  ouvriers  que  par  une  individualité. 

<(  La  devise  de  l'Association  internationale  :  V omancipation  des 
fravailleurs  doit  êiro  l'œuvre  des  travailleurs  eux-mêmes,  m'a 
déterminé  à  vous  faire    la  proposition  suivante  : 

«  1"  Les  procès-verbaux  ou  tout  au  moins  une  analyse  des  discus- 
i^ions  delà  fédération  sei-a  adressée  une  fois  par  semaine  au  journal 
demandeur. 

«  2"  Les  sociétés  ouvrières  seront  en  outre  invitées  h  joindre  aux 
renseignements  généi^aux  tous  les  renseignements  particuliers 
qu'elles  jugei'ont  utile  de  faire  parvenir  h  leurs  associés  d'Autri- 
che et  d'Allemagne. 

«  Si  vous  voulez  bien  prendre  ma  proposition  en  considération, 
je  demande  à  être  entendu  d'abord,  et  à  vous  présenter  ensuite  et 
dans  le  plus  bref  délai  le  représentant  du  journal  de  Vienne. 

«  Je  prie  le  citoyen  Camelinat  de  vous  faire  parvenir  la  présente. 
Il  est  également  chargé  de  m'adresser  votre  réponse. 
«  .\gréez  mes  salutations  fraternelies.  » 

«  CHKMALK,  10,  rue  Yavin.  » 


«  Mulhouse,  (j  mars  1870. 
«  Citoyen  Varlin, 

«  Au  commencement  de  février,  j'avais  déjà  écrit  vme  lettre  pour 
vous  prier  d'avoir  la  bonté  de  m'envoyer  les  statuts  et  règlements 
de  l'Association  des  ouvi'iers  de  l'Internationale,  mais  au  moment 
de  la  mettre  à  la  poste,  j'ai  lu  dans  la  Marseillaise  votre  arresta- 
tion ;  enfin  vous  voilà  relâché,  et  je  vous  fais  de  nouveau  la  même 
demande. 

«  La  situation  de  l'ouvrier  à  ]»Iulhouse  est  loin  d'être  brillante  : 
nous  avons  des  fabricants,  des  tyrans  de  la  pire  espèce,  et,  mal- 
gré toutes  les  injustices  commises  tous  les  jours,  l'ouvrier  ne  sait 
trouver  le  l'emède  de  tous  ces  maux. 

«  Depuis  près  d'un  an,  chaque  semaine,  une  fois,  je  réunis  chez 
moi  une  vingtaine  de  mes  confrères  des  divers  établissements  de 
la  ville,  imprimeurs,  mécaniciens;  fdeurs,  etc.,  pour  parler  un  peu 
politique.  ^Mercredi  prochain  nous  nous  i-éunissons  pour  ouvrir 
une  souscription  pour  nos  frères  du  Creuzot.  La  semaine  pro- 
chaine j'espère  avoir  les  statuts  demandés. 


4J()  l,"IN  1  Fit  NATION  M. F. 

n  N()u>  vt'i'j'ons  ff  (|uo  nous  pdiiiTinis  fiiii'c  ici.  romlt  r  .|.-s  ili.im- 
brcs  syndicales,  de. 

«  Nous  ;iur(ins  heaucuuii  do  difliraUt-s,  nuiis  le  counij^c  uo  muis 
fera  pas  défaut,  avec  le  temps  el  la  pcrsévérancf  »»ii  viendra  à  l»oul. 

a  Parler  du  choiera  ici,  n'efCvaycntit  pas  (uni  MM.  les  riiiiitn- 
listes,  quosi  on  finrlc  ilr  l' Intornaliouulc.  NalurellonnMil  ;  «'"esl  hicn 
clair  :  jusqu'aujourd'hui  ils  nul  régné  en  maîtres  (système  SchutM- 
der  et  compaj^nie)  el  ils  liennenl  aulanl  à  leur  loule-iiuissance  que 
uotro  bion-aiiut' l'mpoicur  ;  et  on  voudrait  leur  faii'o  opposition  ï 
mais  bigre,  on  no  souffrirait  pas  cela  !  à  la  porte  !  avec  ces  ciiarn- 
(]ncs  les  amis  do  l'ordre  co/ifiniicionl  h  trnvinlhr  et  ;i  nous  Fain; 
qarjncr  des  tnillions. 

•  Quoique  je  n'aie  pas  à  me  plaindre  de-  mes  patrons,  au  con- 
traire (je  suis  imprimeur  au  rouleau  chez  les  frères  Koeehlin), 
je  ne  peux  pas  voir  eommc  dans  les  autres  étaldissements  on 
traite  l'ouvrier  !  Pour  cela  donc  j'ai  formé  le  plan  do  commencer  la 
Campagne  contre  l'injustice  et  le  capital,  avec  l'espoir,  cher  ci- 
toyen, comme  nous  sommes  Idon  ij,'noranls  ici,  que  vous  nous  ai- 
derez de  vos  conseils  au  besoin.  Vous  ne  pouvez  pas  voiis  ima- 
giner quelles  précautions  il  faut  prendre  pour  iraguor  roiivi-ier,  on 
o>t  si  peureux  !  la  eonlianeo  manque  partout,  parée  que  dans  tous 
les  coins  on  croit  apercevoir  un  mouchard.  N'importe,  nous  agi- 
rons en  secret  jusqu'au  Jour  où  une  cerluino  ^oliiUirilr  sera  t'tahlir, 
et  quand  même  nous  arrivei'ons  au  but. 

tt  Bcaucoui)  de  jjersonnes  étaient  encore  bien  suri)rises.  quand,  le 
il\  février,  nous  avons  pu  réunir  une  soixantaine  de  citoyens  eoura- 
geux,  pour  un  banquet  eomménioratif,  qu'on  ne  nous  ait  pas  arrêtés. 

«  Enfin  je  vous  prierai  encore    une  fois  de  m'envoyer  les  statuts 
demandés  et  plus  tard  je  vous  rendrai  compte  de  mes  efforts. 
.Je  vous  renioicie  à  l'avance  de  vos  peines. 

■  Salut  et  fraternité, 

i'   Fuokm;  \VE1S>. 
me  du  Houry-,  -i.  à  Mulhnuse  (Hiut-Khin) 


yi 

Adresse  do  lu  section  russe  à  ta  rédaction  do  la  .NIaiîsfm  i.aisi-, 

Geuèv  ',  Moiitbiillaiit,  8. 
Imprimerie   lo  l.i  C'mse  du  prupl^. 

t  (Utoycn  rédaoteur, 

.\ux  actes  sauva,i;es  de  la  ebalition  internationale  du    ■•apilal  ol 
lu  ehassepot,  la  solidarité  internationale  du   travail  el   de  l'intelb- 


ET     LK    JACOBINISMK  421 

geuce  à  son  tour  doit  opposer  des  actes,  car  le  momeat  est  venu  où 
In  réaftion  nous  obliire  à  ne  plus  nous  borner  à  de  simples  pa- 
roles. 

«  Sur  la  lerre  de  l'exil,  aussi  hieu  que  du  fond  de  leur  malheu- 
reux pays,  vos  frères  russes  accompagnent  de  leurs  vœux  ardents 
votre  marche  victorieuse  vers  l'affranchissement  social,  vers  la 
liquidation  complète  de  tout  cet  exécrable  ordre   de   choses  actuel. 

«  Ils  ressentent  douloureusement  les  souffrances  et  les  maux  tou- 
jours croissants  dont  le  2  Décembre  ne  cesse  de  vous  accabler, 
au  moyen  de  ces  mêmes  mesures  de  répression  el  de  persécution 
employées  par  son  frère  de  Saint-Pétersbourg,  le  bourreau  de 
Pologne,  l'oscamoteur  de  l'émaneipation  des  serfs  russes,  le  flagor- 
neur des  vieilles  et  funestes  tendances  panslavistes. 

«  Gai-  c'est  bien  du  plomb  et  de  la  prison,  de  la  soMatesque  soûlée 
et  de  la  magistrature  prostituée  que  se  sert  l'empire  russe  —  tout 
comme  l'empire  français,  —  pour  écraser  le  peuple  lorsqu'il  tente 
ces  grèves  —  non  organisées  encore,  mais  qui  néanmoins  éclatent 
'le  temps  à  autre,  —  ces  grèves  contre  l'impôt  de  plus  en  plus 
énorme,  que  le  peuple  ne  veut,  ne  peut  et  ne  doit  payer  à  ses  enne- 
mis, et  contre  cet  autre  impôt  —  impôt  de  sang  —  le  recrutement, 
qui  ne  s'opère  qu'afui  de  soutenir  l'empire  au  détriment  de  tous  les 
intérêts  du  peuple. 

«  La  branche  russe  de  rAssocialion  internationale  s'impose  le 
devoir  d'implanter  le  drapeau  international  en  Russie,  afin  que  la 
propagande  internationale  et  l'organisation  des  sections  de  métiers 
et  de  professions  réalisent,  dans  ce  pays  comme  ailleurs,  la  solida- 
rité qui  doit  unir  les  efforts  de  tous  les  peuples  dans  leur  lutte 
«commune  pour  une  vie  nouvelle,  affranchie  fie  toutes  les  chaînes  <lu 
privilège  et  de  Texploitation. 

n  Le  moment  est  grave  et  critique,  el  nous  croyons  servir  la  li- 
berté des  peuples  en  travailhml  à  relier  par  des  liens  fraternels 
rOrienl  ù  l'Oceidenl. 

«  L'Occident  a  rendu  d'immenses  services  à  la  cause  de  l'affran- 
chissement international,  et  la  France  surlout,  depuis  bientôt  un 
siècle,  pi'odigue  le  sang  de  ses  meilleurs  fils  pour  apporter  au 
monde  le  règne  de  l'égalité. 

('  Au  nom  ilu  peuple  russe,  nous  ne  saurions  mieux  témoigner 
notre  reconnaissance  à  la  France  révolutionnaire  et  socialiste, 
qu'en  travaillant  à  ce  que  la  transformation  sociale  —  qui,  selon 
toute  probabilité,  s'effectuera  premièrement  en  France.  — trouve  de 
Hièine  dans  le  peuple  russe  un  défenseur  du  nouvel  ordre,  et  vin 
ennemi  acharné  des  protecteurs  de  l'ordre  déchu. 

«  En  attendant,  les  souffrances  endurées  par  les  travailleurs  re- 
quièrent l'aide  et  le  soutien  de  leurs  frères  :  c'est  pourquoi  la 
première    section    internationale    russe,  r'onstiluée  à  Genève,  vous 


282  l.'lNTKlx.NATlUNALK 

prie  de  joiuiJiv  aux  buuscriplious  destinées  uu\  viclimo  t.,-,  ^-i,  \c>^ 
son  obole  IValonielle.  sa  prcmiùitt  colisiUion  cxlruurdinairo 
(100  francs^ 

«  Nous  nous  l'crmetloiis  do  prolitcr  dn  voire  urijano,  pour  dire  à 
nos  nombreux  compatriotes  losidaid  en  France,  ipiils  pourraient, 
mieux  qu'ils  ne  le  font,  apprécier  l'bospitaiité  ipu'  leur  offre  lu 
France,  et  que,  puisqu'il  s'agit  d'épaigner  la  mort  à  toute  une  popu- 
lation d'bommes,  de  fommcs  cl  d'enfants  succ(jmbant  à  la  faim,  il 
serait  pour  le  moins  de  leur  devoir  de  verser  aux  hureaux  de 
la  Marseillaise  leur  pai-t  de  cotisation. 

'.  Salul  et  fraternité. 

«  Pour  le  comité  de  la  section  russe, 

"  Le  secvctuirc  :  \.  TROUSSOFF. 

{lut.  8  mai  lS70.i 

MI 

DÉCISIONS  UUCONSKU.  GKNÉRA.L  UELATIVKMIiNT  A  LA  KKDKRATIOX  IlOMANDE 

Le  conseil  çiéih'n'al  un  comilr  fédéral  romand. 

■  Londres,  le  29  juin  1870. 
«  Considérant  : 

«  Que,  quoiqu'une  majorité  de  délégués  au  congrès  de  la  Cbaux- 
de-Fonds  ait  nommé  un  nouveau  comité  fédéral  romand  ,  cette 
majorité  n'était  que  nominale; 

«  Que  le  comité  fédéral  romand,  à  Gcnôvc,  ayant  toujours  rempli 
ses  ol)ligations  envers  le  conseil  général  et  envers  l'Association 
internationale  des  Iravaillcuis,  et  s'étant  toujours  conformé  aux 
statuts  de  l'Association,  le  conseil  général  n'a  pas  le  droit  de  lui 
enlever  son  titre; 

«  Le  conseil  général,  dans  son  assemblée  du  28  juin  18"0,  a  una- 
nimement résolu  ,  que  le  comité  fédéral  romand,  siégeant  à  Ge- 
nève, conserverait  son  titre,  et  que  le  comité  fédéral,  siégeant  à  la 
Chaux-de-Fonds,  adopterait  tel  autre  titre  local  qu'il  lui  plairait 
d'adopter, 

(1  Au  nom  et  par  ordre  du  conseil  général  de  l'Association 
internationale  des  travailleurs, 

.    II.    JUNG, 
"  Secrélairc  pour  In  Suisse.  « 


ET     LE     JACOBINISME.  423 

VIII 

r.KGLEMENT  OÉiNÉnAL  DES  GREVES. 

Article  l«^  —  Toute  section  faisant  partie  de  la  fédération,  ou 
qui  désire  en  faire  partie,  doit  avoir  une  caisse  de  résistance,  dont 
chaque  membre  do  la  section  doit  faire  partie. 

Art.  2.  —  Cette  caisse  est  alimentée  par  une  cotisation  obligatoire 
de  25  centimes  par  membre  et  par  mois. 

Art.  3.  —  Les  caisses  de  résistance  sont  particulières,  c'est-à-dire 
qce  chaque  section  (ou  groupe  de  sections)  gère  la  sienne. 

Art.  4.  —  Chaque  section  (ou  fédération  de  sections)  formera  un 
bureau  spécial  de  résistance. 

Art.  5.  —  Aucune  section  ne  doit  se  décider  à  faire  ia  grève 
que  dans  les  conditions  suivantes  : 

lo  Lorsque  les  patrons  voudraient  violer  une  convention  libre- 
ment consentie  par  les  deux  parties  ; 

2°  Lorsqu'ils  voudi^aient  porter  atteinte  à  la  liberté  individuelle 
des  ouvriers  et  au  droit  d'association  ; 

3°  Lorsque  l'état  du  marché  sera  tel  que  le  triomphe  sera  certain, 
ou  qu'une  augmentation  de  salaire  ou  une  diminution  d'heures  de 
travail  seront  reconnues  pai^faitement  justes  et  bien  fondées. 

Art.  6.  —  Pour  qu'une  grève  soit  solidaire  pour  toutes  les  sections 
d'une  localité,  il  faut  qu'elle  soit  acceptée  par  les  comités  respectifs 
des  caisses  de  résistance  et  par  le  comité  central  ou  cantonal. 

Art.  7.  —  Pour  qu'elle  soit  solidaire  pour  toutes  les  sections 
romandes,  il  faut  qu'elle  soit  sanctionnée  par  le  comité  fédéral, 
qui  la  soumettra  immédiatement  au  conseil  général  en  demandant 
l'appui  des  sections  de  tous  les  pays. 

Art.  8.  —  Lorsqu'une  grève  aura  été  proclamée  par  les  comités 
respectifs,  un  appel  de  fonds  sera  fait  ;  à  ce  premier  appel  chaque 
secxion  ou  caisse  fédérative  de  résistance  ne  s'engagera  que  pour 
le  tiers  de  ce  qu'elle  doit  posséder,  c'est-à-dire,  sur  les  fonds  des- 
tinés à  la  caisse  de  résistance,  et  toujours  à  titre  de  prêt. 

A  un  second  appel  il  en  sera  fait  de  même. 

bi  un  troisième  appel  était  nécessaire,  une  assemblée  générale 
des  sections  aurait  lieu  pour  prendre  une  décision. 

Art.  9.  —  Les  souscriptions,  à  moins  de  cas  excessivement  graves 
et  reconnus  comme  tels  par  les  comités  respectifs  et  par  les  as- 
semblées générales  des  sections,  sont  absolument  prohibées. 

Art.  10.  —  Aucune  section  n'a  le  droit  d'entraîner  dans  une  g  rêve 
involontaire  les  autres  sections  ;  toutes  les  sections  ont  le  droit  et 
même  le  devoir  de  refuser  leurs  secours  à  la  section  qui  a  com- 
mencé la  grève  sans  les  avoir  consultées. 

{Égalilé,  mercredi  '21   uillel  1870.) 


'.fH  I   ■  I  N  T  F-:  R  \  A  I  1  •  '  N  M ,  1-: 

IMKCK   V. 

^K■^0(.IMIl)^    IMKIINATIONAI.K  DKS    1  IIA\  All.LK  ,ll<. 

hrdrrulinii  om  ricre    lyoïininsi.'. 

'  «lilnyoïi  \juliii, 

<•  A  la  noiivollc  du  Juj^iMiiful  il  Aiiliui,  lii  coiniiii^^siuu  le  Iim.iIc  on 
\ri>Te  lyounnisc  n  cl''  uiianimr  lians  la  luMiséo  de  V(M»ir  eu  ;iide  aux 
lainilles  des  onviiers  etiipiisouiiés,  et  sa  pi'cmière  idéi'  a  iHô  d'as- 
surer au\  mallieureusos  ri  licn)ï(ju(»s  virliim's  la  continuation  do 
li'ui-  salaii-e,  pcudanl  tout  le  tonips  do  leur  délention.  f'.ela  paraissait 
à  la  commission  une  appliealion  immédiate  du  ijpincipc  <le  soli- 
darité (jui  doit  unir  tous  les  travailleurs,  et  lui  paraissait  i-n  outre 
iviler  cet  autre  principe  dit  ilr  r/i;ii-i/,('-,  si  pirconisé  parles  hour^^'eois 
el  ipii  n'est  en  délinitivequi' la  l'onsécration  des  inégalités  so.-ialos. 

•  Mais  devant  cet  acte  tout  spontané  de  l'adoption  par  les  actions 
l-arisiennes  de  l'Internationale,  des  familles  privées  de  leur  soutien 
en  vertu  d'un  ari'ôl  qu'elle  s'abstient  de  qualifier,  la  l'édératiou 
lyonnaise  n'a  pu  qu'apphaudii-,  et,  pour  [)articij)er  à  cette  adoption, 
Plie  a  ouvert  immédiatement  dans  son  sein  une  souscription  en 
faveur  des  grévistes  du  Creu/ot,  cl  des  familles  des  ouvrier> 
e:iiprisonnés. 

•(  Un  premier  envoi  s'élevant  à  '.''{  francs  a  été  fait  hier  au  citoyen 
Hevillol,  et  toutes  les  semaine^  un  envoi  des  fonds  recueillis  pai- 
la  souse.ripliou  sera  effectué. 

••   Salut   et  rgalilé, 

"  l'oiir  la  eoiiimission   fédéral*'. 
(1   /.'/;//  (les  seci'ètairo-i, 
u  CAsiwnn  IU..\X«:.  ■ 


l'IKCE     V. 

<.ujij/ii'  rk'rlor.il  ilo  /'iirruii'/issciiivnl  'Ir  Itoiu  ii. 

o  Hoiioii.  !'■  4  j'iiii  1870. 

Citoyens   travailleurs, 

'  Le  comité  éleeloral  ouvrier,  composé  de  délégations  apjiiti- 
I tenant  à  diverses  professions,  en  présence  des  élections  qui  vont 
îivnir  lieu  pour  la  nomination  de  deux  ronscHlors  généraux  et  de 
■six  conseillers  d'arrondissement,  avait  eu  l'intention  de  présenter 
huit  travailleurs  pour  inviter  les  électeurs  démocrates-socialistes  à 
réunir    leurs    suffrages    sur  ces  citnyons  alli!    île    jirotcsler   eoulre 


Kl     I.K     JACOBlNIS^rK.  Mb 

rornuiiioloiict;  des  candidatures  excdusivemeiil  politiques  prcsontées 
par  le  comité  bourgeois  dit  L'iuon  duwocrutique  vl  libérale. 
Nous  ue  parlons  pas  des  autres  qui,  n'empruntant  aucunement  l'éti- 
quelte  de  démocrates,  conservent  le  rùlc  qu'ils  n'ont  jamais  cessé 
de  remplir,  qui  consiste  ouvertement  à  déleudre  les  privilèges  poli- 
tiques, économiques  et  sociaux,  perpétuant  notre  asservissement. 

«  (7est  doue  au  comité  de  l'Union  démocratique  et  lijjérale  que 
aous  nous  adressons  directement  puisque,  malgré  son  litre,  il  n'a 
daigné  consulter  les  ouvriers  pour  appeler  leur  attenlion  ^wv  le 
rhoix  des  candidats.  Cette  persistance  à  méconnaîti'c  le  il  roi L  des 
éleeteui's  démocrates-socialistes  nous  invite  à  notre  li.ur  h  per- 
sister dans  la  voie  que  nous  nous  sommes  ti'acée. 

«  Fidèles  à  nos  principes  émis  aux  élections  générales,  nous  nous 
ju'oposions  de  i>rouver  à  ces  messieurs  que  les  ouvriers  persis- 
taient à  revendiquer  leurs  droits  ;  et,  malgré  que  celte  fois  encore 
nous  n'aurions  espère  voir  notre  appel  entendu  de  tous  les  inté- 
ressés, malheureusement- pour  une  grande  partie  trop  pénétrés  (!es 
préjugés  d'une  politique  qui  ne  leur  a  donne  jusqu'aloi's  que  dé- 
ceptions, misère  et  ignorance; 

«  Malgré,  disons-nous,  que  la  majorité  de  nos  frères  n'auraient 
peut-être  pas  compris  l'importance  de  notre  manifestation,  néan- 
moins nous  aurions  prouvé  à  nos  adversaires  que  les  événements 
ne  nous  avaient  nullement  abattus,  mais,  bien  au  contraire,  nous 
faisaient  plus  que  jamais  persévérer  dans  notre  conviction  de  con- 
quérir par  tous  les  moyens  pacifiques  notre  affranchissement. 

«  Mais  les  dépenses  qu'aurait  occasionnées  cette  lutte,  a\i  moment 
de  celles  Iden  mieux  employées  pour  les  frais  de  notre  congrès, 
ont  engagé  le  comité  à  décider  de  réserver  nos  forces  [lOur  une 
lutte  prochaine  Lien  plus  importante,  nous  voulons  parler  des 
conseils  municipaux  dont  il  élabore  en  ee  moment  la  liste  dans  le 
sens  d'une  représentation  de  toutes  les  classes  de  la  cité.  Le 
0  )inité  attache  plus  d'importance  à  cette  institution  parce  qu'elle 
;i,  du  moins,  sur  celle  a\ijourd'hui  en  i-ours  d'élection,  le  mérite 
il 'émettre  autre  chose  que  des  vœux. 

(  Cependant,  le  comité  électoral  ouvrier  recommande  à  tous  les 
•travailleurs  jaloux  de  conserver  intact  le  principe  de  la  reven- 
l'ication  du  travail,  en  jjrésence  de  compétitions  personnelles 
<nillement  sympathiques  à  son  affranchissement,  de  protester  par 
un  vote  hullolin  blanc  contre  tous  ceux  qui  méconnaissent  nos 
aspirations. 

«  fit  si  ces  messieurs  crient  à  l'indifrerenct,  nous  n'avons  qu'une 
réponse  à  leur  faire  ; 

«  Supposons  pour  un  inslant  que  les  fonctions  de  conseiller  gé- 
néral et  d'arrondissement  soient  continuellement  remplies  par  des 
liîovens  apjiartenant  à  l'.irinée  et  au  i-h^rgé  : 


4:i(;  i.intkunaiionall: 

0  Np  protcsleriez-vous  pas  ilo  riiicompélciice  do  vos  Ijojiorables 
citoyens  pour  défcndro  les  intérêts  si  noini)reux  île  la  banque,  du 
commerce,  do  l'industrio,  dos  transports  et  de  la  navigation?  Ce 
serait  votre  droit,  et  vous  auriez  raison. 

('  Eh  bien!  nous  ouvriers,  nous  disons  quo  les  eonsoils  généi-aux 
cl  d'arnuidissement  sont  on  frès-grando  majorité  foniposés  d'élus 
incompétents  pour  traiter  les  questions  do  salaires,  <le  coalition^ 
d'ateliei-s  corporatifs,  au  point  do  vue  des  travailleurs; 

«  Quota  majorité  ne  s'est  nnlleniont  prôoccuiiée  jusfju'alors  de  ma- 
nifester ses  sympathies  pour  l'aholilion  du  (•.aiilinniirmonl  et  du 
timl)re,  môme  ])0\\v  traiter  les  matières  économiques  cl  soeialos, 
de  l'abolition  de  tous  les  privilèges  de  l)anquos,  tous  monopoles  (jui 
oûti'avcnt  la  marche  du  mouvement  social  ; 

«  Et  comme  la  majorité  des  candidats  partage  les  pi-ini.-ipesdo  l'cUe 
<|ui  siège,  c'est-à-dire,  a  soin  de  no  parler  aiicunemcnt  do  vouloir 
supprimer  tous  les  privilèges  économiques,  le  comité,  au  nom 
de  la  dignité  de  nos  principes  et  en  l'absence  de  candidats  repré- 
sentant exactement  les  aspirations  des  classes  ouvrières,  croit  qu'il 
est  de  sou  devoir  de  prolester  par  bulletin  blanc. 
«  Les  membres  du  Comité  : 

(t  SIMON;  LEFRANÇOIS;  A.  FRITSCII  ;  E.  SAVAL  ;  PiEnni-: 
AU^■RAY  ;  VIMONT  aîné  ;  MULET  père  ;  DOULANGEPi  : 
ÉmileAUBRY  ;  LENOIR  ;  PAQUES  ;  Hippolyte  FP^RET  :  DÉ- 
smÉ  VÉRITÉ;  G.  RERTIN;  TUREU  ;  LECLERC  ;  E.  VÉRITÉ 
tlls;  A.  VÉRITÉ  ;  BELLELLE;  COLLET  ;  TASSU  ;  RARBET  : 
D.  FOUET;  JAJOU  ;  P.  JULLIEN  ;  Jules  FORTIER;  CRO- 
QUET ;  FLEUTRY  ;  DKSORMIÈRE  ;    SCIIRUB.  » 


PIECE  y 


Vi  nne  (Isère).  27  juin  1870. 


"  Monsieur  le  rédacteur, 

«  Nous  voyons  avec  satisfaction  que  tous  les  travailleurs  s'unissent 
solidairement  pour  nous  aider  à  obtenir  les  conditions  que  nos 
patrons  persistent  à  ne  point  accepter.  Nous  demandons  les  mômes 
satisfactions  que  les  ouvriers  de  Lyon.  Sommes-nous  déraison- 
nables'? Que  vos  lecteurs  en  jugent. 

«  Les  ouvriers  en  fer  de  Lyon  viennent  de  se  réunir  pour  nous 
soutenir;  dans  une  grande  quantité  de  petites  localités  il  y  a  déjà 
quelques  jours  que  les  ouvriers  de  la  même  corporation  ont  pris 
semblable  initiative. 

«  Nous  remercions  sincèrement  tous  ceux  qui  s'unissent  pour  nous 
aider. 


ET     LE    JACOiHiMSME.  Aiil 

«  Notre  entreprise  aboutira  sans  doute,  siuou  nos  coUùyue.s  tra- 
vaillant à  Vienne  s'expatrieront  tous. 

«  MM.  les  patrons  devront  adhéi'er  bientôt  à  nos  Justes  réclama- 
tions s'ils  ne  veulent  créer  le  désert  autour  d'eux. 

«  Recevez,  Monsieur  le  rédacteur,  l'assurance  de  notre  haute  estime 
et  de  tous  nos  bons  sentiments. 

«  Prôsident  .  GRAILLE  François  ;   Secrôtaive  :  il.  FAYSSE  ; 
Trésorier  :  RICHARD.  » 

{Proçjrés  de  Lyon,  29  juin  1870.) 
PIÈCE  z. 

LA  DÉFAITE  DE  LA  BOURGEOISIE. 

Tous  les  organes  de  l'Association  internationale  et  de  toutes  les 
langues  sont  remplis  des  protestations  ouvrières  contre  la  gvierre. 
Les  journaux  allemands,  le  Volkstaat  et  le  Volkswillc,  contiennent 
les  comptes  rendus  des  nombreuses  assemblées  des  ouvriers  pro- 
testant contre  la  guerre.  Le  dernier  numéro  dvi  Vorboto  publie  un 
remarrj;uable  article  sur  les  vraies  causes  de  la  guerre,  en  démon- 
trant que  la  guerre  extérieure  sera  ù  l'ordre  du  jour  tant  que  durera 
la  guerre  civile  ;  et  enfin,  la  Cnuse  du  Peuple  déclare,  dans  uu 
long  article  sur  la  guerre,  que  si  l'empire  russe  intervenait,  les 
Russes,  qui  sont  dévoués  à  la  cause  de  l'alfranchissement  politique 
et  social  de  leur  pays,  doivent  souhaiter  sincèrement  une  défaite  à 
l'armée  impériale,  et  non  une  victoire,  qui  no  serait  que  la  consé- 
cration de  ral)Solutisme. 

Ce  qui  est  vrai  pour  un  pays  est  vrai  pour  un  autre,  et  sans 
vouloir  entrer  pour  le  moment  dans  trop  de  détails,  nous  avoue- 
rons que,  n'était  la  douleur  poignante  de  voir  tant  de  nos  frères 
soit  assommés  sur  les  champs  de  carnage,  soit  affamés  par  le  chô- 
mage inévitable,  nous  assisterions  avec  une  parfaite  indifférence 
aux  victoires  ou  aux  défaites  des  armées  françaises  ou  prus- 
siennes. 

Il  serait  en  effet  profondément  triste  si  les  travailleurs  français 
se  laissaient  égarer  par  le  chauvinisme  du  moyen  âge,  ou  si  les 
travailleurs  allemands  voulaient  s'enorgueillir  des  victoires  de 
leiïr  l'oi  ! 

Non  ce  n'est  pas  le  peuple  français  qm  est  vaincu,  c'est  l'empire 
et  c'est  la  bourgeoisie  qui  ont  subi  une  défaite  éclatante  :  ils  ont 
égorgé  le  peuple  français  aux  barricades  de  Juin  1848,  et  ils  lui  ont 
volé  sa  République  le  2  décembre;  depuis, dui\ant  vingt  ans,  ils  n'ont 
fait  que  martyriser  leur  victime,  et  les  grandes  armées,  composées 
de  fils  du  peuple,  se  sont  exercées  sur  leurs  frères  à  la  Ricamarie,  au 
Creuzot  et  dans  la  France   entière  !  Poussés  par  leur   ignorance, 


^■2S  I    '  1  \  1  I   K  N  \1  loN   \  1.1". 

prOKst'.s  par  les  lois  siiiiviijfos  de  lu  fliscipliiii'  niilitairo,  N-s  suidais 
iVnm'iiis  soiil  (ilili;,n's  de  se  hîillrt',  mais  ItMirs  fameux  j^éin-iaiiv, 
fiuos  Heurs  de  l'impiM-ialismc  el  de  la  l»ii\u-p-foisic,  les  onl  mniiés 
aux  ciimlinls  pour  It^s  fairi-  niilraillcr  pai  iiiilliris  à  la  fois!  Voilà 
tlonc  la  |»rciniiu'0  leron  que  t-ellr*  aliorc  ^^'n.'rrc  nous  donne.  L'Km- 
pire  a  vécu  sïw^l  nna,  soulenu  jtar  la  hourgi'oisie  ;  il  a  sucé  le 
meilleur  sa uf^  ilu  peuple,  il  a  ruiné  le  pays  |iar  «les  impôts  énasanlK, 
il  a  cxei'eé  la  ilirlatnre  la  plus  infàîue,  il  a  n-nipli  1rs  iiics  di'  Paris 
<ie  ealavrcs  et  de  m\ililes.il  a  rempli  les  jirisons  de  tous  ceux  qui 
oui  eu  l'audaec  de  se  monlii'r  di'xoués  au  peu|)I(;  et  «pii  ont  eu 
rhoum'lelé  df  mauifesler  liur  liaim'  à  rimpérialisun-.  .lauiais  la 
voix  du  peuple  n'a  clé  i-nleudue  par  les  elasses  j^ouvernanles  du- 
rant eetti*  nuit  san;^laule  de  vingt  ans,  ellesonl  donc,  ])u  faire  to\it  er 
qu'elles  voulaient,  ees  i-lasses,  dans  leur  sollicitude  paternelle  pour 
le  peuple,  el  les  voilà  à  l'ieuviv  mainlenanl.  à  l'ouvre  qui  c^'  la 
leur,  cl  eu  aucune  l'aeou  celle  du  jK-nplc  ! 

Ou  ciie  à  Vliiv:i-i()ii  'Ir  ii'imcitii  ."  \c>-  jmn'iiaiix  lionr^'cios 
ap[>ellent  de  k'iu's  vieux  re\leriMination  eoinplète  des  .Mle- 
mands  \)nv  tous  les  moyens  les  plus  sauvages;  mais  (jui  a  amené 
celle  iuvasitui"?  à  qui  la  faute  si  les  Alleniauls  doivent  être 
appelés  aujourd'hui  ennemis  îles  Franeais?  ennemis  lorsque  hier 
eneore  ei's  deux  juMqdc^s  se  lendaieni  une  main  fratei-nelle  et 
proteslaiiMil  de  ioutes  leurs  foi-ees  contre  rinfàmt!  déeUu'ulion  de 
gueiTe  ".' 

Les  journaux  Ito'.n-Lîeids  ciienl  ipie  le>  .MIeinands  sont  vandales 
et  assassins  !  iliraienl-ils  la  nièine  chose  des  |-'raneais,  si  les  Français 
avaient  passé  le  Rhin  1 1  avaient  i)oursuivi  les  Allemands  jusqu'à 
Berlin,  c<  l'cpée  dans  les  i-eins  »,  selon  la  mdde  mais  tiiqi  liAtive 
promesse  de  ees  mêmes  journaux  '.' 

Pour  nous,  le  malheur  n'en  serai!  pas  plus  ;^-i'and,  ni  nioinJi'C, 
puisque  ponr  nons  le  nialhcui-  est  dans  le  fait  même  de  la  (j'uerre 
qui,  a\ec  les  euyins  luM-rectionni'--,  esl  devi-mu^  une  liOiudieric  per- 
feetionuêe  des  populations  ! 

Ainsi  doue,  «  le  coui'onnement  de  l'éditiee  r  de  l'inijiirc  hour- 
gcois  eonsisie  dajis  l'invasion  sau,i,''lanle  delà  Fninee  !  El  voilà  que 
toute  la  hourgeoisii-  devient  folle,  elle  suspend  toutes  ses  affaires 
el  elle  eu  appelle  au  peujde,  à  la  nalion,  elle  di-evele  l'envoi  de 
tout  le  pen|de  a  la  IVonlieic.  car  sans  le  peuph^  elle  est  jterduc  ! 
Cel  appel  au  peiqde,  c'est  la  déchéance  rie  l'empii'e  et  (li>  la  Ikmu'- 
geoisie,qui  se  déclarent  ainsi  incapables  de  sauve,i,''arder  le  paisible 
et  le  libre-  dévehqqiemeni  ilu  l'aysl 

P^n  même  temps,  cette  guerre  est  la  eouilauination  suprême  des 
armées  permanentes  ;  car  comparativement  ]>arlant,  «-erles  c'est 
l'armée  française  qui  est  le  modèle  des  armées  |)eruiauentes,  et 
uous  voyons    dans  ce  momeni  tpie  l'enqni'e   est    oblip'  dt*   eonqiter 


i-;  i    1. 1-:   ,1  A  coin  \  I  >.\i  i-;.  lao 

sdi-    un     -ti.'oc-.  eu     iMiiuplaui     sur  rrullioiisinsmi'  de    la  (mpulali.  n 
«ulici'C,  f[ui  ne  s'est  j.iiuiiis  cxcnuW-  aux  arnit's. 

C'est  ainsi  qu'an-ivo  la  liquidation,  la  li(iuidati(ui  sauylante  de  ccl 
ordre  do  idiosos,  ol  oortos  re  sont  les  classes  ti'availleuses  elles 
seules  qui  iieuveul  se  donner  les  i;ai'antics  i'éci[ii'(>ques  d'-aa  pays  à 
l'autre  iiour  le  déveldppeineijt  paisible  et  ijro.uressil"  île  l'Iiuinaailé. 

Nous  avons  dit  qui»  les  travailleurs  fraueais  n'assuniont  aucune 
responsabilité  ilans  tnut  ce  drame  :  ce  ne  sont  pas  eux  qui  subis- 
sent la  défaite,  ce  sont  l'empire  et  la  bourgeoisie.  Nous  devons 
constater  ici  que  le  mènie  rôle  appartient  aux  Allemands.  Le  mal- 
heur serait  incalculable  s'ils  voulaient  se  gloriiier  du  succès  des 
années  allemandes  ,  et,  oublian'  ainsi  leur  seul  problème  vital, 
abandonner  la  lutte  énergique  pour  leur  affranchissement  social. 
Mais  ils  savent  aussi  très-ltien  que  le  succès  des  armées  royales 
pourrait  mener  à  la  dictature  militaire  de  V empereur  allemand, 
que  cette  dictature  no  serait  qu'une  seconde  édition  de  la  dictature 
bona|)arliste,  [toi'tant  un  coup  mortel  à  tout  progrès  social,  à  toute 
amélioration  et  l'éorganisatitui  sociale,  et,  par  conséquent,  nous 
avons  la  profonde  eunvietion  ([ue  les  travailleurs  allemands  sauront 
déjouer  les  convoitises  eouiiables  de  leurs  rois  et  princes  ;  et  notre 
conviction  est  affermie  par  toutes  les  protestations  dont  nous  avons 
parlé  plus  haut.  Ces  protestations  en  effet  présentent  un  fait  tout 
nouveau  dans  l'histoire  des  peuples  et  prouvent  que  les  populations 
sont  à  la  veille  d'être  prèles  iidernutionalemenl  à  secouer  une  fois 
pour  toutes  le  joug  de  la  soldatesque  et  des  capitalistes  ! 

a  Pas  de  divisions  1  unissons-nous  tous  sans  distincliou  de  partis! 
s'écrient  les  liraves  ])ourgeois  !  Pas  d'accusations  intempestives, 
s'écrient  leurs  orateurs  dans  leurs  parlements  !  plus  tard  nous 
verrous  à  qui  la  faute  !...  »  Et  p(nKlant  ce  même  temps,  le  zèle  des 
lâches  serviteurs  de  leur  tyrannie  ne  se  ralentit  guère,  et  persécu- 
tion sur  persécution  ,  comlamnation  sur  condamnation  suivent 
leur  Irain  accoutumé,  k  La  pati'ic  a  besoin  de  tous  les  bras  !  )>  mais 
on  a  peur  di'S  bras  de  nos  frères  et  nos  meilleurs  amis  languissent 
en  prison  ptuu^  avoir  appartenu  à  l'Internationale.  Les  internatio- 
naux sont  poursuivis  avec  uneféroeilé  inouïe  dans  toute  la  France! 
En  même  temps  la  haute  cour  s'empresse  de  condamner  à  vingt 
et  quinze  ans  de  travaux  forcés  et  de  détention  les  républicains  les 
plus  dévoués,  enveloppés  par  la  police  dans  un  complot  inventé 
la  veille  du  plébiscite.  Mér/v  est  condamné  à  vingt  ans  pour  avoir 
tué  un  agent  de  indice  qui  viola  son  domicile,  tandis  que  les  énergu- 
mènes  qui  fout  tuer  des  milliers  d'hommes  tous  les  jours  ne  sont 
encore  ni  jugés  ni  condamnés  ! 

Uempire  untrichien  prolite  de  l'embrouillement  général,  et,  au 
bruit  du  canon  prussien,  porte  sa  main  meurtrière  sur  toutes  les 
sociétés  ouvrières  !  Ce  u'élait  pas  assez  pour  les  héros  autrichiens 


J.W  !.' 1  NTi:H  NATION  A  LK 

que  il  avoir  condamné  les  hommes  les  plus  influents  duparti  ouvrier 
;i  cinq  cl  six  ans  do  in'ison.ccs  héros  veulent  absolument  obtenir 
une  vu'loirc  siu- le  i>enplc:  vinjil-six  sociétés  ouvrières,  c'esl-a-dire 
foutes  les  sections  de  métiers,  ainsi  que  toutes  les  sociétés  d'in- 
struction ouvrière,  sont  dissoutes  à  Vienne  à  cause  do  leurs  (en- 
ilmifcs  (Inngcrrascs  pour  l'empire  !  Naturellement  les  milliers 
d'ouvriers  qui  en  font  ])artio  no  voulonl  pas  se  soumettre  silen- 
cieusement ù  ce  cnpi'icc  révoltant  du  gouveinemont,  les  protestations 
éclatent  do  tous  côtés  ;  les  sociétés  ouvrières  veulent  portei-  la 
question  de  leur  existence  devant  la  cour  impériale  ;  cette  cour  va 
naturellement  soutenir  le  gouvernement  ;  il  y  aura  de  nouvelles 
démonstrations,  de  nouvelles  arrestations  ;  les  sociétés  vont  se 
reformer  ouvertement  on  non,  et  la  lutte  deviendra  de  plus  en  plus 
implacable  des  doux  côtés,  jusqu'à  ce  qu'un  jour  l'Empire  soit  balayé 
du  territoire  aulrichien. 

En  attendant,  en  voyant  toutes  les  persécutions  que  nos  fi'èrcs 
subissent  dîuis  les  pays  monarchiques,  <|ue  tous  les  internationaux 
qui  se  trouvent  d.ins  les  pays  ]dus  libres,  comme  la  Suisse,  se 
rappellent  plus  que  jamais  leur  devoir  de  porter  haut  le  drapeau 
de  rintei-nationale,  de  travailler  éiicrgiqnemcnt  à  la  disparition  de 
toutes  les  divisions  et  à  l'organisation  solide  et  puissante  de  la 
résistance,  en  vue  de  nouvelles  épreuves  qui  nous  attendent  et  que 
nous  devrons  savoir  surmonter  victorieusement. 


PIECE    u. 

AUTnKS  nOCUMîCNTS   RELATIFS   A    LA    rÉDÉnATION    LYONXAISK. 

1 

Fcdcralion  ouvrière  lyonniiisc. 

«i  L'assemblée  générale  publique  des  membres  de?^  sociétés  adhé- 

*  rentes  à  la  fédération  ouvrière  lyonnaise  qui  devait  avoir  lieu  le 
■  dimanche  10  juillet  a  été  interdite  par  ordre  ministériel.  Pareil 
<  refus  nous  avait  déjà  été  adressé  lorsque  nous  déposâmes,  avant 
«.  les  aiTcstations  du  liO  avril,  une  déclaration  pour  une   asM-mlilcc 

*  générale  qui  devait  avoir  lieu  le  8  mai. 

i  Le  maigre  droit  de  i-éunion  qu'on  nous  avail  ociroyc  il  y  a 
■■  deux  ans  nous  est-il,  oui  ou  non,  déjà  retiré? 

*  S'il  eu  est  ainsi,  le  gouvernement  ferait  bien  de  le  dire,  aiin 
..  qu'on  sache  à  quoi  s'en  tenir. 

«  En  attendant,  nous  protestons  contrôle  nouvel  acte  d'arbitraire 
■'  qui  nous  frapjie  et  qui  ne  peut  s'cxp+iquer  autrement  que  pnr  tine 


KT     LE     JACOKINISME.  Wl 

<  infcntion  bien  arrcléc  d'cmpèchcr  les  (ravaillcurs  do  s'entendre 
«  et  de  s'éclairer  mutuellement,  aiin  d'endiguer  le  grand  mouvc- 
<r.  ment  ouvrier  qui  se  manifeste  partout. 

«t  Les  travailleurs  ne  se  laisseront  poini  décourager  par  de  telles 
«  manœuvres  :  l'organisation  de  leurs  nombreuses  fédérations  est 
«  achevée  et,  à  moins  qu'on  ne  fasse  uu  coup  d'Etat  économique 
•:'  bien  hasardeux,  ou  ne  réussira  pas  à  les  dissoudre. 

^  ALBERT  RICHARD  ;  FRANÇOIS  DUMARTHERAY  ;  BLANC  ; 
CHARVET,  délégué  des  tisseurs  ;  AIGLON  ,  délégué  des 
tailleurs  ;  TOURNAIRE,  délégué  des  tullistes  ;  GORNIER, 
délégué  des  tullistes  ;  BUSQUE,  délégué  des  sculpteurs  ; 
GARNIER,  délégué  des  apprôteurs  de  tulle  ;  FAVRE,  délé- 
gué des  doreurs 'sur  bois;  PREMILLEUX,  délégué  des  do- 
reurs sur  Jjois  ;  VxVLLOT,  délégué  des  apprôteurs  et  teintu- 
riers en  chapeaux  ;  BARDERY  Emile,  délégué  des  cha- 
peliers ;  H.  BOURON,  délégué  des  chapeliers  ;  VITTENNE, 
délégué  des  peintres  et  plâtriers  ;  YUITTON,  délégué  des 
marbriers  ;  GINET  ;  DEYILLE  ;  PALIX  ;  L.  RÉGINAS  ;  RRET  ; 
DjPUIS;  LABRO,  délégué  des  corroyeurs. 

«  Lyon,  le  o  juillet  1P,70. 

Proçirè^  de  Liior,  8  juillet  1S70.) 


II 

Fcdcralwn  nuvrirre  ]yoiiii:v's 

«  ^[onsicur  le  rédacteur, 

«  Nous  soussignés,  membres  de  la  commission  fédérale  de  l'As- 
(  sociation  internationale  lyonnaise,  protestons  contre  toute  mani- 
a  festation  extérieure  faite  en  notre  nom.  L'Internationale  étant 
«  une  association  purement  économique,  elle  sortirait  do  son  rôle 
(  et  de  sou  programme  en  acceptant  la  responsabilité  d'une  maiii- 
'(  festation  que  l'on  voudrait  tourner  en  mouvement  politique,  et 
'<  ({ui  pourrait  amener  une  collision  entre  les  travailleurs  et  l'auto- 
'  rite. 

■(  Le  refus  d'autorisation  pour  les  réunions  de  la  fédération  ou- 
I  vricre,  fait  par  l'autorité,  constitue  un  acte  arliitraire  du  moment 
«  que  toutes  les  autres  sociétés  ouvrières  ont  cette  même  autori- 
(  sation.  Nous  sommes  convaincus  qu'une  demande  formelle  faite 
((  à  l'autorité,  afin  que  la  loi  soit  égale  pour  tous  et  soit  observée  à 
v(  notre  égard,  aurait  pu  être  écoutée  sans  avoir  recours  à  une  ma- 
'<  nifestation.  En  conséquence,  nous   déclarons  n'accepter  aucune 


Mit  i.'i  \  ri-, i;  \  V  r  I  .•  \  V  i,i 

n  S()liii;irilt'  a\oc  1rs  ;nitrurs  «le  l;i  iiimiifcslalion,  t-l  niiii>  l«-iji  en 
"  laissons  toutiî  lu  rfs|i(»ii>;ibililc. 

«  Nous  \frnons  (l'iipprciidrc  i|iu'  |>lusi(iirs  <li's  laeiubres  iK- lu 
1  (tominissioii  fodiM'alc  viciiiicnl  il'i'lir  .nivli-s  an  ^ujet  «le  la  mnni- 
<  fostation,  1*1  nous  ariinnons  i|ui!  lnus  reu\  i|ui  sont  arrôlés  jtoui 
i  (M'  motif  n'onl  im'ss('' d'y  rtii'  cnniidoliMncnl  o|>|ios<''S. 

«  Ce  n'est  (lu'cu  allant  pnur  lc\ir  faire  si^^nor  la  |.rMl''^latiuii  ci- 
«  dessus  i|Ut*  nous  avons  a|i|U'is  Ifur  arrcslalion. 

«  Par  CCS  motifs,  nous  "|ualilioiis  i'U('r;,'ii(Upmcnt  la  cdndiiitf  d'' 
«  l'administratiou  en  follc  fircnu-^tancc  de  l'arliiti-aiic  le  plu''  into- 
t  léraldc, 

«  l..  1»AI,I\.  GINKl',  I)Oi;i»,i.K,  IMACKT. 

T(>ri{\\M!K.  (;.\i!\iF,n.  .. 

l'ioyrrs  <!'■  /.iio.iy'i'l  jiiiM   i    IST". 


lii 


.   Monsieiu'  le  rédacUui-, 

.1  .le  viens  emprunter  les  colonucs  de  votre  ('sliiii;ild>-  j-Muiiai 
'  pour  porter  à  la  eonuaissance  de  vos  lecteurs  un  acto  dont  l'Asso- 
«  ciation  internationale  vient  encore  d'être  victime. 

«  Aujourd'hui,  20  courant,  entre  3  et  i  heures,  la  police  a  proc»^iiç 
«  à  l'arreslalion  do  plusieurs  de  ses  membres. 

«  Ces!  la  deuxième  fois  qu'on  peu  de  temps  ce  l'ait  >e  reproduit 
«  et  plonge  de  nouveau  les  familles  des  victimes  dans  la  ruine  el 
'  la  misère. 

'<  Je  viens  pi-otesler  contre  ces  actes  de  violenee. 

«  t^.her  rédacteur,  je  vous  prie  en  même  temps  d'aununeer  qu'une 
Il  souscri[itiou  est  ouverte  chez  le  citoyen  Langlade,  en  faveur  des 
i  familles  des  victimes  et  des  uoIjIcs  soutiens  de  cette  vaste  Assi.- 
"  ciation  internationale  des  travailleurs,  «{ui  seule  peut  établir  la 
«  paix  eu  sujiprimant  les  frontières. 

«  Je  m'associe  donc  de  grand  cœur  à  ceux  <|ui  ont  osé  protester 
«  contre  la  guerre;  notre  seul  mot  d'ordre  entre  travailleurs  c'est  de 
a  rendre  la  guerre  impossible.  Ou  doit  rendre  res]iousab|ps  ceux 
«  qui  l'aïuonf  faite. 

«  Puisqtie  je  tiens  la  iilume,  je  tiens  a  faire  savoir  à  mes  nom- 
«  breux  amis  que  le  2(»  coui-aut,  au  jour  et  à  l'heure  de  Tarresta- 
t  tien,  je  venais  de  sortir  de  chez  moi,  lorsque  deux  agents,  accom- 
«  pagnes  d'un  commissaire  de  police,  se  sont  présentés  chez  moi 
->   pour  m'arrèter.  J'étais  parti  pour  (iivors  voir  mon  père. 

«  J'en  reçus  immédiatement  avi--.  Uepartir  inunédiiitement  pour 
"   Iaou,  voii-   le  eitoyen    l.auirlade.    \oiis  éerir<',    fui    l'affairi-  d'un 


ET     LE    JACOBINISME.  433 

('  momenl,  et  à  l'heure  ou  paraUrout  uca  quelques  ligues,  je  serai  à 
«  l'abri  des  recherches  de  la  police. 
«  Recevez,  monsieur,  l'assurance  de  ma  parfaite  considération. 

«  CHOL  '.  .. 
i^roiirès  de  Lyon,  '-Il  juillet  1870.} 


IV 

Fédôvalion  ouvrière  lyonnaise. 

«  Lyon,  le  24  juillet  1870. 
«  Monsieur  le  rédacteur, 

«  Nous  comptons  sur  votre  obligeance  ordinaire  pour  inscicr  l;i 
«  présente  lettre  dans  votre  prochain  numéro. 

«  Le  Salut  public,  dans  son  numéro  du  22  juillet,  en  parlant  des 
a  attroupements  qui  se  forment  chaque  soir  sur  la  place  des  Ter- 
«  reaux,  annonce  l'arrestation  d'un  individu  qui  criait  :  Vive  la 
«  Prusse!  et  ajoute  que  c'était  un  des  principaux  chefs  de  l'Asso- 
«  ciation  internationale  de  Lyon  qui  était  revenu  de  Genève. 

«  Comme  cette  assertion  est  complètement  fausse  et  que,  de  plus, 
('  cela  tendrait  à  faire  supposer  que  l'Internationale  pousserait  au 
((  désordre  à  Lyon,  nous  croyons  devoir  démentir  le  fait  ;  de  plus, 
«  nous  mettons  au  défi  le  journal  ci-dessus  nommé  de  prouver  que 
«  la  personne  arrêtée  est  un  des  soi-disant  chefs  de  l'internatio- 
«  nale. 

«  Nos  amis  de  l'Internationale  qui  sont  arrêtés,  l'ont  été  mercredi, 
'  à  trois  heures  ;  par  conséquent  ils  ne  pouvaient  guère  se  trouver 
«  mercredi  soir  sur  la  place  des  Terreaux.  L'arrestation  dont  parie 
«  le  Salut  ne  peut  donc  s'appliquer  à  eux. 

«  Nous  comprenons  parfaitement  le  motif  qui  fait  parler  le  Salut 
'(  public,  qui  voudrait,  malgré  la  protestation  de  la  commission 
i(  fédérale,  faire  retomber  toute  la  responsabilité  des  troubles  sur 
«  l'Internationale. 

«  Le  Salut  public  croit-il  de  son  devoir  de  se  modeler  sur  un  de 
a  ses  confrères  parisiens  qui,  pour  satisfaire  sa  haine  contre  cer- 
«  tains  hommes  qui  sont  d'un  parti  opposé  au  sien,  fait  le  service 
«  particulier  de  M.  Piétri,  et  ne  craint  pas  d'aller  jusqu'à  la  délation 
«  pour  assouvir  ses  rancunes?  Cela  ne  nous  étonnerait  nullement, 
«  car,  en  répandant  des  calomnies  sur  notre  compte,  le  Salut  fait 
«  les  affaires  de  son  parti.  Mais  il  est  de  notre  devoir  de  le  démcn- 

i  Devenu  ijIu~  tard  ^ilu  12  au  30  septembre  1870}  commissaire  centrai  à 
Lyon. 

28 


484  L'INTKHNA  riONALl-: 

<(  lir  cl  tic  prolcstor  conlro  unu  puroillc  inauioi-o  iJ'ugir(jui  n'a  lieii 
«  do  loyal. 

(f  Muis  une  choso  nous  éloimo,  c'est  ({iic  lo  Salut,  depuis  la 
u  guerre,  ne  cesse  de  répéter  que  nos  divisions  intestines  doivent 
a  cesser  devant  le  danger  commun  ;  puis,  après  ce  bel  appel  à  la 
«  concorde,  il  cherche  à  porter  la  division  par  des  insinuations 
«  malveillanles  et  peu  fondées,  car,  encore  une  fois,  nous  le  uwl- 
«  tons  liii  drii  de  prouver  ce  qu'il  a  avancé  au  sujet  de  la  personne 
V  arrêtée  mercredi  soir. 

«  Pensant  bien  que  le  Sulnl  jitihlic  comprendra  fie  fiuelle  impor- 
«  tance  il  est  pour  nous,  dans  les  circonstances  actuelles,  «le  dé- 
«  mentir  son  récit  qui  pourrait  l'aire  supposer  que  nous  pousserions 
a  au  désordre, 

ï  Nous  espérons  que,  dans  l'intérêt  de  la  vérité,  il  s'empressera 
n  de  reclifier  ce  qu'il  y  a  de  faux  dans  ce  qu'il  a  dil. 

a  Recevez  l'assurance  de  notre  considération  distinguée. 

«  Pour  la  commission  fédérale  : 
«B.   PÎACET;  DUM.XRTHEHAY  ;  G.\RN1ER;  BUET  : 
rjUlLLERMET;  PULLIAT  ;  PENEL.  » 

(Progrès  de  Lyon,  26  juillet  1870.) 

ADHÉSION 

A  l'inLQvnaLionalc  des  ouvriers  tisseurs  de  THrurc  (HJjôjw). 

a  Tarare,  le  23  juillet  1870. 

«  Nous,  citoyens  tisseurs,  protestons  contre  la  guerre  et  adhérons 
«  de  tout  cu'ur  à  l'Internationale. 

«  Signatures  des  adhérents  : 

«  DESCHAMPS  ;  F.  TACHER;  DUCREL'X  ;  CIIERPIN  ;  PRA- 
MUNDON;F.  JEAN;LAFFET;  MARSAN  DE  ;  ALLIER  ; 
JIROUDON;  BROSSARD;  BARTH  ;  SAUNIER  ;  PIERRE. 


Autres  documents  relatifs  aux  sections  parisiennes. 

I 

AssociiHion  InlcrnHlioihih  des  Irav  ail  leurs.  —  Section  de  CIicIq  . 

«  Une  section  de  l'Intcrnalionale  est  constituée  ;i  Clieliy. 
<(     Tous     renseignements    sont    donnés   au    siège   provisoire  . 
«  2,  rue  de  Neuilly,  chez  le  secrétaire  de  section,  S.  Siraéon. 

.(S.  SIMÉON. 


ET     LE    JACOBINISME.  43Ô 


II 


«  '.\us  amis  do  la  section  de  Vaugii'ard  nous  eut  fait  observer 
c  que  notre  dénomination  les  Tl-availleurs  unis  et  la  communi- 
«  cation  de  la  section  de  Batignolles  où  se  Irouvc  le  mot  ;<  groupe 
«  central  »  pouvaient  laisser  croire  que  nous  nous  étions  constitués 
«  bureau  central  de  l'Association  internationale,  à  Paris.  Nous 
«  croyons  de  notre  devoir  de  dire  que  nous  sommes  simplement 
«  tx'ois  sections  en  communion  d'idées  et  fédérées  entre  elles. 
«  D'autre  part,  pour  faire  cesser  tout  malentendu,  nous  abandon- 
«  nons  notre  dénomination  des  Travailleurs  unis  pour  l'ester  sim- 
«  plement  section  de  Puteaux-Suresnes,  de  Clichy,  de  Batignolles. 

«  Délibéré  en  réunion  de  Puteaux,  le  6  février  1870. 

«  La  correspondant, 

«  B.  MALOx\.  » 

III 

i^cs  doreurs  sur  bois. 

La  Chambre  syndicale  des  ouvriers  doreurs  sur  bois,  dans  sa 
séance  du 2  février  1870,  compose  son  bureau  de  la  façon  suivante  : 

«  Hamet,  secrétaire  général;  Jones,  Thomas,  Cerret,  secrétaii-es; 
«  Traizegnies,  trésorier;  Tissier,  trésorier  adjudant;  Barix  Hubert, 
«  Favre  Claudius,  Favre  Joseph,  Minoggio,  Lebon,  Lichebracque, 
«  Van-Abat,  Dubois,  Bellenger,  Viard,  Dumortiei-,  Aubert,  syndics; 
«  ?ilazeran,  Michel,  Charles,  Durnel  Léon.  » 

Le  siège  de  la  Société  reste  fixé  place  do  la  Corderie,  6,  à  la 
Fédération  du  bâtiment. 

HAMET. 

MANIFESTE 

î)u  comité  central  d'action  de  la  commune  révolutionnaire  du  Pans 
sous  là  date  du  22  septembre  1868. 

LIBERTÉ,      ÉGALITÉ,      FRATERNITÉ. 

RÉPUBLIQUE    F  R  A  N  Ç  AISE. 

G0MMU^;E   KÉVOLUÏION.NAI  RE   DL    l'ARIS. 
I 

il  Uitoveiii, 
•'  La  conscience  vivante  de  la  France,  le  peuple  de  Paris  a  parlé. 
v<  La    conscience   de  l'empire,  ou  plutôt   ce  qui  reste  de   cette 
•  morte,  la  peur  a  répondu. 


486  L'INTK  U  \  A  1'  ION  A  LE 

('  Le  glas  (Jl!  Fontainebleau  a  réiiondu  au  tocsin  de  la  commune; 
r  le  râle  du  crime,  à  la  voix  du  droit. 

«  Surpris  dans  sa  longue  impunité,  l'homme  de  décemljre  cric 
.  et  prie,  tout  prêt  à  mourir  en  hostie  pour  les  siens!  Un  pélican  1 
«  Plus  il  mourra,  plus  ils  vivront.  Race  de  chiendent  !...  Dieu  pro- 
V   lége  la  France!...  Si  Napoléon  !«••  eût  eu   la  chance  d'être  tué 

par  Mallet,  Napoléon  II  eût  régné.  Le  meurtre  du  duc  d'Enghien 

a  l'ait  régner  Henri  V  ;  et  Ciuillaume  Tell  a  l'onde  l'empire  suisse! 

«  Décidément,   les   empereurs   perdent   la     tête    comme   leurs 

l'emmcs!  (3ésar  tourne  en  Charlotte!... 

«  Pourquoi  divaguer  quand  on  a  la  raison  du  canon  ? 

«  Pourquoi  ?  —  Parce  qu'avec  tous  ses  gendarmes,  ses  confes- 
A  seurs  et  ses  avocats,  ce  pouvoir  fort  est  un  accusé.  Parce  que 
«  son  trône  est  une  sellette,  et  le  banc  de  ses  ministres,  le  banc 
«  de  la  défense  ;  parce  que  ses  conseils,  maîtres  Rouher,  Baroche 
((  et  Pinard,  plaident  en  vain  les  atténuantes  pour  un  crime  impar- 
<(  donnable,  imprescriptible,  récidivé  et  renouvelé  chaque  jour; 
t;  îîarce  que  ce  triple  assassin  est  suspect  en  Europe  et  convaincu 
!(  à  Paris,  à  Rome  et  au  Mexique  ;  parce  qu'il  sent  le  poids  de  ses 
'  plébiscites;  parce  que  son  dossier  est  plein,  sa  cause  jugée  et  son 
«  arrêt  rendu  ;  parce  que  toute  la  perversité  de  la  langue  et  de 
i(  l'Église  ue  peut  changer  l'assassin  en  victime  :  parce  qu'il  est 
«  condamné  par  la  haute-cour  ;  parce  que  le  contuniax  a  relevé 
«  lui-même  l'échafaud  pour  exécuter  la  sentence  ;  pai-ce  qu'exécuter 
.<  n'est  pas  assassiner;  parce  qu'enfin,  signes  du  temps,  après  les 
((  vieilles  exécutions  de  Charles  I^f  et  de  Louis  XVI,  celle  de  Maxi- 
«  milieu  a  rendu  tout  son  timbi^e  à  ce  mot  :  Justice. 

«  Voilà  ce  qui  le  rend  fou. 

«  L'empereur  du  2  décembre,  le  troisième  dans  la  dynastie  des 
«  coups  d'État,  craint  d'être  le  quatrième  dans  celle  du  châtiment. 
«  Le  tyran  tue  et  dort  ;  mais  le  son  des  balles  l'éveille.  Le  spectre 
c  rouo"e  du  fusillé  lui  revient.  Ses  transes  sont  ses  remords.  11 
!(  prévoit  aussi  sa  fin  et  tremble  à  l'ombre  de  son  Jjourreau.  Il  sait 
M  que  l'élu  de  la  force  n'en  est  pas  toujours  maître.  11  sent  que 
«  Paris  fera  comme  le  Mexique  de  Juarez,  l'Angleterre  de  Crom- 
«  well  et  la  France  de  Robespierre  :  Justice. 

«  Elle  sera  faite.  Nous  le  jurons. 

«  Comment?  Par  l'opposition?  Non.  Qu'est-ce  le  député  d'un 
«  peuple  esclave?  Un  esclave  assermenté...  au  lieu  de  Manuel 
«  Ollivier,  un  successeur  au  haiw. 

«  Justice  sera  faite  par  la  révolution  ,  et  la  révolution,  comme 
«  toujours,  par  le  peuple  de  Paris. 

«  Son  cri,  le  cri  du  droit,  le  nôtre,  a  troublé  le  sommeil  des  uns 
«  et  la  prudence  des  autres.  Le  courage  est  toujours  en  minorité, 
ce  Mais  c'est  assez. 


ET    1.  K    JACOBINl!i>rK.  'i37 

»i  Oui,  c'est  assez  de  vous,  étudiants  et  ouvriers,  vous  la  seienoo 
«  et  la  force,  si  comme  toujours,  vous  les  mettez  ensemble  nu  ser- 
tt  vice  du  droit. 

«  Union  et  action. 

«  Union  républicaine  et  action  révolutionnaii'e  poui-  la  Jus- 
«  tice. 

«  Vous  d'abord,  étudiants,  fils  de  la  bourgeoisie,  l'aînée  du 
«  peuple  (aînesse  oblig-e),  tous  vos  privilèges  font  appel  à  votre 
«  conscience.  Savants,  vous  êtes  responsables  de  l'erreur  de  tous  ; 
«  riches,  de  leur  misère  ;  jeunes,  de  leur  inertie.  Avoir,  savoir, 
«  pouvoir,  vous  devez  tout  cela  avi  peuple,  qui  vous  a  conquis  les 
«  biens  des  nobles  par  son  sang,  et  vous  les  a  maintenus  par  l'im- 
«  pôt.  Souvenez-vous  du  milliard!  Payez  votive  dette.  Traître  qui 
«  la  renie  ou  l'ajourne  !  Traître  qui  met  ses  plaisirs,  ses  études 
t  même  avant  son  devoir  1  La  liberté  n'est  pas  plus  une  grisette 
«  qu'une  comtesse.  Traître  et  complice  qui  sauve  le  crime  en  tirant 
«  sur  ses  vengeurs  !  Fin  à  cette  panique  devant  un  soliveau;  halte 
«  à  cette  déroute  qui  dure  depuis  la  nuit  de  décembre  ;  trêve  aux 
«  querelles  qui  nous  divisent  et  nous  paralysent  depuis  vingt  ans. 
«  Reprenons  l'histoire  de  France  et  quittons  celle  d'Haïti,  Insister 
«  serait  vous  insulter.  Étudiants,  justice. 

«  Justice,  ouvriers,  vous  surtout,  payeurs  d'indemnités,  de  rentes, 
«  de  taxes  et  d'usures  de  toute  sorte.  Qui  plus  que  vous  a  besoin 
«  de  justice?  La  justice  est  votre  droit  comme  le  travail  votre 
«  devoir.  Si  vos  mains  sont  calleuses,  votre  conscience  ne  l'est  pas. 
«  La  noblesse  est  morte;  la  bourgeoisie  se  meurt.  Le  peuple  vit. 
«  L'égoïsme  et  l'oisiveté  ne  l'ont  pas  gangrené.  La  vie,  la  sève, 
«  le  sentiment  du  droit,  du  devoir,  la  passion,  l'action  sont  là.  Le 
«  courage  et  le  dévouement  ne  sont  plus  que  là.  Le  passé  à  ces 
«  deux  aristocrates,  la  guerre  et  le  vol;  le  dix-neuvième  siècle  au 
«  peuple  !  Le  peuple  a  repris  en  48  la  question  du  Tiers  :  Qu'est-ce 
«  que  le  peuple?  Rien.  Que  doit-il  être  ?  Tout.  Pourquoi?  Pai'ce 
«  qu'il  travaille.  Lui  seul  s'affirme  aujourd'hui  dans  les  deux 
«  mondes.  En  Amérique,  qu'est-ce  que  Lincoln?  Un  ouvrier. 
«  Juarez?  Ouvrier.  En  Europe,  Bérézouski,  Allen,  Pianori,  Barrett, 
«  Milauo,  Piéri  ?  Tous  ouvriers.  Un  nom  français  manque  à  cette 
«  liste  de  héros  et  de  martyrs  du  droit.  Ouvriers  de  Paris,  vous, 
«  la  vraie  puissance,  vous  les  nerfs  et  les  muscles  de  la  révolution, 
«  vous  la  force  du  droit  et  le  bras  même  de  la  justice ,  à  votre 
«  tour!  Vous  avez  assez  reposé;  l'œuvre  ne  peut  se  faire  sans 
«  vous.  Ouvriers,  justice. 

«  Justice,  une  dernière  fois  pour  toutes,  contre  l'Empire  qui  a 
a  refait  tout  ce  que  le  peuple  avait  détruit. 

«  En  89,  le  peuple  avait  détruit  la  noblesse  ;  l'Empire  a  l'efait  le 
«  duc  de  Persig'nv, 


.',38  1,'IN  ri:  Il  NATION  ALK 

«  Eu  1830,  lo  pouplo  avait  ohnssé  Iob  jôsuites  ;  rKmpiro  n  rétabli 
Pie  IX. 

«  En  AS,  le  peuple  avait  détruit  Ir  macairismp  ;  TRinpirn  l'a  re- 
«  monté  sui'  huit  emprunts. 

«  Et  (le  plus,  le  tout  couronné  par  le  soldat. 

<.(  Après  trois  révolutions  au  nom  do  la  liberté,  vous  avez  un  li- 
«  vret;  au  nom  de  l'égalité,  un  maître  ;  au  nom  do  la  fraternité,  la 
«  guerre  !  Yotro  tribune  est  prégidéo  par  le  serment  ;  votre  presse 
«  corrigée  par  l'amende;  vos  réunions  terminées  par  le  chassepol. 
«  Vos  écrivains  et  vos  orateurs  sont  eu  prison  ou  en  exil.  Ceux 
c  qui  les  condamnent  sont  pensionnés,  ceux  ([ui  les  insultent,  dé- 
«  corés.  Pas  un  abus  qui  n'ait  repoussé  double  et  triple  comme  la 
«  dette  et  le  budget.  Et  pour  les  deux  milliards  que  vous  payez  l'an, 
«  pour  prix  de  votre  souveraineté  même,  vous  êtes  affamés  et  avilis. 
«  On  vous  tend  le  plat  d'Esaû,  moins  les  lentilles  ;  l'écuelle  de 
«  l'aumône,  ni  pleine  ni  propre.  J/enfant  de  France  bave  dedans  ! 
u  Fils  du  travail ,  justice  ! 

«  Et  vous,  pauvres  soldats,  sortis  de  ce  peuple  pour  y  rentrer, 
«  faut-il  aussi  vous  crier  ce  mot  que  vous  ne  comprenez  plus?  Vous 
tt  qui  avez  en  dépôt  l'honneur  et  l'intégrité  du  sol,  en  garde  le  corps 
«  sacré  de  la  patrie,  allez  donc  au  Rhin  pour  revenir  à  la  Loire  1 
«  Votre  conscience  c'est  le  tambour!  Insensés  !  suivez  ce  Marlbrough 
«  dans  ses  guerres  de  casse-cou!  La  France  n'a  pas  perdu  assez 
«  d'hommes  déjà  !  Pour  votre  peijie  et  la  nôtre,  sevvez-le  dans  son 
«  coup  d'État  au  dehors  comme  au  dedans  !  Si  la  gloire  de  Ma- 
ie rengo  et  d'Austerlitz  a  fini  ù  Leipsick  et  à  Waterloo  ,  où  finira 
«  celle  de  Mentana  et  de  Mexico  ?  Désertez  donc  la  justice  pour  le 
«  prestige,  la  liberté  pour  la  discipline!  Chair  à  canon,  allez  refaire 
«  les  aigles  !  Que  deux  peuples  s'entretuent  pour  la  santé  de  deux 
«  tyrans  malades  !  Vainqueurs  et  vaincus,  le  prix  de  votre  sang 
«  sera  la  chiourme  universelle  ! 

«  Quoi  !  dans  tous  leurs  chefs  pas  un  qui  leur  dira  :  Soldats,  une 
«  goutte  de  sang  en  épargnera  un  lleuve!  Si  Mallet  eût  réussi, 
«  nous  évitions  deux  invasions  !  Nous  allons  à  la  troisième.  L'Em- 
«  pire  a  perdu  le  Rhin  et  ne  le  reprendra  pas.  Le  peuple  qui  ne 
«  défend  pas  sa  liberté  ne  garde  pas  sa  frontière  !  La  patrie  avant 
«  l'Empereur!  Que  notre  première  balle  soit  pour  le  Prussien  du 
a  Louvre  ! 

«  Il  y  en  a,  nous  le  savons,  qui  sacrifieraient  volontiers  leur 
'(  grade  comme  leur  vie  à  la  France  ! 

«  Mais  la  justice  })rivée  serait  une  lâcheté  publitiue.  Le  peuple 
«  ne  doit  confier  à  personne  le  soin  de  faire  sa  tâche.  Il  doit  se 
«  délivrer  de  l'Empereur  en  se  délivrant  de  l'Empire.  Il  est  respou'^ 
«  sable  aussi  du  crime  pour  l'avoir  pex'mis  ;  et  il  doit  l'expier  en 
«  courant  le  risque  de  le  punir.  Car,  malgré  les  clameurs,  nous  ne 


ET    LK    JAGOBINlJiMK,  439 

«  prenons  pas  le  ehan^qe  et  ne  nions  pas  le  droit.  U  s'agit  fie  punir; 
«  il  s'agit  de  Justice,  aujourd'hui,  comme  il  y  a  soixante-seize  ans! 

«  Citoyens,  le  22  septembre  1792,  après  dix  siècles  d'iniquités, 
«  le  soleil  entrait  dans  le  signe  de  la  Balance,  symbole  du  droit,  la 
«  France  entrait  en  républicfue,  gouvernement  de  la  justice. 

«  Le  21  janvier  suivant,  justice  était  faite  ! 

«  Alors,  comme  aujourd'hui,  la  patrie  était  en  danger,  les  Prus- 
«  siens  étaient  à  Verdun,  Mais  la  Convention  était  aux  Tuileries  : 
a  et  le  21  janvier  93,  il  n'y  avait  plus  ni  roi  ni  Prussien  on  France, 
«  Le  roi  était  perdu  et  la  France  sauvée. 

«  La  justice  fit  le  salut  ! 

«  Le  21  juin  1M15,  le  surlendemain  de  Waterloo,  l'empereur  était 
«  aux  Tuileries  et  les  Prussiens  en  France  !  L'Empereur  était 
«  sauvé  et  la  France  perdue  ! 

(c  La  servitude  fit  la  ruine  ! 

«  C'est  de  l'histoire!  choisissons. 

«  Français  de  68,  fils  de  92,  s'il  nous  reste  un  peu  de  sang  de  nos 
«  pères  dans  le  cœur,  faisons  comme  eux  :  justice  et  salut.  Mêmes 
«  ennemis  au  dehors  et  au  dedans.  Les  Bonapartes  sont  pires  même 
't  que  les  Bourbons.  Nous  n'avions  pas  donné  à  garder  aux  Bour- 
«  bons  la  république  que  les  Gains  ont  tuée. 

«  La  république,  citoyens,  la  république  de  92,  voilà  le  vrai  gou- 
a  vernement  du  pays  par  le  pays,  non  pas  le  pays-Thiers,  le  pays- 
"  Bei'ryer,  le  pays-Falloux,  le  pays-Cassagnac  ;  mais  le  pays  régi 
«  par  la  justice,  par  le  droit,  par  le  peuple.  C'est  le  seul  gouver- 
«  nement  qui  ait  été  vraiment  national,  vraiment  français,  ni 
«  anglais,  ni  romain,  ni  nègre,  ni  pastiche,  ni  postiche,  le  fruit 
(c  naturel  et  vivant  de  la  démocratie  française,  sorti  du  sein  même 
«  delà  révolution,  pour  sauver  la  France  du  roi  et  de  Brunswick. 
«  Bevenons  à  la  république  pour  sauver  la  France  de  l'Empereur 
«  et   de  Bismark. 

a  II  n'y  a  plus  qu'un  gouvernement  possible,  la  république  !  qu'un 
«  parti  possible,  la  France  !  A  bas  l'autocrate  !  à  bas  l'étranger  ! 
«  plus  d'empereur  ni  pape  !  plus  d'Italiens.  Ils  nous  mènent  encore 
0  comme  au  temps  de  Machiavel.  C'est  l'Italie  qui  nous  occupe. 
((  Pour  un  zouave  que  nous  avons  à  Bome,  elle  a  dix  prêtres  dans 
«  chaque  bourg  de  France  ,  nous  tenant  au  temporel  comme  au 
'(  spirituel.  L'Italie  nous  a  donné  la  Médicis  et  la  Saint-Barthé- 
^(  lemy  ;  puis  le  Mazarin  et  son  roi  des  dragonnades  ;  enfin  les 
«  Bonapartes  et  les  deux  coups  d'Etat!  Assez  de  monstres  exotiques, 
«  assez  de  maîtres  imposés  par  les  Cosaques  du  Don  et  du  Tibre. 
«  Soyons  nous-mêmeset  non  peuple  d'ultramontains  avec  une  ci'oix 
«  au  collier  !  Beprenons  notre  nature,  notre  allure  ,  notre  droiture 
«  originale.  Ne  laissons  pas  plus  longtemps  la  grande  nation  à  la 
«  merci  du  dernier  des  Corses.  Ne  laissons  plus  au  bandit  le  mo- 


'.  W  1  /  I N  T  !•:  1^  N  A  T  1  (  )  \  A  L  K 

u  nopolo  (lu  iilomb  !  Ne  faisons  pas  mentir  davantage  l'oracle  de 
«  Fontainebleau  :  «  Ceux  qui  trempent  leurs  mains  dans  le  sang 
-<  ne  profilent  jamais  de  leurcrime.  »  Justice  donc  pleine  et  entière 

l)our  lui  et  les  siens  sans  exception. 

«Depuis  le  "1^  septembre  02,  il  n'y  a  plus  d'enfants  de  France! 
«  aucun  reconnu  par  la  mère;  tous  perdus  à  l'élranger!  L'enfant  de 
«  Louis  XVI  n'a  pas  régné  ;  l'enfant  de  Napoléon  l*"'  n'a  pas  régné  ; 
«  l'enfant  de  Charles  X  n'a  pas  régné  ;  les  enfants  de  Louis-Philippe 
«  n'ont  pas  régné.  Et  le  fils  du  plus  criminel  et  du  moins  légitime, 
«  ce  métis  d'Espagne  et  d'on  ne  sait  quoi,  Hollande  ou  Corse, 
«  échapperait  ù  la  loi  ?  Non,  la  Finance  n'est  pas  encore  tout  à  fait 
«  la  Servie  !  Justice  jusqu'à  la  dernière  génération  de  la  sainte- 
ce  famille,  fils,  neveux  et  cousins,  astres  de  première  ou  troisième 
«  grandeur,  fixes  ou  errants,  en  conjonction  ou  en  opposition,  en 
«  recherche  ou  en  attente  du  trône.  Eclipse  totale  de  l'empirée! 
«  tlustice  complète,  sans  appel  ni  grâce,  de  ce  trône  adossé  à  Ve- 
rt chafaud,  de  ce  sénat  conservateur  des  deux;  de  ces  revenants  et 
«  de  ces  moribonds  qui  ont  les  pieds  dans  la  tombe  et  les  mains 
'!  dans  nos  poches  !  ne  renvoyons  pas  à  1892  les  balances  de  la 
»  justice!  Ne  remettons  pas  aux  collégiens  l'honneur  de  nous 
«venger.  I^e  temps  presse.  Votons,  soit!  Mais  nageons  toujoui^s. 
«  Armons  le  vote  !  N'ayons  qu'un  bulletin  :  justice!  qu'un  candidat  : 
«  révolution!  qu'un  serment  :  liberté!  qu'une  tactique  :  l'audace! 
«  l'audace  qui  a  pris  châteaux  et  bastilles  ;  qui  a  fait  et  refera  les 
«  miracles  de  Danton  ;  l'audace,  qui  a  rendu  et  rendra  la  force  au 
«  droit,  la  peine  au  crime  ;  qui  remettra  chaque  chose  à  sa  place, 
«  la  France  à  elle-même,  les  Prussiens  en  Prusse,  la  Raison  à 
«  Notre-Dame,  la  Commune  à  l'Hôtel-de-Ville,  la  Convention  aux 
«  Tuileries  et  le  tyran  à  la  place  de  la  Révolution.  —  Vive  la  répu- 
«  blique  démocratique  et  sociale  universelle. 

«  Paris,  22  septembre  1868. 

«  LE  coiirn':  centhai.   d'action.  » 


FIN. 


TABLE    DES    MATIERES. 


i'RKIWCF:. 


'afics 


CHAPITRE  PREMIER 

L'JnlPrnaliiinnlp  s'orrnpe-l-fille   île  politique  ? 1-66 

CHAPITRE  H 

I 

Le  plébiscile  du  mois  Je  mai  1S"0.  —  Réunions  plùbiscilaires.  — 
Discours  de  Varlin  et  de  Combault.  —  Attitude  de  rinlenialionale. 
—  Manifestes  de  la  fédération  parisienne,  de  la  Inanche  fran- 
çaise de  Londres,  du  comité  républicain  socialiste  de  Marseille..        67-70 

II 

Poursuites  contre  l'Internationale.  —  Dépècbes  du  ministre  de  la 
justice  à  tous  les  procureurs  généraux.  Ses  chefs  sont  arrêtés  à 
Paris,  Lyon,  Neuville  (Rhône),  Saint-Etienne,  Rouen,  Marseille, 
Brest,  Saint-Quentin,  Reims,  etc.  —  Protestations  du  conseil  gé- 
néral de  Londres,  des  sections  belges  et  françaises  contre  ces 
arrestations  et  contre  la  découverte  du  prétendu  complot 80-90 

CHAPITRE    III 

I 

f^e  complot  des  bombes.  —  Participation  de  l'Internationale.  —  Rap- 
port du  procureur  général  Grandperret.  —  Lettre  du  soldat 
Vanel  au  ciloven  .\lbevt  Richard,  de  L\on 97-99 


!ik'-l  TARI,  F.     \)V.^     MATIi;i'.ES. 

II 


Pages. 


Résultat  des  poursuites  dirigées  contre  l'Internationale.  —  Désigna- 
tion des  individus  poursuivis.  —  Compte  rendu  des  débats.  — 
Nature  diver.se  des  inculpations.  —  Peines  appliquées.  —  Texte 
des  jugements  prononcés.  —Ordonnances  de  non-lieu 100-128 

CHAPITRE    IV 

Dictionnaires  et  alphabets  secrets    à  l'usage  des  affiliés 1:29-1.">6 

CHAPITRE  V 

1 

Les  grèves.  —  Grève  des  tuiliers,  plâtriers-peintres  et  ouvriers  en 
bâtiment  de  Genève.  —  Attitude  de  l'Internationale.  —  Le  rnloyen 
Grosselin  el  l'assemblée  populaire  du  7  juin  1870.  —  Trouliles  de 
Verviers.  —  Protestation   de  la  section  verviétoise lvS7-168 

II 

Situation  des  sections  françaises  après  les  arrestations  du  mois  de 
mai.  —  Agissements  de  la  fédération  lyonnaise.  —  Compte  rendu 
de  ses  séances.  —  Albert  Richard  se  réfugie  à  Neuchàtel.  —  La 
fédération  parisienne  et  la  statistique  du  travail.  —  Circulaire  à 
tous  les  correspondants 168-182 

CHAPITRE  VI 

I 

Les  agissements  du  conseil  général.  —  Désignation  d'un  nouveau 
lieu  de  réunion  pour  le  prochain  congrès.  —  Résolutions  prises 
par  le  conseil  général  au  sujet  du  siège  du  comité  fédéral  ro- 
mand. —  Programme  du  cinquième  congrès 183-186 


II 


La  déclaration  de  guerre  el  l'attitude  de  l'Iiiternalionale.  —  Ma- 
nifeste du  conseil  général  et  des  sections,  —Meetings  el  réunions 
populaires 186-202 


TAHLI-:     \)E>     MATIKRES.  443 


CHAPITRE  VI [ 

Pa?es 
Les  premières  tentatives  de  la  démagogie.  —  Troubles  à  Lyon  ei  à 
Jlarseille.  —  Pillage  d'armes  à  Saint-Etienne.  —  Affaire  des  pom- 
piers de  La  Villelle.  —  Agitation  à  Cosne  et  au  Creuzot 203-?.!  1 

CHAPITRE  VÎII 

Le  4  septembre.  —  Les  comités  de  salut  public,  de  sûreté  générale, 
du  salut  de  la  France  et  le  comité  central  fédératif  à  Lyon.  — 
Leur  composition,  —  Leurs  attributions.  —  Leurs  exploits. — 
La  police  lyonnaise  aux  mains  de  l'Internationale.  —  Chol, 
commissaire   central.  —  Officiers    de  paix   et  gardes  urbains. . .     212-218 


APPENDICE. 

L'Internationale  à  Castelnaudary 21S 

—  à  FuvEAU  (Bouches-du-Rhône) 219 

—  à  CoNDÉ-suR-NoiREAu  (Calvados) 222 

—  à  ViEXXE  (Isère) 22,*? 

—  à  Amiens 223 

—  à  Neuchateau 228 

—  à  Ghollet  (Maine-et-Loire) 228 

—  à  LisiEux  (Calvados) 228 

—  à  Caen 229 

=             à  Neuville-sur-Saône  (Rhône) 229 

—  à  Flei'rieu-si:r-Saône  (Rhône) 230 

—  à  Tournon  (Ardèche) 230 

—  à  Roubaix 232 

ANNEXES. 

PIÈCES  ET  DOCUMENTS  JUSTIFICATIFS. 

Pièce   A.  —  Ligue  internationale  du  désarmenent 237 

—  Protestation  du    bureau    de   Paris    contre    la    guerre 

(a\Til  1 867) 239 

—  —            des   sections  de  Lyon,  Vienne,  Neuville  et 
Fleurieu-sur-Saône  (Rhône) 240 


Wt  TAHLI']     HKS     M  ATI  i:  RE  i^. 

IMKPS. 

Piiicp   \\.  —  (lonvoralioii    iln    nieelinj;    révoliilionnaire   du   2i    (é- 

M-icr  18(J8  )iar  la  branche  française  de  Londres.,..  -2ii) 

PiiVe   (;.  —  Proleslation  du  gronpe  genevois  contre   les  jugemenls 

des  deux  premières  commissions  du  bureau  de  Paris.  241 

Pitce  D.  —  Les  réunions  publiques  de  18G9  appréciées  par  les  In- 
ternalionanx.  —  Le  résultai  des  élections  générales 
de  1869  à  Paris  el  à  Lyon  juf.'é  par  l'Internationale.     2i2-!2.')0 

Pièce  E.  —  Les  petites  injures  de  ces  messieurs. —  Incident  Tolain, 

Vésinier,   Fribourg  el  autres '2?)0-"2."»2 

Pièce  F.  —  Candidature  d'Éuiile  Auhry.  —  Programme  des  comilés 
corporatifs  de  Rouen.  —Manifeste  électoral  du  cercle 
d'études  économiques  de  l'arrondissement  de  Rouen. 
Profession  de  foi  d'Emile  Aubry 253-262 

Pièce  G.  —  Le  Sucialisme,  élude  par  Albert  Richard 263-273 

Pièce   H.  —  Proleslation    des   délégués    des   sociétés   ouvrières    de 

Paris  contre  le  massacre  d'Aubin  (octobre  1869) 27i 

Pièce    I.  —  Programme  delà  future  république  démocratique  et  so- 
ciale, arrêté,  à  Paris,  au  mois  de  janvier  1870 27o 

Pi.'.ce  j,  —  Manifeste  des  femmes  lyonnaises  adhérentes  à  l'Inter- 
nationale, pour  engager  les  jeunes  gens  de  la  classe 
de  1870  à  refuser  le  service  militaire 277 

Pièce  K.  —  Compte  rendu  du  meeting  tenu,  à  Londres,  le  24  fé- 
vrier 1870,  par  la  branche  française  pour  célébrer 
le  22<5  anniversaire  de  la  proclamation  de  la  Répu- 
bftque 279 

Pièce  L.  —  Lettre  de  Dupont  à  Combault,  l'informant  qu'il  a  rem- 
pli la  mission  dont  il  l'avait  cliargé  auprès  de  Bes- 
son  et  YèliK  Pyat  (janvier  \  1870) 280 

Pièce  M.  —  Adresse  du  citoyen  Cluseret  aux  travailleurs  américains 
pour  leur  notifier  sa  nomination  au  poste  de  repré- 
sentant de  la  chambre  fédérale  parisienne  en  Amé- 
rique    281 

Pièce  N.  —  Manifeste  de  la  fédération  lyonnaise  au  sujet  du  plé- 
biscite   283 

Pièce   0.  —  Les  dépêches  du  ministre  Ollivier  lors  des  poursuites 

dirigées  contre  l'Internationale  (avril  et  mai  1870). ..  284 

Pièce  P.  —  Adhésion  à  rinlernafionale  des  ferblantiers  et  des  tour- 
neurs sur  métaux  en  signe  île  protestation  contre  les 
poursuites  dont  l'Internationale  était  l'objet 287 


TABLE     DES    MATIERES.  445 

Pages 
Pièce  (j.  —  l'rolestalions  des  ciloyennes   l'aul    Minck,   André  Léo 
et  du   citoyen  Dauthier    contre  les  arrestations    des 
nicnabres   de  l'Internationale 288-291 

Pièce  K.  —  Les  poursuites  contre  l'Internationale,  appréciées  par 
l' Internationale,  de  Bruxelles,  l'Egalité,  de  Genève, 
et  le  Réveil,  de  Paris 'i91-li96 

Pièce  S.  —  Les  déclarations  du  Journal  officiel  au  sujet  des  com- 
plots fabriqués  par  la  police  impériale  (octobre  1870).  :296 

Pièce   T.  —  Rapport   adressé   à    l'Empereur    sur    le  complot   des 

bombes  et  les  menées  du  parti  révolutionnaire 297 

Pièce  U.  —  Poursuites  contre  l'Internationale  —  Jugements  pronon- 
cés par  les  tribunaux  de  Saint-Quentin,  de  Paris, 
de  Brest,  de  Rouen 313-333 

Pièce  V.  —  Lettre  d'Huart  et  de  Sauvageot  sur  les  progrès  de  l'In- 
ternationale à  Reims,  Saint-Quentin,  Rethel,  Boult- 
sur-Suippe  et  autres  centres  ouvriers.  —  Documents 
divers  relatifs  à  la  situation  de  l'Internationale  dans 
ces  contrées .333-34  î 

Pièce  X.  —  Protestation  des  Internationaux  stéphanois  contre  la 
condamnation  de  leurs  frères  de  Paris  (24  juil- 
let 1870) , . , 342 

Pièce  Y.  —  Documents  relatifs  à  la  section  de  Brest.  —  Statuts  de 
la  section  de  Brest.  —  Lettres  diverses  écrites  par 
Ledoré,  secrétaire  de  la  section  de  Brest,  à  Pindy, 
Malon  et  Combault,  de  Paris. j4o-349 

Pièce  Z.  —  Lettre  écrite  à  Varlin,  le  fer  avril  1870,  par  la  chambre 
syndicale  des  employés  de  commerce  de  Dijon  à  l'ef- 
fet de  se  faire  affilier  à  l'InternatioïKile 349 

Pièce  W.  —  Documents  relatifs  à  la  fédération  marseillaise.  —  l)é- 
claration  de  la  chambre  syndicale  des  matelots  fran- 
çais du  port  de  Marseille.  —  Correspondances  éclian- 
gées  entre  Bastelica  et  Murât.  --  Mandat  impératil 
remis  à  Bastelica  et  à  Pacini,  délégués  de  la  fédéra- 
lion  marseillaise  à  la  réunion  générale  tenue,  à  Lyon, 
le  43  mars  1870 350-336 

Pièce  a.    ~  Documents  relatifs  à  la  fédération  rouennaise 357 

Pièce  b.   ~  Documents  relatifs  à  la  situation  de  l'Internationale  à 

Besan(;on 358 

Pièce  c.   —  Proclamations    et    manifestes   des  ouvriers  tuilier:?   de 

Genève  lors  de  leur  .trrèvc  au  mois  d'avril  1870 361 


•Ur.  TABLE     DES     M  A  11  EUE  S. 

rages, 
i'iccc   d.  —  i'ruclajiiulions    el   iiKuiifestos    dus    oiiviicis    [tlàlriers- 

pein  Ues 36  i 

Pièce   c.  —  Docuuienls  relatifs  à  la  i.aèvo  des  ouvriers  du  Mliment 

ù  Genève  (juin  1870) 366-380 

Pièce  /.  —  Lettres  du  correspondant  de  la  commission  l'édérale 
lyonnaise  à  Guillaume,  de  NcucliAlol,  sur  la  situation 
de  la  section  après  les  poursuites  dirifc'cos  contre  ses 
membres.  —  Documents  divers  sur  l'activité  déplojée 
par  les  inembres  de   la  fédération  lyonnaise 380-38-4 

l'iére  y.  —  Lettre  écrite  de  Neucliâtel,  àPalix  de  Lyon  par  Albert 
Richard,  pour  lui  expliquer  les  motifs  qui  l'ont  dé- 
terminé à  se  retirer  à  l'étranger 38  i 

Pièce   II.  ■—  Programme    du   parti    prolétaire   démocratique    social 

allemand 385 

Pièce    i.  —  La  propagande  dans  les  campagnes  et  le  résultat  du 

plébiscite  (Extrait  de  l'égalité  du  28  mai  1870) 387 

Pièce  j.  —  Proclamation  de  la  commune  de  Lyon  ordonnant  le 
maintien  du  drapeau  rouge  «  comme  signe  de  la  pa- 
irie en  danger .  » * 389 

Pièce  k.   —  Proclamation  du  comité  provisoire  de  salut  public  de 

Lyon  (4  septembre  1870). .   390 

Pièce    /.    —  Documents  généraux  relatifs  aux  sections  parisiennes. 

—  Avis  de  création  de  nouvelles  sections.  —  Déclara- 
tion des  sections  parisiennes  au  sujet  du  jugement 
d'Autun  et  de  la  grève  des  ouvriers  bouilleurs  de 
Waldenbourg  (Allemagne).  —  Lettre  de  Dupont  in- 
timant aux  correspondants  parisiens  de  ne  pas  ac- 
cepter de  faire  partie  avec  Vésinier  du  jury  Vermorel. 

—  Autre  lettre  de  Dupont  à  Gombault.  —  Programme 

du  Socialiste,  organe  de  la  fédération  parisienne. . .     390-399 

Pièce  m.  —  Les  explications  du  citoyen  Richard  au  sujet  des  pour- 
suites dirigées  contre  l'Internationale  (Progrès  de 
Lyon,  3  juin  1870) - -400 

Pièce  n.  —  Mandat  rerais  au  citoyen  Richard,  de  Lyon,  membre 
fondateur  de  l'Alliance,  pour  faire  de  la  propagande 
en  faveur  de  cette  section 402 

Pièce    0.  —  Bulletin  du  mouvement  social.  —  Situation  du  proléta- 

uial  à  Limoges i03 

Pièce  p.  —  Protestation  de  la  section  LUepiianoi.se  contre  les  agis- 
sements de  certains  internationaux  lyonnais -405 


TABLE    DES     MATIERES.  447 

l'ciges. 
Pièce    r.  —  La  justice  de  rinlcrnatioiialc.   —  Jugeinenl   rcaiju    en 
J'aveur  d'Albert  Ricliaid  par  le  jury  d'honneur  Bakou- 
nine  et  autres 40S 

Pièce    s.  —  Documents  relatifs  aux  fédérations  espagnoles 410 

Pièce    t.  —  Documents  relatifs  au  Creuzol , ,  -413 

Pièce  M,  —  Collection  de  documents  généraux  sur  le  but  et  les  agis- 
sements de  l'Internationale.  —  Discours  prononcés 
par  Bakounine  et  Albert  Richard,  —  Adresse  de  la 
section  russe,  de  Genève,  à  la  rédaction  de  la  Mar- 
seillaise (mai  1870).  —  Lettres  écrites  à  Varlin  par 
Chémalé,  de  Paris,  et  Eugène  Weiss,  de  Mulhouse. 
—  Décisions  du  conseil  général  de  Londres  au  sujet 
du  siège  de  la  fédération  romande.  —  Règlement  gé- 
néral des  grèves illj-i'-lo 

Pièce    V.  —  Déclaration  de  la  fédération  lyonnaise  lors  de  la  con- 
damnation des  grévistes  du  Greuzot -i"i4 

Pièce  X,  —  Manifeste  du  comité  électoral  ouvrier  de  Rouen  (juin 

1870) iU 

Pièce  y.  —  Lettre  des  ouvriers  fondeurs  de  Vienne  (Isère)  au  jour- 
nal le  Progrès,  de  Lyon  (27  juin  1870) i'"26 

Pièce  z.  —  La    défaite    de    la    bourgeoisie   {Egalité    de    Genève, 

13  août  1870) 4-27 

Pièce  10.  —  Protestations  diverses  des  internationaux  lyonnais.  -- 

Lettre  de  Ghol  (juillet  1870) ».  430 

Adhésion  à  l'Internationale  des  ouvriers  tisseurs  de  Tarare  (Rhône).  434 

Manifeste  N"  1  du  comité  central  d'action  de  la  commune  révolu- 
tionnaire de  Paris  (22  septembre  1868).', 435 


FIN. 


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Clicuy.  —  Iinp.  l'A Lx  Dupont  et  Cie,  rue  du  Bac-d'Asnières,  \: 


4 


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